Profitez-en, après celui là c'est fini

Où va la presse ?

novembre 17th, 2013 Posted in Lecture, Les pros

Il y a des articles dont le titre est une question posée par l’auteur pour ensuite y répondre : « où va la presse ? Où va la lecture ? Eh bien je vais vous le dire… ». Ce n’est pas le cas ici, je me pose vraiment la question, je n’ai pas de vision claire des différents futurs possibles. Pourtant, je me sens attaché au sujet.

L’événement de la semaine, pour moi, c’était ça :

presse_1

La maison de presse de mon quartier ferme définitivement. Je l’ai toujours connue, je lui ai vu de nombreux propriétaires successifs. Enfant, au début des années 1970, j’y allais avec quelques francs pour acheter des bandes dessinées aux couvertures chamarrées que je lisais et relisais ensuite chez moi pendant des années : Tarzan (période Joe Kubert), Superman ou Batman, et plus tard les publications LUG, comme Strange, dont la découverte, un beau jour, m’avait fait un choc : il existait donc (et depuis des années, comprenais-je à la numérotation) des histoires de super-héros torturés, faisant face à des dilemmes moraux, des ennemis ambigus, des mystères insolubles, enfin bref, une bande dessinée un peu adulte et donc adaptée au lecteur exigeant de sept ans que j’étais.

On n’y trouvait pas que des bandes dessinées à parution périodique. À une époque, je connaissais la fille des propriétaires, prénommée Marie-Pierre. J’avais été invité à son anniversaire, et je me souviens qu’en sortant, son père nous avait autorisés à entrer dans la boutique, qui était fermée, pour choisir chacun un livre et l’emmener en souvenir. Rien que le fait d’entrer dans la boutique autrement que par sa porte d’entrée publique reste une vraie émotion pour moi. J’avais pris un Petit manuel de l’agent secret que j’ai toujours et que je n’ai pas dû être le seul à apprécier car il a désormais une valeur sans commune mesure avec son prix d’époque en tant que livre de collection.

L

Le jour où j’ai découvert une bande dessinée au format poche avec des aventures inédites du colosse Hulk (reconstitution).

Je me rappelle aussi avoir un jour aperçu une bande dessinée petit format montrant le monstre vert Hulk en couverture. Le dessin n’était pas une gouache artistique faite par un illustrateur lyonnais, comme pour Strange ou Titans, mais était extraite de la bande dessinée. Une fois encore, je découvrais qu’il existait des publications dont je n’avais jamais soupçonné l’existence. Je m’en suis approché avec excitation mais j’ai été arrêté par un strident « hep hep hep, qu’est-ce que tu regardes là, Jean-Noël ? », dit par l’employée de la librairie sur un ton inhabituellement brutal. J’aimais beaucoup cette femme qui personnifiait l’endroit, pour moi. Les propriétaires changeaient, mais elle, jamais. J’ai mis quelques secondes à comprendre pourquoi elle voulait m’interdire d’approcher ce Hulk au format poche quand mon champ de vision s’est élargi et que j’ai remarqué qu’il était entouré par les sulfureuses Isabella, Jungla, Lucrece, Maghella, Jacula et autres Lucifera, enfin les bandes dessinées pornographiques de l’éditeur Elvifrance. J’ai tenté de me justifier en bredouillant, pivoine, que c’était parce que j’avais vu Hulk, rien d’autre, mais la dame n’a même pas voulu m’écouter, elle semblait me soupçonner de je ne sais quoi qui n’était pas de mon âge. À l’injustice du soupçon s’ajoutait celle du refus de me laisser me justifier. Vexé et honteux d’un crime que je n’avais pourtant pas commis, j’ai ensuite limité mes visites aux dates de sorties de mes mensuels préférés, en n’approchant jamais à moins de deux mètres du présentoir métallique des bandes dessinées adultes mais en me promettant malgré tout de saisir un jour l’occasion de savoir ce qu’il avait de si intéressant.

Plus haut dans la même rue, il y avait une autre librairie, qui ne faisait pas marchand de presse. Il y avait aussi deux boulangeries, un boucher, un charcutier, un crémier, quatre épiceries, une graineterie, un bazar, un marchand de couleurs qui vendait aussi des petites voitures et des farces et attrapes, une quincaillerie, une mercerie, un cordonnier,…
Aujourd’hui, il reste un boulanger, deux épiceries, un cordonnier, et je crois bien que c’est tout. Pourtant, en trente-cinq ans, la ville a vu sa population multipliée par plus de trois. Le commerce de proximité est moribond, les supermarchés l’ont emporté.

