Profitez-en, après celui là c'est fini

Intouchables

mars 3rd, 2013 Posted in Au cinéma, Fictionosphère

intouchablesUn film qui a attiré des millions de spectateurs est toujours intéressant à analyser, parce que son public nombreux est aussi en grande partie son co-auteur. En aimant massivement un film, il affirme que quelque chose de l’air du temps, de la mentalité générale, se trouve dans l’œuvre. C’est en étant bien conscients de cela, je pense, que les spectateurs « exigeants » évitent souvent d’aller voir ce genre de film ou qui, s’ils le font, mettent parfois un point d’honneur à le dénigrer. Leur snobisme est parfois fondé, puisque c’est souvent autour du plus petit dénominateur intellectuel commun des spectateurs que se fait le plus large consensus. Cet air du temps que les films populaires captent n’est jamais une représentation fidèle de la réalité, mais le miroir que le public est prêt à accepter qu’on lui tende. Un succès populaire en dit donc beaucoup sur son public et sur ses évolutions.
Évidemment, un grand succès signifie ensuite qu’une population très étendue a été soumise aux mêmes références esthétiques et idéologiques, il est donc l’expression de la mentalité générale autant qu’un outil apte à façonner cette mentalité.
Tout ça pour dire que j’ai regardé Intouchables, après quasiment vingt millions de Français et trente millions d’autres gens dans le monde : le dernier blog est aussi celui du dernier spectateur. Et puisque ce film a eu tant de succès, je me pose des questions.

Des deux mêmes auteurs, Olivier Nakache et Éric Toledano,  j’avais apprécié Nos jours heureux, aimable comédie qui racontait le quotidien d’une colonies de vacances. Sur Intouchables, je savais d’avance qu’il s’agissait de la gentille histoire d’un gentil tétraplégique très riche, vivant dans un hôtel particulier, qui se lie d’amitié avec son auxiliaire de vie, un repris de justice issu quant à lui d’une cité de banlieue où l’on n’a pas de tableaux de maîtres dans sa chambre ni d’orchestre dans son salon pour son anniversaire. Je redoutais un peu de ressentir l’embarras que j’avais vécu en visionnant Bienvenue chez les Ch’tis, comédie dont les bons sentiments et les quelques scènes amusantes n’arrivent pas à m’expliquer le succès phénoménal. Intouchables est nettement au dessus, ne serait-ce que grâce aux acteurs (le rire d’Omar Sy est assez irrésistible !) et à la discrète et appréciable distance qu’ils entretiennent vis-à-vis de leurs rôles : il m’a semblé en effet qu’Omar Sy et François Cluzet restent toujours conscients d’incarner des clichés et ne tentent pas de donner à ceux-ci une consistance exagérée1 — basé ou non sur une histoire vraie, Intouchables reste un conte et rien d’autre. Enfin je l’ai ressenti comme ça.

intouchables_1

«Non mais sérieux, vous n’allez pas acheter cette croûte 30 000 € ! C’est pas possible ça !»

Certains ont vu dans Intouchables un film qui prend position contre toutes les formes d’exclusion, contre la condescendance. Je ne suis pas tout à fait d’accord, ne serait-ce que parce qu’on ne peut pas obtenir un tel résultat en s’appuyant sur des clichés pour construire ses personnages. Utiliser des clichés, c’est aussi les valider. Je remarque surtout une tendance lourde au dénigrement de la culture « haute ». Il y a par exemple l’histoire de la peinture abstraite que n’importe qui pourrait faire, mais que l’on arrive à vendre au premier gogo venu en lui faisant croire que l’artiste est en train de percer ; il y a les lettres soporifiques et prétentieuses que Philippe, le tétraplégique, envoie à une jeune femme qu’il n’a jamais rencontré, à base de citations de Baudelaire ; etc. Ce qui est dit explicitement ici c’est que ce qui différencie une croûte d’un chef d’œuvre ou un œuf de Fabergé d’un œuf Kinder, c’est la fortune de celui qui en fixe la valeur, opinion partiellement observable, mais que cette valeur est, au fond, nulle, qu’il ne s’agit que d’une mascarade, que la « culture cultivée » n’a ni substance ni intérêt, que la littérature ne vaut pas un coup de fil et que toute personne amenée à être un peu franche est forcée d’en convenir. Driss vient donc chez Philippe avec le message de l’enfant des Habits neufs de l’Empereur, d’Andersen : il est celui qui ose dire « le roi est nu ». Et ce que tire le personnage de Driss de sa fréquentation d’un homme passionné de musique savante, c’est surtout de pouvoir étonner une conseillère Pôle-emploi en connaissant Dali et en sachant reconnaître un alexandrin. Au delà du populisme, certaines saillies sont plutôt bien envoyées, comme lorsque Driss reconnaît un morceau de musique classique parce qu’il l’a entendu dans une publicité, et un autre parce que c’est la musique d’attente du répondeur téléphonique des Assedics. Plus discrètement, on le voit aussi retourner dans sa cité sur fond de Vivaldi. Mais traiter des centaines d’années d’histoire de l’art comme une culture morte, sclérosée, impotente, est une prise de position assez terrible de la part des auteurs du scénario. C’est le sens de la fameuse scène où Driss danse sur Boogie Wonderland après avoir écouté sans plaisir des concertos classiques : tout le personnel de la maison prend en quelque sorte son parti en dansant avec lui — scène qui aurait été terriblement embarrassante sinon, mais peut-être plus intéressante.

