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Le mystère Bush

juillet 15th, 2013 Posted in Cimaises, Images

L’ancien président américain George W. Bush est passionné de peinture. Il signe ses toiles d’un simple nombre : 43, en référence à sa position de quarante-troisième président des États-Unis d’Amérique..

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Récemment, Fox 5 a diffusé un reportage sur une dénommée Bonnie Flood, qui a été embauchée pendant un mois pour enseigner la peinture à George Bush. Elle trouve son élève très doué, et raconte qu’il ne peint habituellement que des chiens. Elle est parvenue à le sensibiliser à la nature morte et au paysage. Notons que cette personne n’est pas le peintre du siècle, je vous renvoie à son site.

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À gauche, le terrier écossais Barney, décédé, qui est le sujet de nombreux tableaux de G.W. Bush.

George Bush n’expose pas ses peintures, on en a découvert l’existence, parce que le compte e-mail d’une de ses connaissances a été piraté. Par la suite, l’ancien président a raconté son amour de la peinture, qu’il pratique chaque jour, tout en admettant sans peine sa médiocrité.
Les photographies des tableaux sont petites et mal prises — la toile n’est pas droite face à l’appareil, en général (j’en ai redressé certaines).

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À droite, une étonnante représentation d’un chien qui baisse nostalgiquement la tête et qui se trouve derrière la grille du jardin de la Maison-Blanche. Le message semble assez clair.

George Bush ne s’est pas inspiré d’Adolf Hitler (qui faisait énormément de portraits de chiens lui aussi !) mais de Winston Churchill, auteur d’un célèbre essai intitulé Painting as a pastime (en français La peinture, mon passe-temps), publié en 1948 et dans lequel l’ancien premier ministre britannique racontait la sérénité que lui avait apporté la contemplation de la nature. On dit que ses tableaux, peints sur le motif, lui ont permis de conjurer la dépression qui l’a menacé toute sa vie durant.

Churchill

Winston Churchill a peint régulièrement pendant plus d’un demi-siècle. Il a écrit un livre sur le sujet, et il a même exposé. Ses couleurs sont assez bonnes mais ses perspectives manquent d’aplomb. Ses compositions ne fonctionnent pas très bien et semblent toujours (si je me fie aux échantillons que l’on trouve en ligne) se casser la figure vers la gauche.

George Bush explique que la peinture lui permet de rester actif malgré la retraite, et de continuer à apprendre. Il parle de cette expérience dans des termes qui rappellent la conversion religieuse : « Peindre a changé ma vie d’une manière incroyablement positive ».

golf

Ce n’est pas de la bonne peinture, on sent bien que le résultat serait différent si l’auteur disposait d’un peu plus de maîtrise technique. Mais ce n’est bien entendu un problème pour personne puisqu’il s’agit de peinture « du dimanche ».
Cette peinture « du dimanche » n’est pas tout à fait anodine si l’on se souvient que son auteur a fait partie des maîtres du monde, qu’il a déclenché deux guerres, amené les États-Unis à renier certains de leurs principes fondateurs et altéré l’image internationale de son pays dans des proportions assez inédites.

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C’est cette position particulière qui rend cette peinture intéressante. Les deux tableaux reproduits ci-dessus, qui ont aussi été les premiers révélés au public, produisent un sentiment de solitude assez pathétique. En dehors de quelques microscopiques silhouettes sur un terrain de golf, l’unique figure humaine qu’il ait peinte, parmi les tableaux que nous connaissons, est la sienne, très timidement assumée (ses jambes, son dos, son visage dans un miroir), et située dans un des rares endroits où, je suppose, un président des États-Unis (et peut-être même un ancien président) peut se retrouver seul avec lui-même, sans conseillers, sans gardes du corps, etc. : sa salle de bains.

 ("Le Bain"), 1925.

Deux tableaux de Pierre Bonnard. À gauche, « Le Bain » (1925), qui a appartenu à un cousin de Winston Churchill, et à droite « La grande baignoire » (1939).

Plusieurs critiques d’art américains se sont plu à rapprocher l’autoportrait de George Bush dans l’eau des magnifiques baigneuses de Pierre Bonnard. Ce sont, bien sûr, les différences qui sautent aux yeux. Bonnard abandonne son regard à la délectation du moment et à la richesse d’une lumière gaie qui entoure une figure de femme apaisée.
On remarque que les deux peintures de salle-de-bains de George Bush représentent de l’eau en train de couler, il y a donc là une tentative de représenter l’instant, dans un environnement confiné et triste.

La peinture de George Bush n’est pas très bonne, mais elle exprime quelque chose. Quelque chose d’un peu angoissant, un monde de solitude peuplé de chiens mélancoliques.

  1. 4 Responses to “Le mystère Bush”

  2. By Ardalia on Juil 15, 2013

    Je trouve aussi que c’est une peinture triste. Incidemment, cela me rappelle que je me vois assez bien dans la figure du « bon chien », gardien fidèle et aimant. Il y a de cela, je crois, dans ces tableaux. Ce monsieur semble manquer de reconnaissance, ce qui n’est pas étonnant quand on a le genre de père qu’il a. Peut-être que même après avoir été président, on reste le couillon de sa famille ?

  3. By Jean-no on Juil 15, 2013

    @Ardalia : c’est marrant parce que W se donne le nom « 43 » mais appelle son père « President 41 », et certainement pas « 41 » tout court.
    Un truc assez étonnant, qui lui est reproché par les Républicains et par son propre frère, c’est que W ne s’exprime strictement jamais sur la politique de son successeur ni sur la politique américaine en général. Il n’y prend quasi pas part, contrairement à tous ses prédécesseurs qui ont ensuite eu un rôle dans la diplomatie, le conseil, etc.

  4. By denys on Juil 16, 2013

    Pourtant, s’il y a une comparaison pertinente à faire pour ces essais d’autoportraits, c’est avec les tableaux de Leonardo Cremonini, et pas seulement à cause de la salle de bains. Les américains ne le connaissent pas ?

  5. By Jean-no on Juil 16, 2013

    @denys : j’ai pensé à David Hockney aussi, sans mettre le doigt sur un tableau particulier. J’aime beaucoup Cremonini. En entrant aux Beaux-arts, je visais deux ateliers, les deux figuratifs, Cremonini et Caron. Cremonini n’était pas là le jour du concours, j’ai atterri chez Caron et je pense que sinon, je serais encore peintre aujourd’hui.

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