presse_3

Ce ne sont pourtant pas les supermarchés qui ont tué cette maison de presse. Ce sont, j’en ai peur, d’abord ses gérants, qui vendaient du papier comme ils auraient vendu n’importe quoi d’autre, et qui se sont rapidement fourvoyé dans des activités annexes, comme la vente de jeux à gratter ou la livraison de colis, qui ont fini par occuper presque tout l’espace, rendant pénible la déambulation. Si on leur commandait un livre, ils l’oubliaient une semaine, deux semaines, trois semaines,… Le jour où ils se sont mis à faire payer la livraison des ouvrages qu’on leur commandait1, malgré mon souci d’encourager le petit commerce, j’ai décidé de ne plus fréquenter le lieu qu’en cas de nécessité absolue, c’est à dire les jours où je pensais trouver mon nom dans le journal. Ils n’avaient jamais rien, n’étaient jamais au courant de rien, et l’endroit sentait fort le tabac fumé entre deux clients. Je comprends qu’ils aient fini par jeter l’éponge car ce métier n’avait visiblement jamais vraiment été fait pour eux. J’espère, s’ils me lisent, que ça ne leur fera pas de peine à entendre, mais c’est comme ça que je les ai vus, en tant que client.

À présent, la première maison de presse se trouve à vingt minutes de chez moi, et vingt minutes en marchant d’un bon pas (je ne conduis pas). Cette autre maison de presse et librairie est plus souriante, mieux achalandée, et ses gérants semblent aimer et connaître le livre et la presse, ce qui est bien plus agréable.
Pourtant, je n’y vais pas, et je ne vais pas non plus souvent dans les maisons de presse que je trouve sur mon chemin, ou plutôt, j’y entre, je regarde, je cherche désespérément quelque chose qui puisse me donner envie mais je ne trouve pas. André Gunthert2 parlait très bien de ce sentiment dans son article Pourquoi la conversation l’emportera :

(…) l’autre jour, en rentrant de voyage, je suis ressorti les mains vides de la librairie, malgré la perspective d’un long trajet en RER. Ce n’est pas la première fois que la ribambelle des Unes échoue à éveiller mon désir. Si cette offre ne me tente pas, c’est parce que mes propres outils de sélection des sources m’éloignent des récits médiatiques les plus courants, qui perdent de leur pertinence à mes yeux.

Si la maison de presse de mon quartier a périclité, c’est peut-être aussi et même avant tout parce que la presse toute entière se trouve dans une phase de mutation dont le résultat est incertain. Les quotidiens sont tout en couleurs et proprement mis en page, mais leur contenu semble souvent identique d’un titre à l’autre, excepté pendant les « temps forts » de la vie publique, comme les élections, où ils se démarquent par leur ligne politique et où, généralement, leurs ventes remontent. Souvent critiqués, les quotidiens effectuent pourtant un travail utile d’enquête, de reportage3, de vérification — le journalisme, quoi —, auquel nous accédons tous les jours en ligne. Évidemment, sur Internet, la concurrence est rude, la presse mondiale y est disponible gratuitement, et les hebdomadaires profitent du support pour publier des nouvelles quotidiennement. Ce qui fait qu’on n’a que rarement envie de les lire eux aussi, d’ailleurs. Ne parlons pas du modèle économique : il ne semble exister de place que pour une poignée de « pure players » à accès payant.

Si la presse survit, notoirement, ce n’est que parce qu’elle est maintenue sous perfusion financière par la puissance publique. Les subventions que reçoivent les titres de la presse quotidienne ou hebdomadaire atteignent jusqu’à 30% de leur prix.

presse_2

N’ayant pas lu ce numéro, j’ignore si « Le Point » s’est inclus au nombre des « assistés » qu’il pointe du doigt. Cet hebdomadaire au contenu généralement lamentable perçoit quatre millions et demi d’euros de subventions. On notera, en bas, le titre « Voyage au pays des nababs roms ».

Que l’État pallie aux problèmes économiques de secteurs importants mais incapables de s’autofinancer n’est, pour moi qui viens du monde de la culture, pas un problème : tout ne se vend pas, et si l’on juge que le patrimoine culturel, la création artistique, la santé ou l’éducation méritent un coup de pouce, il faut le leur donner. C’est à ça que les impôts servent, en fait. Dans le cas de la presse, il existe cependant un vrai problème de conflit d’intérêt : quelle est la liberté de parole de médias qui doivent leur survie à l’arbitraire politique, d’une part, et aux annonceurs qui y diffusent des réclames ? Soyons même plus méchant : quel est l’intérêt d’un média qui a besoin de financeurs plus que de lecteurs ?

Où va la presse, donc ? Je n’en sais rien, mais je constate que, quand j’ai un train à prendre — et ça m’arrive tout le temps —, je n’ai pas envie de la lire. Pourtant, je suis consommateur d’informations et de débats, et je ne pense pas être le seul.

