Profitez-en, après celui là c'est fini

La redevance sur les ordinateurs

juillet 1st, 2012 Posted in Écrans et pouvoir, indices, Les pros

Une vieille idée ressort du placard, mise à l’étude par la ministre de la culture Aurélie Filippetti : appliquer la redevance audiovisuelle aux écrans d’ordinateur.
Si une telle loi était votée, chaque foyer fiscal disposant d’un ordinateur serait astreint à payer 125 euros par an, exception faite des foyers qui s’acquittent déjà de la redevance parce qu’ils déclarent l’usage d’un téléviseur, des foyers fiscaux où l’on n’utilise pas d’ordinateur, et de ceux qui sont exemptés de taxe audiovisuelle du fait de leur pauvreté1.

L’idée n’est pas inédite. En 2009, notamment, on a proposé d’assujettir à la redevance les personnes dont l’abonnement à un fournisseur d’accès à Internet permet de recevoir des chaînes de télévision. De nombreuses années plus tôt, lors de l’éclosion de l’ordinateur dit « multimédia », je me souviens qu’on avait étudié la possibilité d’appliquer la redevance aux personnes  qui disposaient sur leur ordinateur d’une carte « tuner », permettant de recevoir la télévision. En 2008, les fournisseurs d’accès à Internet se sont vus imposer de contribuer à un » Compte de soutien à l’industrie de programmes », qui les contraint à reverser un pourcentage de leur chiffre d’affaires au Centre national du cinéma. Et je ne parle pas des taxes censées compenser la « copie privée » qui sont appliquées aux opérateurs télécom et aux supports de stockage puis servent à nourrir l’immense machine de gestion des droits et dont le reliquat est reversé aux musiciens en fonction de leurs revenus : quand nous achetons une clef USB de 16 Giga-octets, ce ne sont pas moins de deux euros qui atterrissent dans la poche de David Guetta, de Mylène Farmer et de Johnny Halliday. Le tarif est indexé sur le méga-octet et s’applique aussi, depuis cette année, aux tablettes multimédia2.

Vendredi dernier, à «La Tapisserie», Albertine Meunier, Etienne Gatti, Julien Levesque et Margherita Balzerani organisaient un banquet funéraire pour le Minitel, qui vient d’être définitivement retiré du service.

Les mesures qui visent à appliquer la redevance aux ordinateurs ne sont pas complètement indéfendables : c’est cette taxe qui finance les chaînes de télévision et de radio publiques, plus encore depuis qu’elles ne diffusent plus de publicités après vingt heures3, et il est exact que beaucoup de gens utilisent leur ordinateur pour regarder la télévision, soit par le biais des différents systèmes de diffusion mis à disposition du public par les opérateurs ou par les chaînes (mais personne ne les a forcés à mettre en place ces systèmes, il me semble), soit par les extraits déposés par des particuliers sur des plate-formes de stockage et de diffusion de vidéo.
Dans le même temps, les statistiques affirment régulièrement que le public se lasse de la télévision, et je ne me sens pas très original lorsque je dis que je la regarde moins que jamais. Un peu de chaînes d’information (privées !) et le Grand journal sur Canal+, quelques talk-shows tels que le très plaisant Ce soir ou jamais, et parfois (généralement attiré par des commentaires sur Twitter…) l’interminable On n’est pas couchés… Voilà à peu près tout ce que je visionne, sauf en périodes d’élections comme récemment. Et, bien que ce média me semble d’une plus grande qualité, je n’écoute jamais la radio, hors de l’émission Place de la Toile, une heure chaque samedi.

