Profitez-en, après celui là c'est fini

Rewind

septembre 25th, 2010 Posted in Interactivité au cinéma, Mémoire, Ordinateur au cinéma

Rewind, de Sergio Gobbi, est sorti en 1998, un an après le film cyberpunk italien Nirvana, quelques années avant Matrix, eXistenZ, The Cell, Dejà-vu ou encore Minority Report, films avec lesquels on lui trouvera quelques affinités, mais six ans après Le Cobaye dont il semble s’inspirer plus précisément.
J’ignore si les auteurs se sont rappelés le Je t’aime, je t’aime (1968) d’Alain Resnais mais il est facile d’y voir un rapport aussi. Rewind est une production franco-italienne tournée en grande partie en Belgique et dont l’action est réputée se dérouler à Berlin.
Je n’avais jamais entendu parler de ce film avant de tomber sur le DVD, complètement par hasard, sur l’étal d’un bouquiniste de la bonne ville de Pau.
Le sous-titre ne pouvait qu’aiguiser ma curiosité : « Le monde virtuel : la pire des réalités ».

Le film s’ouvre sur des images évoquant le terrorisme, une activité qui, dit le commentaire, a existé de tout temps et dans tous les pays — affirmation qui me paraît erronée, je ne vois pas ce qu’on aurait pu nommer terrorisme avant l’existence de médias de masse aptes à transformer des assassinats (ou des menaces d’assassinats) en moyen de chantage ou en armes de guerre par la terreur. Le terrorisme évoqué ici est pré-11 septembre et fait nettement référence aux années de plomb italiennes et allemandes. L’analyse politique n’est pas très poussée : ces terroristes n’ont pas de message à transmettre, on ignore quelle cause ils ont épousé (mais on croise une photographie de Malcolm X), et seules les traces d’ADN de la salive trouvées sur les enveloppes qu’ils expédient permettent de supposer l’existence d’un groupe organisé.

Le beau Paul Mansart (l’acteur et mannequin Raoul Bova) croupit en prison où il a été placé après avoir endossé toute les responsabilités dans le meurtre d’un diplomate des nations unies. Sa compagne Alice, morte pendant les opérations, était-elle sa complice ? Paul a-t-il réellement agi seul ? Il a toujours refusé de répondre franchement à ces questions et passe ses journées à peindre des aquarelles fleur-bleue entre deux séances de passages à tabac par gardiens cruels. La nuit, il dort à demi-nu en prenant des poses qui mettent en valeur sa musculature. Taiseux, ombrageux, il promène dans la cour de sa prison un regard ostensiblement mélancolique et chargé de regrets.

De leur côté, les polices et les services secrets européens doivent répondre à une vague d’attentats meurtriers dans lesquels on croit reconnaître la marque de fabrique de Paul Mansart ou de ses possibles complices. Puisque Mansart est en prison, il n’est pas l’auteur des lettres, mais il sait forcément qui les a expédiées.
Plutôt que de tenter de l’interroger directement,  les services décident de proposer à Paul un marché : en échange d’une réduction de sa peine, on lui propose de participer à une expérience scientifique. Paul accepte, non sans avoir exigé une nouvelle boite d’aquarelles et le licenciement de l’ignoble gardien chef de sa prison.
— « Pourquoi moi ? » demande Paul ?
— « Parce que tu n’as rien à perdre », lui répond le policier Joseph Valko.
En fait ce n’est pas la raison : l’expérience scientifique à laquelle Paul est associé est un programme de cyber-psychologie. On va lui permettre de revisiter son propre passé, et peut-être de se donner l’illusion d’agir sur son déroulement, à l’aide de la réalité virtuelle.

Le parcours des policiers à leur arrivée dans le centre de recherche est un modèle de cinéma économique : trois milliaires sont postés à l’entrée d’un hangar, puis la caméra effectue un parcours absurde et interminable, tout en faux-raccords, dans des enfilades de couloirs et de salles dont on se doute qu’elles ne se sont jamais trouvées dans le même bâtiment. L’aboutissement de ce trajet est un laboratoire high-tech dirigé par Fabrice Rivail (Niels Arestrup), qui travaille avec la psychologue Marianne Legrand (Maruschka Detmers) et l’informaticien Claude Ricci (Marc Samuel). On reconnaît tout de suite que ces gens sont des scientifiques car ils portent des blouses beiges. Claude, l’informaticien, porte par ailleurs des tee-shirts comic-book : c’est l’original de la bande. Quelques autres personnes semblent là pour meubler car on n’est pas certain de leur occupation exacte. Parmi ces personnes, on remarque cependant la jolie blonde Helga.

