Autofictif
novembre 29th, 2008 Posted in Lecture, Link-droppingUn peu de littérature pour nous reposer de la programmation — même si la programmation n’a pas tout à fait rien à voir avec la littérature (bon sujet d’article futur, tiens).
Averti, si je m’en souviens, par le scénariste Appollo, j’ai découvert un jour l’existence de l’Autofictif, le blog d’Éric Chevillard. En attendant que Jean-Charles Massera crée son propre site, ça sera sans doute le seul blog d’écrivain que je suis sûr et certain de visiter quotidiennement. Il faut dire que Chevillard est d’une régularité extraordinaire. Chaque jour, qu’il pleuve, qu’il vente, ou qu’il neige, l’écrivain produit trois aphorismes. Beaucoup d’humour, mais aussi quelques phrases que l’on pourrait graver dans le marbre, qui évoquent la condition humaine ou qui semblent extraits d’un roman jamais paru.
Quelques exemples, pris (presque) complètement au hasard :
Je décris mon mal en faisant usage des termes médicaux appropriés, mais le médecin semble passablement agacé par ma maîtrise de sa langue en quoi consistait sans doute tout le soin qu’il comptait me prodiguer.
Comme un poisson dans l’eau. Dans la crainte perpétuelle du court-bouillon.
Il est fréquent de voir des comédiens vieillissants faire de la publicité pour des entreprises de pompes funèbres. Je serais fort curieux d’entendre l’argumentaire des agences qui les sollicitent.
Ma mort n’arrivera qu’aux autres.
Le violeur de l’ONU était bourguignon, titre le journal local, non sans chauvinisme.
Le pape croit en Dieu, évidemment. Mais, plus étonnant, on dirait bien qu’il croit aussi au pape. Alors pourtant que c’est lui, le pape ! Comment peut-on être dupe à ce point ? !
La mort est une survivance archaïque des époques barbares.
Il faudrait que je me tienne vraiment en très haute estime pour ne pas trouver légèrement excessive malgré tout la jubilation de ma fille à chaque fois que j’apparais.
Quand je me sens d’humeur maussade, je n’ai qu’à chatouiller ma fille. La brave petite ne refuse jamais de rire à ma place.
Le chat fait miaou, le coq fait cocorico, le chien fait ouah, le mouton fait bêêêê, la vache fait meuh, la girafe fait pouët.
Le langage rudimentaire des textos nous permet enfin de converser au téléphone avec les Australopithèques.
La Vierge m’est apparue il y a quelques jours, mais je ne suis pourtant pas si naïf et je m’étonne d’avoir gobé ça. Seule explication plausible : elle m’aura fait boire avant.
On confond souvent les chiens téléguidés, reliés à leur maître par un fil, et les chiens télécommandés qui obéissent aux ordres à distance.
Tu commandes une bière. Le garçon en énumère douze. Tu choisis avec une mine de connaisseur la seule dont tu as compris le nom.
L’éléphant qui te charge, renverse-le sur le dos ; il aura toutes les peines du monde à se relever, si seulement il y parvient. Et alors tu seras loin.
Voici donc à quoi se résume l’activité humaine : extraire l’or de la mine pour l’enfouir dans le jardin.
Les fantômes n’existent pas. Il n’y en a pas, il n’y en a jamais eu. C’est d’ailleurs ce qui rend leurs apparitions si effrayantes.
Bien présomptueux, le sot qui garde le silence.
Chacun de ses milliers d’aphorismes règle une fois pour toutes la question de l’homme et il n’y a plus à y revenir.
Tous les matins, je vais donc lire les trois aphorismes du jour, comme chaque midi je vais chercher le courrier dans ma boite-aux-lettres, c’est devenu un rite. Le site n’est pas spécialement beau à regarder et son flux rss tronque les paragraphes, mais ça reste toujours un plaisir de s’y rendre. L’auteur, malgré une douzaine de publications aux éditions de Minuit se présente régulièrement (toujours sur son site) comme un écrivain sans public ou à peu près. Son blog, si on l’en croit, a plus de lecteurs :
Cette page quotidienne rencontre un succès qui me vexe. Voudrait-on perfidement me faire savoir que mes travaux d’écritures ne sont lisibles qu’à dose homéopathique ?
9 Responses to “Autofictif”
By Denis on Nov 29, 2008
Oui, c’est un blog que je lis avec beaucoup de plaisir également – à tel point que j’en suis devenu accro.
Je ne sais pas lequel de ses aphorismes est mon préféré, si j’en choisis un, je serai déçu de ne pas en avoir sélectionné un autre… Mais celui de l’éléphant me séduit beaucoup. Après tout, c’est peut-être le plus logique.
By Wood on Nov 29, 2008
Et hop, bookmarké !
Les bons aphoristes se font rare, je m’en voudrais de manquer celui-ci
By Denis on Nov 29, 2008
Ah ah, je n’avais pas vu la girafe qui pouëtte en illustration :-)
By david t on Nov 30, 2008
lisez chevillard. ses livres sont extraordinairement bons, drôles, fins, écrits avec verve, bon, ça ne sert à rien d’abuser avec les épithètes. lisez chevillard c’est tout.
le vaillant petit tailleur est un vrai chef-d’oeuvre de chez chef-d’oeuvre. oreille rouge très bon aussi. la nébuleuse du crabe également. démolir nisard excellent. bon, je ne vais pas tous les citer quand même.
quant à ses aphorismes, ils devraient se retrouver en version imprimée un de ces jours si je comprends bien…
lisez chevillard!
By Wood on Nov 30, 2008
Ah mais c’est de lui, « Le vaillant petit tailleur » ? Je l’ai lu, celui-là.
By david t on Nov 30, 2008
le vaillant petit tailleur de chez minuit est de lui, oui. l’autre non. :)
By Wood on Nov 30, 2008
On parle bien du même.
By Jean-no on Nov 30, 2008
Au hasard, j’ai acheté L’œuvre posthume de Thomas Pilaster que je n’ai point encore lu.
By david t on Déc 6, 2008
eh ben la voilà, la version livre de l’autofictif:
http://www.arbre-vengeur.fr/Breves.htm