  1. Je ne sais quoi penser du « Amazon-bashing » qui est à la mode en ce moment : certes, cette société a des pratiques limites en termes de comptabilité et de fiscalité, on dit aussi qu’elle maltraite ses employés (plus qu’un hypermarché ?), et qu’elle impose sa loi à ses fournisseurs, au point que ceux-ci ne gagnent rien sur leurs ventes (étonnant qu’ils acceptent le marché, du coup),… Mais en attendant, sans Amazon, ma vie de lecteur serait bien différente, et ce pour une unique raison : leur système est très au point. []
  2. Du même, lire Carré blanc et petite musique, quand Libé rend hommage à la photo, publié aujourd’hui, qui parle de la tentative maladroite de Libération de montrer l’importance de la photographie en décidant, pour un numéro, de s’en passer. []
  3. J’ai été très étonné de constater le sérieux du journaliste Édouard Launet, de Libération, venu au Havre pour voir fonctionner notre Master de Création littéraire : son article est le fruit de deux jours entiers de discussion avec les étudiants et les enseignants présents. []
  1. 31 Responses to “Où va la presse ?”

  2. By sylvia on Nov 17, 2013

    Ma mère a longtemps travaillé pour une grande papèterie-presse à Marseille, et en a un temps (assez court) possédé une petite dans le 64. J’ai travaillé également dans ces deux commerces et je peux affirmer que c’est un métier très ingrat, avec des horaires pas possibles pour une rentabilité mini voire inexistante (pour les petites structures en tous cas). Alors je comprends que beaucoup baissent les bras et préfèrent vendre les produits annexes qui sont susceptibles de leur amener plus de clients et plus de revenus (la Française de Jeux bichonnent assez les détaillants mine de rien, enfin c’était le cas quand je voyais ça de l’intérieur. Par exemple invitation en soirée VIP avec spectacle et champagne, pour les détaillants les plus performants du secteur). Le problème du coup, comme tu le soulignes, est que cela a tendance à faire fuir les autres clients, car ils en ont marre d’attendre leur produit.

    Je ne sais pas quoi en conclure pour autant, car enfant et ado j’ai toujours aimé les boutiques papèterie-presse, autant pour y admirer les beaux stylos que pour feuilleter les différents magazines.
    Sur le chemin de l’école aussi c’étaient de chouettes endroits, on y passait pour y dépenser nos quelques pièces en bonbons et matériel scolaire. Mais vu que pratiquement plus personne ne va à l’école à pied, cela n’a plus lieu d’être.

    Bref, je suis un peu partie dans tous les sens là, tout ça pour dire « c’est la fin d’une ère » en gros, on n’y peut rien, les goûts et les habitudes changent…

  3. By Jean-no on Nov 17, 2013

    @Sylvia : les commerçants de mon quartier ont fait des tas d’erreurs mais je pense aussi qu’ils sont victimes d’un fonctionnement ingrat de la distribution de la presse, fonctionnement qui était déjà un problème quand les ventes étaient bonnes, alors maintenant…
    La fin d’une ère, sans doute.

  4. By sylvia on Nov 17, 2013

    gros point à mon avis : les vendeurs de journaux n’ont jamais touché aucun euros des grosses subventions allouées à ces journaux, ils étaient pourtant un maillon assez important de la chaine (de moins en moins désormais avec les éditions numériques)

  5. By ste666 on Nov 17, 2013

    La presse, c’est surtout une bande de gros mégalo. qui, il y a longtemps de cela, a regardé de haut Internet.

    Aujourd’hui ils payent cette arrogance…

    De plus des « mag. » (LePoint, et bcp d’autres) ont accéléré cette chûte avec des contenus minables.

    Maintenant LA grande question :
    Si les dinosaures avaient reçu l’aide de l’état, seraient-ils toujours vivants ?

    En tout cas, et plus sérieusement, merci pour cet excellent article !

  6. By Jean-no on Nov 17, 2013

    @ste666 : la presse n’a pas su quoi faire d’Internet pour ce qui est des ressources financières et ça ne s’est pas arrangé, du coup je ne sais pas ce qui aurait dû/pu être fait. Aucune idée.
    Mais en même temps ils s’en sont tout de même emparé, les journalistes sont à la pointe (et parfois plus intéressants) sur leurs blogs ou sur Twitter… Leurs directions, souvent moins, cf. Laurent Joffrin, à la tête de Libé à l’époque, qui comprenait le réseau exactement à l’envers de ce qu’il est : « il faut rappeler que si le Net est un magnifique outil de diffusion, il ne produit rien »… Il disait ça alors que dans le même temps, une amie à moi, journaliste dans ce même quotidien, enrageait de ne pas pouvoir publier un article en ligne un dimanche soir sans passer par le circuit de validation éditorial, alors qu’elle aurait pu être première sur l’information et se faisait « doubler » par des blogs…

