Mes jeux (3) Quake
juillet 9th, 2010 Posted in Mes jeuxDes années après ma « période » Doom, somme toute assez sage puisque je ne jouais qu’aux heures ouvrées, je me suis lancé dans Quake, un jeu assez proche du précédent puisqu’il s’agissait là aussi de poursuivre et de tuer des monstres dans les couloirs gris d’un monde démoniaque. Les créateurs du jeu sont les mêmes : le scénariste John Romero et le programmeur John Carmack, duo de grand talent à qui on doit aussi le jeu Wolfenstein 3D.
Depuis Doom, beaucoup de choses avaient changé : le moteur de rendu des images était plus fluide et plus proche que jamais de la vision subjective, tous les objets représentés étaient modélisés en temps réel. L’habillage sonore était dû au groupe de rock industriel Nine Inch Nail, ce qui installait une ambiance très particulière, à mi-chemin entre Aliens et la littérature de H.P.Lovecraft.
J’avais pour ma part un PC sérieux — un « pentium » cette fois — et j’ai donc joué à ce jeu chez moi. Pendant l’été 1996, je m’étais fait confier la tâche d’assister techniquement des étudiants de Paris 8 et d’ailleurs1 sur les œuvres qu’ils allaient montrer pendant la biennale Artifices. Tous les jours je venais travailler dans une petite salle peinte en bleu profond et j’y programmais avec le logiciel Director. Le soir, je rentrais chez moi, où personne ne m’attendait — Nathalie et les enfants étaient au bord de la mer — et je passais des heures et des heures à jouer à Quake.
Pendant toute cette période, je n’ai écouté qu’un seul disque, Musique pour les plantes vertes, un concept-album d’électro hypnotique.
Et puis un matin, j’ai fini le jeu, après des semaines passées à arpenter les couloirs d’un enfer dantesque où, j’en suis sûr, je retrouverais encore mon chemin près de quinze ans plus tard. Je n’ai jamais été de ces joueurs qui finissent un jeu en deux jours et passent au suivant, j’ai toujours pris mon temps. En fait je pense que je suis un joueur assez médiocre.
Sans avoir dormi, dans un état second, je suis donc allé passer ma journée à l’université. Je ne faisais pas partie de l’équipe « esthétique de l’interactivité » depuis longtemps mais on m’avait fait confiance, je disposais de la clef de la salle et de l’accès à du matériel, notamment des caméras.
Ce jour là, pendant que je travaillais à l’acquisition d’images vidéo, trois gamins qui traînaient dans le couloir2 sont entrés sous prétexte de me demander un stylo. L’un d’eux a attrapé la caméra qui se trouvait sur la table et il est parti en courant aussi vite que possible. Il ignorait que je venais de terminer le jeu Quake quelques heures plus tôt. Je ne suis pas un grand téméraire en règle générale et je ne sais pas particulièrement bien courir, mais cette fois je n’ai pas réfléchi une seconde, j’ai poursuivi mes chapardeurs en courant comme un dératé dans les couloirs et j’ai réussi à saisir un câble qui pendant derrière la caméra. En sentant une résistance, le jeune homme a lâché l’objet qui a rebondi sur le sol (sans le moindre dommage). J’ai continué à poursuivre les gamins, qui étaient tellement impressionnés par ma détermination qu’ils n’ont pas remarqué que j’étais tout seul et qu’eux étaient trois. Ceci dit, j’étais sans doute réellement dangereux, car j’étais toujours dans mon jeu. Il est heureux que je n’aie pas eu sur moi une hache, un fusil-mitrailleur lance-clous, une tronçonneuse ou toute autre arme utilisée dans Quake, car j’aurais pu avoir un mauvais réflexe. Je n’ai jamais eu, ni avant ni après, une impression si forte de confusion entre une expérience virtuelle et une expérience « actuelle », enfin véritable.
- Notamment, et cela me fait plaisir de me rappeler leurs noms ici, Mei-ling Hsiao, Yacine Aït Kaci, Florence Levert, Andrea Davidson et Kai-Lung Chang. [↩]
- Eh oui, il y a eu une époque où l’université était ouverte aux quatre vents y compris pendant le mois de juillet. [↩]
One Response to “Mes jeux (3) Quake”
By mimphi on Juil 10, 2010
mon jeu à moi n’entraînera, si tout va bien que des danses loufoques. Je serais trop fier si un prof se mettait à danser dans son amphi un matin d’insomnie…