Profitez-en, après celui là c'est fini

La Gaîté Lyrique

mars 3rd, 2011 Posted in Cimaises, Interactivité

La Gaîté Lyrique se situe à un jet de pierre de la sortie du métro Réaumur-Sébastopol, côté Square Chautemps. Après un certain nombre de péripéties, la ville de Paris y inaugurait hier un centre d’art dédié aux arts numériques et aux musiques actuelles.

Une billetterie a été installée sur le boulevard Sébastopol. Il fallait avoir réservé par Internet. Un couple âgé demande avec raison comment faire, si l’on n’est pas connecté. Aucune solution mais : « ne vous inquiétez pas, ce n’est que pour l’ouverture, ensuite il y aura une billetterie normale à l’intérieur,… ». Eh oui, mais à ce moment-là, l’entrée sera payante !

Pour ces journées inaugurales, l’encadrement est très important : des gardiens filtrent l’entrée de la rue Papin, puis l’entrée du théâtre, et à l’intérieur, une foule de jeunes médiateurs accostent le chaland pour lui dire qu’il faut commencer par ceci ou par cela, prendre tel escalier dans tel sens et pas dans tel autre, ne surtout pas passer par là parce qu’il y a des artistes qui répètent, etc.

À l’entrée, un panneau nous informe que nous sommes susceptibles d’être filmés par les œuvres. On comprend vite pourquoi devant le dispositif Assembly où les visages des visiteurs sont exposés en une gigantesque mosaïque. Le son qui accompagne ces portraits est un peu cliché, un peu gratuit. En fait il provient d’une autre installation.

Au niveau -1, se trouvent deux (je pense) œuvres basées sur la lumière et le son dont je n’ai pas vraiment compris quel était leur degré d’interactivité exact, mais c’est plutôt beau à voir.
Un groupe est formé devant une porte : les gens veulent voir Room 101, œuvre spécialement créée pour cette exposition. On entre par dix pour trois minutes de spectacle. La file est longue, tant pis pour cette fois. Ce n’est pas tant d’attendre qui m’embête, que la promesse d’être enfermé pendant trois minutes. J’éprouve de plus en plus de déplaisir lorsque je me sens piégé ou puni par des œuvres. Peut-être que celle-ci est très bien.

Tout est dû à United Visual Artists, un collectif britannique connu entre autres pour son travail avec Massive Attack. Comme souvent avec les arts numériques et a fortiori avec les installations qui reposent sur la lumière, les œuvres sont montrées dans le noir. Du coup on ne trouve pas bien les informations que l’on aimerait trouver : titre et date des œuvres notamment. Peut-être que ce n’est pas important. Le thème général est censé être celui du panoptique.
Au rez-de-chaussée se trouve Dans la chambre sonore, une petite pièce capitonnée où les United Visual Artists présentaient un système d’éclairage génératif répondant à une œuvre sonore du britannique Scanner, qui s’est inspiré des poésies de Charles Baudelaire. Premier contact un peu stroboscopique et irritant, j’en suis sorti assez vite tout en me disant malgré tout que ça n’avait pas l’air mal.

Gros succès pour l’installation située au second étage, un écran qui se fait passer pour un miroir où l’on voit émerger doucement notre image, avec un certain délai, comme s’il s’agissait d’une autre personne. Le public est plutôt fasciné et y reste un certain temps. La salle est lumineuse et agréable. On y voit aussi un écran géant où défilent les noms des partenaires du lieu et un bar constitué de modules lumineux assez jolis que l’on retrouve à plusieurs autres endroits dans le bâtiment. Derrière le bar, on aperçoit juste des robinets à bière-pression et des canettes de Red-Bull dans un frigo dont la porte est transparente.
Les modules lumineux sont une excellente idée, ils permettent d’éclairer sans violence certains lieux plongés dans la pénombre.

Très généralement, je trouve l’aménagement du lieu vraiment réussi, et l’accord entre les parties historiques sauvegardées et les éléments architecturaux plus récents fonctionne très bien. L’ensemble a un aspect science-fiction seventies revisité, on pense à 2001, Demon Seed, Solaris, Logan’s Run, Cosmos 1999, etc.
Je verrais bien un uniforme rétro-futuriste pour le personnel du lieu.

En passant, j’entends des petites dames qui tentent de se souvenir : « ça avait duré combien de temps, Planète Magique ? ». Elles doivent être du quartier, pour se souvenir du nom. Planète Magique, c’était ce parc à thèmes installé dans le théâtre il y a vingt ans par Jean Chalopin, le Walt Disney français des années 1980 (Inspecteur Gadget, Cités d’or, Ulysse 31, etc.).

Je dois être honnête, je me suis senti un peu indifférent aux œuvres présentées. Pas hostile, car rien n’est mauvais, mais indifférent car rien ne me surprend particulièrement. Mais ce n’est pas très important. Ce qui compte, c’est que le lieu promette, et il promet beaucoup.