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«à votre avis on peut en tirer combien ?»

Le film parle donc de la rencontre de deux « exclus », l’un parce qu’il habite de l’autre côté du Boulevard Périphérique et l’autre parce qu’il est en fauteuil roulant2. Considéré comme un conte, donc, ça fonctionne assez bien. Considéré comme une histoire vraie — qui n’est jamais qu’un cas particulier du conte, rien n’est plus fabriqué, souvent que la réalité que l’on raconte et que les faits que l’on rapporte3 —, ça marche encore. Mais je tique sur le dégât collatéral que constitue la concurrence entre cultures : là, pas de rencontre, juste une guerre. Driss restera persuadé que la seule chose enviable dans l’univers culturel de son hôte, c’est sa grande salle de bains et la grosse cylindrée qui serait restée couverte d’une bâche sans son intervention. Ce qui m’étonne le plus c’est la culture « jeune » qui est opposée à Vivaldi et à Schubert : ni graffitis, ni mangas, ni rap, ni musique électronique, mais principalement du Earth, Wind and Fire de la fin des années 1970, du George Benson de la même époque et du Nina Simone encore plus ancien. C’est à dire de la musique qui appartient plus à la génération du personnage de Philippe qu’à celle de Driss, et qui est forcément familière à tout spectateur. Je remarque par ailleurs que la télévision et la radio n’occupent aucune place dans le film. J’imagine qu’il s’agissait de montrer le personnage de Philippe en handicapé volontaire, qui refuse la passivité de la position de spectateur…

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À l’opéra : «C’est un arbre qui chante (…) c’est de l’allemand en plus»

La personne qui m’a prêté le DVD m’a aussi confié le coffret des œuvres complètes d’Agnès Varda. J’ai commencé par Jacquot de Nantes, qui raconte l’enfance de Jacques Demy et qui a été tourné alors que ce dernier était en train de mourir. Le rapport de ce film à la réalité est étourdissant : certains passages sont écrits pour coller à des citations de films de Demy, le garage de Demy père a été reconstitué dans un garage qui a pris sa place, où l’on a même retrouvé, sous des strates de fourbi, les décors confectionnés par l’auteur des Demoiselles de Rochefort pour les petits films d’animation qu’il réalisait adolescent. À aucun moment on n’arrive à admettre que les images ont été tournées en 1990, ni que ce film sur la vie et la création a été tourné devant un moribond — puisque Demy a assisté à tout le tournage et est mort dix jours après son dernier clap. Ici, pas de clins d’œils démagogiques, pas de guerre entre générations, juste l’histoire d’un enfant qui aimait tellement le cinéma qu’il a voulu en faire lui-même plutôt que de devenir, comme prévu, mécanicien automobile. Un très beau film, à vrai dire, où la musique joue aussi, évidemment, un rôle immense mais tout à fait pacifique, ce n’est pas une arme de guerre, mais au contraire, un moyen pour mettre tout le monde d’accord. Chez Demy, enfin le Demy de Varda, l’art et la création sont un moyen de partage autant qu’un moyen d’affirmer son individualité, on peut écouter Trénet et Gounod, Les quatre saisons et Ça vaut mieux que d’attraper le scarlatine.

jacquot_de_nantes_studio

Même si Intouchables se regarde sans déplaisir, le soir où la télévision vous donnera le choix entre Intouchables et Jacquot de Nantes, je conseille Jacquot de Nantes. Oui, je sais ce qu’on va me dire, je tombe moi-même dans le travers qui consiste à opposer une certaine culture à une autre, alors que c’est justement ce qui m’a gêné dans Intouchables

Lire ailleurs : Bienvenue chez les Intouchables… notes sur la prosécogénie d’un film, par Olivier Beuvelet.

