Profitez-en, après celui là c'est fini

L’affiche nazie

décembre 30th, 2018 Posted in Non classé

Le public a toujours raison.
Ce que j’entends par là, c’est que si le public trouve qu’un gag n’est pas drôle, ce ne sera pas la peine de s’énerver, d’essayer de le convaincre qu’il se trompe et que la blague est drôle, car elle ne l’est pas puisqu’il ne rit pas1. De la même manière, si le public comprend une image d’une certaine façon, peu importe que son sentiment ne corresponde pas aux intentions de la personne qui a produit ou diffusé l’image, peu importe que son interprétation soit fondée sur une méconnaissance de références, ce qui compte réellement, à la fin, c’est la réception qui sera faite de l’image.

La couverture de M le Magazine du Monde datée du 29 décembre 2018. Elle est due à Jean-Baptiste Talbourdet-Napoleone2, directeur artistique du journal.

Je parle de ça à cause d’une image qui a fait scandale hier : la « une » de M le magazine du Monde, qui a provoqué de nombreux débats et qui a été à peu près universellement conspuée. Pour un certain nombre de personnes, elle était même une citation littérale d’affiches de propagande nazie, une référence nauséabonde.

Laurence Parisot parle d’un scandale et se demande quel message inconscient on cherche à faire passer. Virginie Garin, journaliste à RTL, a honte de son métier et se rappelle son séjour à Auschwitz. Enfin, Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale, ironise et publie une image d’Adolph Hitler qui, comme la couverture de M le magazine, est en noir, blanc et rouge.

Je dois dire que cette interprétation m’a surpris, car fort de mes petites connaissances en histoire du design graphique, je n’ai vu là qu’un pastiche des avant-gardes russes, comme les constructivistes Aleksandr Rodchenko et Lazar Lissitzky, artistes complets qui recouraient volontiers au collage, à la photographie, et qui aimaient structurer leurs compositions avec des formes géométriques. Et notamment des formes géométriques rouges et noires. On pouvait penser aussi aux collages Dada, au Futurisme ou à différents travaux issus du Bauhaus, d’autant que tout cela est historiquement très lié. Plus encore que l’histoire de l’art et du design graphique, je connais bien les étudiants en art et le choc esthétique que représente pour beaucoup d’entre eux la découverte des avant-gardes du XXe siècle. En fait, il n’est pas rare que par admiration pour les artistes de l’époque ou par manque d’idée, des graphistes produisent des œuvres plus ou moins inspirées de cette période.

Petite mise en abyme : des visuels contemporains inspirés de Rodchenko et de Lissitzky, et annonçant des expositions qui leur sont consacrées en tentant de manière plus ou moins littérale de s’approprier leur langage visuel. On pourrait faire un livre de plusieurs centaines de pages uniquement composé d’affiches, de couvertures de livres ou de disques directement inspirées par cette période.

Les malheureux constructivistes sont souvent associés à la sulfureuse notion de « propagande », ce qui me semble partiellement injuste. Ils étaient certes souvent engagés personnellement dans la Révolution soviétique, mais je pense qu’ils considéraient, tout comme les cinéastes Sergeï Eiseinstein et Dziga Vertov, que leur travail participait à la naissance d’un monde nouveau au moins autant par les inventions formelles dont ils étaient les auteurs que par le propos qu’on leur demandait d’illustrer.
Cela nous amène franchement loin de la propagande graphique nazie, qui était assez littérale, et malgré quelques talents indéniables (Theo Matejko, Hans Schweitzer ou Ludwig Hohlwein par exemple) était, sauf exception, de facture plutôt traditionnelle, avec illustrations réalisées à la gouache et messages simples expliquant au petit peuple que semer la guerre en Europe protègerait leurs enfants, leur patrie et leur avenir.

