Profitez-en, après celui là c'est fini

Eve of destruction

juillet 11th, 2008 Posted in Robot au cinéma

Eve of destruction, sorti en 1991, est un film de Duncan Gibbins. Je ne pense pas qu’il ait bénéficié d’une sortie en salles en France. On le trouve en DVD zone 1.

Le titre repose sur un jeu de mot.
The eve of destruction
, dans la chanson éponyme de Barry McGuire (1964), c’est la veille de la destruction, le jour d’avant la fin du monde. Après la crise des missiles à Cuba, l’assassinat de John Kennedy et en pleine guerre au Viet-Nam, cette chanson a été l’hymne de toute une partie de la jeunesse, un no future avant la lettre.
Mais Eve, c’est aussi le prénom deux personnes dans le film : le docteur Eve Simmons, roboticienne, et sa créature Eve VIII, construite à son image.

Bien entendu, Eve est aussi le nom de la première femme dans la Bible, elle est donc toutes les femmes. Eve n’est pas exactement la première femme pour la tradition juive puisqu’avant elle aurait vécu Lilith (absente de la Genèse mais parfois évoquée ailleurs dans le corpus biblique et connue par des représentations littéraires ou artistiques diverses), une autre femme archétypale, bien différente d’Eve, notamment de par sa sensualité débordante, son appétit sexuel insatiable, son refus d’enfanter et sa revendication claire d’une égalité hiérarchique avec Adam. Dépassé par le trop-plein de personnalité de sa maîtresse, Adam chasse celle-ci du paradis terrestre et exige une compagne de remplacement, plus effacée et plus soumise. Ce sera Eve. L’épouse parfaite s’avèrera cependant être une « desperate housewife » rendue désobéissante par sa curiosité scientifique puisqu’elle commettra le pêché de vouloir goûter au fruit de l’arbre de la connaissance, provoquant la première grosse crise d’autorité d’un Dieu éternellement immature.
Le film ne manque pas de rapports avec ces légendes, nous l’allons voir. Les histoires de robots, tout comme les légendes philosophiques et religieuses, sont souvent un prétexte à exposer les rapports entre hommes et femmes.

Eve Simmons est donc une roboticienne. Elle travaille en secret à la confection d’êtres humanoïdes de synthèse. On apprendra plus tard que le gouvernement américain mène ce type de recherches depuis des décénies et qu’il est à présent parvenu à créer des robots impossibles à distinguer de leurs modèles.
Un de ces robots est Eve VIII, le sosie parfait du docteur Eve Simmons qui lui a donné non seulement son apparence mais aussi sa personnalité.
Un beau jour, le robot est lâché, sous une discrète surveillance, dans la ville de San Francisco. Sa mission est de se rendre dans une agence bancaire et d’agir et de réagir comme le ferait n’importe quel être humain. Un braquage violent de la banque modifie complètement la donne. L’homme qui escortait Eve VIII est tué par les cambrioleurs et celle-ci reçoit un impact de balle à l’abdomen. Le robot active alors son mode « combat » et met les malfaiteurs hors d’état de nuire avant de disparaître dans la nature.
Les lésions dues à sa blessure rendent son comportement complètement imprévisible pour ses créateurs.

Le colonel Jim McQuade, militaire spécialisé dans les situations critiques qui réclament tact et discrétion, est réquisitionné pour régler cette crise. Il commence par se moquer de l’équipe qui a dépensé des millions de dollars dans, dit-il, « une machine sans bouton stop ».
On lui explique en effet que le robot a peu de points faibles et qu’on ne peut le neutraliser qu’en visant ses yeux. Ce qu’on ne lui dit pas dans un premier temps, c’est que l’organisme d’Eve VIII abrite aussi une bombe atomique de vingt mégatonnes, susceptible d’être armée à tout moment.

Eve VIII se rend alors dans un motel-bar que ne fréquentent que des camionneurs et des filles perdues. Trois types, dans le bar, sont vivement intéressés par cette femme aguichante — la virginale Eve a troqué son tailleur beige sage pour un vêtement de cuir rouge, elle est devenue Lilith. Mais si Lilith manque de pudeur, elle ne manque pas de respect d’elle-même,  ce qu’apprendra à ses dépends un camionneur qui, au lieu de se contenter d’avoir obtenu d’emmener Eve VIII dans une chambre du motel, tient absolument à la qualifier de chienne (« bitch »). Je vous épargne le récit des souffrances qui lui sont infligées. Eve VIII ne s’arrête pas là : elle refait le portrait des deux autres piliers du bar, puis (elle est armée) tue un certain nombre de policiers.

Cet incident permet au docteur Simmons et au colonel McQuade de retrouver la trace de la dangereuse gynoïde, et mieux, de comprendre ce qui la motive. En effet, en voyant le motel crasseux, Eve Simmons, qui a grandi à proximité, se souvient que, adolescente, elle avait toujours rêvé d’y entrer. Eve VIII réalise les fantasmes de la très sage Eve Simmons, elle ose s’habiller de manière aguicheuse, elle est devenue une version débridée de sa propre créatrice.
Régulièrement, au fil du récit, Eve VIII est assaillie par des souvenirs divers appartenant à Eve Simmons.
Le scénario ne s’attarde pas tellement sur les conditions techniques du prodige qui consiste à transmettre sa mémoire et ses frustrations passées à une machine, en plus de son apparence.

