Profitez-en, après celui là c'est fini

Où est Charlie ?

septembre 21st, 2012 Posted in Lecture

Pas de quoi être fier, j’ai cédé à l’opération commerciale et médiatique de Charlie Hebdo : j’ai acheté le numéro qui fait scandale en publiant des représentations insultantes de Mahomet. Je ne l’ai pas acheté par conviction anti-religieuse, ni pour soutenir la liberté d’expression, je l’ai acheté par bête curiosité, ou même par curiosité bête : je voulais savoir ce qui se trouvait dans ce numéro qui justifie que l’on renforce la protection des écoles françaises et que l’on ferme des consulats dans les pays musulmans. Et évidemment je me suis fait avoir, mes deux euros cinquante ont été très mal investis, les fesses du prophète, vues par Charb et par Luz n’ont, comme prévu, aucun intérêt. Je rassure tout de suite les musulmans : il ne s’agit pas réellement du prophète Mahomet mais juste de dessins censés le représenter, qui n’ont aucune valeur documentaire et qui ne nous apprennent rien de particulier sur le personnage. Ces dessins se veulent insultants en plaçant le prophète dans des positions qui, comme le note Maïa Mazaurette, l’assimilent à une femme ou à un homosexuel et révèlent en conséquence les arrières-pensées sexistes et/ou homophobes de leurs auteurs (ce à quoi il convient tout de même de préciser qu’un des dessins dont parle Maïa Mazaurette est dû à Coco, qui se trouve être une femme). En fait, depuis la Révolution de 1789 (et sans doute avant, dès l’époque des « libertins »), il existe en France une tradition de recourir à des dessins à caractère sexuel pour s’en prendre aux gens que l’on n’aime pas. Autrefois, soit il s’agissait de dessins allusifs assez fins, soit les dessins n’étaient pas signés. Mais grâce aux progrès de la presse satirique depuis Hara Kiri, on peut désormais cumuler le dessin défoulatoire tel qu’on en voit graffités sur les portes intérieures des toilettes publiques et la signature revendicative. L’action reste un peu puérile : titiller les limites de la liberté d’expression est une chose, mais il n’est pas interdit de réfléchir aux conséquences de ses actes, et notamment aux conséquences possibles sur la liberté d’expression.

En France, Charlie Hebdo pourra sans doute toujours publier ce que bon lui semble, mais il est possible que la jurisprudence concernant le blasphème ou le droit d’émettre des critiques soit rendue plus sévère dans de nombreux pays dont la majorité des habitants sont des musulmans, des chrétiens ou des hindous attachés à leurs traditions religieuses et que l’idée non seulement de blasphème mais d’insulte religieuse consterne : Charlie ne fait pas que rouler des mécaniques devant une poignée de wahhabites en France, mais envoie aussi un message d’irrespect à toute une population du monde qui n’est pas forcément capable de le comprendre ou d’imaginer qu’il n’y a là « rien de personnel ». On pourrait s’amuser à refaire les mêmes dessins, mais insultant d’autres personnalités liées à la religion : Bouddha, Confucius, Guru Nanak (le fondateur du Sikhisme), Gandhi,… Cela semblerait complètement décalé, inutilement violent et, comme disent les anglo-saxons, « insensitive » — mot qui ne me semble pas pouvoir être traduit parfaitement par « insensible ». Et si, en Iran, on faisait des dessins orduriers montrant Voltaire, Victor Hugo, Louise Michel, Jean Jaurès ou autres vaches sacrées de la gauche et de la liberté, ça serait pris comment ? Ce serait « de bonne guerre » ? « Une bonne marrade » ?

Il y avait d’autres choses dans ce numéro de Charlie, comme cette double-page sur la déliquescence de la presse d’opinion.

J’ai peur que ce que les dessinateurs de Charlie Hebdo nous avouent, sans le vouloir, c’est que leur vision des musulmans n’est pas moins étouffée par la peur et le mépris que celle des journaux télévisés les plus réactionnaires.
Personnellement, je n’ai pas de sympathie pour les religions en général, mais je ne vois pas l’intérêt de heurter des gens qui, dans une très large majorité, ne demandent qu’à vivre tranquillement mais se sentent facilement humiliés par le regard qui est porté sur eux, qui ne voient pas leur religion comme une opinion mais comme une partie de leur identité. Et que ce sentiment soit exacerbé par une propagande virulente des salafistes, soutenus par d’énormes capitaux venus du Golfe (religion des pauvres, mon œil !) ne justifie pas d’y participer. Il n’y a qu’une règle à l’humour : pour qu’il fonctionne, il faut qu’il puisse être compris comme tel — fut-ce après une minute de réflexion.