  7. By Sylvette on Nov 17, 2013

    Pffff! Il se trouve qu’il y a quinze jours, la maison de la presse à côté de chez moi, en haut de la première partie de la rue des Martyrs, a fermé. Pour nous c’est une tragédie parce que ça nous prive d’un plaisir suranné mais bien réel: acheter la presse et la lire consciencieusement au café. Plaisir de week-end et de vacances. En semaine, il n’y a plus que des kiosques souvent très mal approvisionnés et totalement incompétents, et le week-end il n’y a plus rien. Les cafés du coin se sont mis à vendre le Parisien, mais c’est tout et un type installe une table pliante avec la presse dominicale. manque de bol, ce n’est pas ce que nous achetons. Par quoi va être remplacé cette maison de la presse que tout le quartier pleure à chaudes larmes parce qu’elle était génialement approvisionnée? Par une sous-marque des thés Kousmi qui fait de la préparation pour gâteaux dans des petits sachets. Une boutique pour touristes, qui annonce à mon avis la transformation définitive de cette rue en « high-street » locale, comme ce fut tristement le cas aux Abbesses et rue des Franc-Bourgeois. Ce qui peut sauver la rue, c’est que c’est une rue de bouffe avec 4 boulangers/pâtissiers, 3 fromagers, 3 bouchers, 3 charcutiers/traiteurs, un pâtissier, 3 cavistes des primeurs, des restaus et même 2 poissonniers, ce qui devient rare à Paris. Mais la nouvelle boutique n’apportera rien à la plupart des habitants du quartier et va nous forcer à faire un réel effort de prévoyance pour acheter la presse ailleurs le vendredi et aller loin pour trouver tout ce qu’on achète d’habitude. Ce n’est pas que cette maison de la presse périclitait, au contraire, il y avait la queue, le type connaissait super bien son boulot, bossait comme un dingue… mais il a pris sa retraite et n’a pas résisté au pont d’or qu’on a dû lui proposer pour la reprise de bail. La mairie du 9e se bat très efficacement pour que les commerces de bouches qui ferment ne laisse pas la place à des Beauty Monop et autres Sephora, mais elle ne s’est pas battue contre la disparition de la maison de la presse, ce qui est à mon avis un tort.

  8. By G L on Nov 18, 2013

    « La presse n’est pas faite pour être lue mais pour être achetée »

    Vous me croirez si vous voulez (j’ai jamais osé faire une photo) mais c’est ce qu’il y avait d’écrit sur des affichettes chez mon marchand de jounaux. Ça ne l’empêchait pas d’être le plus important de l’aglomération. Il y en avait d’ailleurs deux à cette époque dans le même (très gros) centre commercial voisin de chez moi mais l’un a fermé et l’autre se limite désormais à la Française des Jeux. Dans ce même centre commercial Carrefour a depuis peu de temps ouvert un rayon journaux: c’est le plus mal tenu de tous les rayons et ça n’est vraiment pas beau à voir! Les autres marchands de journaux à un quart d’heure à pied de chez moi qui ne vendaient pas de tabacs ont fermé eux aussi.

    J’en tendance à en conclure que sous sa forme papier la presse en est au stade terminal.

    Je suis pourtant intrigué par le nombre croissant des titres présents dans les rayons: ça n’est peut-être du qu’à la facilité d’effectuer la mise en page avec un ordinateur mais c’est quand même assez surprenant!

  9. By nicolas on Nov 18, 2013

    Autre constat de mon côté, il me semble aussi voir arriver une offre différente pour les magasins de journaux:
    – des petits magasins où l’on ne trouve qu’un choix limité (PQR, simili-tabloid, quelques magazines), notamment les « Relay » qui ici en Suisse on réduit leur offre par rapport à ce qu’il y avait auparavant (enfin quand on voit un Relay dans la gare de Los Angeles, la presse est vraiment minime)
    – des magasins (notamment ceux sous l’enseigne « maison de la presse » en France) avec une certaine variété, notamment tous les livres magazines (on n’ose plus dire « mook » maintenant que les médias parlent des MOOCs) ou des choses plus exotiques.

    (Un bon indicateur pour identifier un magasin de journal de qualité IMO c’est de regarder le nombre de journaux sur les trains.)

