Mes séquences de cinéma #6 : Fellini Roma
février 25th, 2011 Posted in Scènes choisiesRoma (1972) de Federico Fellini est un film qui m’a durablement marqué mais que j’ai vu assez jeune et dont j’avais conservé depuis un souvenir confus et diffus. En le visionnant à nouveau, je comprends d’où me vient cette impression : c’est un film qui ne suit pas une trame précise mais qui alterne les séquences sans s’astreindre à une linéarité chronologique. On saute régulièrement de l’Italie fasciste à l’Italie contemporaine par des saynètes contemplatives souvent interchangeables. Avec quelques éléments autobiographiques et beaucoup de souvenirs sensoriels plus que narratifs, Fellini évoque Rome, jusques à nos jours et depuis l’antiquité, rappelée par ses vestiges autant que par le biais du fantasme cinématographique.
Plusieurs scènes du film sont très marquantes et se répondent : séances de cinéma et de spectacles, scènes de bordels, repas à quelques centimètres des tramways, vie sous les abris pendant un bombardement, découvertes d’une maison souterraine superbement décorée de peintures antiques pendant le percement d’un tunnel du métro, défilé de mode religieux,…
La scène que j’avais sans doute retenu avec le plus de force, c’est le circuit qui est effectué par la caméra sur l’Autostrade 90, autoroute circulaire qui entoure Rome.
La séquence débute à un péage, où l’équipe d’un film se prépare à tourner. Cette équipe filmée est aussi celle qui réalise le film, et elle tourne ici aux deux sens du terme : elle tourne physiquement autour de Rome et tourne un film qui traite de Rome. Une fois partis, on croise des prostituées, des vagabonds, un cheval qui court seul sur la route. On regarde fugacement à l’intérieur des véhicules qui roulent à côté de nous, on regarde au loin les usines fumer, on essaie d’apercevoir le macabre spectacle d’un accident sur le bord de la route : une piste de veaux morts qui nous mène à un camion en flammes, renversé. On voit des hommes assis dans un camion, un autre qui tient un miroir, une bâche qui vole comme un fantôme, et tout cela pour terminer sur la rencontre du cortège d’une manifestation contre la bourgeoisie, traversée par une Mercedes où l’on distingue des ecclésiastiques.
Alors que la nuit tombe, l’équipe du film envoie des fusées éclairantes pour faire apparaître des ruines romaines situées sur le bord de la voie. Au fil du trajet, la pluie tombe de plus en plus fort, jusqu’à inonder la route et rendre difficile la vue au travers des pare-brises.
En un peu moins de neuf minutes de trajet automobile et cinématographique, le spectateur sera entré en contact bref avec une extraordinaire quantité de mondes différents.
Si j’aime vraiment cette scène, c’est peut-être parce que Fellini a réalisé ici un bout de film que nous faisons tous régulièrement en pensée, à Rome ou ailleurs.
One Response to “Mes séquences de cinéma #6 : Fellini Roma”
By Urbain, trop urbain on Fév 26, 2011
On apprend pas mal de choses, notamment sur cette séquence, dans le récent livre « Rome, ville ouverte au cinéma ».
http://aube.webdigitales.com/livre/rome-ville-ouverte-au-cinéma
Je signale l’échange de Vases Communicants que nous avons eu avec Anne Savelli, elle sur « Roma »
http://www.urbain-trop-urbain.fr/roma-rome/
Nous sur « Mamma Roma »:
http://fenetresopenspace.blogspot.com/2011/01/mamma-roma-dialettica.html
Amitiés