J’ai beaucoup apprécié l’espace documentaire, situé au premier étage. On peut venir y lire des revues et des livres relatifs aux arts numériques dans des domaines pointus : le paysage, le corps, la lumière, les données, le code,… J’ai repéré du coin de l’œil quelques livres que je sais devenus un peu rares. Il y a une section de bandes dessinées.

Toujours au même étage se trouve un espace enfants où l’on trouve des livres précieux destinés au plus jeune public et qui jouxte une salle dédiée aux jeux vidéos.

Personnellement, je parie sur la réussite de ce lieu. Je n’ai aucun doute sur le fait que j’y reviendrai. Je suis curieux de voir à quoi ressemble la grande salle de spectacle, inaccessible pour cause de répétition lorsque je suis passé à côté. Vue du dehors, elle semble très impressionnante.

La boutique de la Gaîté Lyrique est située à côté de l’entrée. Elle est donc accessible indépendamment. Elle est tenue par l’équipe du magazine Amusement. Outre la littérature et les objets directement liés aux expositions, on trouve des livres sur les arts numériques et des objets très divers relatifs à cette culture, allant des geekeries un rien régressives (peluche Mogwai de Gremlins, modèle réduit de la DeLorean de Back to the future) à des objets rares ou beaux.

  1. 11 Responses to “La Gaîté Lyrique”

  2. By Didier on Mar 3, 2011

    Le massacre, en 1986, de la Gaîté Lyrique, magnifique salle à l’italienne, avait été l’un des nombreux scandales des mandatures Chirac. La mode était aux parcs de loisirs à thème. Celui-ci, « Planète magique », a duré quelques mois. Le plus remarquable de l’actuelle réhabilitation est le travail de l’architecte Manuelle Gautrand. Elle a eu fort à faire avec des règlementations kafkaïennes, opportunément oubliées lors de la destruction de la salle.

  3. By sylvette on Mar 3, 2011

    Gino… quel Narcisse tu fais….

  4. By Jean-no on Mar 3, 2011

    @Sylvette : Nathalie ne me laisserait pas publier les photos où elle se trouve, alors il me reste celles qu’elle a prises :-)

  5. By Bobby on Mar 3, 2011

    J’y étais hier, déçu personnellement je fus.
    Peut être (et j’espère pour eux) que le (grand) public viendra nombreux et on en reparlera dans une année au moment du premier bilan.
    En attendant, j’ai trouvé ça trop clinquant, trop design, trop marqué esthétiquement (le souci de tout esthétisé, tout cleaner « à la sauce de », « suivant la direction artistique de »), bref, l’impression d’un gros paquebot lourd et compliqué à manœuvrer. Et je ne parle pas de l’organisation de salles, du staff qui t’ouvre ça, ou t’interdise ça, sachant que c’est la période de rodage.
    Non, je pense -et ça doit être le poids parisien, patrimoine, histoire, musée- que ça manque de souplesse, surtout pour un musée dédié aux nouveaux médias.
    Toujours pas de collection permanente, de pièces historiques, de frise retraçant l’histoire du médium, de collections de Jeux vidéo (petite pensée pour MO5/musée à la grande arche), un peu comme pour le ICC-NTT de Tokyo (rip apparemment) ou le ZKM.
    Un espace lecture/doc où il n’y a pas de siège confortable, de tables de travail. Ceci dit, la sélection des ouvrages fait plaisir, donc ça donne effectivement envie de se poser. L’espace jeu vidéo à disposition m’a semblé utiliser des émulateurs, non ? (c’est légal ?) Le choix des jeux est discutable, et je rêve de cet espace comme de l’espace nouveaux média à Beaubourg où l’on pourrait choisir le jeu auquel on veut jouer parmi un liste de machines/jeux.
    Bref, un certain poids esthétique/artistique/logistique, qui impose de dépenser un fric monstre à chaque expo au lieu d’une structure plus souple, plus boite à outils, plus en adéquation avec un média en mutation permanente. Si c’est un musée, alors il faut une partie historique qui n’y est pas.
    Le magasin « design/toy » au côté de la gaité représentant tout ce que j’exècre dans les nouveaux média : le gadget inutile, de la forme futile et temporelle, l’univers marchand, dépensier et onéreux (malgré tout le bien que je pense d’une partie du magazine).
    Je dresse peut être un tableau sombre pour le moment, le choix d’UVA pour éclairer le tout me conforte que je n’ai pas la même vision des arts numériques que son directeur (et ça ne remet pas en cause la spécialité certaine d’UVA dans son domaine).
    A voir, et j’espère être agréablement surpris bientôt, parce qu’il va falloir composer avec maintenant de toute manière.
    P.S: plus de places pour les concerts depuis un moment… j’y retournerais pour l’expo skateboard (mais quel choix, encore… enfin, je peux n’être que surpris en bien ;))

  6. By Jean-no on Mar 3, 2011

    Le côté clean, ça me va. Le genre « déglingue » (Palais de Tokyo, Musée de la publicité), c’est un peu daté.
    L’expo inaugurale est à mon sens très consensuelle : thème archi rebattu, artistes assez grand public, etc., mais au fond c’est complètement logique pour une expo de ce genre. J’attends la suite.
    Pour le côté musée, tout bêtement, je pense qu’il n’y a pas la place suffisante pour le faire, je pense qu’il n’y aura pas de collections permanentes. On peut difficilement comparer au ZKM, ne serait-ce que pour une question de surface d’exposition.

