Profitez-en, après celui là c'est fini

Billy Idol – Cyberpunk

mai 3rd, 2010 Posted in Chansons, Vintage

Pour continuer avec le thème du futur dans la musique , je peux évoquer Cyberpunk (1993), un album relativement méconnu de Billy Idol.
Membre fondateur du groupe Generation X après avoir un temps accompagné Siouxie and the Banshees, Billy Idol est un peu le premier prototype du punk « grand public ». Issu de la petite bourgeoisie, il a fréquenté l’université — pas très longtemps, car il a rapidement trouvé sa vocation était dans la musique —, il sait chanter, soigne son impayable moue rebelle et son apparence plus sophistiquée qu’il n’y paraît et joue suffisamment le jeu des médias pour apparaître dans des émissions de la BBC telles que Top of the pops aux côtés de Culture Club, d’Elton John ou de Queen. Le bassiste de Generation X, Tony James, poussera le principe d’un punk de science-fiction et de parade un cran plus loin en fondant le groupe Sigue Sigue Sputnik avec le styliste Martin Degville en 1984.

L’album Cyberpunk constitue le premier véritable insuccès commercial de Billy Idol, après une carrière plutôt fournie en « tubes » : Hot in the city, Eyes without a face, Flesh for fantasy, Dancing with myself, White wedding, Craddle of love. Apparemment passionné par les thèmes « cyberpunk »,  le chanteur est parti chercher conseil auprès du futurologue psychédélique Timothy Leary mais surtout auprès de Gareth Branwyn (auteur d’un manifeste cyberpunk dont nous allons reparler plus loin) et de Mark Frauenfelder (illustrateur et journaliste, impliqué dans Boing Boing et Make notamment).
Parmi les autres références de Billy Idol, on notera évidemment William Gibson (qui a trouvé le disque risible, dont Billy Idol n’a pas lu les livres mais imposait aux journalistes qui voulaient l’interviewer d’avoir lu Neuromancer), la mythique revue Mondo 2000 ou encore le film Le Cobaye (1991), dont le réalisateur Brett Leonard est par ailleurs auteur du clip du titre Shock The System, issu de l’album.

Le disque s’ouvre sur une citation du texte Is There A Cyberpunk Movement? (1992), de Gareth Branwyn, qui dit ceci (traduction approximative par votre serviteur) :
« Le futur a implosé dans le présent. Sans guerres nucléaires, le nouveau champ de bataille ce sont les esprits et les âmes des gens. Des méga-corporations sont les nouveaux gouvernements. Des domaines d’informations numériques sont les nouvelles frontières. Bien que les progrès de la science et de la chimie aient amélioré nos vies, nous devenons des cyborgs. L’ordinateur est le nouvel outil à la mode. Bien qu’on dise que toute information devrait être libre, ce n’est pas le cas. L’information, c’est le pouvoir et la monnaie du monde virtuel que nous habitons. Dans ce monde méfiant envers l’autorité, les cyberpunks sont les nouveaux rebelles. La cyberculture reste sous le radar de la société ordinaire. Une alliance incongrue entre le monde de la technologie et celui des dissidents organisés. Bienvenue dans la cyber-corporation… les cyberpunks ».
Les visuels du livret du cd sont réalisés sur ordinateur par Mark Frauenfelder, dans une ambiance visuelle qui rappelle certaines séquences du film Le Cobaye.

Pour Billy Idol, la technologie est un moyen d’émancipation vis à vis du pouvoir. Très sensible aux questions du do-it-yourself, il a produit l’album chez lui, à l’aide d’un ordinateur personnel Macintosh. Il a aussi participé à des communautés en ligne comme The Well et le forum alt.cyberpunk, dans l’idée complètement novatrice pour l’époque d’être en contact avec son public sans passer par l’intermédiaire des médias.
Pour certaines éditions, l’album a été fourni avec une disquette contenant des documents divers. Il semble que ce prolongement multimédia ait constitué une première mondiale aussi.

La vidéo "Shock to the system", par Brett Leonard, qui fait référence à l'affaire Rodney King, passage à tabac extrêmement violent d'un automobiliste récalcitrant par des policiers de Los Angeles : ce fait-divers a eu une importance nationale en son temps et marque le début d'un nouveau rapport entre le grand public et l'information : en filmant toute la scène, un caméraman amateur a été la cause involontaire d'une semaine d'émeutes à Los Angeles qui a coûté la vie à plus de cinquante personnes.