Si le régime nazi s’est montré très novateur dans le domaine des uniformes et des insignes ce qui relève de la communication -, et s’il a porté une réflexion intelligente sur des médias tels que le cinéma ou la radio, sa communication graphique est rarement révolutionnaire, surtout après l’entrée en guerre de l’Allemagne. C’est peut-être là qu’il y a lieu de comparer la propagande des régimes nazis et soviétiques car peu à peu, l’URSS a elle aussi abandonné ses ambitions esthétiques novatrices pour retourner à une communication visuelle « héroïque » assez peu inventive, mais apparemment efficace.

De manière assez anecdotique, Facebook a censuré un commentaire dans lequel j’évoquais justement les affiches nazies.
J’imagine que mon commentaire était accompagné d’une image mais je n’en ai pas de souvenir. Je ne sais pas ce qui est passé dans la tête de la personne ou de l’algorithme qui ont modéré ce commentaire, mais apparemment, évoquer le nazisme peut être considéré comme un soutien aux âges les plus sombres de l’histoire de l’humanité…

Sur Twitter et sur plusieurs fils Facebook, cette histoire m’a passionné pour la raison que je donnais en introduction : le public a toujours raison, et s’il voit une référence à la propagande nazie, même si elle n’y est objectivement pas, même s’il est peu probable en tout cas que l’intention de l’auteur de l’image ait été d’établir un si odieux parallèle, c’est bien ainsi que la chose a été reçue. Et si l’hallucination est collective, c’est qu’il doit bien y avoir des raisons, mais lesquelles ? Des éléments apportés par Nathalie Raoux, Frédérique Matonti, Olivier Beuvelet, Foucauld Perrotin, André Gunthert, Jean-François Porchez et Éric Bédiez (et bien d’autres qui m’excuseront de ne pas les citer) ont fait apparaître toutes sortes d’indices.

Plusieus personnes ont tenté de me convaincre que les biseaux rouges de la couverture du journal étaient des éléments d’une croix gammée, avec une orientation à 45 degrés,… Ça ne me semble pas flagrant, mais Foucauld Pérotin a suggéré une référence visuelle bien plus proche, le sigle « SS ».

Noir rouge et blanc sont les couleurs du drapeau nazi, c’est entendu – mais ce sont aussi les couleurs du suprématisme, on l’a dit. La lettre « M », écrite dans un alphabet gothique, peut rappeler la « fraktur », police de caractères que nous associons facilement à la période nazie3. Connotation compréhensible, mais pour le coup, le titre du journal est le même depuis des années, il n’a pas été dessiné de cette manière pour cette couverture spécifique. On m’a fait remarquer qu’il aurait pu être écrit en vert ou en orange, et que ça aurait tout changé, mais d’un point de vue graphique, je pense que ça aurait surtout ruiné l’image.

Dégoté par Olivier Beuvelet, l’image utilisée pour le montage est celle qui se trouve ici en bas à gauche. Elle date de la victoire de l’Équipe de France pour la coupe du monde de Football. On note qu’un drapeau tricolore a été ajouté à l’image.

Un autre élément à considérer est l’utilisation des Champs-Élysées, qui nous renvoient toutes sortes d’images de défilés plus ou moins glorieux : l’entrée des Allemands dans Paris, la Libération de la ville, la manifestation de soutien au général De Gaulle en mai 1968, la visite au soldat Inconnu par Emmanuel Macron lors de la passation de pouvoirs, les divers défilés sportifs, bien sûr, et tout récemment, les manifestations de gilets jaunes.
Pour le coup, on ne peut pas dire que le graphiste ait été à côté de la plaque puisque l’article annoncé par la couverture concerne ce lieu emblématique et s’intitule Les Champs Elysées, théâtre du pouvoir macronien, de l’investiture aux « gilets jaunes ».
Reste enfin un élément, le rapport entre la foule (le peuple) et la figure géante d’un homme seul (le leader), qui évoque évidemment le culte de la personnalité des régimes totalitaires

« L’homme foule », une figure récurrente des régimes totalitaires (mais aussi sectes religieuses), qui installe dans les esprits la supériorité d’un homme sur le peuple, pour ses qualités prétendues, bien sûr, mais aussi parce qu’il est la synthèse, l’émanation du peuple, mais aussi son esprit. Son regard décidé et confiant, ses dimensions supérieures, en font un meneur naturel et incontestable (ici Mussolini, Staline, Kim Il Sung et Mao Zedong).