J’ai tenté de lire le reste du numéro de Charlie, mais j’ai vite laissé choir. Cela fait un certain temps que je ne lis plus Charlie. Pourtant, c’est un journal qui a compté dans ma formation, c’est même le premier journal politique que j’ai lu, bien avant de comprendre ce dont il parlait. Le premier dessin que j’ai compris montrait un cercueil en train de marcher et disait « Franco va mieux, il est allé au cimetière à pied » : 1975, donc. Je peux me considérer comme un vieux lecteur. Beaucoup de gens se sont détournés de Charlie Hebdo le jour où Philippe Val a eu le malheur de dire à la télévision que les partisans de théories complotistes au sujet du 11/09 sont des demeurés, se mettant instantanément à dos toute une partie de son lectorat ; ou lorsque le même Philippe Val a licencié Siné, figure antique du journal ; ou quelques années plus tôt lorsque Val (encore lui !) avait refusé à Lefred-Thouron de tourner en dérision la condamnation pour pédophilie de Patrick Font.

Gébé, l’An 01 (1972)

Ce genre d’inévitables péripéties ou contradictions ne suffisent pas à me faire aimer ou détester un journal. Mais pour ma part, ce qui m’embête c’est surtout que Charlie Hebdo a perdu quelque chose avec le temps. Charb, Riss, Luz et les autres ne manquent pas de talent, et il n’est en tout cas pas rare qu’ils me fassent rire. Certains dessins du dernier numéro sont très drôles, et l’ensemble est bien dans la veine de ce que Charlie a toujours été. Mais deux auteurs font cruellement défaut : Jean-Marc Reiser et Gébé. L’un et l’autre avaient, en plus de leur férocité, une capacité ponctuelle à faire preuve d’un esprit positif, naïf, gentil, bienveillant. Reiser ne parlait pas que des « cons », des moches, des obsédés, il nous rappelait leur fragilité ou de leur solitude, et de temps en temps il se laissait même aller à un grand lyrisme écologiste : il croyait en l’humanité et il rêvait d’un monde meilleur, quoi. Gébé était dans le même cas, on se rappelle de son An 01, utopie soixante-huitarde qui sera par la suite portée au cinéma avec Jacques Doillon, Alain Resnais et Jean Rouch.

Charlie Hebdo a conservé sa hargne, s’est donné une sorte de mission, de programme, depuis la première affaire des caricatures, est devenus un journal sérieux, sérieusement hargneux, et pourquoi pas, mais la fantaisie, l’imagination et la timide écume de tendresse que je voyais chez Reiser et Gébé n’existent plus. Nous ne sommes donc plus que dans la réaction, à tous les sens du terme. Les anciens restés au poste se sont un peu égarés : Cabu me semble très aigri (je me rappelle de ses beaux reportages chez des « vrais gens », où il donnait par exemple la parole à un CRS, ou de son excellent Grand Duduche, mais ça n’était pas dans Charlie…) et Wolinski complètement gâteux. Cavanna est sans doute égal à lui-même mais je ne l’ai jamais beaucoup lu. Willem, bien sûr, reste un géant.

Avec leur espoir dans un avenir meilleur, Gébé et Reiser étaient en phase avec l’esprit de leur temps. Peut-être est-ce que ceux qui ont pris leur relève sont aussi en phase avec leur époque, et c’est le plus inquiétant.

Lire ailleurs : Misère et décadence de l’esprit satirique, par Yves Pagès.

  1. 24 Responses to “Où est Charlie ?”

  2. By Wood on Sep 21, 2012

     » On pourrait s’amuser à refaire les mêmes dessins, mais insultant d’autres personnalités liées à la religion : Bouddha, Confucius, Guru Nanak (le fondateur du Sikhisme), Gandhi,… »

    The Onion l’a fait.