  1. Les dialogues, par ailleurs, ne sont marqués par aucune tentation sérieuse de « faire vrai ». []
  2. On dit que les Américains ont jugé ce film raciste. Je veux bien croire que nos clichés ne correspondent pas aux leurs, mais j’aurais été curieux de connaître leurs arguments, car pour ma part, ce n’est pas quelque chose qui me frappe. En revanche, l’utilisation de la culture classique européenne comme repoussoir m’a semblé justement très américain. []
  3. Je me rappelle avoir lu que l’homme qui a vécu l’histoire et écrit le livre dont est inspiré le film disait que celui-ci était avait « un ton juste » non parce qu’il s’agit de son histoire, racontée avec rigueur, mais parce que le public est ému, y a adhère. []
  1. 44 Responses to “Intouchables”

  2. By Julie on Mar 3, 2013

    Je me demande si on peut « voir » un film si on ne pense qu’au texte que l’on va écrire sur son blog ou sur la tirade que l’on va faire entre le fromage et la poire.
    Je me demande si un enfant peut aimer un poéme si il ne le lit que pour en faire une rédaction pour sa vieille prof.
    Ceux qui aiment un film ne l’aiment pas pour ce qu’ils vont en faire n’est-ce pas? Sont-ils inférieurs pour cela? Ou au contraire, ils ont compris pourquoi le film est fait. Pour un plaisir de 2 heures. Pas pour 1 minute après le camembert!!

  3. By Julie on Mar 3, 2013

    Kurosawa? Si ce n’est pas pour 2 heures de plaisir c’est pour quoi? Pour Quelles questions entre le fromage et la poire?

  4. By Julie on Mar 3, 2013

    « Regarder » les Intouchables ou un Kurosawa pour classer ces films entre divertissement et intelligent et leur mettre une note entre la fromage et la poire! Je trouve cela drôle, divertissant.

  5. By Jean-no on Mar 3, 2013

    @Julie : je regarde des films tous les jours, parfois j’ai envie d’en parler, parfois pas. Qui a parlé d’infériorité ? Ce n’est pas parce qu’un film n’est fait que pour le divertissement qu’il ne faut pas se poser de questions sur son contenu, au contraire. Essayer d’avoir un regard critique n’a jamais gâché mon plaisir de spectateur, je n’éprouve pas de difficulté à me dédoubler pour faire les deux en même temps, excepté devant des œuvres qui m’embarquent vraiment loin, mais bon, Intouchables, c’est pas du Kurosawa, du Kechiche ou du Renoir, et ça, je pense que personne n’a prétendu le contraire.

  6. By Jean-no on Mar 3, 2013

    @Julie : mais pourquoi « entre la poire et le fromage » ? On n’a pas le droit de se poser de questions devant un film ?

  7. By Julie on Mar 3, 2013

    Il ne te reste plus que de prendre de la distance avec ton ordinateur, t’immerger dans la culture japonaise pour pouvoir classer et noter les films de Kurosawa par rapport à d’autres entre la poire et le fromage.

    Pour ses films ce ne doit pas être très facile de faire la différence entre l’exotisme d ‘exportation et  » l’intelligence »! Mais est-ce important pour faire la conversation?

  8. By Jean-no on Mar 3, 2013

    @Julie : je ne suis pas spécialement intéressé par les classements. Le premier film que j’ai vu de Kurosawa n’était pas japonais, c’était un film russe, Dersou Ouzala. J’ai du le voir à dix ans et c’est une de mes premières vraies émotions de cinéma. L’exotisme est parfois séduisant, mais le grand cinéma est assez international : Satyajit Ray était très indien et Jean Renoir très français, pourtant le premier a connu sa vocation grâce au premier… Je ne vois pas trop où vous voulez en venir, avec vos poires et vos fromages. Quel est le problème ?