  10. By Wood on Nov 18, 2013

    Ces dernières années j’ai vu fermer 3 maisons de la presses dans le centre de Brest. La première je n’ai pas su pourquoi, la deuxième suite à un départ en retraite, sans personne pour reprendre l’activité et la troisième s’est convertie en carterie-cadeaux…

  11. By damien on Nov 18, 2013

    hello,

    pour commencer, si par hasard tu te souviens de nos échanges passés, tu te doutes bien que je ne peux pas résister à un peu de amazon-bashing, cette fois en renvoyant sur un article dénonçant des conditions de travail hallucinantes dans leurs entrepôts, lu dans le monde diplo du mois (http://www.monde-diplomatique.fr/2013/11/MALET/49762) – à acheter en kiosque, évidemment.

    sinon deux détails : dans mon bled montagnard et enclavé, nous avons trois maisons de la presse et une librairie qui tourne pas mal (une vraie, comme une de ces nombreuses et récentes librairies de quartier de Paris – à la déco près, un peu ringarde).

    d’après un des gérants de maison de presse, les trois sont dans les 10 premiers débiteurs de la Drôme (peut-être hors relays de gare, je ne sais plus), et vendent des dizaines d’exemplaires de magazines ‘indépendants’ que les livreurs disent ne voir dans ces quantités qu’ici.

    à savoir que le bled n’est pas un mouroir de vieux aux habitudes surannées – pas que, même si il devrait y avoir pas mal de maisons à vendre et retaper dans les années qui viennent (hum).

    pas de conclusion à ça, un constat d’exception optimiste, peut-être – même si les supermarchés tirent le centre-ville et les indépendants à la fermeture ou la vente.

    sur le sujet, et pour prolonger, ça me fait un peu mal au fondement de dire du bien de michel charasse, mais l’exemple de puy-guillaume dont il a longtemps été maire est intéressant : http://www.liberation.fr/societe/2013/02/08/puy-guillaume-les-ideaux-du-village_880490

  12. By Hubert Guillaud on Nov 18, 2013

    Moi aussi enfant je fréquentais assidument la maison de la presse locale. C’était le seul endroit qui permettait de voir et d’accéder à d’autres formes culturelles que celles qui entraient à la maison. De bibliothèque il n’y avait pas. De librairie non plus. On y trouvait quelques livres, des livres de poches surtout… C’est là que j’ai découvert la Science Fiction. On y trouvait bien sûr des BD et des magazines. Pif. Rahan. Docteur Justice. Mickey Parade. Picsou Mag. Et puis oui, les Strange ! Les nouveaux Obélix et peu à peu, bien d’autres BD qui sont aujourd’hui des classiques. On y trouvait aussi des magazines capables de vous montrer la diversité du monde : des trucs de filles (Podium et autres), les trucs de nos parents, qu’importe. La diversité culturelle avait cet endroit pour seul refuge. A l’époque, on pouvait même commander des livres facilement…

    J’ai l’impression que c’est tout cela qui a disparu. Les tenanciers ont vieilli, au Havre comme ailleurs. Ils ne représentent plus la culture ni la diversité culturelle. Elle est partie ailleurs. Moi aussi je n’y vais plus vraiment. Souvent je ressors sans rien acheter… 6mois, XXI ou Courrier international. Les livres, voilà longtemps que je ne les achète plus là tant le choix est réduit. Les maisons de la presse sont la marque d’un monde qui a basculé, d’un monde qui n’a pas su s’adapter à la diversité. Il en reste quelques très bonnes, où l’on trouve à la fois des surprises et les produits d’offices. Ils sont devenus rares. Le tout venant marketing à emporté la mise et fait fuir ceux qui cherchaient la diversité. Les autres, la grande surface leur a peu à peu suffit.

  13. By Afahci on Nov 18, 2013

    On peux aussi nuancer un peu ce constat en se réjouir de l’arrivée de nouveaux périodiques d’information comme XXI ou la revue dessinée. Sans publicité et probablement plus libre que la plupart des journaux perfusés par les annonceurs.

    XXI fait travailler des artistes et des illustrateurs plutôt que de s’abreuver d’image issues de Reuters ou l’AFP. Ses articles sont longs, fouillés, souvent passionnants et sortent des sentiers battus par la presse traditionnelle, qu’elle soit papier ou digitale d’ailleurs. Idem pour la Revue dessinée qui ne traite l’information que par la bande dessinée, avec un style différent par article avec des enquêtes/reportages, des chroniques, etc.

    J’ai dû mal à adhérer au « c’était mieux avant », certains secteurs mutent et se transforment parfois avec beaucoup de difficultés, mais les besoins fondamentaux de s’informer, se cultiver, de débrancher du flux, de s’y connecter, etc. restent et trouvent le plus souvent une réponse.

    Peut-être assiste-t-on à l’émergence d’une presse papier plus orientée vers la culture ou l’analyse plutôt que sur l’actualité ?