  3. By Jean-no on Sep 21, 2012

    @Wood : ha ha, bravo pour le dessin. Ceci dit on pige de suite que l’intention n’est pas la même.
    Pour ton second commentaire, évidemment, et c’est là que Charlie n’est pas responsable, ils ne se rendent pas compte qu’ils n’ont aucune chance que leurs intentions soient correctement comprises dans les pays où n’a jamais existé un Charlie et où, en revanche, le sentiment d’humiliation de l’orient par l’occident est très fort.

  4. By Wood on Sep 21, 2012

    Malgré l’afflux de petro-dollars dans les filières salafistes, le sentiment du pakistanais moyen quand il entend parler de ces caricatures doit quand même être que les riches se moquent des pauvres.

    « Comme si ça ne suffisait pas qu’ils nous assassinent avec leurs drones, qu’ils soutiennent nos dictateurs, et qu’ils s’emparent de nos ressources naturelles, en plus ils se foutent ouvertement de nous »

    Les caricatures, le film « l’innocence des musulmans » sont l’étincelle qui met le feu aux poudres, mais le baril de poudre est rempli pour d’autres raisons…

  5. By Sandrine on Sep 21, 2012

    Je dois reconnaître que ces caricatures m’ont fait hurler de rire, malgré que je partage un certain nombre de vos observations. Peut-être parce que je suis une femme et que je suis une féministe engagée justement. Et totalement décomplexée. Contrairement à l’interprétation qu’en fait Maïa Mazaurette, le caractère sexuel assumé de certaines des caricatures révèle pour moi un profond mépris, non pas à l’égard des femmes ou des homosexuels, mais bien à l’égard du traitement précisément réservé par la religion/politique islamiste – comme d’autres religions et comme d’autres systèmes bien ancrés dans le patriarcat, j’en suis bien consciente – à l’égard des femmes et des homosexuels.
    Il est profondément regrettable, selon moi, que des croyants s’assimilent à leur « prophète » ou autre leader, sachant que comme vous l’affirmez à juste titre dans un autre de vos articles, la religion est une affaire de pouvoir. C’est cela qui justifie l’oppression des autres, des différents de tous poils et de tous crins, en fonction du rôle que cette religion assigne aux êtres.
    Et, croyez-moi, comme vous je rêve d’un monde meilleur, plus doux, plus juste. Pour tous.

  6. By pull-jacquard on Sep 22, 2012

    Il y a tout de même des acteurs importants dans cette histoire que tu oublies de citer :
    -les premiers sont les médias du pays des caricaturistes qui amplifient sacrément l’information et s’autorisent des prévisions du genre « regardez ces dessins qui vont mettre le feu aux pays musulmans ». Dans le cas de Charlie, avant les salafistes ce sont bien des journalistes des pays occidentaux qui donnent une importance tout à fait démesurée, à ces dessins. ça ma rappelle ce grand crétin moustachu qui voulait bruler un coran dans le fin fond de la Floride et qui s’est trouvé la star des JT mondiaux. Tous les journalistes se trouvaient à déplorer son inconscience et participant activement à son projet. Hier à la radio c’était assez drôle, il y avait un journaliste en Tunisie qui couvrait les manifestations et qui déclarait avec regret « on me parle beaucoup du film mais pas du tout de Charlie Hebo ».
    – Deuxièmement ces polémiques sont totalement artificielles, montées par des acteurs locaux pour des enjeux locaux. Ce sont des manipulations. Preuve en est : que ce soit les caricatures ou le film, ils ont existé depuis assez longtemps avant de refaire surface et que les salafistes en fassent la publicité. Afin de s’affirmer dans leur pays, de gagner l’adhésion des peuples, un groupe crée une polémique exactement de la même manière que Me Le Pen feint de s’alarmer de la viande Hallal.
    Pour moi c’est ça le vrai problème avec Charlie Hebdo, c’est pas tellement de faire des caricatures puériles, ce n’est pas non plus de choquer ou d’offenser, c’est de viser à coté. De refuser de comprendre comment les choses marchent. Charb avec son poing levé devant les photographes du Monde c’est risible. C’est faire comme si il faisait des caricatures anticléricales dans la France du 19e siècle alors qu’il se fout des musulmans dans une France qui en a une trouille paranoïde. C’est pas vrai que c’est risqué ou courageux. Le problème de Charlie c’est pas que les dessins soient moins bons c’est qu’ils visent à coté pour finalement faire comme si les blancs riches étaient terriblement opprimés par les plus pauvres, faire comme si les pays occidentaux avaient terriblement à craindre des pays qu’ils ont envahi.

