Profitez-en, après celui là c'est fini

Mes jeux (4) Sim City, par David Turgeon

juillet 10th, 2010 Posted in Invité, Mes jeux

(Le dernier blog invite David Turgeon pour la série Mes jeux)

J’avais sans doute autour de quatorze ans et j’étais chez un ami qui était très fier de me montrer son nouveau jouet, un Amiga dernière mouture : interface graphique, souris, véritable système multi-tâche, et guru meditations à la clef. C’était assez impressionnant même si, habitué à bidouiller sur des interfaces texte, je ne voyais pas trop ce que je pourrais faire de tout ça. Enfin, je ne garderais aucun souvenir de ceci si à ce moment mon ami n’avait pas lancé un jeu qui venait tout juste de sortir — et qui s’appelait SimCity.

À cette époque, les «jeux de simulation» évoquaient en moi les simulateurs de vol, genre assez populaire à l’époque mais qui ne m’intéressait guère. C’est dire que le concept seul de simulateur de ville me frappa d’autant que je ne m’y attendais pas du tout, et pourtant : quelle idée toute simple et toute logique! Tu veux dire, m’exclamai-je, que je peux inventer n’importe quelle ville que je veux ?Mais oui…, répondait-il sans s’émouvoir, comme si ça allait de soi. Il faut dire que j’aimais beaucoup les cartes routières et qu’il m’arrivait de dessiner moi-même sur papier des plans de ville imaginaires : SimCity me promettait qu’un plan fictif, désormais, pouvait se mettre à s’animer, à vivre. Perspective on ne peut plus alléchante pour l’apprenti urbaniste que j’étais alors.

Seul problème, je n’avais pas d’Amiga à la maison. Mon père avait ramené un clone PC 8088 quelques temps auparavant, qui était affublé d’un écran monochrome sépia ; la première nuit après que cette machine entra chez nous, mes parents la passèrent à jouer à un clone de Pacman, épisode qu’ils nous racontèrent le lendemain avec l’air de ceux qui ont fait un mauvais coup, ce qui nous rendit fort perplexes sur le moment.

Enfin, il fallut donc attendre qu’une version PC soit disponible; je reçus SimCity à mon anniversaire, comme demandé. Outre mon intérêt en cartographie spéculative (toujours vivace au demeurant), j’appréciais particulièrement le fait que le jeu soit à ce point «ouvert» : qu’il n’y ait ni gagnant ni perdant. Oh, bien sûr, SimCity se faisait fort de vous donner un «pointage», calculé on ne sait comment, mais qu’on ignorait volontiers, ainsi d’ailleurs que les sondages d’opinion (jamais contents, les Sims!). Quant aux fameux «désastres» (tornades, incendies, monstre), je les désactivais plus souvent qu’autrement; cet aspect-là du jeu ne m’intéressait pas tellement, mais justement, c’était tout à fait possible de faire sans, ce n’était même pas de la triche, on n’avait qu’à demander.

Jusqu’alors je n’avais que peu d’expérience sur les jeux vidéos. Des amis avaient des consoles, et j’ai bien passé quelques tableaux de Pitfall, d’Enduro ou de Super Mario Bros, j’avais vu jouer à King’s Quest par-dessus l’épaule d’un ami, et je me faisais volontiers une course automobile quand je visitais les arcades, mais c’est tout. Ce qui m’amusait, c’était de faire mes propres programmes en Basic : par exemple, avec mon cousin qui revenait d’un voyage en France, on s’était amusé à programmer, sur TRS-80, une sorte de Minitel fictif, qui servait d’annuaire téléphonique et qui donnait les horaires de vol. Au fond, je me servais de l’ordinateur comme mon frère de ses Lego. L’aspect compétitif, l’obligation de «gagner pour survivre» me frustrait et me rendait finalement assez blasé. D’où le bonheur de tomber sur un jeu où on peut faire ce que l’on veut, où l’accent est mis sur la découverte pure et simple, sans le moindre soupçon de pression compétitive ; où on est davantage «programmeur» que joueur au sens passif.