Avec les technologies actuelles, il serait extrêmement facile de savoir qui écoute ou regarde quoi en permanence, et d’organiser un système de paiement adapté. Mais à l’inverse, les sociétés de gestion de droits d’auteur ou les chaînes de télévision tentent de se faire financer de manière forfaitaire, ce qui permet surtout une utilisation opaque de l’argent collecté. Elles cherchent à être bénéficiaires de rentes et à survivre au désintérêt progressif du public pour leurs produits. J’aurais bien une suggestion pour Aurélie Filippetti : revendre France 2, qui n’apporte pas grand chose en tant que chaîne du service public, mais qui coûte très cher et dont les animateurs « stars » sont un peu trop généreusement rémunérés : autour de 40 000 euros mensuels pour Laurent Ruquier, Michel Drucker, Nagui ou Jean-Luc Delarue, par exemple. Je ne pense pas que d’autres agents de l’état soient aussi bien payés que ceux-ci. On prétend que ces animateurs partiraient pour le privé s’ils étaient moins payés. Peut-être, mais, et alors ? Je suis certain que des gens de grand talent se dévoueront pour occuper le poste au quart de ce tarif, et le service public n’est pas là pour se placer en concurrence du privé, mais pour proposer des services que le privé ne pourra ou ne voudra jamais proposer. Et France 2, ce n’est ni la TSR ni la BBC…

Mais bon, cessons de cogner sur l’audiovisuel public, même s’il le mérite. La taxe proposée me pose un problème pour une autre raison : elle est le marqueur d’une profonde incompréhension du « numérique » par nos « élites », ou peut-être pire que ça, un refus militant de ce que représente le « numérique ».

Au journal de 20h du 26/08/1997, Daniel Bilalian se félicite de la mise au point d’un prototype de Minitel permettant d’accéder au réseau Internet. Le sujet évoque la «guerre technologique mondiale» dont personne ne sait qui la remportera : ceux qui proposent Internet sur ordinateur, sur télévision ou sur Minitel. Photo prise à «La Tapisserie».

Les décideurs français n’ont jamais beaucoup aimé la micro-informatique, dont ils semblent pathologiquement incapables de comprendre l’intérêt. J’ai déjà raconté, je pense, mon expérience des hauts-fonctionnaires alors que je faisais mon service national au ministère des affaires sociales : plus on montait dans les étages et moins on trouvait d’ordinateurs, réputés être un outil de secrétaire, et pour cette raison, un objet technique et sans plus de noblesse qu’une ventouse pour déboucher les sanitaires. Même la personne qui dirigeait toute l’informatique du ministère et des hôpitaux de France ignorait la différence entre un écran d’ordinateur et un ordinateur, n’avait qu’une idée extrêmement vague de l’utilité précise de l’engin, et n’aurait jamais pu comprendre qu’un objet puisse être à la fois un hobby, un outil de production, un dispositif de communication et un média.
Je soupçonne même que ce mélange des genres a été et reste une gène chez certains, à un niveau politique. Que le public dispose d’une capacité personnelle à produire et à s’exprimer, qu’il dispose de son destin, finalement, va à l’encontre des philosophies qui ont cours pour une grande partie de la droite comme pour une large partie de la gauche, deux camps objectivement alliés, pour des raisons différentes (les traditions marxistes et bourgeoises, pour faire court), dans la méfiance envers la liberté des citoyens face à l’information, à la création, et sans doute aussi à la mobilité sociale.

Il faut refuser cette taxe, non pas pour les cent-vingt-cinq euros qu’elle coûtera (à titre personnel, du reste, je paie déjà la redevance audiovisuelle, donc j’en serai exempté), mais pour le symbole : assimiler l’ordinateur et le réseau à un téléviseur, c’est refuser de voir que les gens y trouvent d’abord ce qu’ils apportent eux-mêmes, c’est refuser le partage de contenu, c’est refuser la coopération entre internautes, c’est refuser le bouleversement hiérarchique que représente le réseau, dont les « habitants » ne sont pas les passifs récepteurs d’un contenu officiel, venu d’en haut, mais les acteurs de leur existence en ligne. Les taxes sont aussi un moyen pour refuser que certaines choses soient gratuites, et puissent donc échapper aux impératifs de rentabilité.
Le péril est grand en ce moment, car les politiques ne sont plus isolés et plusieurs acteurs de l’économie « numérique », tels que Facebook ou Apple, semblent partager le même but : verrouiller Internet.

Il ne s’agit pas d’argent, mais avant tout, de pouvoir.
Ce qui est souvent la même chose, certes.