  7. By Jyrille on Sep 22, 2012

    J’ai commencé à lire Charlie tard, en étant étudiant, et j’ai vite laissé tomber quand Val est devenu rédac-chef, au début des années 2000. Le même Val qui officiait sur Inter et qui m’énervait à chacune de ses chroniques.

    Depuis j’en ai racheté un, en vacances, il y a quelques années, et j’ai été effaré par le manque de contenu. Lu en 10 minutes, pas drôle. Heureusement qu’il y avait Siné et quelques dessins de Luz. Je n’en ai jamais relu depuis, et n’en relirai sans doute jamais.

    Je ne connais pas Gébé, par contre je suis un inconditionnel de Reiser. Je crois que tu as touché juste en parlant de son humanité. Ses personnages sont sales, méchants, détestables, mais on les adore car justement ils sont cassés, ils ne sont pas autant à blâmer que leur comportement.

  8. By Jean-no on Sep 22, 2012

    @PJ : C’est à peu près comme ça que je vois les choses. Sur les médias, l’engrenage est assez bien raconté dans la dernière émission de Arrêts sur images : les chaînes d’info ont reçu un buzz venu de… l’Élysée, qui s’inquiétait de ce que Charlie allait publier. iTélé en a causé, et c’est parti comme ça, à mon avis bien au delà de ce qu’avaient prévu les gens de la rédaction de Charlie qui, à présent, en fait un « combat ».

  9. By Thierry on Sep 22, 2012

    La question « Où est Charlie? » est bien entendu légitime, mais ce n’est pas trop le problème en l’occurrence. Ce qui pose problème c’est la notion de blasphème et pas la qualité des dessins ou l’élévation de la pensée. (Perso j’ai bien aimé le dessin d’Iznogoud demandant à Godard « Et mes fesses tu les aimes mes fesses? »). Autant c’est difficile de soutenir, au nom de la liberté de pensée, des gens qui veulent faire du blasphème un délit lorsque c’est leur religion qui est concernée (comme les auteurs de la vidéo à l’origine de tout ça), autant on ne peut reprocher à Charlie d’avoir toujours été des bouffeurs de curé.

    Mais à supposer que l’on criminalise le blasphème au niveau des Nations Unis http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/09/20/l-oci-veut-inscrire-le-blaspheme-dans-le-droit-international_1762602_3224.html j’attends avec impatience que cela se traduise dans le droit de chaque pays. Qu’elles seront les religions protégées? Est-ce que j’aurais le droit de dire que Ron Hubbard est un exécrable écrivain de science-fiction si les adeptes de la scientologie le vivent comme une agression contre ce qu’ils ont de plus sacré? Est-ce que l’on va ne prendre en considération que les sectes qui ont réussi de par leur nombres d’années d’existence et/ou leur nombre d’adhérents? Mais comment fixer la barre?
    Au sein de chaque religion, il y a différents courants. Pour les talibans, nos musées ne sont que de monstrueux blasphèmes. Si on demande aux chrétiens fondamentalistes américains la définition des blasphèmes, la théorie de l’évolution ne sera plus enseignée à l’université. Alors comment faire? On demande aux moins gênants de définir leur périmètre de ce qui est blasphématoire. Mais dans ce cas, on ne résout rien parce que ne sont pas ceux-là, toutes croyances confondues, qui mettent le feu à un bout du monde pour un dessin publié à l’autre bout du monde.

  10. By Axonn on Sep 22, 2012

    @Thierry
    Je suis parfaitement d’accord sur le fait qu’interdire mondialement le blasphème serait une entrave vraiment trop grande à la liberté d’expression.

    Est-ce que Charlie hebdo avait le droit de faire ça ? Oui, assurément. Mais si on se bat pour la liberté d’expression, c’est à la fois la liberté pour Charlie de publier ça, et la liberté pour tous les autres, musulmans ou pas, de dire que c’est une infâme connerie.

    Jean-no a donné beaucoup d’exemples des faits de gloire de Charlie ou de toute la presse satirique, sans nommer de fil directeur. Je crois que j’en vois un : ce qui pose problème, c’est quand de telles caricatures vulgaires sont utilisées par la classe dominante pour enfoncer la classe dominée, et non l’inverse.