Ce dernier point est sans doute le plus convaincant pour expliquer la sensation provoquée par l’image. Le Monde n’est pas un média spécialisé dans les taquineries lèse-majesté, et sans dire qu’il est légitimiste ni servilement attaché au pouvoir élu, il s’y oppose rarement. On peut alors imaginer que l’intention du graphiste était moins de produire une référence vaseuse au totalitarisme (au moment, certes, où Emmanuel Macron se voit accusé de dérives policières) que de créer une image bienveillante relative aux turbulences qui secouent le quinquennat, une manière de dire que le président est aux commandes, qu’il suit son destin.
Mais c’est bien raté, le gris et le fond jauni nous ramènent au passé (années 1930 ou 1960 peu importe), sa figure peu souriante et le contexte actuel d’opposition entre le président et une partie de ceux qu’il entend représenter rendent ce visuel plus insultant qu’autre chose, et ceci de manière à mon avis tout à fait indépendante de toute polémique sur une référence à une période imaginaire du design graphique nazi.
On peut du reste s’amuser de ce « M » comme « Macron », qui avec ce visuel un peu angoissant nous en rappelle un autre, le « M » de Fritz Lang, où la ville entière traque un meurtrier ce dernier n’est pas l’incarnation de la foule, mais l’objet de sa fureur.

Au fond, Laurence Parisot a eu raison de parler d’inconscient, car c’est bien ce que provoque l’image qui est intéressant, que la tentative de relier cette dernière à une généalogie visuelle qui nous renverrait au régime nazi.

Luc Bronner, directeur des rédactions du Monde, a publié hier soir un court article intitulé À nos lecteurs : à propos de la Une de « M le magazine du Monde »4, où, en prenant pour preuve d’anciennes couvertures du magazine, explique que les intentions n’étaient pas celles qui lui ont été prêtées, et que le choix esthétique est avant tout une marque de goût pour le graphisme constructiviste, mais aussi pour le travail de Lincoln Agnew, designer qui s’inspire lui-même du constructivisme et qui a régulièrement collaboré avec M le magazine du Monde. Le fait de mentionner Lincoln Agnew sur le thème de l’hommage est intéressant, car il ressemble à une discrète manière de se défausser face à ce qu’on est bien forcé de voir comme un plagiat pur et simple. Faute avouée, à moitié pardonnée ?

Plusieurs illustrations de Lincoln Agnew. Personnellement je ne connaissais pas son nom mais je connais une de ses réalisations : l’identité visuelle de la série télévisée The Americans.

Juste après cette mise au point lapidaire et embarrassée, des gens sont allés chercher si il existait un rapport entre Lincoln Agnew et Hitler, et ils ont trouvé l’image qu’il leur fallait, en l’espèce une illustration réalisée en 2017 pour Harper’s dans un article consacré à l’incendie du Reicshtag.
L’image est pour le moins problématique car elle ressemble sans équivoque à la couverture de M. Cette fois, tout y est, la foule, l’architecture pompeuse, le leader, les éléments géométriques et les couleurs.
J’ai tendance à penser que l’auteur du montage du magazine M n’a pas produit cette image en se référent consciemment à l’autre, mais il est probable qu’il l’ait vue et qu’il l’ait conservée dans un coin de son cerveau.