(les tweets reproduits ci-dessus ont été piqués, comme il est indiqué, à François Bon, très remonté à l’idée de ce projet de taxe. Voir aussi l’article Création et Internet : la taxe ou la pax, par Calimaq, qui prédisait il y a quelques mois que nous réentendrions parler de ce projet. fluidité d’Internet (et contre sa taxation) par Isabelle Pariente-Butterlin. Sur un sujet connexe, lire aussi cette tribune du footballer Vikash Dhorasoo qui témoigne de la manière dont l’argent tue le plaisir du sport)

  1. On parle toujours de « foyers modestes », mais « pauvres » me semble finalement plus juste que « modestes ». []
  2. Je connais très mal l’actualité des taxes liées au financement de la « culture » par l’économie numérique : les pourcentages et les modalités sont révisés en permanence, et l’Union européenne fait régulièrement pression pour supprimer celles qui lui semblent iniques. []
  3. Plus de publicité avant vingt heures est une mesure plutôt agréable pour le spectateur, et très légitime. Mais France 2 et France 3 diffusent toujours de publicités en journée, notamment au milieu des programmes destinés aux enfants, qui restent scandaleusement saturés de réclames, notamment à l’approche des fêtes de Noël. []
  1. 25 Responses to “La redevance sur les ordinateurs”

  2. By Goulwen on Juil 1, 2012

    Texte très juste mais hélas probablement totalement vain.

  3. By ben on Juil 1, 2012

    Et cette taxe serait aussi pour les entreprises ? Les tablettes ? Les smartphones ?

    Personnellement, je ne regarde plus la télévision (sauf le zapping et canal+ en clair via leur site quand j’ai le temps) !

  4. By Jean-no on Juil 1, 2012

    @ben : Tablettes, oui, Smartphones, sans doute. Les entreprises, a priori, en seraient exemptées. La taxe vise précisément les bobos parisiens anti-télévision : ils ont au moins un ordinateur ou un iPad… Cette mesure toucherait en fait 3% des foyers fiscaux.

  5. By Goulwen on Juil 1, 2012

    En même temps, les démarches pour se faire rembourser coûteront sans doute plus chères aux entreprises que le paiement de la taxe, donc…

  6. By Wood on Juil 1, 2012

    Ben moi j’ai un ordinateur et pas de télé, est-ce que ça fait de moi un bobo parisien ?

  7. By Jean-no on Juil 1, 2012

    @Wood : on peut être un bobo parisien même à la pointe ouest de la Bretagne, eh oui.

  8. By Jastrow on Juil 1, 2012

    Tout comme Wood, j’ai un ordinateur et pas de télé(*). Décidément c’est un blog de bobos parisiens ici.

    (*) Je suis bien propriétaire d’une télé qui me sert à regarder des DVD et jouer à des jeux vidéos, mais elle n’est pas connectée à l’antenne. Du temps où c’était possible, elle était détunérisée.

  9. By Jean-no on Juil 1, 2012

    C’est carrément un blog de bobos parisiens, je le confirme avec la plus énergique fierté.
    Ma télé sert quasi exclusivement aux DVDs (et un peu aux jeux vidéo) mais il serait inexact de dire qu’elle ne sert jamais comme télé aussi.

  10. By Jastrow on Juil 1, 2012

    On devrait pouvoir choisir ses chaînes et sa redevance. Je paierais volontiers la redevance de la BBC par exemple (et du coup je regarderais effectivement la télé).

  11. By Jean-no on Juil 1, 2012

    @Jastrow : oui, c’est ce qui est rageant dans la taxe audiovisuelle aussi, la télé produite n’est pas très bonne et les plus gros budgets vont aux programmes les plus médiocres, à savoir ceux qui se positionnent en concurrents du privé…

  12. By Ouaille on Juil 1, 2012

    Bobo signifie « bourgeois bohème » -> bourgeois = gros revenus, rentes, plusieurs domiciles, famille internationale, etc. (cf. Pinçon&Pinçon).

    Les classes moyennes intellectuelles à capital culturel fort qui n’ont pas la télé ne peuvent pas être des bobos, ils n’ont pas le capital financier qui va avec.

    Parler de bobos permet peut-être à certains de se prendre pour des bourgeois, mais permet surtout de neutraliser le mot, et donc évite aux vrais bourgeois d’être nommés pour ce qu’ils sont.

