Profitez-en, après celui là c'est fini

Pauvre Akira Kurosawa

octobre 15th, 2011 Posted in Brève, Les traîtres

Il y a quelques temps je m’étais promis de produire ici des analyses détaillées de remakes porteurs de révisionnisme idéologique. J’accumule les références et je découvre régulièrement des perles. On m’a signalé dernièrement, par exemple, la nouvelle série « V » où la catégorie opprimée n’est plus le monde scientifique mais les journalistes, les prêtres et les militaires.
La dernière annonce de remake ne me donne pas trop envie de rire. Il s’agit de Rubicon, un projet trans-média (bande dessinée, film, jeu vidéo) qui sera scénarisé par Christopher McQuarrie, célèbre pour les scénarios de Usual Suspects, de Walkyrie et de la série Persons unknown.

Annoncé hier au New York Comic-Con, Rubicon sera un remake des Sept Samouraï d’Akira Kurosawa, déjà adapté en Western avec le plutôt acceptable Sept mercenaires, en 1960. Cette fois, les sept rōnin embauchés par des paysans opprimés sont remplacés par des US Navy SEALs, le corps d’armée qui a récemment fait parler de lui avec l’exécution d’Oussama Ben Laden. Ces braves culturistes aux armes lourdes seront, dans Rubicon, embauchés par des Afghans opprimés par des Tallibans. Je n’ai pas vu le résultat, mais je crains qu’il soit à prendre au premier degré, le scénariste ayant un frère chez les SEALs et un des producteurs, Dan Capel, ayant pour sa part appartenu à un commando SEAL.
Au premier plan du dessin qui sert à faire la promotion du film, je remarque un détail très curieux : des capsules de pavot, plante dont la culture avait été supprimée sous le régime Talliban et dont l’occupation atlantiste a permis, sinon encouragé le retour, faisant de l’Afghanistan le premier producteur mondial d’opium.

« Franchir le Rubicon » c’est passer un point de non-retour, c’est aussi oser l’impensable… et dans le cas des Romains, le franchissement du Rubicon a signé l’arrêt de mort de la République et le début de la période impériale.
En attendant le désastre que constituera a priori Rubicon, il faut voir ou revoir les Sept Samouraï, immense film d’un des plus grands réalisateurs du cinéma mondial, qui raconte une histoire à la fois pure — les gentils presque sans armes contre les méchants — et discrètement sophistiquée — des rōnin souffreteux acculés à s’humilier en se mettant au service d’une juste cause et non d’un seigneur de guerre, tandis que les paysans qui les emploient leur cachent filles et épouses, de peur qu’ils ne les violent.

  1. 4 Responses to “Pauvre Akira Kurosawa”

  2. By Mel0k on Oct 16, 2011

    « le scénariste ayant un frère chez les SEALs et un des producteurs, Dan Capel, ayant pour sa part appartenu à un commando SEAL. »

    SEAL sont partout

  3. By AkaiKen on Oct 16, 2011

    Et, heu, les SEALS, donc des soldats, sous contrat avec leur pays et tout et tout, ont le droit de se faire engager comme ça ? Des rônins, je veux bien, parce qu’ils sont justement sans engagement envers un maître, mais des soldats ?

    Je me reverrais bien Les sept samouraïs, tiens, bonne idée. Prochaine étape : piquer le DVD à mes parents. Ou l’acheter (mieux, car mes parents habitent loin).

  4. By Jean-no on Oct 16, 2011

    @AkaiKen : oui ça n’a pas vraiment de sens, les SEALs n’étant effectivement pas des mercenaires.

  5. By 6P on Nov 2, 2011

    Il existe aussi un remake bien plus jouissif et sain des 7 samourais à chercher du côté de la série Z avec Battle beyond the stars (« les mercenaires de l’espace » en français) produit par le spécialiste des remake fauchés Roger Corman
    http://www.imdb.fr/title/tt0080421/fullcredits#directors
    avec une pléïade d’acteurs n’ayant rien à voir avec le Seals dont Robert Vaughn qui jour à la fois dans ce film et dans le classique remake « les 7 mercenaires ». Ce qui est amusant (quoique)est de voir toujours confirmer que les grosses machines hollywoodiennes ou les grandes séries télés distillent infiniment plus de propagande que le cinéma B aujourd’hui. Mais c’est aussi un des grandes principes de l’entertainment ricain comme les réécritures successives par Marvel des origines de ses personnages. Iron man étant le cas d’école par excellence.

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