Puis je suis évidemment passé à SimCity 2000, que j’avais attendu impatiamment, d’abord séduit par la perspective isométrique, mais éventuellement je sentais les limites du jeu, les choses qu’on ne pouvait pas faire : entre autres, je rêvais de systèmes autoroutiers aux bretelles très complexes, qui était impossibles à programmer (à ma connaissance, même aujourd’hui, il n’existe aucun jeu qui me permettrait d’accomplir ce genre de fantaisie). Entre-temps, mon père s’était procuré un jeu appelé Railroad Tycoon, qui ressemblait pas mal à SimCity, mais où le terrain était beaucoup plus vaste, et pour cause, puisqu’il fallait concevoir le système ferroviaire de tout un pays, en s’assurant de gérer logiquement le flux des véhicules sans occasionner la moindre collision : de la simulation pure, on passait à un mode «résolution de problèmes» qui me semblait plus riche. Plus tard il y eut Transport Tycoon qui me passionna pas mal, au point que j’y joue toujours aujourd’hui dans sa version «open source».

Pour autant, je ne me suis jamais intéressé aux autres jeux de Will Wright ; The Sims n’éveillait, et n’éveille toujours en moi aucune curiosité. Je n’ai jamais non plus joué à Civilization, qui aurait pourtant semblé la suite logique. J’en suis resté au souvenir de SimCity qui a été pour moi un révélateur puissant, non seulement de ce que peut être un jeu vidéo, mais aussi des possibilités quasiment infinies de l’informatique en général.

  1. 5 Responses to “Mes jeux (4) Sim City, par David Turgeon”

  2. By Jean-no on Juil 10, 2010

    Je trouve très vraie ta dernière phrase et au fond, comme programmeur, j’ai toujours l’impression de jouer à Sim City, j’aime créer des systèmes pour les laisser fonctionner. Je pense que c’est le plaisir du train électrique (plaisir que je n’ai jamais eu le courage de tester).
    J’ai une longue histoire avec les jeux de simulation, notamment Sim Ant (Maxis) et Settlers. Par contre je n’ai pas essayé Civilization… c’est mon fils qui s’y colle à présent.

  3. By Bishop on Juil 10, 2010

    Civilization le premier et surtout le second furent un bonheur… Je crois que c’est les jeux sur lesquels j’ai passé le plus de temps malgré que je continue de consacrer trop d’heures à cette activité..

  4. By Panix on Juil 11, 2010

    Je viens de tomber sur la version de Railroad Tycoon Deluxe en open source. Aussitôt installée sur Ubuntu. Il y a des jeux qui ne vieilliront jamais, il me semble. Aussi vastes que le champ des possibles qu’offre un générateur de terrain aléatoire. Un petit monde en soi, chaque fois différent. Inépuisable.

  5. By Loïc on Juil 12, 2010

    Ce qui est drôle c’est de voir comment ce genre de jeux est sans doute en train d’influencer l’industrie des effets spéciaux. À voir les systèmes de génération automatique de villes ou les systèmes procéduraux de création de route que l’on peut faire avec HOUDINI (on est pas trrès loin de la problématique des arches autoroutières) :
    http://www.youtube.com/watch?v=yI5YOFR1Wus
    http://www.youtube.com/watch?v=jOLhnwllpgs

  6. By david t on Juil 12, 2010

    @ loïc: superbes, les générations urbaine et autoroutière.

    @ les autres: pour combler une lacune, j’ai téléchargé civilization et franchement, oui j’ai accroché (résultat: une nuit blanche) mais on retombe dans les travers «compétitifs» qui me fatiguent assez vite: faire la guerre, dominer le monde, etc. je me rejouerais bien une partie d’openttd pour compenser mais ça va, j’ai eu ma dose annuelle il y a quelques mois. :)

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