  9. By Jean-no on Mar 3, 2013

    @Julie : Mais Kurosawa ce n’est pas plus intelligent qu’Intouchables, enfin si mais ce n’est pas la question (au contraire, les films qui se veulent intelligents ont souvent tendance à amener le spectateur à prendre de la distance), par contre c’est du grand cinéma, j’oublie facilement que je suis devant un film quand je regarde les siens, même quand je les ai vus cent fois, ce qui m’étonne toujours.

  10. By Julie on Mar 3, 2013

     » Le grand cinéma  » ? Et tu ne classes pas?

    « La poire et le fromage ». C’est le moment privilégié pour placer la Culture.
    Merci de ces échanges distrayants. Bonne soirée.

  11. By Jean-no on Mar 3, 2013

    @Julie : On est en plein dans mon problème vis à vis de ce que m’inspire le traitement de la culture dans Intouchables : j’y sens une forme de mépris. C’est un peu ce que je lis dans votre « entre la poire et le fromage » à vrai dire.

  12. By maxence on Mar 3, 2013

    J’ai un peu de mal à voir de quoi tu parles Jean-Noel car je me suis endormi dès la première demi-heure de ce « film » (mais j’ai quand même pu voir à quel point Omar Sy jouait faux!)
    Je profite de cet article pour signaler mon analyse de l’art contemporain dans Desperate Housewife (dernière saison) qui est aussi bien gratinée!
    Osskoor.com : Desperate Housewives versus Monde de l’art : l’artiste

  13. By Jean-no on Mar 3, 2013

    @maxence : j’irai lire ça. Omar Sy ne joue pas « vrai » mais je pense que c’est voulu, d’autant qu’il peut très bien le faire, il l’a prouvé ailleurs.

  14. By Meg on Mar 4, 2013

    Pour le racisme qu’ont ressentie les américains, ils ont donner quelques explications, et il y a aussi beaucoup de sexisme dans intouchable. Ce qui réunit ces deux hommes c’est leur moquerie des femmes, la séduction des femmes (matage de fessiers et echange de technique de drague est la base de leur solidarité masculine) et le mépris des femmes (scène des bas que Sly ne veut pas enfiler à Cluzet, on est pas des gonzesses mec).

    Pour les clichés racistes, le fait que le personnage noir soit un voyou( un sauvageon qui n’est pas bien « civilisé »), ne respecte pas le code de la route(d’ailleurs un mec pourrait il résister à l’attrait d’une voiture de sport surpuissant ?), aime danser( les noirs ont le sens du rythme), le sport(domaine dans lequel les noirs sont surreprésenté), n’ait pas de culture « haute » (truc de blancs-bourgeois). Le fait que le personnage noir soit présenté comme plus viril peut aussi être vu comme un cliché raciste. Sly est venu revirioiser cluzet. il doit y en avoir d’autres, je n’ai plus mes sources sous la main, mais au besoin je peut les rechercher.

  15. By Meg on Mar 4, 2013

    Voici un lien qui donne plus de détail sur le sexisme dans intouchable
    Le cinéma est politique / L’intouchable domination masculine

    Bonne journée

  16. By Jean-no on Mar 4, 2013

    @Meg : difficile de réfuter ce constat, c’est clairement un film « d’amitié virile » où les femmes se font assigner des positions assez précises…

  17. By Red John :-) on Mar 6, 2013

    Concernant l’observation des clichés racistes que la plupart des critiques français ne comprennent pas (ce n’est pas leur « culture »), j’ajouterais qu’il existe une relation de pouvoir effective qui est narrativement gommé à la française (avec ce rêve apolitique « black, blanc, beur : tous potes » habite la narration du film, de même que la narration de « l’histoire vraie ») : tout d’abord entre le personnage de Philippe et celui de Driss qui joue sur des oppositions de pouvoir : pauvre/riche, domestique/patron (référence à l’esclavage), noir/blanc, culture populaire/haute culture. Mais aussi entre Cluzet et Sy, Cluzet est l’acteur blanc qui n’a plus rien à prouver, tandis que Sy est LA REVELATION, et il y a là une espèce de condescendance : ce mec de cité qui fait des petits sketchs pour canal + (SAV des émissions) est finalement capable de faire du « bon » cinéma. Et nous avons d’ailleurs le même phénomène avec Joey Starr. Après je suis conscient qu’il y a une dissymétrie entre les carrières de l’un et de l’autre, mais peut-être aussi y apporter des solutions politiques : quel place pour les mecs/filles de cité dans le cinéma français ?

