Profitez-en, après celui là c'est fini

Keith Schofield

juin 25th, 2008 Posted in Clip-makers

Le dernier clip de Norman Cook (habituellement connu sous le nom de Fatboy Slim et travaillant cette fois sous le nom du projet Brighton Port Authority) a été archi-diffusé, il n’est peut-être pas la peine de s’étendre outre-mesure sur son cas, mais pour ceux qui seraient passés à côté, il s’agit d’un titre chanté par David Byrne et Dizzie Rascal et mis en image par Keith Schofield. Les meilleurs clips de Fatboy Slim sont ceux qui montrent des corps en mouvement, des danseurs, et pas des danseurs mécaniques calés au millimètre comme dans les grandes chorégraphies « à l’américaine », non, des danseurs singuliers et indifférents à leur public soit qu’ils n’en aient pas (Weapon of Choice, où l’on voyait Christopher Walken danser seul dans le hall d’un hôtel sur Weapon of Choice) soit qu’ils ne soient pas outre mesure attentifs au regard des autres (la compagnie Torrance dance community group effectuant une chorégraphie amateur devant l’entrée d’un cinéma pour Praise me).

Le clip Toe Jam nous amène au degré zéro de cette idée du plaisir du corps et de la danse puisque ses protagonistes sont carrément tous nus et dansent dans un appartement, sans arrières-pensées libidineuses, seraient-ce les barres noires qui masquent les caractères sexuels que l’on a l’habitude de ne pas trop exposer. En agençant les corps de diverses manières, le réalisateur utilise ces barres comme des éléments graphiques et même typographiques puisqu’il parvient à écrire des lettres avec.
L’ensemble est très frais, ce qui tient à l’emploi de personnes aux physiques non-modifiés (ni tatouage, ni percing, ni chirurgie esthétique) mais aussi à l’ambiance fin seventies réactualisée (brushings, coupe afro, moustache, hotpants, Tee-shirts, pantalons de velours, et grain d’image nostalgiquement saumoné et suffisamment affadi pour faire ressortir les barres noires « x-rated »).
Oui, on peut sans doute faire quelque chose de frais avec de la nostalgie.

De la nostalgie, Keith Schofield n’en manque pas. Il n’est même pas trentenaire, mais son époque de prédilection semble être celle de sa petite enfance, à savoir le passage entre les années 1970 et les années 1980.
Shofield fait partie de ces réalisateurs qui ne font pas des vidéo musicales poussés par le hasard et la nécéssité, pour gagner leur vie, car il n’a jamais voulu faire quoique ce soit d’autre. S’il a un travail « alimentaire », c’est celui de réalisateur de publicités. Dans ses interviews, il explique avoir commencé à tourner des clips alors qu’il était lycéen à Chicago, et avoir ensuite intégré l’école de cinéma de l’Université de New York toujours dans le but de filmer pour l’industrie musicale. Il travaille pour la maison de production StreetGang (Los Angeles).
Sa carrière commence en 2005 avec un clip à tout petit budget pour le disc-jockey britannique DJ Format (3 Feet Deep). Dans une salle d’arcade, les rappeurs Abdominal et D-Sisive jouent à un jeu électronique musical et utilisent de gros micros en plastique pour chanter. Le résultat n’a rien d’inoubliable, mais on peut déjà noter un goût pour le jeu vidéo vintage et une certaine intégrité artistique puisque le concept de base, qui consiste à opposer les rappeurs à un dee-jay de jeu vidéo est maintenu du début à la fin.
Keith Schofield est en effet un auteur de concept-clips : il cherche un effet et s’y tient. Enfin souvent.

