Profitez-en, après celui là c'est fini

Images en vrac (5)

janvier 8th, 2011 Posted in Vrac

Quelques images trouvées ici et là, que je commente dans le plus complet désordre, comme d’habitude.

Fait-divers : le supermarché Cora de Rocourt, près de Liège, a proposé une promotion sur les consoles PlayStation 3, vendues à la moitié de leur prix. Des centaines de gens étaient venus pour faire l’achat mais la promotion était limitée à quinze articles, ce qui a provoqué une véritable émeute. Le dernier client à avoir obtenu un ticket lui permettant d’acheter l’objet convoité a été roué de coups. C’est un enfant de douze ans.

Nous nous entourons de systèmes toujours plus sophistiqués (téléphone, automobile, ordinateur, publicité, grande distribution, etc.), dont plus personne ne maîtrise tous les aspects, qui nous permettent d’accéder plus immédiatement à la satisfaction de nos désirs — des désirs normés, façonnés par le marketing. Ironiquement, tous ces dispositifs, si évolués soient-ils, semblent ne servir qu’à nous faire retourner à notre état initial de primates agressifs, non civilisés, sans patience, nerveusement incapables de supporter la moindre entrave.
Je ne suis pas sûr que ce processus soit réversible1.

Fait-divers criminel, à présent.
Reynaldo Dagsa, politicien philippin, prenait une photo de sa famille le soir du nouvel an lorsqu’un homme l’a tué d’une balle.

Sur la photographie, on voit distinctement l’assassin en train de pointer sa victime juste avant que le coup parte.  Le meurtrier a pu être identifié grâce au cliché. C’est la dernière photographie d’un homme, qui représente à la fois sa vie de tous les jours, exprimée par le banal portrait de famille, et un évènement dramatique, celui qui scelle son avenir immédiat, ou plutôt son non-avenir.

Le musée du crime et de la police de Sidney a mis en ligne des centaines de photographies issues des archive de la police locale. Certaines sont de véritables chefs d’œuvres.

Parmi ces images, on trouve aussi de nombreuses « mug shots » de suspects arrêtés : petits et grands voyous, prostituées, travestis,…

Ce qui est relativement émouvant dans ces portraits, c’est qu’ils sont souvent chargés d’expression, que chaque visage est vu comme celui d’une personne et non comme une simple donnée statistique et anthropométrique, contrairement à nos actuelles photographies d’identité, au cadrage extrêmement précis et dont le sujet ne doit absolument pas être expressif — puisque ces portraits sont vraisemblablement destinés à l’analyse mécanique par des logiciels de reconnaissance des visages2.

Il y a deux jours, justement, j’ai voulu réaliser une série de photographies d’identité. Je suis entré dans un photomaton, j’ai payé cinq euros, et là, mauvaise surprise, il m’a été impossible de suivre les instructions données par une voix enregistrées (« veuillez choisir le type de photographie que vous désirez »…), car l’écran de contrôle était éteint ou défectueux, détail auquel je n’avais pas prêté attention avant de payer.
Dans la cabine, il était écrit « cet appareil ne rend pas la monnaie ».

J’ai donc tenté l’opération en aveugle, en appuyant sur les divers boutons qui se trouvaient devant moi. Subitement, l’appareil s’est mis à me parler en allemand, langue que je ne maîtrise pas le moins  du monde. Un peu par miracle, j’ai réussi à obtenir les photos que je voulais. Mais voilà le problème : avec des dispositifs qui reposent sur des écrans, on se retrouve totalement handicapé lorsque l’écran ne fonctionne plus.

C’est ce qui arrive aux malheureux usagers de la gare Saint-Lazare qui voudraient savoir quand leur train part et qui veulent se rendre dans une gare dont le noms se situe, dans l’ordre alphabétique, après Les clairières de Verneuil. Pendant des semaines (cliché de gauche), le dernier panneau d’affichage était éteint mais le précédent, bien qu’endommagé, permettait tout de même de lire les informations concernant les gares jusqu’à Rosny-sur-Seine.

À présent (photo de droite), le troisième panneau affiche des messages informatiques sans intérêt pour les usagers. Heureusement, à l’intérieur de la gare, on trouve d’autres panneaux permettant de connaître l’horaire des trains.
Quand ils fonctionnent.

Les pannes d’écrans sont problématiques car depuis que les panneaux mécaniques ou manuels ont été remplacés par ces affichages informatiques, plus souples, les horaires sont notifiés « en temps réel », c’est à dire que les panneaux n’affichent pas les horaires prévus mais s’ajustent sur les horaires constatés. Lorsqu’ils ne fonctionnent pas, l’usager est totalement perdu.

Sur la photo suivante, il ne se passe rien. C’est un remords : l’image représente le bout d’un couloir de la station de métro Saint-Lazare où j’ai assisté à une scène amusante que je n’aurais pas osé photographier sur le coup.

Un vendeur à la sauvette de DVDs, originaire d’Inde ou du Pakistan, je pense, était en train de négocier avec un homme que je suppose être chinois et qui lui faisait remarquer en anglais que, dans son pays, les DVDs — entendre les DVDs piratés de longs-métrages américains récents — sont nettement moins chers. C’est la mondialisation.

Pour finir, un détail autographe de Charles Baudelaire trouvé dans les épreuves d’imprimerie des Fleurs du mal : « Je tiens absolument à cette virgule ». La virgule est bien évidemment restée.

