Pat Metheny et son orchestre de robots
avril 28th, 2010 Posted in Chansons, InteractivitéPat Metheny fait partie des plus grands guitaristes de jazz au monde. Il s’est toujours beaucoup intéressé à la musique électronique, notamment en utilisant très tôt des synthétiseurs pilotés depuis un clavier. Son dernier album, Orchestrion, amène ses recherches en matière de musique électronique plus loin que jamais, puisqu’il est à présent tout seul pour piloter un orchestre mécanique. Le nom Orchestrion n’a pas été inventé par le guitariste, il est employé depuis plus de deux siècles pour désigner des orchestres mécaniques divers.
Metheny n’utilise ici que des instruments acoustiques ou électro-acoustiques traditionnels — percussions, piano, xylophone, etc.
Il dirige ses instruments mécanisés depuis sa seule guitare, ce qui lui permet de jouer « live », c’est à dire sans fusionner des pistes pré-enregistrées et sans séquenceur musical. Je ne sais pas comment tout cela fonctionne techniquement, mais le résultat est bluffant, les instruments se répondent dynamiquement comme le feraient des instrumentistes expérimentés, et comme l’a toujours fait le Pat Metheny Group — ici remplacé par un dispositif mécanique.
Je ne pense pas que cette réalisation soit mue par une volonté futuriste, comme dans le « Synth Pop » évoqué dans l’article précédent. La technologie est mise au service d’une imitation parfaite d’un orchestre acoustique traditionnel, le son obtenu n’a rien d’inédit et ne se distingue pas du reste de la production de Pat Metheny. L’impression que me font les images est curieuse : j’admire la technologie mise au point et la virtuosité de l’artiste, mais en même temps, il me fait l’effet de l’empereur Qin au milieu de sa multitude de soldats d’argile : tellement entouré en apparence, tellement certain de contrôler son univers, que sa solitude n’en est que plus flagrante.
L’étape suivante, peut-être, c’est que l’orchestre pourra se passer de direction, les instruments pourront improviser de l’excellent jazz tout seuls. Sur sa page consacrée au projet Orchestrion, Pat Metheny cite d’ailleurs Ray Kurtzweil, un des pionniers de l’intelligence artificielle.
5 Responses to “Pat Metheny et son orchestre de robots”
By ben on Avr 29, 2010
incroyable !
je suppose qu’il enregistre une partie de la musique (la batterie par exemple) et puis après il peut piloter l’instrument qu’il veut :)
M a une guitare Midi branchée sur ses vidéos projecteurs (via max msp je suppose) en live, l’effet est parfait !
Par contre ça n’enrichit pas la palette de son de jouer des congas avec une batte de grosse-caisse ;¬)
By Jean-no on Avr 29, 2010
@ben : ben, je ne sais pas s’il enregistre quoi que ce soit justement. Il a l’air de dire que non.
By Karkaf on Avr 29, 2010
Waouh ! Il peut refaire tout seul à l’aise l’arrière de la pochette d’« Ummagumma » !
@ ben : Vu l’installation, il peut tout à fait ne rien enregistrer à l’avance, puisque chaque instrument peut être joué et samplé en direct. Mais alors, la mise en place de chaque morceau peut être très longue (jouer et sampler la batterie, puis jouer et sampler la basse, puis le vibraphone, etc.), avec des intros interminables vu le nombre de possibilités. Sur scène, j’imagine donc qu’il doit avoir des boucles préprogrammées.
Dans la vidéo, il a l’air très content de pouvoir improviser avec son petit orchestre perso, mais on atteint là une limite, il me semble : pendant que lui improvise, derrière, ça tourne en rond. Le jazz, c’est aussi de l’écoute et de la réaction en chaîne, pas seulement des solos sur des séquences…
À moins qu’il ait aussi quelque chose du goût d’OMax, une alliance de Max/MSP et OpenMusic qui permet d’improviser avec des machines… (cf. la page d’Omax ici : http://recherche.ircam.fr/equipes/repmus/OMax/, ou « Improvisation et réinjection stylistiques » par Gérard Assayag, Georges Bloch et Marc Chemillier, dans « Nouveaux médias, nouveaux contenus », Apogée 2009) ?
By Pull on Mai 1, 2010
Si on s’intéresse aux bricolages et aux synthés, dans cette note et dans la précédente, il serait bon de citer les Silver Apples, avec Simeon Cox fan de rock et passionné d’électronique qui se bricole « The Simeon » un instrument étrange fait d’oscillateurs, des circuits faits à la maison, de pédales multiples. Machine capricieuse.
On est en 1967. Un trois bonnes longueurs d’avance.
Un bon article sur ce groupe précurseur se trouve dans le troisième numéro de la revue Recoins.