  18. By Jean-no on Mar 6, 2013

    @Red John : juste sur la question « quelle place pour les mecs/filles de cité dans le cinéma français ? », je pense qu’on a fait de sacrés progrès, puisqu’au moins, les mecs/filles des cités ont une existence réelle dans les médias, au cinéma (merci Canal+ je pense),… Ensuite il faut voir quels rôles on leur donne. Je me souviens que Saïd Taghmaoui disait dans une interview qu’il avait fait carrière hors de France car il en avait marre d’incarner le zonard de service (lui qui vient d’une cité de Seine-Saint-Denis)… Mais aux US il incarne l’arabe de service, donc il est dans un autre cliché (mais pour le coup des rôles de composition : terroriste irakien, terroriste Afghan, Heuuu…).
    Enfin quoi qu’il en soit, la situation a changé, et à mon avis en mieux.

  19. By Red John :-) on Mar 6, 2013

    Je voudrais ajouter par rapport à la remarque de Meg à propos au sexisme dans le film Intouchable qu’il y a une construction narrative de « l’homme noir » comme « sujet sexiste » : la construction narrative de Driss en tant que « sauvageon qui n’est pas bien « civilisé » » comme le dit Meg, ne peut pas être féministe, c’est tout l’inverse.
    « L’homme blanc » (fondamentalement cultivé), Philippe, est construit comme une sorte de Roméo shakespearien, un amoureux courtois. Tandis que Driss est le cliché du « mec noir » de cité, incapable de voir les femmes autrement que comme des objets sexuels ou comme des victimes qu’il faut protéger des autres hommes par la violence (comme lorsqu’il menace le petit-ami de la fille de Philippe). C’est avec un esprit de dérision peu dissimulé (bien que son affection soit sincère) que Philippe adhère à cette culture machiste de Driss qui reste codée tout au long du film comme culture du pauvre, des cités (ou des banlieues), et non-blanche.

  20. By Julie on Mar 6, 2013

    Oui, c’est évident, on nous présente les clichés de « l’homme noir ». Et il est habituel que nous en débattions.
    Et pourquoi ne débattrions nous pas de « l’homme handicapé »? Il y a de nombreux clichés sur « l’homme handicapé » dans ce film. Il a un fauteuil roulant. Il ne marche pas. Il a des valeurs.
    Finalement, pour ce film, pour éviter les clichés et les commentaires habituels dans ce registre, il aurait fallu un acteur « non noir » et un riche « non handicapé »

  21. By Roy on Mar 7, 2013

    @Julie: ce qui accrédite la thèse de Jean-No lorsqu’il affirme que cela relève plus du conte et que c’est sans doute un choix assumé.

    Merci pour cette analyse.

  22. By Julie on Mar 7, 2013

    @Roy: tu penses que c’est un choix assumé? Qu’il est possible qu’il ait choisi un noir et un handicapé pas par hasard? Voilà une bonne question à se poser. Sur laquelle nous avons à débattre sur le fond, de manière intelligente.
    N’est-ce pas là la « culture haute »?

  23. By Jean-no on Mar 7, 2013

    @Julie : ce que j’appelle « culture haute » ou « culture cultivée », c’est l’art bourgeois, c’est à dire actuellement (car souvent ce sont d’anciennes formes populaires) : la grande littérature, l’opéra, la musique classique, mais aussi l’art contemporain. Il est bien entendu que j’utilise l’expression sans porter de jugement de valeur esthétique, mon second livre parle de ça très précisément (dans le cas de la bande dessinée).
    Je ne sais pas pourquoi le personnage de Driss est noir. C’est peut-être une question à se poser car c’est un des décalages qui séparent l’histoire « vraie » du film, puisque dans l’histoire d’origine, l’assistant de vie est d’origine marocaine. Est-ce qu’il y a recours aux clichés coloniaux ? Est-ce qu’Omar Sy a juste été choisi parce qu’il convenait au rôle sur d’autres points ? (carrure, talent d’acteur, ou tout bêtement lien avec les réalisateurs, qui ont employé Omar Sy à plusieurs reprises déjà). Je n’en préjugerais pas.
    Mais l’ensemble tient évidemment du conte, avec des oppositions assez simples (pauvre/riche, noir/blanc, valide/invalide,…). Et ça fonctionne bien sûr.