On remarque énormément d’indications typographiques dans ces épreuves de contrôle : corps du texte, casse, approche, hauteur des lignes…

  1. Les émeutes y compris pour des biens qui n’ont rien de vital ne sont pas une nouveauté, bien entendu. Dans les années 1900, mon arrière-grand-mère avait décidé d’amener des jouets aux enfants des pires quartiers de Londres, où elle vivait. Je lis dans ses mémoires : « En voiture accompagnée d’un policeman j’ai foncé dans ce quartier avec mon chargement. Descendue de voiture je fus assaillie par une foule affamée et malgré la protection du policeman, mes vêtements furent déchirés et mis en morceau. C’est vous dire la violence de l’assaut et le désir poussé jusqu’à la sauvagerie pour obtenir l’objet convoité. Longtemps après je fus hantée par cette vision impensable de cette misère grouillante humaine ». []
  2. La reconnaissance des visages se généralise. En consultant les délibérations de la Cnil à ce sujet (il faut effectuer une recherche avec les mots clés « reconnaissance » ou « visage »), on constate que de plus en plus de sociétés équipent leur système de sécurité de dispositifs de reconnaissance faciale. []
  1. 9 Responses to “Images en vrac (5)”

  2. By jyrille on Jan 8, 2011

    Je confirme que l’affichage d’informations importantes via écrans se généralise. Et que leur défectuosité peut poser de très gros problèmes…

  3. By Jean-no on Jan 8, 2011

    @jyrille : tout à l’heure en passant devant une voiture j’ai eu l’impression fugace que son tableau de bord était un écran LCD ! (je ne confonds pas avec le GPS, il y en avait un aussi). Bon je n’ai pas osé me pencher pour vérifier, mais en tant que piéton, une telle idée me fait carrément peur :-)

  4. By jyrille on Jan 8, 2011

    Mais oui, j’ai déjà vu des types regarder la télé dans des voitures ! C’est effectivement peu rassurant :)

  5. By Pashupati on Jan 9, 2011

    Je me souviens, quand j’étais en CM2 (disons vers 2002), des types distribuaient des autocollants de bidule, l’étalon sauvage. Tout chemin pour sortir de l’école était bloqué (même la route, à cause de deux camions d’une ligne type Vox ou Pathé ou un truc du genre). Je suis passée par un attroupement, on m’a cogné dessus, j’en suis sortie. Un élève qui passait par là s’est moqué car je n’avais pas d’autocollants et une enseignante qui se plantait par là comme une carotte inutile l’a forcé à m’en donner, car je pleurais. (autocollants qui ont sauté librement dans la poubelle à mon retour)
    Les types sont partis en disant qu’ils ne restait aucun autocollant, qu’on pourrait en obtenir plus *gratuitement* *en allant voir le film*.
    Et je me surprends en train de penser que,
    d’un autre côté, peut-être que c’est collector, maintenant, que ça se vend à prix d’or !
    « Si ça se revend, ça se comprend ! » même.
    Il y a eu des émeutes à Strasbourg, lors de ces histoires de Sonia Rykiel et H&M, des gens qui achetaient des vêtements trop larges, trop petits pour les revendre, apparemment, sur eBay.
    Ces émeutes-là étaient diffuses, les gens étaient moins regroupés, et on ne frappait que ceux qui s’approchaient des vêtements.
    Bizarrement, quand je suis dedans, je me dis que c’est ridicule.
    On pourrait filmer certaines émeutes de ce genre et les projeter sur des murs lors d’autres émeutes de ce genre (je doute que ça marcherait avec des émeutes de peuple pas content, ça se dirait qu’on se fout d’eux et foutrait encore plus de bordel), en diffusant des rires de séries TV, pour voir. Ça pourrait marcher.

  6. By aphone on Jan 10, 2011

    On trouve plus d’explication sur la virgule dans l’une des pages suivante : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b86108314/f46.image.pagination

    Toujours un plaisir de lire ces Images en vrac.

  7. By Jean-no on Jan 10, 2011

    @aphone : merci, je n’avais pas vu cette correction-là. L’ensemble des épreuves m’impressionne beaucoup.

  8. By bug-in on Jan 12, 2011

    Je découvre ton blog après des commentaires échangé sur la SF sur OWNI…
    Et c’est vraiment intéressant !
    J’apprécie ces dérives diverses, ou le quotidien est rendu très différement par une lecture intéressante.

    Bon courage pour la suite.

  9. By Gertrude on Jan 13, 2011

    J’en rajoute une petite couche sur la sensation de manque, émotion prisée par le milieu du marketing et de la consommation. Dans ma période en tant que vendeuse dans la fameuse enseigne suédoise citée par Pashupati, j’ai vécu le lancement de la première collection « Karl Lagerfeld ».

    Les portes ouvraient à 9h, je me suis retrouvée 30 minutes plus tard à lancer des vêtements le plus haut possible au dessus de la vague de furies qui m’entourait, en hurlant la taille au préalable, si toutefois ces dames souhaitaient que le vêtement leur aille.

    Ce même sentiment m’envahit dès le premier jour des soldes, même si je ne suis pas une shoppeuse effrénée : il y a une certaine tension entre les consommatrices, comme si on allait se faire piquer l’article qu’on aurait accroché des yeux avant tout le monde.

    Et pourtant, on ne parle même pas de nourriture…

  10. By Gertrude on Jan 13, 2011

    Ceci dit, on devrait encadrer ces soit-disant « promotions » à grands renforts de communication et à coups de « oh, il n’y avait que 3 articles disponibles, tant pis pour vous, achetez donc autre chose ! »…

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