La comparaison est effectivement assez terrible. On s’amusera rétrospectivement de cette citation du directeur artistique, à propos d’une ancienne couverture5 : Le choix de la couv’, des images et du texte appartiennent uniquement au Monde. Nous envoyons avant parution les images à publier, mais uniquement pour un droit de regard afin de ne pas laisser les personnes découvrir les images lors de la parution. Aucune personne, ni même le président de la République, ne choisit d’image ou ne relit les papiers, c’est la politique au Monde

Très vite, de nombreuses personnes se sont mises à montrer ces deux images côte-à-côte, en laissant sciemment penser que celle de Lincoln Agnew était bel et bien datée des années 1930.
Ce procédé me semble extraordinairement malhonnête.
Le public a toujours raison, certes, mais il est dommage qu’il se trouve des gens pour le tromper, et faire passer un piteux plagiat pour une ignominieuse référence historique.

Lire ailleurs : Macron en Hitler, la caricature de Trop ? (André Gunthert). De quoi Macron en Hitler à la Une de « M », est-il le symptôme ? (Olivier Beuvelet). La Couverture M le Monde et Emmanuel Macron (Jean-François Pochez). Tollé de la Macronie contre Le Monde après un portrait ambigu (Juliette Gramaglia)

  1. Je tiens cette leçon de l’excellente Marion Montaigne. Il existe bien sûr une stratégie pour pallier ce genre de problème, qui consiste à ne s’adresser qu’au public qui comprend nos références, qui partage notre vision des choses et notamment, notre vision de la drôlerie. J’imagine que, de manière darwinesque, c’est ce qui arrive à de nombreux créateurs : peu à peu ils « trouvent leur public », c’est à dire que le public qui est en quelque sorte fait pour comprendre leur travail finit par les trouver. Mais les choses se compliquent si on se dit que le public s’éduque, c’est à dire, que la tournure d’esprit et les préoccupation de l’artiste qui s’adresse à eux finit par lui devenir suffisamment familières pour qu’il les partage, du moins jusqu’au jour où, un peu lassé de cette familiarité, il se lassera. []
  2. Jean-Baptiste Talbourdet est un cas rare de graphiste « people », car son mariage avec la styliste Lolita Jacobs a été commenté par Vogue… []
  3. Curieusement, ce sont justement les nazis qui, en 1941, ont proscrit l’usage de la police Fraktur, du fait de son manque de lisibilité et au prétexte (infondé) qu’elle serait une création d’imprimeurs juifs. []
  4. Un second article a été publié le 31/12 : A propos de la Une de « M le magazine du Monde »: notre erreur et notre responsabilité. []
  5. L’interview est : « Booba à la manière d’un Tupac à la française », Les Dessous Du Shooting De M Le Monde. Merci Élisabeth Roman pour la trouvaille. []
  1. 19 Responses to “L’affiche nazie”

  2. By Fouc on Déc 30, 2018

    Bravo d’avoir rappelé en note ce truc historique et curieux du bannissement des caractères fraktur pas les nazis au mileu de la période de la guerre, pour d’obscures raisons très fantaisistes (un de leurs fantasmes complotistes parmi d’autres)

    En revanche, je trouve ton indulgence pour le plagiaire excessive (mais ça ne m’étonne pas : je suis sûr que le jour où tu seras désigné comme juré d’assises, tu trouveras des tas de raisons d’acquitter l’accusé). Il y a trop d’éléments communs entre l’illustration pour Harper’s en 2017 et la couv. de M pour qu’il puisse s’agir d’un hasard, d’un truc mémorisé et oublié. 2017, c’est hier, le gars ne peut pas l’avoir oubliée, mais surtout, les éléments objectifs établissant le plagiat, en prenant l’image de Haper’s et en l’inversant horizontalement, sont manifestes :
    – portrait « grave » avec le regard qui porte loin, entre le profil et le 3/4,
    – image d’une foule massée dans un lieu emblématique, détourée à la place du buste,
    – taches rouges ajoutées à l’image noir et blanc de la foule,
    – obliques rouges quasiment identiques. Celle de devant est exactement le même : elle vient buter sur le front au même endroit (entre le bas des cheveux et le haut du crâne). Pour Macron l’effet est renforcé car l’oblique semble parallèle au regard (alors que pour Hitler, ce n’est pas le cas, c’est plutôt l’oblique de SS, comme on l’a vu),
    – fond jauni selon des modalités strictement identiques (jauni inégalement).