    Franchement, ceux qui diront que les musulmans sont aujourd’hui les dominants en France se foutent du monde. C’était déjà vrai il y a une semaine. Mais en interdisant les manifs contre le pseudo-film en même temps que Charlie publiait ce torchon, la France dit clairement aux musulmans « Fermez vos gueules quand on vous insulte ! ».

  11. By Hunh on Sep 22, 2012

    > mais envoie aussi un message d’irrespect à toute une population du monde qui n’est pas forcément capable de le comprendre ou d’imaginer qu’il n’y a là « rien de personnel »

    Voila qui est raciste.

  12. By Jean-no on Sep 22, 2012

    @Hunh : pourquoi ? C’est une évidence, dans un pays totalitaire ou simplement autoritaire, avec religion d’État, information verrouillée, sujets tabous voire propagande en permanence, il est difficile de comprendre comment vivent et pensent les gens de pays franchement différents. De même que les Français ont du mal à comprendre l’étendue des libertés d’expressions aux US… et du mal à s’imaginer que les poitrines nues y soient malgré tout censurées. On voit les choses avec sa propre grille de lecture, on peut difficilement voir avec celle des autres, encore moins si on n’a pas d’information sur son existence.

  13. By Jean-no on Sep 22, 2012

    @Axonn : je ne pense pas que ce soit le message que la France ou Charlie veulent envoyer, mais ce sera sans doute celui qui sera reçu…

  14. By Thierry on Sep 22, 2012

    @Axonn, des tas de gens ne se sont pas privés de dire que c’était une immense connerie. Ca a même été me semble-t-il la réaction la plus médiatisée.
    Pour aller dans le sens de Hunh, j’ai entendu mon kiosquier et une déclaration à la télévision dans un micro-trottoir sur le thème « Qu’on nous foute la paix, Charlie Hebdo, on en a rien à foutre ». Ca témoignait me semble-t-il d’une irritation suscitée beaucoup plus par l’attention portée par les médias aux dessins (évoquée par Jean-No) et à la supposée réaction des musulmans de France, que par les dessins eux-mêmes.
    C’est peut-être le drame de Charlie-Hebdo. Depuis le « bal tragique à Colombey: un mort », l’irrévérence vis à vis de toutes les icônes c’est largement répandue dans la société française. Et la provocation est devenue un exercice de plus en plus difficile.

  15. By Avril on Sep 22, 2012

    Pour l’avoir fréquenté il y a déjà 12 ans, je confirme que Wolinski ne s’intéressait pas à grand chose à part à la mélatonine dont il croyait mordicus qu’elle lui permettrait de rajeunir. Grave. Je me souviens également des « reportages » de Charlie au Chiapas (la bouffe est dégueulasse, c’est pas confortable, etc) ou en Yougoslavie (y’a pas de nouilles, se plaignait Renaud). Et c’était il y a 20 ans. Ces mecs-là, faut pas leur demander de s’intéresser à quoi que ce soit hormis leur estomac et dans une zone géographique bien précise, contenue dans la petite ceinture. Il y a 20 ans également, il y avait déjà eu un dessin de Cabu (je crois) montrant des barbus bras dessus-bras dessous avec des nazis chantant « Heili, Heilo, Allah ». Rien de neuf donc. Ce qui est peut-être nouveau (pas sûr, comme on l’a vu avec le Kosovo), c’est de voir Charlie s’associer à un film visiblement d’extrême-droite, ouvertement propagandiste. La question n’est pas tant ces caricatures que le fait de les publier dans un contexte de haine généralisée et de parano occidentale. Le plus grand pays musulman au monde est l’Indonésie, où, à ma connaissance, on ne lapide pas les femmes, mais visiblement, quand on parle de l’Islam en Occident, on ne s’intéresse jamais à ce pays (sauf pour ses plages) et on mélange tout en parlant de monde « arabo-musulman » (n’importe quoi, comme si on parlait de monde christiano-africano ou negro-animiste ou je ne sais quoi). Bref, Charlie est du côté du manche, comme d’habitude depuis bien longtemps. Pauvre Cavanna, il en aura avalé des couleuvres.

