Lanterne magique
mars 28th, 2010 Posted in Cimaises, ImagesIl ne me restait plus que deux jours pour voir l’exposition Lanterne magique et film peint : 400 ans de cinéma à la Cinémathèque française, j’y suis allé hier samedi.
Je n’ai pas eu le droit de prendre des photos1, alors je me suis contenté d’acheter une carte-postale.
Quoi de neuf dans cette exposition ? Pas grand chose évidemment : la lanterne magique a été inventée à la fin des années 1650 (par l’astronome Christiaan Huygens, pense-t-on) et son actualité n’est pas frénétique, notamment depuis l’avènement du cinéma qui l’a totalement supplanté. Dans une scénographie que j’ai trouvée réussie, des dizaines et des dizaines d’appareils sont montrés, accompagnés de centaines de plaques peintes à la main et de centaines de documents très instructifs — estampes, boites de jeux, notices d’utilisation, figurines. On prend ici la mesure de l’importance économique de la lanterne magique en son temps et le nombre de personnes qui vivaient de cette industrie : colporteurs d’images, peintres spécialisés, inventeurs de procédés divers visant à perfectionner l’appareil, notamment par la création d’éléments mobiles articulées, permettant un début d’animation.
J’ai été un peu surpris de voir que la production exposée était relativement éloignée de l’imagerie d’Épinal ou des chromolithographies — autres formes populaires en leur temps d’images colportées et souvent narratives.
On peut noter des thématiques communes à tous ces médias bien sûr (histoire, leçon de choses, édification morale, légende dorée), mais aussi certaines absences (très peu d’adaptation littéraire hors religion, me semble-t-il, dans le domaine de la lanterne magique) et la forte présence de registres qui me paraissent assez singuliers : le grotesque et la pornographie, l’illustration de chansons (on peut imaginer que les images étaient projetées pour accompagner le chant du public ou du colporteur… un ancêtre du clip ?), les voyages, les thèmes surnaturels et enfin l’abstraction géométrique (chromatropes, kaléïdoscopes).
En étant projetée, en quittant le domaine de l’impression pour celui de la lumière et de la performance éphémère, l’image voit-elle son « territoire » ou son statut changer ?
Une vertu de la scénographie est de montrer les objets en train de fonctionner : outre les projections permanentes motorisées, on peut manipuler une des lanternes magiques et un animateur reconstitue un spectacle de « Pantomime lumineuse » par Émile Raynaud.
Pour finir, l’exposition établit un lien entre les projections d’images abstraites du XIXe siècle et les animations expérimentales dessinées à même la pellicule par des auteurs relativement récents tels que Len Lye, Norman McLaren et Jose Antonio Sistiaga. Une installation d’Anthony McCall, Solid-light films, montre que la lumière et la projection restent aujourd’hui d’excellents matériaux pour les artistes2, mais aucune allusion n’est faite au diaporama (la lanterne magique l’ancêtre du projecteur de diapositives, autant que du projecteur de cinéma) ni à des œuvres numériques ou cybernétiques qui s’appuient sur la lumière et la projection. Ceci dit le sujet est tellement vaste qu’on ne peut pas se plaindre qu’il ne soit pas traité.
J’ai trouvé l’ensemble d’excellente tenue, sans éléments inattendus mais présenté d’une manière qui permet de comprendre ce qu’a été la lanterne magique en son temps, ce qu’étaient les gestes des opérateurs et comment se déroulaient les séances. On ne connaîtra en revanche pas l’odeur de la combustion de la bougie ou du pétrole, on ne verra pas la fumée sortir des cheminée des lanternes magiques et on ne saura pas à quel point la flamme que produisaient ces éclairages était vacillante : tout cela fonctionne désormais avec des ampoules électriques.
Le catalogue m’a semblé très complet mais aussi un peu cher (quarante-cinq euros), je me le procurerai d’occasion.
- Interdiction que je comprends assez bien : cette exposition se tient dans le noir et les visiteurs qui prennent des photographies ne savent pas toujours désactiver leur flash… [↩]
- Dans cette œuvre, ce n’est pas ce qui est projeté que l’on regarde, mais la projection elle-même, rendue visible par la diffusion d’un fumigène. [↩]
5 Responses to “Lanterne magique”
By Hobopok on Mar 28, 2010
McLaren avec un seul « r » ! Ah elle est belle l’université française.
By Jean-no on Mar 28, 2010
Grmml
By sylvie tissot on Mar 30, 2010
J’ai moi aussi trouvé l’exposition passionnante de bout en bout.
By Marc on Mar 31, 2010
Il y a eu quelques conférences assez pointues autour de l’expo qui l’ont bien complété. Surtout une sur le cinéma sans caméra.
Et, nous étudiants, avons été mis à contribution pour aussi compléter la collection de Lanternes Magiques. Travailler sur le glitch numérique avec une ampoule, c’était sympa.
By Patrice Guérin on Fév 1, 2011
Une très belle et trop rare exposition avec des documents et objets rarement vus !