  14. By Jean-no on Nov 18, 2013

    @Afahci : je ne sais pas si c’était mieux avant, c’était différent, et personnellement, je lisais plus volontiers, mais je ne sais pas si mon cas est généralisable.
    Bien entendu, je surveille les « mooks » et assimilés (Schnock, Elephant, Believer…), mais je remarque surtout qu’ils sont hors de prix, en dehors d’Usbek et Rica qui est revenu au format magazine, et qu’on les trouve plus volontiers en librairie qu’en maison de presse. Ceci dit je salue volontiers les expériences en rapport avec l’illustration et la bande dessinée, qui sont effectivement quelque chose de neuf (déjà, Le Monde diplo en bd était super). Ça répond bien à la demande de journaux non focalisés sur l’actualité en temps réel, mais tout ça est parfois un peu propre. Ce qui me manque, c’est peut-être Actuel, mais là, c’est bien le vieux schnock qui parle.

  15. By damien on Nov 19, 2013

    ha ha ha, encore du amazon-bashing dans l’huma ce jour !

    [et par un cadre repenti, ce qui change un peu (même s’il a certainement témoigné aussi au monde diplo, certains exemples sont les même) – et là, c’est maison de la presse obligatoire, car comme on dit chez les gauchistes, « l’huma, c’est les soviets, sans internet ».]

    bon je sors.

  16. By llf on Nov 24, 2013

    Et puisque on parle beaucoup d’amazon en ce moment, c’est un effet de mode ? C’est la mode donc pas besoin de chercher à savoir quoi penser d’amazon ?

    Je trouve étrange que les questions devrait poser amazon soient si vite balayées dans un article titré « où va la presse ? »

    http://www.franceculture.fr/emission-les-pieds-sur-terre-amazon-l-algorithme-contre-le-libraire-24h-du-livre-2013-11-04
    le propos peut paraître un peu naïf, mais il me semble qu’il est légitime de se questionner.

  17. By Jean-no on Nov 24, 2013

    @Ilf : Amazon mérite attention, bien sûr, mais peut-être moins pour la presse que pour le livre !
    Je dois dire que je ne comprends pas l’Amazon-bashing, j’y vois surtout un manque de capacité à répondre à un système redoutablement bien pensé. La plupart des arguments « anti » peuvent être appliqués, et parfois en pire, à toute la grande distribution, à la fnac (le diable, autrefois, que l’on plaint désormais), et bien sûr aux multinationales qui sont si fortes pour ne produire que des bénéfices minimes et donc, pour être très peu imposés. J’ai l’impression que pas mal de distributeurs (ou certains gros éditeurs) se défaussent pas mal grâce à Amazon, un peu comme l’industrie culturelle s’abrite derrière le piratage pour obtenir des subventions et refuser de voir ses propres manquements. Je pense sincèrement qu’Amazon fait beaucoup de bien aux livres, en leur permettant notamment de rester disponibles alors que les libraires physiques commencent à les envoyer au pilon, notamment. Comme lecteur, je n’ai pas grand chose à reprocher à Amazon, je dois beaucoup à ce site. Je sais que personne n’a envie d’entendre ça, mais c’est vrai.
    Ce qui fait le plus de mal aux librairies, pour moi, ce sont les boutiques à haut rendement (mode, notamment) qui poussent les loyers des centre-ville à augmenter déraisonnablement…

  18. By damien on Nov 25, 2013

    hum : (presque) désolé de revenir là-dessus, mais le problème n’est évidemment pas l’offre pléthorique proposée par amazon : il n’y a a jamais trop de livres, et c’est épatant de pourvoir tout commander – le problème c’est les conditions sociales et économiques qui permettent cette offre.

    savoir que la personne qui a déballé la palette puis empaqueté mon livre a été chronométrée à la seconde pour le faire, n’a pas le droit de parler sur son lieu de travail sans fenêtre (chauffé ou climatisé seulement en cas de météo extrême), doit se déguiser pour faire plaisir à ses contremaîtres, ou est payée moins que le salaire minimum local (cf. les articles sus-cités), quand bezos a une fortune estimée à 27,2 milliards de dollars (cf. http://www.forbes.com/profile/jeff-bezos/), eh bien savoir ça, moi, ça me gâche substantiellement mon plaisir de lecteur néo-intello à métier(s) peu pénible(s) et correctement payé(s).

    j’ai du mal à accepter que mon plaisir dépende d’humains surexploités, qui font un métier que je refuserais de faire tant que je pourrai l’éviter, alors même qu’on est dans un cas où d’autres options d’achat existent.

    et ne me fais pas dire que je prétends qu’on bosse confortablement chez les autres distributeurs-livreurs : évidemment que ce sont toujours des métiers globalement aliénants – mais il semble que là ce soit particulièrement terrible (on peut insérer ici la suite du débat sur la consommation de masse, la décroissance, les éventuelles voie médianes, etc.).