    Bref. Le gonze ne s’en souvenait pas vaguement ou pas très consciemment. Il a pompé avec le modèle sous les yeux ! Pour moi, c’est clair. Cela dit, j’admets volontiers qu’il ne voulait probablement y mettre aucune autre intention que de réaliser un chouette visuel. C’est justement ça, le problème. Le graphiste de l’image originale est cultivé ; et il sait ce qu’il fait. Celui du plagiat ne l’est pas, et il s’est juste comporté comme un bourrin.

  3. By Jean-no on Déc 30, 2018

    @Fouc : Au fond la question qui me passionne c’est de comprendre pourquoi ce visuel a été reçu de cette façon, et ce que j’aimerais le plus entendre de la part de l’auteur, c’est ce qu’ont été ses intentions en termes de message, s’il y en a. S’il a pompé avec le modèle sous les yeux (mais ce serait ahurissant non ?), je suis encore plus curieux.

  4. By lnk75 on Déc 30, 2018

    Il me semble que les gens qui essaient de faire croire que l’image de Lincoln Agnew est une affiche des années 30 sont surtout hors sujet. Le parallèle entre les graphismes des deux images est suffisant pour poser la question de savoir s’il y a référence consciente et intentionnelle ou non. Et dans les tweets que je vois passer, le Monde est accusé d’avoir fait un parallèle intentionnel entre Macron et Hitler, à cause de la ressemblance avec l’image d’Agnew, sans passer par les affiches des années 30. Personnellement je n’y crois pas trop, je pense plutôt à une bêtise. Mais s’agissant d’hypotheses sur les intentions, le public a-t-il aussi toujours raison ?

  5. By J. F. Launay on Déc 30, 2018

    Excellent article.
    Il n’est pas sûr, cependant, si Ferrand suivi en rangs serrés par les troupes « en marche » n’avait pas déclenché la polémique que cette UNE eût fait scandale, l’audience de Mme Parisot étant quand même assez limitée.

  6. By Jean-no on Déc 30, 2018

    @J.F.Launay : en fait ça a été assez spontané, cette histoire, je ne suis pas sûr qu’il y ait eu cabale, ni même que seuls les marcheurs aient marché. Laurence Parisot a 50 000 abonnés sur Twitter, tout de même !

  7. By Jerom on Déc 30, 2018

    Bien vu: M(acron) le Maudit, pourchassé à Paris par les GJ.
    Référence graphique au Constructivisme évidemment, mais c’est tout de même plus pointu (bon les journalistes qui ont lancé le buzz connaissaient for probablement); l’URSS des années 1910-20 est aussi plus étranger aux Français que le nazisme et l’Occupation des années 1940.

  8. By renaar on Déc 30, 2018

    Je pense qu’ils (au magazine M) ont voulu faire un coup, un buzz, en manipulant des signes putaclic

  9. By Pierre Col on Déc 30, 2018

    Je résume la manipulation macroniste d’hier :
    1. La une du Monde s’inspire, voire est un plagiat, d’une illustration de Lincoln Agnew avec Hitler sur fond rouge pour un article de Harpers que personne n’a vu en France et qui date de juillet 2017 : cette image de Hitler sur fond rouge que personne ne connaissait n’a rien à voir avec de la propagande nazie !
    2. Donc ceux qui ont ressorti cette image d’Agnew hier l’ont fait juste pour monter un bad buzz contre le Monde. Ils ont habilement manipulé la foule macroniste.