Au centre d’une grande salle circulaire est disposé un promontoire en haut duquel se trouvent deux grands anneaux lumineux reliés par leurs pôles. On pense tout de suite au gyroscope du film Le Cobaye, qui permettait aux utilisateurs de la réalité virtuelle de se mouvoir dans toutes les directions, mais le fonctionnement est ici plus simple : un anneau tourne vers la droite, l’autre vers la gauche. Le sujet qui expérimente le dispositif doit se placer à l’intérieur de ces deux anneaux, avec sur la tête un casque relié à l’ensemble par un cordon lui aussi lumineux.
On appréciera la laideur de l’interface graphique de l’ordinateur de Claude, bleuâtre, frénétique et parfaitement illisible.
La première personne à expérimenter la machine est le policier Valko.

Lorsque les anneaux tournent, les pensées du sujet se matérialisent sur un écran. Le sujet pense vivre (ou revivre) les scènes qui lui sont suggérées et qu’il augmente de ses propres souvenirs. La réalité virtuelle qui se compose et dans laquelle le sujet de l’expérience se promène est un agglomérat de documents,  de propositions faites par le système informatique et d’intuitions de ceux qui le pilotent, de suggestions et de corrections faites par le sujet lui-même : « C’était un bureau avec trois fauteuils… » (un bureau et trois fauteuils se dessinent), « Paul est entré » (la porte s’ouvre, Paul est encadré de deux policiers aux visages indiscernables), « Il avait les mains menottées » (des menottes apparaissent)… Le fonctionnement de la machine est donc à la fois high-tech et humain. Il tient du jeu de rôles et de la régression psychanalytique façon Marnie, qui est censé pouvoir faire émerger des détails mémoriels oubliés ou négligés.
J’aime beaucoup l’idée de ce passé dont la reconstitution ne peut jamais être exacte et qui mêle des éléments plus ou moins subjectifs pour tenter de faire émerger des vérités.
Avec un peu plus de moyens techniques et un peu plus de rigueur scénaristique, cette partie du film aurait pu être extrêmement intéressante.

Paul Mansart expérimente la machine à son tour. Il retrouve le décor familier de sa chambre, et dans sa chambre, il retrouve un disque qui le plonge dans une rage folle : il saccage toute la pièce. Une enquête permettra par la suite d’établir que le disque en question est La mer, par Charles Trénet. En effet, c’est en dansant sur l’air de La mer dans un bal berlinois que Paul a rencontré la pétillante Alice, dont il se reproche éternellement la mort.
Troublé par son immersion et comprenant qu’on cherche à l’utiliser dans le cadre d’une enquête, l’ex-terroriste refuse de continuer l’expérience. Mais on tente de l’assassiner en prison et il comprend que seule l’enquête permettra de comprendre comment est morte Alice, car il semble qu’elle n’a pas été tuée par des policiers mais qu’elle a en réalité été froidement abattue par un complice de Paul.
Pour faire progresser l’enquête, Marianne décide de participer à l’expérience avec Paul, en endossant le rôle d’Alice. Cette situation crée une connexion émotionnelle entre Paul et Marianne qui (re-)vivent de déchirants moments ensemble et terminent leurs séances avec les yeux tout mouillés.

Les choses s’emballent : une main invisible vient, nuitamment, insinuer un virus informatique dans le système ; l’informaticien Claude se fait agresser dans les couloirs sombres du centres de recherches ; juste avant d’être sauvagement exécutée par ses complices, la jolie blonde Helga se révèle être la maîtresse d’un policier qui s’avère appartenir au groupe terroristes, ce qui explique certaines disparitions parmi les pièces à conviction du dossier de l’enquête.

Les scientifiques et Paul Mansart tentent de reprendre l’expérience mais le temps presse, car on les a averti qu’une bombe se trouvait dans le bâtiment et qu’ils avaient ordre d’évacuer les lieux. Le scénario dégénère franchement quand une explosion secoue le centre de recherches alors que tous les scientifiques s’affairent pour terminer l’expérience malgré tout.
Enfin, on découvre l’identité du cerveau du groupe terroriste :  c’est Luc Baudin (André Oumansky), un homme mûr que Marianne a récemment rencontré car il a séduit sa mère. Comprenant que sa mère et son fils sont en danger, Marianne se précipite à leur secours, accompagnée d’importants moyens policiers. À son arrivée, elle constate que Luc a attaché une bombe au bras de son fils. Il n’en donnera le code de désamorçage qu’à condition qu’on facilite son évasion.
Je vous laisse imaginer la fin.

Quelques petits détails fonctionneraient presque dans ce film, et la plupart des acteurs font des efforts pour donner un peu de consistance à leurs personnages (Marushcka Detmers, par exemple), mais l’ensemble est trop mal écrit pour ressembler à autre chose qu’à un pilote de série télévisée à demi improvisé.

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