  16. By ianux on Sep 22, 2012

    Charlie Hebdo, j’ai commencé à le lire au lycée, lors de sa reparution dans les années 90. Même s’il a beaucoup fait pour ma formation intellectuelle, la première raison qui me faisait l’acheter c’était pour me marrer. Et j’en avais pour mon argent.
    Sinon, je dois avouer que les éditos intelligent de Val lors du TCE m’ont fait voter oui au référendum, choix que j’assume et ne regrette (l’enjeu étant d’après lui un fédéralisme plus poussé).
    Et puis, patatra ! Le non l’emportant, Val, comme le reste de la presse mainstream, est devenu aigri et a chié sur l’électorat. Ses éditos sont devenus réac’ et, la goutte d’eau étant le licenciement de Siné, j’ai arrêté mon abonnement. Depuis, je ne le lis plus (et Siné Hebdo puis Mensuel est beaucoup, beaucoup moins marrant). Mais la décadence du journal avait peut-être commencé avant, la démission d’Olivier Cyran était un indice.
    Sinon, comme beaucoup le disent, Charlie est dans son rôle de bouffeur de curé en publiant ce numéro, même si ça parait opportuniste et fais plaisirs aux enculés de droite de tout poil. Et la une est drôle, sans être insultante.

    D’accord avec toi pour Reiser, même si pour le coup ça fait un bail. Je ne l’ai jamais connu dans Charlie, mais, après avoir lu de vieux numéros des années 70-80, je rêve de vivre dans un dôme géodésique !
    Les anciens de Charlie commencent à se faire vraiment vieux, même si j’appréciais toujours Wolinsky et Cabu. Cavanna, lui, commençait vraiment à virer réac’ dans ses papiers. Et les jeunes (Charb, Luz, Sattouf, etc.) ont un bon coup de crayon et sont marrants, ce qui est quand même le but recherché.

  17. By Jean-no on Sep 22, 2012

    @ianux : tiens, c’est marrant, je n’arrive pas à penser à Sattouf comme un auteur de Charlie. C’est pourtant vrai qu’il l’est.

  18. By Christophe D. on Sep 23, 2012

    Il y a ceux qui veulent éviter de « jeter de l’huile sur le feu » et ceux qui veulent combattre le feu.

  19. By Christophe D. on Sep 23, 2012

    (suite) Bon, ok, le feu ne se combat pas avec de l’huile… mais quand même ! Charlie à provoqué un débat qui a notamment permis hier aux musulmans de France de rabattre le caquet à tous ceux qui les prenaient pour des animaux sauvages. Ne pas en avoir peur, et considérer l’Islam comme toutes les autres religions en France, y compris dans l’humour et la satire, c’est peut-être le moindre des respects que nous devons aux musulmans.

  20. By Jean-no on Sep 23, 2012

    @Christophe : je suis bien d’accord avec ta conclusion, sauf un point : Charlie est un journal français mais le buzz autour des caricatures est un peu plus (mais moins qu’on a voulu le faire croire) international. Et avec des gens qui non seulement vivent loin d’ici et ne verront pas les dessins, ne connaissent pas Charlie, et ne font qu’en entendre parler, il n’y a plus vraiment d’humour, de possibilité de débat, l’affaire change de sens. Sur le coup, les médias ont une sacré responsabilité car ce n’est pas les gens de Charlie, qui comme dit plus haut ignorent qu’il existe des êtres vivants et pensants par delà le boulevard périphérique, qui ont voulu faire de tout ça une affaire mondiale.

  21. By Gédéon on Sep 26, 2012

    Je m’étonne, Monsieur Jean-No, qu’à aucun moment, aussi bien dans votre papier que dans les commentaires de vos lecteurs (mais peut-être cela m’a-t-il échappé), il n’ait été fait ne serait-ce qu’allusion à l’incendie criminel dont Charlie Hebdo a été la cible en 2011 (incendie qui a coïncidé avec la publication d’une une « gênante »). Certes, les coupables n’ont pas été arrêtés, du moins pas à ma connaissance; il est donc impossible de déterminer les intentions réels de cet acte. Toutefois, je me souviens d’une époque (que le temps passe), où l' »autodafé » d’un journal en France déclenchait une déferlante de protestations et d’indignations, il est vrai décuplée par le corporatisme journalistique. Or, dans cette affaire, on avait déjà senti comme une réticence à soutenir Charlie, y compris de la part de la presse, et les cris d’orfraies étaient comme étouffés. L’idée que ce journal l’avait bien mérité faisait déjà son chemin.