    Sans cela, le Monde risquait tout au plus un procès en plagiat de Agnew ou de Harpers

  10. By Fouc on Déc 30, 2018

    @Jean-no. « S’il a pompé avec le modèle sous les yeux (mais ce serait ahurissant non ?) ». Je me dis simplement : le type est DA, pas sémiologue, et il n’a pas vraiment de message. Il a des « ingrédients » à caser : Macron, et sa posture « jupitérienne », en surplomp + le lieu emblématique (les Champs) + la foule (celle de la coupe du monde valant celle des GJ). Il a trouvé un bon visuel avec tout ça : le leader qui domine + le lieu + la foule. Il se trouve que le leader c’est Hitler, mais on s’en fout. « Je case juste des ingrédients et une vague provoc. Je suis un DA un peu dandy. Ne m’en demande pas trop. » Je le sens comme ça.

  11. By Jean-no on Déc 30, 2018

    @Fouc : Cette interview donne effectivement l’impression d’un DA « mode », qui s’inspirouille vaguement de ci ou de ça et qui produit des images sans se poser d’énormes questions. Quand c’est Booba en couverture c’est peut-être bienvenu, mais quand on est au tournant d’un quinquennat, pas sûr que ça soit malin !

  12. By lisa on Déc 30, 2018

    Alleluia c’est ce que je me tue à dire. Que ce gars qui parle en franglais continue de prendre en photo des concombres japonais et qu’il laisse les sujets un peu sérieux aux grands DA capable d’avoir un vrai regard éditorial. Quant aux validateurs, je pense qu’ils étaient en vacances et on validé depuis leur iPhone (pratique courante)

  13. By Denys on Déc 31, 2018

    Même si je voudrais éviter de trop piétiner tes plates-bandes, il me semble utile de rappeler que le constructivisme a été quelque chose de bien plus large qu’un style graphique né de la révolution bolchevique. C’était surtout le pendant soviétique du mouvement moderne dans lequel, comme tu le dis, le Bauhaus a été un élément central. Graphisme certes, mais aussi, et bien plus à mon humble avis, architecture et design. Transnational, le mouvement s’est incarné dans toute l’Europe, et au-delà, et y compris, donc, en URSS. Nombre d’architectes ont fait le voyage à Moscou et participé, jusqu’au milieu des années 1930, à des projets tels le palais des Soviets, avec une extraordinaire proposition de Le Corbusier : http://fondationlecorbusier.fr/corbuweb/morpheus.aspx?sysId=13&IrisObjectId=6104&sysLanguage=fr-fr&itemPos=138&itemSort=fr-fr_sort_string1%20&itemCount=215&sysParentName=&sysParentId=65 L’esthétique du bâtiment finalement retenu, et jamais terminé, montre l’effet de la, disons, reprise en mains stalinienne. De fait, la seule dictature avec laquelle les architectes modernes aient trouvé un compromis, c’est l’Italie fasciste.

    Mais l’influence de l’esthétique spécifiquement constructiviste a perduré, par exemple avec cette couverture d’un livre du même Le Corbusier : http://fondationlecorbusier.fr/corbuweb/morpheus.aspx?sysId=13&IrisObjectId=6467&sysLanguage=fr-fr&itemPos=6&itemSort=fr-fr_sort_string1%20&itemCount=47&sysParentName=&sysParentId=25 et est revenue en force avec la période punk, Bazooka, Peter Saville https://petersaville.info/ ou encore cet album séminal d’un groupe mythique que personne ne semble avoir cité : https://www.discogs.com/Kraftwerk-The-ManMachine/master/4010

    Rien d’étonnant donc à la retrouver chez un Lincoln Agnew, que je ne connaissais pas non plus mais qui revendique cette esthétique punk. Le reste a été analysé d’une façon qui me paraît pertinente dans les commentaires qui précèdent.

  14. By Michel Baujard on Déc 31, 2018

    Taratata ! La légende mentionné « Les Champs Élysées théâtre du pouvoir macronien ». Et pas la suite que vous inventez et qui aurait déjà un peu changé le positionnement du malheureux montage. Une image du réel, les Champs comme théâtre d’opération jaune, aurait également tout changé de la perception de malaise qui en découle. On ne peut s’empêcher de voir une illustration d’un pouvoir fort, sinon dictatorial, et le courant artistique choisi est une question de forme graphique, qui permet d’occulter le fond du message. Non, nous ne sommes pas en dictature, et le pouvoir est plutôt faible au contraire.

