Jeu et création
juin 11th, 2009 Posted in Images, InteractivitéJe ne suis pas très attentif à l’actualité du jeu vidéo, je ne connais pas les titres qui sortent dans le commerce, mes consoles sont plus « chant du cygne » que « dernier cri », tout ça ne m’intéresse que de très très loin et de manière théorique.
Il faut dire que, par expérience, je me méfie un peu du jeu vidéo et du temps qu’on peut y consacrer malgré soi, mais ce n’est pas l’unique raison de mon peu d’intérêt pour l’actualité de ce domaine. Depuis des années, depuis la sortie de Sim City (1989) et de Doom (1993) peut-être1, j’ai l’impression que tous les jeux sont identiques, qu’il y a une course aux performances visuelles doublée d’une amélioration constante de la jouabilité, mais au fond assez peu d’invention véritable. Chaque nouveauté m’apparait comme la conséquence logique des innovations précédentes et de l’augmentation de la puissance des consoles. Au contraire, il me semble qu’il a existé une époque où chaque nouveau jeu vidéo sorti dans le commerce modifiait complètement les frontières du genre : Pong, Breakout, Space Invaders, Asteroids, Scramble, Pac Man, les Game & Watch, Joust, Tétris, Sim City, Crystal Castle, Populous, Day of the Tentacle, Phantasmagoria, Alone in the Dark, Myst, Zelda, etc2.
J’ai bien évidemment tort.
Il s’est produit et il continue de se produire des jeux de très grande qualité, novateurs d’un point de vue graphique (Zelda Wind Waker par exemple, m’a tapé dans l’œil), scénaristique, interactif, et même marketing, puisque les jeux ont conquis des marchés très divers tels que les petits enfants, les adolescents qui veulent grandir vite, les jeunes adultes qui veulent rester adolescents, les adultes tout court, les mamans, les seniors, les papas, enfin tout le monde, quoi3, et plus uniquement les gamins de quatorze ans, qui constituaient une niche pour le moins restreinte. J’ai l’impression qu’il se mène par ailleurs une course un peu facile aux thèmes «adultes» (mot qui dans ce contexte signifie en fait «adolescents»), avec détails gore en-veux-tu-en-voilà et amoralité défoulatoire : on se met dans la peau d’un tueur à gage, d’un proxénète, etc. Cela n’a rien de très neuf ceci dit, les termes du débat n’ont pas tellement changé depuis Wolfenstein 3D, au début des années 1990, la différence étant que l’on en parle à présent dans Le Parisien et sur TF1.
Le dernier salon E3 (Electronic Entertainement Expo), qui s’est tenu la semaine dernière à Los Angeles, prouve tout de même que le domaine du jeu vidéo industriel est à la recherche de nouvelles pistes créatives, notamment dans le domaine de la captation de données, qui, il faut le rappeler, est exploré depuis des années par les artistes en nouveaux médias. Nintendo s’intéresse à l’état de santé de ses clients avec un capteur de pression artérielle et après son pèse-personne Wiifit (bientôt, votre Wii sera votre médecin généraliste ?) ; Sony et Microsoft, qui réagissent par la surenchère à la Wiimote de Nintendo, se penchent quand à eux sur la suppression progressive ou totale de la mannette de jeu. Avec le projet Natal (Microsoft), la console reconnaît les joueurs et interprète leurs mouvements, tandis que l’Eye Toy de Sony et son contrôleur interactif permettent la création de jeux en réalité augmentée.
La captation de mouvements n’est pas la seule piste explorée puisque l’on parle de programmes ou d’interfaces capables de faire de la reconnaissance faciale, de la reconnaissance d’expression, de l’analyse thermique,…
Ces interfaces permettront sans doute la naissance de jeux véritablement nouveaux, comme Milo de Peter Molyneux4 jeu qui, même en gardant à l’esprit que son créateur se montre parfois éxagérément enthousiaste face à ses propres créations, semble pour le moins bluffant. La démonstration, que je viens de voir ce matin sur le blog d’Étienne Mineur, est aussi prometteuse qu’angoissante, on y voit un petit garçon virtuel qui converse avec le «joueur» et se cale sur son état émotionnel (expression, ton de la voix) par empathie.
On a déjà vu des gens frôler la dépressions nerveuse à la mort de leur tamagotchi, je me demande quels effets provoqueront les petits Milo qui peupleront bientôt nos salons.
- Doom qui n’est d’ailleurs qu’une version améliorée de Monster Maze, sorti en 1981, et Sim City ne fait que pousser un peu plus loin la logique de Hamurabi (inventé en 1969, diffusé en 1978). [↩]
- Rien qu’en énumérant les noms de ces jeux je retrouve l’émotion assez profonde qui a accompagné en leur temps chacune de ces découvertes. [↩]
- L’avant-dernière catégorie de joueurs à conquérir sera celle des animaux de compagnie (ça viendra), suivis pour finir par les objets intelligents de notre maison qui seront eux-mêmes devenus si sophistiqués qu’ils auront, comme nous, besoin de distraction. Un jour, nos ordinateurs ne voudront peut-être plus afficher notre comptabilité parce qu’ils seront en plein dans une partie prenante de Grand Theft Auto. [↩]
- Peter Molyneux est un créateur de jeux extrèmement célèbre, on lui doit Populous, Syndicate, Magic Carpet, Dungeon Keeper, Fable,… [↩]
One Response to “Jeu et création”
By Alex' on Juin 22, 2009
Un coup d’oeil aux jeux Fahrenheit/The Indigo Prohecy et Heavy Rain (à venir prochainement) du studio de développement français Quantic Dream pourrait t’intéresser.
Ils essaient de se concentrer sur l’exploration de nouvelles formes de narration interactive permises par le jeu vidéo, et entendent mettre l’accent sur l’émotion davantage que l’action.
Leur démarche est plus que louable à mon sens.
Malheureusement, hormis 2-3 bonnes idées (mouvements mimétiques à la souris pour faire certaines actions, temps limité pour effectuer une action donnée avant qu’un autre personnage n’arrive – avec une image coupée en deux à la 24 nous montrant sa progression), ça a pour le moment surtout donné lieu à des films interactifs aux scénars de série B.
Une sorte de Dragon’s Lair en full 3D, davantage qu’un jeu vidéo.
Reste que leurs acteurs virtuels sont pas si mauvais, bien que désespérément coincés dans l’uncanny valley: http://www.youtube.com/watch?v=HyubR1rknBM