Eurokitsch
mai 26th, 2008 Posted in Dans le posteJ’oublie souvent de regarder le concours Eurovision de la chanson. Il faut dire que c’est généralement un supplice : qui écoute ce genre de chansons ? Pourquoi ces gens sont-ils déguisés en patineurs artistiques ? Cette année, il y avait d’ailleurs un vrai patineur artistique sur scène. L’ensemble donne souvent l’impression que la plupart des pays participants ont des goûts musicaux désastreux, non seulement parce que les concurrents semblent pour la plupart issus d’une anomalie spatio-temporelle (toujours vingt ans de retard sur l’histoire de la musique pop) mais aussi parce que les votes effectués depuis chaque pays renforcent cette impression d’un mauvais goût généralisé.
Cette année, j’étais assez impatient de voir la prestation du concurrent français, Sébastien Tellier.
Le bonhomme est une figure de la musique électronique, il est notamment l’un des trois auteurs de la bande son de Steak (où il interprète par ailleurs un rôle marquant) dont nous parlions il y a quelques semaines.
Sa particularité dans le monde de la musique électronique, outre une dégaine de Bee-Gee timide et une passion pour la musique de film, c’est d’être un compositeur rigoureux, un vrai musicien et un chanteur. Par ailleurs ouvert à l’art contemporain, il a travaillé notamment avec Xavier Veilhan, tout en revendiquant le fait de produire une musique qui est tout sauf conceptuelle. Bref, un musicien à la pointe, le bon goût, le hype, un des plus brillants représentants de la French Touch actuelle.
On peut féliciter France Télévisions d’avoir pensé à le sélectionner pour l’Eurovision. L’an dernier, ce sont les Fatals Picards (amusants et talentueux auteurs de l’Enterrement de Derrick ou de Goldorak est mort) qui représentaient la France, avec un texte un tout petit peu trop fin et presque trop approprié puisqu’il évoquait les distortions culturelles vécues par les langues lorsqu’elles sont utilisées dans des chansons, et les clichés touristiques. Philippe Katerine a été approché, aussi. Ces manifestations d’audace sont rendues possibles par le fait que la France est dispensée de présélections. Je ne suis pas chauvin mais pour moi il est évident que « nous » (si ce « nous » signifie quelque chose) présentions le meilleur titre, et de loin.
Le chanteur chevelu-barbu à lunettes noires et pantalon immaculé arrive sur scène dans une petite voiture. Ses choristes sont affublées de barbes (on n’accusera personne d’avoir joué la carte du racolage) et il tient, dans les mains, un ballon-mappemonde en plastique transparent. Boite-à-rythmes un peu sèche, des synthétiseurs qui rappellent ceux de Louis Chédid au début des années 1980, des wap-doo-wap fifties, une ritournelle qui fonctionne… En plein milieu de la chanson, Tellier ôte le bouchon du ballon et respire l’hélium qui se trouve dedans pour continuer la chanson avec une voix cartoon. Puis il s’agenouille, et derrière lui le décor (très poster 70s) montre une éclipse de soleil. Le chœur l’accompagne religieusement… Et puis la boite à rythmes repart. Fin de la chanson, le public n’a pas l’air de détester.
Sans surprise, cependant, le bon goût est puni et le titre Divine, de Sébastien Tellier, ne recueille péniblement que quelques votes symboliques. L’Islande lui a attribué 8 points. J’aime imaginer Björk, la reine des neiges, explosant son forfait comme disent les jeunes, pour attribuer un maximum de votes au seul vrai auteur-compositeur-interprète intéressant présent dans la compétition (mais je ne crois pas, en fait, que Björk vive effectivement en Islande).
Pour le reste, les anciens vassaux de la Russie (et ils sont nombreux) ont voté pour leur oppresseur, les anciens frères ennemis des Balkans ont voté les uns pour les autres et les pays fondateurs du concours (et de la communauté européenne d’ailleurs) se sont rétamés en beauté – sauf l’Italie ou le Luxembourg qui ne veulent même plus participer. La Russie remporte le concours, pour la première fois, peut-être parce qu’ils avaient amené un champion du monde de patin artistique sur scène ? Le pauvre faisait des tours sur lui-même dans quelques mètres carrés, on a rarement vu spectacle plus lamentable.
L’Europe change, son centre se déplace, et nous nous en éloignons.
On peut voir la prestation à l’Eurovision et le clip officiel de la chanson sur Youtube. Pour la bonne bouche, toujours sur Youtube, une bande-annonce de l’albums Politics (2004), une autre et une troisième.
3 Responses to “Eurokitsch”
By bobig on Mai 26, 2008
100% d’accord sebastien tellier aurait du emporter haut la main la 1ere place. sa prestation était top moumoutte pleine d’humour…j’ai bien aimé.
son album tourne en boucle chez moi :)
By Mr Vandermeulen on Mai 27, 2008
L’Eurovision n’est pas forcément un supplice, on peut essayer de s’en amuser. Pour ma part, j’ai organisé plusieurs fois un petit concours chez moi, et c’était très plaisant. Prenez quelques amis invités, un lot de cadeaux à gagner, et le jeu peut commencer : il suffit de donner le tiercé de tête des perdants. Eh bien, croyez le ou non, personne, jamais, n’est arrivé à placer un seul candidat dans le tiercé de queue! Essayez une année, vous verrez, c’est très surprenant.
Bien entendu, j’ai un peu passé l’âge pour ces bêtises et mes oreilles ont du mal à souffrir ces nouvelles musiques en lisse (où sont les Jean Vallée d’antan ?)
By Jean-no on Mai 27, 2008
Encore un de ces jeux qui défient la logique. Dès l’an prochain, je m’y essaie.