Profitez-en, après celui là c'est fini

Python

février 16th, 2024 Posted in Non classé

Fascinée par le spectacle du fils d’un ami « qui code », la romancière Nathalie Azoulai cherche à percer le grand secret que semblent détenir les jeunes gens qui programment. Ils frappent sur leur clavier une littérature hermétique qui, dit-on, croit-on, gouverne le monde. Et s’ils dirigent le monde du bout de leurs doigts, les programmeurs semblent le faire non pas avec désinvolture ‒ ils sont au contraire visiblement concentrés, apparemment happés par la tâche ‒, mais presque en l’ignorant, se focalisant sur la qualité des systèmes plus que sur leur finalité, ou, quand ils se risquent à les exposer, en révélant la naïveté de leurs motivations (« make the world a better place », « don’t be evil » et autres mantras qui ne mangent pas de pain), voire leur mesquinerie, comme Mark Zuckerberg qui semble avoir créé Facebook ‒ préhistoriquement un site de notation du degré d’attraction sexuelle de ses camarades d’Harvard, puis un annuaire de ces mêmes étudiants ‒ comme réponse à ses propres difficultés relationnelles d’autiste léger.
L’autrice cherche à comprendre : quel air de Mozart passe dans le casque du codeur ? Qu’est-ce que coder ? Que devient la littérature, face à cette forme d’écriture sans poésie que l’on soupçonne de gouverner l’avenir ?
Elle tente sans succès de s’inscrire à l’école 42, qu’elle fréquentera tout de même en badaude, en intruse, et puis elle prend des cours particuliers avec plus ou moins de succès. Très vite, elle sait quel langage de programmation elle veut apprendre : Python. Non tant parce que c’est le langage à la mode (il l’est), mais parce que son nom charrie un univers poétique et cinématographique, à cause de la veste en python de Marlon Brando dans L’Homme à la peau de serpent. Et c’est vrai que c’est curieux, ce nom de langage de programmation, « Python »1.
L’apprentissage épuise un peu l’enquêtrice : les variables, les itérations, tous ces concepts semblent bien abstraits, surtout si on tente de les assimiler pour eux-mêmes et non pour ce qu’on pourrait en faire, pour ce que l’on peut produire grâce à eux. Punaisant des indices sur un mur à la manière d’un détective de série télévisée, Nathalie Azoulai saute d’une idée à l’autre et retombe, a priori sans l’avoir calculé, sur le regret d’une amitié de jeunesse. Les codeurs sont-ils des bad-boys ? Existe-t-il une libido de la programmation ?

Programme du jour : des cubes gigogne composés de lignes. La version qui bouge est sur Instagram.

Ce que je trouve intéressant ici c’est que l’autrice prend tout à l’envers. Ce n’est pas une pente naturelle « geek », une appétence pour le code, qui la guide, ni même un intérêt pour les applications artistiques et créatives de la programmation2 ‒ qu’aucun de ses cornacs ne mentionne, du reste ‒, mais une forme de curiosité distante, de perplexité, et peut-être aussi une forme d’inquiétude face à ce qui, très naturellement, touche les gens de son âge (qui est autant le mien) : se demander quelle place nous est réservée dans le monde qui vient, et se demander par qui et par quoi nous sommes en train d’être poussés vers la sortie.
La fraîcheur de l’autrice face à des questions qu’un vieux programmeur3 ne se pose plus donne en tout cas des pistes de réflexion à l’enseignant qui tente chaque année d’expliquer la programmation à des apprentis-artistes.

  1. On utilise chaque jour des langages en oubliant de se demander l’imaginaire que leur nom charrie, et je me dis que le langage que j’emploie quotidiennement, Processing (traitement, opération), doit sonner comme quelque chose d’un peu laborieux. []
  2. Lire : Code Créatif, sur Wikipédia. []
  3. Je ne suis pas ingénieur, ni formé, mais ça fait plus de vingt-cinq ans que je gagne ma vie en programmant, j’imagine que je peux me considérer comme programmeur. []

Postez un commentaire


Veuillez noter que l'auteur de ce blog s'autorise à modifier vos commentaires afin d'améliorer leur mise en forme (liens, orthographe) si cela est nécessaire.
En ajoutant un commentaire à cette page, vous acceptez implicitement que celui-ci soit diffusé non seulement ici-même mais aussi sous une autre forme, électronique ou imprimée par exemple.