  19. By Jean-no on Nov 25, 2013

    @damien : bien sûr, je suis complètement opposé à la maltraitance des salariés, ça va de soi, et je trouve sain qu’on en discute, que ça soit dénoncé, qu’on fasse pression pour qu’il y ait un changement, etc. Je cherche juste ce qu’Amazon aurait de neuf, dans le domaine. J’ai un copain qui a longtemps été « cariste » dans la grande distribution, et il était traité lui aussi comme un chien, notamment au niveau de l’aménagement des horaires de travail, et tout ça pour gagner rien du tout, vraiment rien. Je ne veux pas dire que si tout le monde fait pareil, alors c’est bien, mais je trouve étonnant qu’Amazon soit pris pour cible à ce point.

  20. By Laurentbarthes on Nov 25, 2013

    Très émouvant et intéressant comme article. Dommage pour le « pallier au », mais au font, s’est pas grawe…

    S’agissant d’Amazon, effectivement sur les plans de la fiscalité et des « ressources humaines » (quelle expression horrrible !), ce sont de sales … Mais fort est de constater qu’ils sont d’une terrifiante efficacité, s’agissant de la livraison des commandes en temps et en heure. Fort « consommateur » de livres, je pratique depuis plus d’une décennie, et les contrariétés ont jusqu’ici été très limités. Pas étonnant, par ailleurs que des guignols francophones comme chapitre.com mettent la clé sous la porte.

  21. By damien on Nov 25, 2013

    peut-être parce qu’amazon a une position dominante ? qu’en faisant bouger le géant, on espère contraindre les nains ? pour le symbole du capitalisme effréné déguisé derrière un service culturel de masse ?

    t’inquiète, il y a des tas de raisons plus ou moins bonnes – tu peux choisir celle que tu préfères, on dira rien…

    peut-être aussi parce que cette entreprise nous est vendue comme jeune, cool et sympa, et que le mensonge / foutage de gueule en est d’autant plus éhonté, donc choquant, que chez ikea ou wall-mart (au hasard), qui eux n’ont pas osé choisir comme slogan : work hard,have fun, make history…

    et sans vouloir être méchant (à l’écrit, il vaut mieux préciser), je suis un peu atterré par ta phrase « Je cherche juste ce qu’Amazon aurait de neuf, dans le domaine. »

    dire ça alors même qu’ils font pire, aidés par la cupidité décomplexée de l’époque et par une gestion informatique appliquée à l’humain de façon extrêmement performante (point qui est nouveau, et devrait t’intéresser – regarde du côté du contrôle du stockage et du temps de travail, c’est comme dans une nouvelle de ces sf des 70s que tu affectionnes tant), dire ça, c’est renoncer à toute idée de progrès social, non ?

    et d’ailleurs, quand bien même ils ne feraient pas pire, on pourrait espérer du mieux, je trouve.

  22. By Jean-no on Nov 25, 2013

    @damien : je ne dis pas qu’il faut se satisfaire du fonctionnement d’Amazon, mais j’ai l’impression que le Amazon-bashing est mû chez certains par des arrières-pensées sans lien avec le fonctionnement de l’entreprise et sert notamment à pousser l’État à assister les boites françaises qui n’ont toujours pas réussi à vendre correctement en ligne et qui ne réclament pas de changer les conditions sociales d’Amazon, mais juste à obtenir des aides (cf. les subventions délirantes pour le passage au numérique des éditeurs) ou un aménagement des règles de concurrence qui leur profite.
    (nota : je n’ai pas encore lu l’article du Monde diplo sur Amazon)

  23. By damien on Nov 25, 2013

    d’accord avec ça – et d’ailleurs tu verras que les articles du diplo et de l’huma n’ont rien à voir avec du amazon-bashing plaintif sur le thème de la jalousie face au succès de l’entreprise, mais tout avec la critique sociale et politique de son fonctionnement, donc d’un projet de société, il me semble.

    autrement plus intéressant, et j’espère que c’est le sens du message que je relaie…

  24. By damien on Nov 25, 2013

    (et acheter en direct c’est bien aussi – tiens, justement : mon gamin m’apporte le contenu de la boite à lettres, et ‘les presses du réel’ m’ont envoyé une nouvelle richement illustrée et certainement habilement traduite d’un certain edouard page mitchell…) (merci à toutes les personnes qui ont manipulé l’ouvrage pour qu’il arrive ici)

  25. By Jean-no on Nov 25, 2013

    @damien : bravo :-)

  26. By llf on Nov 26, 2013

    super, je rejoins damien pour les arguments contre amazon.
    Mais Jean-no a raison, l’article étant orienté presse, aborder le sujet ici n’était pas pile-poil approprié. J’avoue que cela fait un moment que je cherchais un prétexte pour aborder le sujet, j’ai bien relu les raisons qui motive l’insertion des liens vers amazon dans à propos, mais quand même.
    Pour moi cela jure avec ce que j’ai cru comprendre du parti pris pour l’édition ici.