  24. By Red John :-) on Mar 7, 2013

    @ Julie

    « pour éviter les clichés et les commentaires habituels dans ce registre »

    Le film est « une fenêtre sur le monde », il nous permet de lire la société. Les « clichés » sont inévitables, car le film n’échappe au contexte social dans lequel il est produit.

    Je sens une pointe d’agacement dans votre commentaire, mais il ne s’agit pas dans mon propos d’agresser les auteurs/acteurs du film mais simplement de débattre de certaines représentations. Si vous voulez, il n’y a pas de « bonne représentation » et de « mauvaise représentation », cependant les « représentations » ouvrent à une critique politique quasi-systématique.

    Il n’y a pas à regretter l’absence ou la présences acteurs (en l’occurrence Cluzet est certainement riche et non handicapé), ce n’est pas la question, le film est ce qu’il est : tout son intérêt se situe dans ce qu’il a de critiquable, un film sur lequel il n’y a rien à dire serait inutile.

    Cependant, il est vrai que ce film peut aussi jouer un rôle politique dans la société en renforçant certaines normes, ou certains clichés, oppressant pour une partie de la population (noir et handicapé) et là c’est un peu moins enthousiasmant. C’est tout… Toutefois les clichés existaient déjà avant ce film, nous sommes bien d’accord.

  25. By Julie on Mar 7, 2013

     » un film sur lequel il n’y aurait rien à dire serait inutile » . En voilà une belle conclusion.
    Oui, la finalité unique d’un film est de permettre la critique à certaine catégorie sociale!! Comme je disais, entre la poire et le fromage, sous forme de « sms » définitifs et prétentieux.
    [Qui oserait dire qu’il puisse y avoir une autre finalité!]
    C’est à ce moment qu’il est décidé que le film fait partie de « la culture haute » ou non. Mais attention! Il n’y a pas, dans la notion de « haute », un quelconque jugement de valeur par comparaison à la culture populace. Le prétendre serait être de mauvaise foi et faire preuve d’ un total manque de compréhension de la grandeur du jugement exprimé.
    Ainsi dans un film ou l’acteur principal est noir, il est de bon ton de s’étonné de voir l’acteur dansé, d’être fort etc…et d’en conclure que le film ne peut ainsi être de  » culture haute ». De par ses clichés!

    Ainsi les films avec un acteur principal noir auront le plus grand mal à faire partie de : « la culture haute ». Au vu des « clichés » découverts.
    Le racisme est, en France, un art. Dans les milieux de « la culture haute ». Pratiqué entre la poire et le fromage.

  26. By Julie on Mar 7, 2013

    C’est a peu près cela. Mais deux remarques.

    Je ne donnerais pas crédit à la « haute culture » d’avoir conscience de leur système de pensée. C’est plus de l’automatisme.

    Les communautés ne sont pas privées, ICI, de paroles. Tout simplement ces discussions par des critiques sans légitimité n’a que peu d’intérêt pour eux.
    Et ils n’ont pas besoin de longues réflexions pour voir dans un film leur quotidien.

    L’émerveillement et le questionnement des « hautes cultures Françaises » devant des évidences pour d’autres communautés est trop drôle.

    PS: « Les hautes cultures » acceptent parfois que les noirs seront d’art. Quand ils ne sont pas « hauts ». :)

  27. By Jean-no on Mar 8, 2013

    @Julie « Les hautes cultures » acceptent parfois que les noirs seront d’art. Quand ils ne sont pas « hauts ». :)

    Je dois dire que parfois je ne comprends strictement rien à vos phrases. Ça rend les échanges difficiles.

  28. By Red John :-) on Mar 7, 2013

    @ Julie

    Je suis d’accord avec vous, ne vous déplaise.
    Du moins, si je vous ai bien suivi.

    Si je résume : vous dites bien que si un film est identifié comme cliché, il ne fait pas parti dans la « haute culture ». Ceux et celles qui critiquent les clichés sont des privilégiés parce qu’ils ont le monopole de la parole. C’est vrai que l’on entend peu les communautés concernés s’exprimer.