Le manque de succès de l’album n’a pas empêché les activistes de la cyberculture de le percevoir comme une marchandisation de leurs préoccupations.
Il y a pourtant beaucoup d’excellentes intuitions à l’origine de Cyberpunk — le rapport entre technologie et pouvoir notamment —, mais l’album était sans doute un peu vieillot et un peu décalé vis à vis des courants musicaux les plus populaires du début des années 1990, constitués d’un certain retour du rock (Nirvana, Cranberies, R.E.M., Radiohead), d’une radicalisation du Rap (Public Ennemy, 2Pac, Snoop dog, Cypress Hill), des prémices de ce qu’on appelle à présent R’n’B (Whitney Houston, Mariah Carey, Janet Jackson, Mary J. Blige) et, enfin, des musiques électroniques émergentes de l’époque comme l’Ambient, le trip hop ou la Trance. Musicalement, Cyberpunk semble en effet sans grand relief, proche de tout ce qu’avait fait Billy Idol au cours des années précédentes (et rappelant de temps à autres le son de groupes tels que Frankie Goes to Hollywood), mais d’un niveau finalement plus faible — aucun titre ne se détache vraiment.
Bref, le son de 1985 mêlé aux préoccupations de 1995 : trop tard et trop tôt à la fois.

  1. 13 Responses to “Billy Idol – Cyberpunk”

  2. By Jean-Michel on Mai 3, 2010

    Pas tout à fait sûr de ta conclusion faisant passer Idol pour dépassé à l’époque. Pour mémoire, la popularité commerciale de Radiohead est plutôt à dater aux environs de 97, et pas de 93 année de la sortie de Pablo Honey (92 pour le EP « Creep »), celle de REM du milieu des années 80 avec une apogée il est vrai avec « Losing My Religion » & « Shiny Happy People » en 91.
    Je crois que Cyberpunk, le morceau Shock to the System (1993) en particulier, de Billy Idol, s’inscrivait dans la veine/ la roue de groupe tel Gun N’Roses (au top encore, si tu me passes l’expression). Ce qui me fait dire qu’à sa sortie il était dans l’air du temps, probablement trop pour pouvoir durer.

  3. By Jean-no on Mai 3, 2010

    REM, on en parlait déjà pas mal il me semble. Non ? En même temps ce n’était vraiment pas ma came, je n’écoutais strictement rien de tous les gens que je cite. Pour moi le retour du Rock (Les Forbans, Nirvana) a été un drame personnel, à l’époque je n’avais pas la télé et j’écoutais surtout de la musique classique et du punk musette.

  4. By robo32ex on Mai 4, 2010

    cet album de Billy, c’était clairement une tentative de se refoutre au gout du jour en récupérant les thèmes et les sonorités du machine-rock et de l’indus de l’époque, genre Chemlab, NIN ou Ministry (Psalm 69, qui fut un énorme succès, date de 92 et le clip NWO par Peter Christopherson faisait lui aussi référence à l’affaire Rodney King et aux émeutes…)
    (d’ailleurs, puisqu’on en cause, le clip de Brett Leonard pille énormément le film Tetsuo… que Gibson, si je me souviens bien, qualifiait de premier film cyberpunk…)
    enfin, cet album, c’est du Billy encore plus affreux qu’à son habitude… et qui plus est, sans Steve Stevens, son guitariste super-star.
    Bref, la honte :)

    sinon, pour revenir sur SF et Musique, quelques pistes auxquelles je pense en ce moment :
    – Kamikaze L’Amour, de Richard Kadrey, en Presence du Futur, un roman Cyberpunk qui traite de musiques et de fractales, cite pas mal Brian Eno, Can, Bill Laswell, la musique informatique alors émergente et se retrouve annoté par Jean Bonnefoy…
    – Jean Bonnefoy qui dans la revue de SF Univers (# 3, décembre 75) écrivait un article sur la musique cosmique, « HIFISCIFI rencontre les Objets Vinyliques » : Magma, Heldon, Robert Moog, Zappa, etc.
    – et pour conclure sur le psychedelisme futuriste, il existe un roman essentiel, c’est L’Envol de la Locomotive Sacrée, par Richard Lupoff et paru chez Opta (collec’ Anti-Monde) – j’y avais consacré un long billet sur mon blog mais pour faire vite, c’est assez proche de Ron Goulart, loufoque et flippé, avec plein de drogues et une ambiance de comix underground san-franciscain.
    voila. j’espere que je suis pas trop hors sujet là…

  5. By Jean-no on Mai 4, 2010

    @robo32ex : je voudrais bien voir qu’il existe un hors-sujet sur ce blog :-)
    Merci pour les références. Pour je ne sais quelle raison je n’ai jamais vu Tetsuo, ça me semble un oubli à réparer.

  6. By Wood on Mai 4, 2010

    Oh mais tu vas arrêter de ressortir les Forbans à chaque fois que tu entends le mot « rock » ?

    Si tu n’étais pas aussi bon enfant je te soupçonnerais bien d’être de mauvaise foi.

  7. By Jean-no on Mai 4, 2010

    Non mais je cite les Forbans comme je pourrais dire Jesse Garon ou Nirvana. Enfin le rock quoi.