  15. By Jean-no on Déc 31, 2018

    @Michel Baujard : je n’invente évidemment rien, c’est le titre complet de l’article. J’écris ceci : l’article annoncé par la couverture concerne ce lieu emblématique et s’intitule Les Champs Elysées, théâtre du pouvoir macronien, de l’investiture aux « gilets jaunes ».. Ce qui est tout à fait exact. Ce titre complet est d’ailleurs sur la couverture, sauf que le sous-titre y précède le titre.

  16. By gabor on Déc 31, 2018

    Excellent et plus que d’habitude d’ailleurs. Vraiment. Juste une remarque cher Jean-no, perso je serais venu plus rapidement au cœur de la polémique et mis en avant la référence à Fritz Lang que tu fais à la fin de ton exposé. Parce que le M, avant d’y voir une quelconque référence historique m’a fait immédiatement penser à Mabuse ou Maudit et que nous serions là dans ce cas dans un sacré duel de forces multiples et polymorphes que Gilles Deleuze décrit très bien dans une conférence ici:

    http://www2.univ-paris8.fr/deleuze/article.php3?id_article=114

    Pas de référence au Nazisme mais un coup de pied dans la fourmilière de ce qu’est le bon duel au cinéma (forme SAS etc.)

    Les gens s’égarent très vite parce qu’ils manquent très souvent de culture. Et cette couverture est selon moi le révélateur d’un manque de culture collossale qui règne sur les réseaux sociaux. Encore merci de t’y être collé. Un vrai grand merci.

  17. By Seb on Déc 31, 2018

    Je ne saisi pas bien le rapport avec Hitler vu que les foules représentées lui étaient dévouées. La c’est l’inverse avec les gilets jaunes.

  18. By TomRoud on Déc 31, 2018

    Question: y a t il une seule figure « positive » dans ces illustrations de Agnew ? parce que là je vois Hitler, Staline « entiers » et des contemporains découpés (plus ils sont découpés, moins ils sont reconnaissables et plus ils sont « neutres » politiquement, aussi je doute que l’illustration de Romney soit « positive » ). Sur la base de cette comparaison partielle avec 5 ou 6 portraits il est difficile de ne pas mettre Macron dans la même catégorie que Staline.
    A part ça, je muterai « constructivisme russe » quand je reviendrai sur Twitter.

  19. By Jean-no on Déc 31, 2018

    @tomRoud : effectivement, les montages semblent (pour ce qu’on trouve en ligne) plus complexes avec des contemporains. Sauf Mark Zuckerberg, mais peut-être faut-il compter ce dernier parmi les dictateurs :-)

  20. By Gabriel on Déc 31, 2018

    J’ai l’impression que c’est surtout le M « gothique » du titre du Monde qui oriente directement l’interprétation de ce graphisme rétro vers l’Allemagne des années 1930, en fonction d’un cliché bien établi par le cinéma ou la caricature. Personnellement, dans ce contexte, j’ai alors d’abord pensé aux photomontages antinazis de John Heartfield, plutôt qu’aux constructivistes, même si cet emploi d’une photo de foule fait effectivement plus « soviétique ». Dans tous les cas, ce qui frappe c’est à quel point le résultat est inconsistant et rend le « message » illisible, faute de maîtrise aussi bien des clichés que de la véritable histoire des formes et des styles. Un mash-up inculte qui ne s’imagine même plus qu’une forme puisse avoir un sens ou connotation historique (surtout avec un tel sujet, il ne s’agit pas juste de vendre un disque de Franz Ferdinand), au-delà de son « efficacité graphique », et qui se prend une certaine forme de retour du politique en pleine gueule.

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