    Selon vous toujours, la seule visibilité des noirs dans un film fait qu’il ne sera pas considéré comme de l’art, et la « haute culture » se sert de la critique des clichés comme prétexte pour l’exclure. Il faut donc se méfier d’une contre-productivité des discours critiques qui empêchent les acteur noir d’appartenir à la « haute culture ». Ca mérite réflexion…

  29. By Red John :-) on Mar 7, 2013

    « Tout simplement ces discussions par des critiques sans légitimité n’a que peu d’intérêt pour eux. »

    Absolument ! De même qu’elles s’en fichent d’appartenir à une « haute culture », de toute manière toujours déjà codifiée comme blanche en occident.
    D’ailleurs, il y a aussi de l’ironie dans les attitudes de protection d’intellectuels blancs qui se sentent légitime et exerce leur domination par cette auto-représentation en « sauveur » des minorités.
    C’est un débat qui est récurrent et très intéressant chez le mouvement politique des Indigènes de la République.

  30. By Julie on Mar 8, 2013

    @ Jean-no,

    Oui, je sais que tu ne comprends pas. Mais c’est comme pour les films. Tout le monde ne peut pas comprendre pourquoi le film est créé.

    @Red John;

    « indigène de la République »: Excellent vocable. Ils sont dans leur camisole inaccessibles à une autre vision que celle qui leur a été inculquée: « le blanc indigène républicain et cultivé ».

    « Intouchables » voilà un titre amusant. N’y aurait-il pas là un foutage de gueule de la Haute Culture.

  31. By Jean-no on Mar 8, 2013

    @Julie : quand une phrase n’a aucun sens, il est normal de ne pas la comprendre. Quand aux raisons pour lesquelles les films sont créés, ce n’est qu’une partie de l’équation, personnellement ce qui m’intéresse, c’est ce qui est véhiculé, indépendamment des intentions de l’auteur.

  32. By Red John :-) on Mar 8, 2013

    @ Jean-no

    Ce que Julie a brillamment démontré c’est le dispositif raciste de l’espace élitiste médiatisé (journaliste, critique, universitaire) autour du film Intouchable.
    Ce dispositif produit « l’intellectuel blanc » comme un sujet raciste à travers une stratégie politique qui vise à la domination de la prise de parole blanche. Je me permettrais ici d’extrapoler la restitution de sa démonstration pour mieux la faire comprendre.

    Le dispositif que décrit Julie est le suivant : la critique du racisme dans le film Intouchable par des intellectuel-le-s blancs (qui se sont massivement exprimé sur le sujet) pourrait bien masquer le processus politique (volontaire ou non) par lequel ces élites situées délégitiment un film dans lequel apparaissent des sujets minoritaires (noir ou handicapé). Le dispositif est d’autant plus pervers qu’il incite ce spectateur a pensé de lui-même qu’il adopte une posture non-raciste parce qu’il critique le racisme. Autrement dit, ce dispositif transforme une « bonne intention » (la lutte contre les représentations racistes) en domination culturelle blanche qui empêche des artistes de couleur d’être artistiquement « reconnus » grâce à un film. En gros, la critique filmique blanche produit indirectement l’échec de la carrière artistique du sujet de couleur.

    Mais Julie va plus loin et accuse aussi les « bonnes intentions » des intellectuels blancs de n’être en fait qu’une volonté individualiste de briller intellectuellement dans les médias.
    A travers l’espace élitiste médiatisé qui critique le film et ses clichés, le pouvoir crée un dispositif producteur de sujet blanc représenté comme des intellectuels et des sujets de couleurs représentés comme caricaturaux.

    Est-ce que ma restitution de la démonstration de Julie est plus claire ?

  33. By Jean-no on Mar 8, 2013

    @Red John : je ne sais pas si c’est ce que Julie veut dire. Je comprends la question des critiques hypocrites du racisme, ceci étant dit je n’ai pas compris particulièrement ces critiques (américaines apparemment), je n’ai pas vu Intouchables comme un film raciste.

  34. By Red John :-) on Mar 8, 2013

    @ Julie : connaissez-vous les « indigènes de la République » ? Si ce n’est pas le cas, renseignez-vous sur ce mouvement, car votre analyse me semble fausse ou alors mal développée.

  35. By Julie on Mar 8, 2013

    @Red John:

    Je ne sais pas si je connais les membres de  » les indigènes de la république ».
    Si tu les connais pourrais-tu me montrer la photo des membres fondateurs? Pour voir combien il y a de noirs et d’asiatiques.
    Est-ce que la comptable de l’association est la femme de… et « diplômée de la Sorbonne ».