Sachant ce qui motive sa créature, Eve Simmons devine la suite. Tout d’abord, Eve VIII va chercher le père de sa créatrice, William, un ingénieur militaire dont la trace s’est perdue des années plus tôt. Mauvais père et époux violent, William Simmons est responsable de l’accident qui a causé la mort de Catherine, la mère d’Eve.
Le golem en robe courte va faire ce qu’Eve Simmons n’a jamais osé faire, se venger. McQuade arrive juste à temps pour voir William Simmons se faire assassiner par le robot qu’il croit être sa fille. Le colonel découvre au passage qu’Eve VIII est aussi dangereuse qu’on le lui a dit.
Le robot prend la fuite avec une troisième mission : aller récupérer son fils qui vit à New York chez son ancien époux. Sur le chemin, elle a une altercation avec un automobiliste qui a le malheur de lui adresser un geste ordurier. Il le paie de sa vie, mais au passage, Eve VIII est accidentée, ce qui a pour effet d’armer la bombe atomique qu’elle porte en elle. Il ne reste plus que vingt-quatre heures pour la neutraliser.

À New York, Eve VIII se rend chez l’ancien mari d’Eve en trompant la surveillance des militaires qui l’y attendaient. Elle enlève son fils puis s’enfuit dans le métro. Endomagée, elle a une vue un peu défectueuse. McQuade la poursuit et parvient à tirer dans un de ses yeux. Mais ça ne suffit pas. Victime d’une absence passagère, Eve VIII envoie le  fils d’Eve à sa véritable mère. McQuade et Eve Simmons n’ont plus qu’à crever le second oeil du robot. Pour on ne sait quelle raison, cela bloque le compte à rebours de la bombe, ce qui tombe assez bien puisqu’il ne restait que neuf secondes avant l’explosion.

L’interprète des deux Eve est Renée Soutendijk, une actrice néerlandaise qui a notamment tourné dans des films de Paul Verhoeven (Spetters notamment), avant que celui ci ne parte faire carrière à Hollywood. Le physique nordique de l’actrice s’accomode bien de ses deux personnalités — Eve-la-dure et Eve-la-tendre. En revanche, son jeu n’est pas fameux, ce que j’imputerais d’instinct aux choix de mise-en-scène désastreux du réalisateur et scénariste Duncan Gibbins, un auteur britannique de clips vidéo (Wham, Eurithmics) mort tragiquement dans un feu de forêt en Californie.
McQuade est quand à lui interprèté par Gregory Hine, un bon acteur et un excellent danseur décédé lui aussi, il y a cinq ans, d’un cancer du foie. Il avait notamment joué dans Cotton Club, Soleil de nuit et Tap Dance. La sobriété de son jeu et son élégance gestuelle rendent son personnage plutôt crédible et font partie des rares éléments du film qui méritent d’être sauvés.

Vous l’avez deviné : Eve of Destruction est bel et bien un navet. Un de ces navets timides, réalisés avec économie, si ce n’est avec radinerie. Peu de décors, peu d’acteurs, peu d’action, peu d’idées, peu d’effets, peu d’humour, peu de suspense, aucune densité… Et beaucoup d’emprunts éhontés à Terminator mais aussi au Métropolis de Fritz Lang, qui contient aussi une « Eve » de chair et une « Lilith » d’acier incarnées par une seule et même actrice.
On relève au passage quelques petites piques de bon aloi contre la guerre et la raison d’état, dont une allusion à la guerre du golfe (« si les choses tournent mal on accusera les irakiens ou les lybiens ») et contre la science-sans-conscience. Je suppose que la morale générale est qu’il faut que les filles se tiennent bien (réfrènent leurs envies, contrairement à Eve VIII et ne soient pas trop savantes, comme Eve Simmons) sous peine d’apocalypse. Plutôt misogyne. On notera au passage que 1991 est aussi l’année de la sortie de Thelma et Louise,  dont les deux héroïnes payaient de leur vie leur désir d’émancipation.

  1. 8 Responses to “Eve of destruction”

  2. By Wood on Juil 11, 2008

    Selon une autre tradition, Adam aurait eu une troisième femme entre Eve et Lilith, mais elle n’a pas de nom.

  3. By Jean-no on Juil 11, 2008

    En fait, Adam ne savait pas trop ce qu’il voulait.

  4. By r on Juil 12, 2008

    Dieu non plus, j’ai l’impression.

  5. By Cécile on Mar 15, 2009

    Est-ce que ce film (que je n’arrive pas à me procurer!)doit entrer dans ma filmo. sur les robots ?

  6. By Jean-no on Mar 15, 2009

    Ce n’est pas un grand film… C’est une énième version de Frankenstein. Je trouve un film tel que Cherry 2000 est plus important.

  7. By Cécile on Mar 16, 2009

    C’est la première image de la deuxième série qui m’a intriguée, c’est bien un robot ? ça ne fait rien si ce n’est pas un grand film, à vrai dire j’en ai peu dans ma filmographie (ahah !)
    Quant à Cherry 2000 (quel titre !), il est sur ma liste des films à voir…

  8. By Jean-no on Mar 16, 2009

    Oui oui c’est un robot. La dame aussi est un robot. C’est un film qu’on trouve pour quelques euros en occasion chez Amazon

  9. By Cécile on Mar 16, 2009

    Merci !

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