Profitez-en, après celui là c'est fini

Nollywood

mars 22nd, 2009 Posted in archétype, Au cinéma, Images

Le troisième plus important lieu de production cinématographique au monde (et le tout premier en Afrique) est le Nigeria. Environ 200 films destinés au marché de la vidéo y sont réalisés chaque mois. On nomme souvent cette industrie Nollywood (après Hollywood, Bollywood et Kollywood).

Le photographe sud-africain Pieter Hugo (à qui on doit une extraordinaire série consacrée aux Hyènes, intitulée The Hyena & other men) s’est penché sur le sujet et en a tiré de très belles images. Ce qui me semble passionnant dans ces images c’est qu’elles touchent à l’imaginaire collectif du spectateur occidental du journal télévisé que je suis. En effet, au premier coup d’œil, on ne voit pas des tournages de films de sorcellerie, les clichés invoqués sont ceux des guerres ethniques ou tribales, où l’on se massacre à coup de machette, où la vie humaine semble peu de choses, où les problèmes semblent venir du fond des âges et semblent ne jamais pouvoir se régler1.

Ici, manifestement, il y a une distance face à la violence et de l’horreur, il y a l’existence d’un imaginaire et d’une fantaisie, et pour le coup c’est le spectateur occidental du journal télévisé (moi, quoi) qui se retrouve confronté à ses propres (mauvais) réflexes vis à vis de la représentation de l’Afrique subsaharienne, que l’on croit uniquement préoccupée par des questions de survie.

Ces images résonnent fortement avec une polémique qui a secoué le monde du jeu vidéo récemment2. L’éditeur japonais Capcom s’est vu accuser de racisme pour avoir situé l’action du jeu de « survival horror » Resident Evil 5 en Afrique. Dans Resident Evil, le joueur est aux prises avec des zombies infectés par un virus artificiel originellement destiné à des fins militaires. Dans ce cinquième épisode, tous les zombies sont des africains noirs tandis que le héros est un américain blanc.

Les films nigérians fournissent des milliers d’emplois et sont financés localement, par des entrepreneurs privés mais aussi par des organisations religieuses chrétiennes évangélistes ou musulmanes qui se servent du cinéma comme instrument de prosélytisme. Cette industrie, qui n’a que quinze ans, a énormément profité du cinéma numérique, autant pour la production (caméra DV) que pour sa diffusion (support DVD). Les films sont typiquement réalisés en une semaine pour quelques milliers de dollars, un peu comme à l’époque héroïque du cinéma muet où Max Linder, Charles Chaplin, Louis Feuillade et d’autres enchainaîent les tournages courts de qualité extrèmement variable. Les thèmes sont apparemment très variés : comédies, films romantiques, thèmes sociaux contemporains, films religieux, thrillers policiers ou encore histoires de sorcellerie. 

On peut voir toutes les images de l’expositon sur le site de la galerie Michael Stevenson, dans la ville du Cap.
(merci Appollo pour cette découverte du dimanche matin)

  1. On se rappelle du discours de Nicolas Sarkozy/Henri Guaino à Dakar en juiller 2007 : Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire… Jamais il ne lui vient à l’idée de sortir de la répétition pour s’inventer un destin. Caricatural, navrant et insultant, ce discours n’en est pas moins une expression assez pure de la vision condescendante que nous pouvons tous avoir du continent africain en ne le connaissant que par l’intermédiaire du téléviseur.  []
  2. cf. l’interview de Masachika Kawata dans Amusement 4 []

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