  7. By Bobby on Mar 3, 2011

    9.500 m² de surface quand même ! Et ce sont eux qui le mettent en avant ! (des chiffres, toujours des chiffres, à l’américaine ;))
    quand je parlais de + de souplesse, pour moi le PdT n’est pas plus souple, et c’est (c’était) vraiment une esthétique du chaos plus qu’une vraie TAZ.
    En tant que public connaisseur, je n’ai pas d’idée sur le musée d’art numérique de mes rêves. J’ai juste des désirs, des attentes, mais ce n’est pas mon travail de réfléchir à un musée, à des expos. En tant que pédagogue, disons que j’attends beaucoup des ateliers, des formations, des conférences, lectures, discussions, voire concerts, le tout à Paris (sans dire exit à Exit, Mains d’oeuvres, Le Cube, Ars longa, Dorkbotparis, etc etc). En tant que plasticien, je trouve que ça manque de souplesse, d’adaptation, et pour l’instant, POUR L’INSTANT, je ne me retrouve pas dans les formes exposées, ni plastiquement, ni conceptuellement. Mais de toute manière, on s’en fiche car on ne m’a rien demandé de présenter ;)
    Du reste, et c’est mon dernier point, j’attends aussi beaucoup des résidences, des dialogues possibles, des propositions des artistes en résidence, et c’est là qu’on verra vraiment leur faculté d’adaptation à être une plate-forme de diffusion plus qu’un musée historique.

  8. By Jean-no on Mar 4, 2011

    Il y a du mètre carré à la Gaîté Lyrique, mais si on regarde le plan, la selle de spectacle est assez énorme !
    Je suis curieux de ce que donneront les résidences, aussi.

  9. By Benoît on Mar 4, 2011

    >> Gros succès pour l’installation située au second étage, un écran qui se fait passer pour un miroir où l’on voit émerger doucement notre image, avec un certain délai, comme s’il s’agissait d’une autre personne. Le public est plutôt fasciné et y reste un certain temps.

    Je me souviens d’un dispositif similaire au Centre Pompidou il y a quelques années (10 ans peut-être). Une pièce boîte dans laquelle on rentrait par un petit couloir. Dans cette petite salle un écran avec une caméra au-dessus pointant vers l’entrée. Après être entré on se voyait arriver avec quelques secondes de retard. Comme il n’y avait rien d’indiqué, l’effet de surprise était total. Le miroir fait reflet instantané ; quand s’y voit on travaille son image en même temps. Là le décalage fait représentation de soi qui nous échappe. Et nous avions la surprise de nous découvrir surpris.

    J’ai été fasciné par ce dispositif et les fois suivantes où je suis retourné je ne l’ai malheureusement pas retrouvé et il s’était un peu perdu dans ma mémoire. Merci Jean-No.

  10. By Bobby on Mar 4, 2011

    Dan Graham ? Douglas Gordon ?

  11. By Jean-no on Mar 4, 2011

    @Bobby : En tout cas pas les « united visual artists » eux-mêmes car l’œuvre en question date de 2008 : Hereafter. difficile de nier un petit côté « déjà vu » à toutes ces installations. Ceci dit c’est un aspect que je trouve en fait (très sincèrement) sympathique dans les arts numériques : la réinvention permanente de l’eau tiède.

  12. By Benoît on Mar 4, 2011

    @Bobby Mais oui c’est ça, bravo ! Il s’agit de Dan Graham «Present Continuous Past(s)», 1974.
    http://www.medienkunstnetz.de/works/present-continuous-pasts/

    Qui fait bien partie des collections du Centre Pompidou :
    http://www.centrepompidou.fr/divers/pdf/agmt_collec_video_listeoeuvres.pdf

    Tiens, j’avais oublié les miroirs qui sont quand même important dans le dispositif.

    @Jean-No Oui, et puis la réinvention est aussi création.

Postez un commentaire


Veuillez noter que l'auteur de ce blog s'autorise à modifier vos commentaires afin d'améliorer leur mise en forme (liens, orthographe) si cela est nécessaire.
En ajoutant un commentaire à cette page, vous acceptez implicitement que celui-ci soit diffusé non seulement ici-même mais aussi sous une autre forme, électronique ou imprimée par exemple.