    On peut en effet s’interroger sur l’impact de nos pratiques culturelles (la satire) dans un monde globalisé. On peut en effet mettre en doute les motivations qui sous-tendent la satire. On peut aussi finasser sur les modalités d’application de la liberté d’expression. On peut même désapprouver la satire, quelle quelle soit. A titre purement personnel, j’ai horreur des journaux satiriques, imprégnés d’ironie acerbe de la une à la dernière. Il me semble en revanche dangereux de jouer aux dés avec certains de nos principes. Et la liberté d’expression en est un. Les musulmans ne jouent pas avec leur principes, et c’est pourquoi je les respecte. Nous imaginant sans doute plus malins qu’eux, nous coupons en quatre nos principes, jusqu’à les réduire à néant. Vous me direz : La déconstruction est une bonne chose. Pourquoi pas ? Mais je songe à ce qu’un ami tunisien et musulman ne cesse de me répéter (pour me taquiner, il aime bien ça…) : Le problème, avec vous autres occidentaux, n’est pas que vous nous opprimez, nous volez, etc., nous en avons fait tout autant. Le problème avec vous, c’est que vous ne croyez pas vraiment à vos principes et que par conséquent vous ne savez plus vous définir. Et une population incapable de se définir (identité ?…) est dangereuse pour les autres.

  22. By Jean-no on Sep 26, 2012

    @Gédéon : Personnellement, je soutiens sans réserves la liberté d’expression, ce n’est pas au nom d’une possible censure que je trouve l’action malvenue. Juste que si la liberté d’expression doit être totale, elle ne peut pas aller jusqu’à échapper aux critiques des propos tenus. Je ne pense pas que « les musulmans » soit un ensemble cohérent, uni, soudé, autour de principes. C’est un milliard et demi de personnes aux situations très différentes et aux traditions très différentes, notamment en matière de libertés publiques.
    Sur l’incendie chez Charlie : c’est un scandale, mais comme vous dites, on ne sait pas qui et pourquoi, donc difficile d’en penser grand chose de plus.

  23. By Gédéon on Sep 26, 2012

    @ Jean-no
    « critiques des propos tenus… » D’accord, c’est plus clair en le disant. Quant à l’amalgame des différentes composantes de l’Islam que je ferais, que dire ? Que c’est possiblement vrai; que c’est un raccourci; que c’est en fait une forme d’ellipse que le lecteur majeur et instruit que vous êtes aura comblé de lui-même. Vous aurez d’ailleurs noté que j’ai cité les propos d’un ami tunisien ET musulman (qu’on pourrait encore fractionner : de quelle région de la Tunisie, de quel type d’Islam ? etc.). Bref, ni vous ni moi n’aurons le dernier mot, campant chacun sur nos principes. Au moins sommes-nous définissables.

  24. By Un Oeil on Oct 9, 2012

    Je n’ai pas trop su que penser de cette affaire mais votre point de vue me semble juste. Faire de la provoc à la Charlie avec les musulmans du monde en leur demandant d’en rire, c’est comme sortir une vacherie « pour rire » à quelqu’un qui serait sourd et qui n’a pas les moyens d’apprécier l’humour. Maintenant, Charlie Hebdo vous répondra qu’il est un journal national et qu’il n’est pas destiné à être diffusé ailleurs… Avec internet et la diffusion mondiale de nos bêtises, est-ce que chacun doit vraiment prendre en compte toutes les civilisations avant d’ouvrir la bouche ? Si oui, on ne peut alors absolument rien dire…

  1. 1 Trackback(s)

  2. Sep 22, 2012: Charlie Ebdo e le vignette su Maometto: ‘’Satira? Una cosa puerile!’’ | LSDI

Postez un commentaire


Veuillez noter que l'auteur de ce blog s'autorise à modifier vos commentaires afin d'améliorer leur mise en forme (liens, orthographe) si cela est nécessaire.
En ajoutant un commentaire à cette page, vous acceptez implicitement que celui-ci soit diffusé non seulement ici-même mais aussi sous une autre forme, électronique ou imprimée par exemple.