L’apocalypse de l’homme en fer-blanc
juin 24th, 2008 Posted in Robot au cinémaAndroid Apocalypse est un téléfilm américano-canadien diffusé sur support DVD. L’histoire se déroule dans un futur triste : l’homme est presque parvenu à s’auto-détruire, les rescapés vivent sous des dômes high-tech où l’air est respirable et où ils sont servis par des androïdes.
À l’extérieur, d’effrayants engins miniers volants devenus fous font régner la terreur. On pense qu’ils sont victimes d’un virus informatique qui les pousse à agir de manière autonome et à utiliser leurs foreuses pour assassiner les hommes comme les androïdes de la manière la plus gore qui soit. Le docteur Varrta, scientifique très important, accuse les politiques d’être responsables de la situation car, trop pressés, ils avaient mis en service ces automates avant d’avoir effectué tous les tests requis.
Le héros, prénommé Jute, est un dur à cuire. Ancien boxeur professionnel, il n’a pas sa langue dans sa poche et n’hésite pas à faire savoir qu’il n’aime pas les robots. Cela lui coûtera d’ailleurs son emploi, puisqu’il refuse d’avoir des androïdes comme collègues. Le soir de son licenciement, il découvre que certains androïdes peuvent se battre, contrairement à ce qui en est dit officiellement, et il en tue un. Pour ce meurtre, Jute est envoyé dans une prison étrange où l’on fabrique les androïdes et dont les prisonniers ne reviennent pas — la prison se nomme d’ailleurs Terminus.
Pendant le transport, il est menotté à DeeCee, un androïde défectueux que l’on va réparer.
Lorsqu’un robot minier volant tue tous les prisonniers transportés, à l’exception de Jute et DeeCee, l’homme et l’humanoïde fuient ensemble vers la ville de Phoenix. L’un et l’autre ont de bonnes raisons de ne pas vouloir se rendre à la prison : Jute sait qu’il n’en reviendra pas tandis que DeeCee craint qu’on y efface ses souvenirs.
Or DeeCee tient à ses souvenirs.
Un peu comme l’homme en fer-blanc du Magicien d’Oz, DeeCee pourraît chanter « Si seulement j’avais un cœur » (If I only had heart – I’d be tender – I’d be gentle and awful sentimental regarding Love and Art), car il regrette de ne pas être un être humain et se vexe facilement quand on lui rappelle sa robotitude. Comme le magicien d’Oz, nous avons envie de lui dire qu’il n’a pas besoin de chercher un cœur, puisque s’il veut être sentimental, c’est qu’il en a déjà un, de cœur.
Les deux compagnons finissent par s’entendre malgré leurs différences.
Plus intéressant est le cas du docteur Varrta. Cet homme inquiétant est né humain mais ne souhaite rien d’autre que la victoire des robots sur ses congénères. C’est lui qui a rendu les robots miniers dangereux et c’est lui qui construit les androïdes pour être violents. Et ce n’est pas tout, il a lui-même fait remplacer des parties de son corps jusqu’à devenir, à l’insu de tous, un robot. Il appelle les robots ses frères et se propose de les guider tel une espèce de messie. Ce sont bien des idées d’être humain, ça.
Trois figures intéressantes ici : le robot qui veut devenir humain, qui pose bien des questions philosophiques et surtout logiques, l’humain qui n’aime pas les robots et qui devra apprendre la tolérance et enfin l’humain qui aime tant les robots qu’il veut en devenir un lui-même.
Il y a quelque chose à faire de ces trois situations, d’autres l’ont fait du reste, mais ici l’électro-encéphalogramme reste plat.
Parmi les autres personnages, il y a l’enfant imprudent qui a l’idée idiote de sortir du dôme, la mère de famille « très influente au conseil municipal », les robots qui s’engueulent (tu parles trop, on dirait un humain), le politicien lâche et quelques autres clichés ambulants du genre.
Le film est loin d’être un chef d’œuvre mais il se regarde sans déplaisir excessif. La petitesse du budget ne se perçoit pas toujours (merci les progrès de la 3D cheap) quoique les décors naturels manquent d’imagination : on ne nous épargne ni la vieille carrière du Saskatchewan qui, avec un filtre saumon, devient le désert de l’Arizona, ni la boite de nuit qui fait salle de combats illégaux ni l’éternelle friche industrielle reconvertie en prison high-tech aux cellules artistiquement sous-éclairées.
La vertu habituelle des fictions post-apocalyptiques (Postman, Waterworld, Mad Max, Tank Girl, A man and his dog, etc.) est de parler d’un monde à reconstruire, tabula rasa, qui nous interroge sur ce qui compte, sur ce qui est superflu et sur ce qui nous encombre dans nos existences ou dans nos sociétés. Le monde du désastre est aussi celui de la liberté et du nouveau départ.
Androïd Apocalypse ne parle pas vraiment de ça, il s’agit plutôt d’un buddy-movie mou dénué d’enjeux : l’hostilité de Jute pour DeeCee nous laissait froid, leur camaraderie (distante) finale nous indiffère tout autant. Les acteurs ont des têtes qui correspondent plutôt bien aux rôles et les interprètent de manière tout à fait décente — si quelque chose pouvait sauver le film, c’est bien ça —, la réalisation n’est pas honteuse, mais tout ça manque d’ampleur et de réflexion – et peut-être aussi de mauvais goût et de bizarrerie.
Dans la ligne du Grand bond en avant, Mao Tse Toung avait imposé à chaque district chinois de disposer d’un petit haut-fourneau, afin que tous puissent produire de la fonte. Pour que ces équipements aient un peu de rendement, on y a mélangé un peu tout et n’importe quoi, notamment des métaux de récupération, aboutissant à des alliages d’une qualité plus que médiocre, que nous avons connu ici sous forme, notamment, de tournevis toujours prêts à se briser et de marteaux cassants.
Android Apocalypse est un peu l’équivalent cinématographique du métal issu des petits hauts-fourneaux du grand bond en avant : un peu de Blade Runner, un peu de A.I., un peu d’Âge de Cristal, un peu de Pitch Black, un peu de Mad Max, un peu de Carpenter, un peu de Verhoeven, un gag de Star Wars (en avez-vous fini avec moi, puis-je me débrancher ?) un peu de tout et de rien.
Le résultat est donc fragile et inutile.