Il lui arrive tout de même de se perdre comme dans le clip Bad Blood, pour Supergrass, axé (c’est le cas de le dire) sur un effet particulièrement impressionnant qui pourrait illustrer la Théorie de la Relativité Restreinte d’Albert Einstein : l’objet que l’on croit en mouvement est immobile à l’image tandis que le monde se déplace autour de lui. L’effet est obtenu au montage. Le tournage a été réalisé en 35mm (avec une très haute définition donc) puis le film a été recadré et orienté en fonction des besoins. Brillant et simplissime, mais apparemment pas suffisant pour l’auteur, le groupe ou sa maison de disques puisque l’on passe ensuite à des images inutiles : les membres du groupe deviennent des pantins de bois, leurs instruments, qu’ils détruisent, se transforment en gâteaux,…
Ce n’est pas un hasard si Schofield cite Michel Gondry comme influence majeure de son travail. Il admire aussi Jonnathan Glazer (réalisateur des films Sexy Beast et Birth, et des clips Virtual Insanity et Cosmic Girl, pour Jamiroquai, Karma Police et Street Spirit pour Radiohead) et Garth Jennings (réalisateur de l’adaptation au cinéma du Guide du Routard galactique, de Son of Rainbow, et de clips pour Supergrass, R.E.M., Blur et surtout Badly drawn boy).

Dans le clip « When I Wake Up », pour Wintergreen, Schofield raconte l’histoire d’un jeu vidéo maudit : le jeu Atari E.T., réalisé d’après le film, victime d’un insuccès légendaire et dont cinq millions de cartouches (vingt-deux semi-remorques) auraient, dit-on, été enterrées illégalement dans un désert du Nouveau-Mexique. Dans le clip, les membres du groupe vont à la quête des cartouches perdues…
Dans le clip « PI », pour le groupe Hard’n’Firm, Schofield reprend l’ambiance des émissions éducatives pour enfants, avec moult effets emblématiques de l’époque : melting-pot, robots en carton, effets d’incrustation vidéo et décor improbable.

Le site officiel du réalisateur, http://keithschofield.com, est en parfaite adéquation avec son univers video-games nostalgique. Parmi les autres clips, citons les très réussis Jealousy Rides With Me, par Death Cab for Cutie, qui présente la course du soleil et celle de la lune jusqu’à leur rencontre ; Loud and Clear par One Block Radius, qui joue sur l’accélération et le décélération des images, synchronisées avec la musique, effet déjà utilisé dans le clip Everything is Everything, de Lauryn Hill, mais ici poussé un peu plus loin, exempt d’effets spéciaux pesants (la ville comme platine vinyle) ; Enfin, deux clips reposant sur des effets d’optique : Knights par Minus the bear et British Mode par Goose.
Toujours sur son site, on peut voir les publicités du réalisateur, souvent très réussies, comme celles pour les basketteurs de l’équipe des Timberwolves du Minnesota ou celles pour les dindes Jenny-o.
On s’attardera par ailleurs avec intérêt sur la partie intitulée treatments qui présente les notes d’intention et les croquis préparatoires ainsi que les documents qui ont inspiré le réalisateur. Il y expose même les projets qui n’ont pas abouti. Un modèle tout à fait intéressant pour les étudiants en école d’art.

La carrière de Keith Schofield ne fait que commencer mais on peut deviner ici un futur grand nom du vidéo-clip.

  1. 5 Responses to “Keith Schofield”

  2. By Li-An on Août 3, 2008

    Excellente découverte ! Je le vole pour mon propre blog :-))

  3. By Jean-Michel on Sep 22, 2009

    En redécouvrant mes classiques, j’ai constaté que Bettlebum de Blur réalisé par Sophie Muller (1997) utilise ponctuellement cette figure que tu lies à la théorie de la relativité restreinte.

  4. By Jean-no on Sep 22, 2009

    Du Sophie Muller audacieux !? Il faut que je voie ça.

  5. By Jean-no on Sep 22, 2009

    Ah voilà : Bettlebum de Blur… Effectivement il y a ce même effet mais pas très rigoureusement fait et surtout. Tu m’étonnais ! J’aime bien Sophie Muller parce qu’elle filme assez bien les artistes, ses clips (Eurythmics, No Doubt, Mika) arrivent à être familiers et évidents, mais je n’ai jamais compris pourquoi exactement, par contre ce n’est pas la reine du concept.
    On doit pouvoir faire des trucs terribles en temps réel dans le domaine, avec un peu de reconnaissance de formes.

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