  8. By Catherine on Mai 5, 2010

    Kikou,
    Billy Idol change de registre dans cet album concept et s’inspire de l’univers SF Cyberpunk avec brio. Malheureusement, l’album a été mal accueilli par les fans de la première heure et pourtant : l’album est varié, les compositions sont inspirées, les textes intéressants, la musique est un habile mélange de musique rock et d’électronique, particulièrement fouillé et travaillé, Billy Idol assure au chant comme jamais et les parties de guitares sont toujours bien amenées. Le seul défaut de l’album, c’est qu’il est moins accessible que les précédents d’où les critiques nombreuses des fans. A découvrir…

    Une source raconte: «Joe a dit qu’il voulait parler à Billy pour qu’il se joigne à Aerosmith.

  9. By Jean-no on Mai 5, 2010

    @Catherine : votre intervention semble être un copier-coller d’un article de votre blog… Quel intérêt ? Tout le monde dit du mal de Billy Idol et/ou de cet album et tout ce qui vous semble pertinent à faire, c’est de pondre un texte au ton publicitaire… Si vous êtes fan, défendez votre Idol, c’est pas drôle sinon !

  10. By Pfff on Mai 14, 2010

    Pffff!
    N’importe quoi.
    A moi aussi quelques « musiciens » hérissent le poil. Je n’irai surtout pas perdre du temps pour créer des sujets sur eux et écrire pendant des jours du n’importe quoi. T’as rien d’autre à faire ? Un bonsaï ? Un livre ?

    Moi je suis complètement d’accord avec Catherine.
    Tu ne vois pas d’intérêt dans sa réponse ? Parce qu’elle te contredit ?
    Contrairement à toi, elle dit ce qu’elle pense. Toi, tu te contente de dire ce que les autres pensent : [Tout le monde dit du mal de Billy Idol et/ou de cet album….]
    Avant de critiquer, donne-toi la penne d’écouter l’artiste, déplace toi à un de ses concerts, imprègne-toi de l’ambiance et après donne ton avis !
    Quant à moi, depuis 2006 je me rends à ces concerts à chaque tournée européenne (eh oui, cette année aussi).
    Diplômé comme tu es, tu devrais connaitre: « Les goûts et les couleurs….. »
    Ca c’est mon avis.
    Le dernier des blogs…(je fais que répéter le titre du blog)

  11. By Jean-no on Mai 14, 2010

    @Pfff : Billy Idol n’est pas mon sujet. Je m’intéresse à la culture numérique et le fait que Billy Idol ait sorti un album nommé « Cyberpunk » en 1993 me semble un fait intéressant en soi. Je n’écris pas spécialement pour les fans de Billy Idol. La réponse de Catherine m’irrite non parce qu’elle traite avec enthousiasme de l’album mais parce qu’elle est irrespectueuse : ce n’est pas un commentaire mais juste une réclame qui a été copiée- collée sur différents sites. Donner son avis sur un sujet sans lire l’article, ou sans lire les commentaires, je peux comprendre. Par contre un copier-coller d’un petit tas de clichés promojournalistiques, beurk.

  12. By Pretty Idol et Anne Stevens on Juin 1, 2010

    Total grave ok avec Jean-no, fan depuis 1ans 1/2 on a appris a le « connaitre » de rumeur en rumeur,au début on pourais croire que c’est le type « total ringar » « super nul »(de ce qu’on entend et ce que lis)les gens parle beaucoup de Cyberpunk comme un album assez raté(même très beaucoup)mais si j’en crois ce que j’ai appris c’était une mauvaise periode de sa vie,alors il a eu quand même le courage de continuer(t’es top Billy!). Cet album est peut être tous simplement le moins réussi,mais faut bien un dernier(*snif). Si on repense a Dancing with myself,Rebel Yell,White Wedding… c’est des titres,des chansons super! Je pense même qu’un petit remix de Rebel Yell version 2010 mettrais le feu et ferais des jaloux!!! D’ailleurs on trouve qui a (eu…ou a encore) pas mal de jaloux par rapport a ce « mec d’acier » qui en a baver dans sa vie! Alors si aujourd’hui il nous sort une super musique bien Hard bien Rock comme on aime qu’il nous fasse je dit Yeah!!! Cyberpunk Cyberpunk!!! il est pas si rater que ça au final si on y plonge bien nos ptite oreilles pleines de vilaine critique!!

  13. By 'Tsuki on Avr 4, 2011

    Le meilleur album de Billy Idol, pour moi, le seul que je trouve encore aujourd’hui écoutable d’un bout à l’autre sans lassitude. La musique dessus est assez futuriste sans être vraiment lassante, un genre de mix 80’s électronisée dans le bon sens car il réinterpréte entière le genre en le renouvelant. Les textes sont puissants, ils ont marqué pour ma part mon propre réveil face à la société. Un matrix musical à mes oreilles.

    J’adore et je ne m’en lasse pas.

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  2. Mar 10, 2011: Voyage psychédélique dans l’univers de Timothy Leary (4/4)

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