    Juste pour voir si ils sont dans le registre « entre poire et fromage ». Si c’est le cas, alors je les connais! :)

  36. By Julie on Mar 8, 2013

    @ Oui, jean-no. Quand tu ne comprends pas une phrase, c’est qu’elle n’a aucun sens :).
    OUI, jean-no. Tu ne t’intéresses dans les films qu’à ce que tu vois véhiculé mais pas aux intentions de l’auteur ou ni au résultat pour d’autres.

    Mais c’est ton blog. Il est normal que tu ne souhaites y être influencé que par les idées qui te conviennent.

  37. By Jean-no on Mar 8, 2013

    @Julie : Une phrase illisible reste illisible même si son auteur se comprend lui-même. Ce que véhicule le film a parfois un rapport avec les intentions de l’auteur et toujours un rapport avec le résultat pour d’autres. Ceci étant dit, j’ai pris le parti il y a longtemps de ne pas préjuger de ce que perçoivent les autres : je peux m’intéresser à ce que je perçois moi-même, c’est déjà bien, toute autre position me semble irrationnelle.
    C’est mon blog, oui. Il est vrai que l’on n’accepte généralement que les idées qui correspondent à l’image qu’on se fait du monde ou à ses besoins conjoncturels. Mais je ne comprends pas « Il est normal que tu ne souhaites y être influencé que par les idées qui te conviennent » : je ne cite personne, je n’ai pas de maîtres, donc il ne s’agit pas d’être influencé mais simplement d’avoir une opinion. Et une fois de plus, je ne peux pas avoir une autre opinion que la mienne.

  38. By Julie on Mar 8, 2013

    Tu ne t’interesses que à ce que tu perçois toi-même!
    Oui!
    Bonne continuation.

  39. By Red John :-) on Mar 8, 2013

    @ Julie

    Houria Bouteldja est la porte-parole du mouvement Indigène de la République. Médiatiquement parlant, elle s’inscrit dans la ligne de Tariq Ramadan, c’est l’infréquentable de service, elle s’est brouillée avec des intellectuels blancs (Eric Fassin) puisqu’il tente de tenir la posture de police de la théorie postcoloniale (en fixant la limite de cette pensée). Sadri Khiari en est un autre mebre fondateur.

    Et si je vous incitais à faire des recherches par vous même c’est précisément pour que vous preniez conscience que ce mouvement n’est pas le white washing que vous présumiez… Faites un peu confiance à vos interlocuteurs/trices… une posture critique ne doit pas se transformer en condescendance (au risque de devenir contradictoire).

  40. By Julie on Mar 8, 2013

    @Red John;

    Merci de ces précisions. Pour au moins 2 raisons:

    Se tromper sur les autres n’est pas une bonne chose.
    Ne plus pouvoir faire confiance aux « paysans » n’est pas du tout plaisant.

  41. By Red John :-) on Mar 8, 2013

    @ Jean-no

    « Je n’ai pas compris particulièrement ces critiques (américaines apparemment), je n’ai pas vu Intouchables comme un film raciste.

    De mon point de vue, la lecture du film Intouchables comme film raciste se fonde sur une analyse politique de l’image des minorités à l’écran ou dans les médias (méthodologie typiquement américaine des cultural studies).

    C’est une lecture culturellement très orientée, il n’est pas étonnant que si l’on y prête pas attention, il est difficile de la percevoir.

  42. By Red John :-) on Mar 8, 2013

    @ Julie

    Vous verrez, Houria Bouteldja a trouvé un synonyme intéressant au mot « paysans » qui lui a valu pas mal d’ennuis, elle parle de « souchiens ».
    Si vous voulez poursuivre la discussion, je vous invite à me contacter sur : abstrait57@yahoo.fr. Car je crois que l’on commence un peu à flooder. (Mille excuse Jean-no)

  43. By Julie on Mar 8, 2013

    @Red John;

    Désolé, mais mes responsabilités ne me permettent pas de m’exposer. J’ai trop à perdre.( Déjà expérimenté les fromages/poires dans leur pouvoir de nuisance).
    Je le regrette vraiment. Mais je jetterai un coup d’oeil.

  44. By Zok on Mar 23, 2013

    Comment se faire troller son blog…

    Aller, le point Godwin sera pour moi puisque nos deux Trolls n’ont pas osé aller si loin…

    Kurosawa, c’est en Nazi ?

  45. By Jean-no on Mar 23, 2013

    @Zok : ouille !

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