    Cela-dit Jean-no tu as raison : il est vrai que Jeff Bezos n’est pas le seul à exploiter ses employés. Mais en appliquant ce raisonnement on ne peut s’insurger contre pas grand chose, sous prétexte que d’autres font pire… Il me semble qu’il faut s’insurger dès que l’on rencontre la situation qui le mérite : sinon on pourra toujours nous rétorquer que jusque-là nous n’avons rien dit, qui ne dit mot consent, « vous aviez qu’à le dire plus tôt que vous n’étiez pas d’accord » etc. Et même sans passer par les remarque extérieure : chacun s’habitue à supporter des situations de plus en plus opposées à ses idéaux.

    Pour le coup le dernier article du diplo m’a vraiment fait une impression forte : l’impression que nous collons déjà à des scénarios dystopiques, du style l’usine de fabrication de robots dans le dernier film de Bloomkamp…

  27. By Jean-no on Nov 27, 2013

    @llf : en tout cas, le Amazon-bashing doit bien fonctionner, car depuis quelques mois, les liens qui mènent à Amazon depuis mon site rapportent quelque chose comme un ou deux euros par mois (contre bien plus auparavant).

  28. By damien on Nov 27, 2013

    @jean-no : ou alors c’est que tu mets moins de liens vers amazon dans tes billets… ça se vérifie, mais en tout cas c’est l’impression que j’en ai (et que j’avais d’ailleurs avant même ce billet-ci).

    mince, tu es une auto-victime inconsciente du lobbying anti-amazon !

  29. By Nicolas B. on Fév 23, 2014

    Sylvette,

    « La mairie du 9e se bat très efficacement pour que les commerces de bouches qui ferment ne laisse pas la place à des Beauty Monop et autres Sephora, mais elle ne s’est pas battue contre la disparition de la maison de la presse, ce qui est à mon avis un tort. »

    C’est marrant, quand il s’agit de favoriser tel petit commerce, on en appelle à la puissance publique. Alors que le principe capitaliste c’est : « Chacun s’installe où il veut et vend ce qu’il veut, du moment qu’il a l’argent pour le faire. » Et même la puissance publique n’est pas censée « distordre » la sacro-sainte concurrence libre et non faussée. Alors oui les bistros de quartier sont remplacés par des boutiques de téléphones portables. Il faudrait savoir ce que l’on veut.

  30. By Jean-no on Fév 23, 2014

    @Nicolas B. : les communes servent justement à corriger les déséquilibres en fonction de ce qui est souhaitable (idéalement). Qu’un village rural fasse un pont d’or à une famille pour qu’elle installe son épicerie-buvette-maison-de-presse-bureau-de-poste où il y en a besoin et où personne ne viendrait spontanément est très bien. Et du reste, ce n’est qu’un paramètre de plus dans la loi de l’offre et de la demande !

  31. By Nicolas B. on Fév 24, 2014

    Jean-No,

    C’est la grande hypocrisie.

    Et telle commune fait aussi un pont d’or à un médecin pour qu’il s’installe dans cette campagne… Mais en libéral. Quelle incohérence !

    Primo, les communes reconnaissent que certains services sont souhaitables, voire nécessaires, pour les habitants.

    Secundo, les communes offrent ces ponts d’or avec l’argent public.

    Les communes doivent donc gérer elles-mêmes ces services. Les médecins, dans des dispensaires ! Une ville confrontée au problème a récemment ouvert elle-même son centre de santé communal. C’est un succès, y compris pour le médecin. Et cela se passe en France, pas en URSS. Et l’épicerie, la presse, la pharmacie… qu’elles soient des services publics elles aussi. C’est une question d’intérêt général.

  32. By Jean-no on Fév 24, 2014

    @Nicolas B. : oui, enfin faire venir un médecin libéral dans une petite commune, on est encore loin de la gabegie des « partenariats publics privés » :-)
    Les pharmacies ont un fonctionnement très particulier, verrouillé par leur ordre. Mais à part ça, oui, il y a des cas où la municipalité pourrait prendre les choses en charge à 100%, si ce n’est la peur de s’engager sur le long terme avec des dépenses difficiles à maîtriser…
    Pour moi, il n’y a pas qu’une voie, il faut voir ce qui fonctionne.

Postez un commentaire


Veuillez noter que l'auteur de ce blog s'autorise à modifier vos commentaires afin d'améliorer leur mise en forme (liens, orthographe) si cela est nécessaire.
En ajoutant un commentaire à cette page, vous acceptez implicitement que celui-ci soit diffusé non seulement ici-même mais aussi sous une autre forme, électronique ou imprimée par exemple.