  13. By Jean-no on Juil 1, 2012

    @Ouaille : Je connais ce point de vue, mais il me semble bien dogmatique. La définition du « bourgeois » fluctue et son rapport au capitalisme financier est une idée plutôt récente. Le bourgeois, c’est l’habitant du bourg, l’artisan, le commerçant, le notable, opposé à ses ouvriers, aux paysans, mais aussi aux aristocrates. Au sens marxiste, beaucoup de gens, et c’est mon cas, sont des petits bourgeois, puisque disposant de leurs moyens de production. Le « bobo » est une catégorie qui me plait bien parce qu’elle est plutôt honnie, donc digne d’intérêt. Elle décrit le bourgeois qui veut le beurre et l’argent du beurre : ne pas changer de situation, mais ne pas être contraint aux attributs habituels de cette situation. Ça ne me semble pas malsain.

  14. By Benoît on Juil 2, 2012

    >> Les décideurs français n’ont jamais beaucoup aimé la micro-informatique, dont ils semblent pathologiquement incapables de comprendre l’intérêt.

    Oui cette pathologie s’appelle la rationalisation en psychologie. En reconnaître l’intérêt reviendrait à remettre en cause le système qui les légitime.
    En réduisant les écrans d’ordinateurs à des écrans de télévision, comme tu le relèves, il s’agit bien d’accréditer une fable qui légitimerait leur pouvoir en feignant d’agir sur ce qu’ils ne contrôlent pas.
    L’ancienne caste politique est larguée, son autorité morale s’effondre, le média qui la courtisait est en déclin, et surtout la puissance publique telle qu’elle s’est imposée dans la seconde moitié du XXe est devenue impuissante.

    >> Le péril est grand en ce moment, car les politiques ne sont plus isolés et plusieurs acteurs de l’économie « numérique », tels que Facebook ou Apple, semblent partager le même but : verrouiller Internet.

    Sans doute nous vivons une période courte charnière dont l’issue est encore incertaine avec deux horizons radicalement différents, Minitel 2.0 et/ou Internet libre et libertaire. Mais cette volonté n’émane pas des politiques -écartons l’énergumène psychopathe qui a fait office de Président pendant 5 ans- mais bien des seconds qui font un fort lobbying auprès des premiers, en tentant d’imposer leurs règles.
    Et dans le lobbying, à ces nouveaux acteurs de l’économie « numérique » il convient aussi d’ajouter certains barons économiques du vieux monde, celle de l’industrie du divertissement.

    Je crois que la seule chose que j’ai retenue de mon cours de philo en terminale est qu’un individu de mauvaise foi est quelqu’un qu’il faut aider à sortir du mensonge dans lequel il s’est emprisonné.
    Et il est bien difficile de faire face à un politique qui se réduit lui-même à un rôle de gestionnaire de faillite servant désespérément les intérêts des puissants économiques. Certains y arrivent en organisant un lobbying citoyen, dont on a pu voir l’efficacité récemment à propos d’ACTA, ou en contribuant de diverses manières comme en écrivant des textes, des textes comme celui-ci. Merci.

    Pendant longtemps mon regard sur la télévision se limitait au visionnage intermittent du digest Zapping de Canal+. Aujourd’hui plus du tout ; avec mes enfants nous regardons Pépites sur le net.

  15. By Sous la poussière on Juil 2, 2012

    En Suisse, l’obligation de payer les redevances radio et télé est liée à la capacité technique à recevoir un programme diffusé, quel que soit l’appareil (diffusion en direct, les archives en ligne et le replay ne sont pas compris). Quiconque a un ordi doit donc au minimum payer la redevance radio. La redevance télé doit être payée si l’ordi a un tuner TV ou si on a un abonnement permettant de regarder une offre TV sur l’ordi.
    Ca fait drôle de voir la TSR mentionnée à côté de la BBC: j’aimerais bien que nos séries nationales soient de la qualité des programmes britanniques :)

  16. By Jean-no on Juil 2, 2012

    @Sous la poussière : j’ai toujours trouvé que la TSR avait (modestement) un point commun avec la BBC, qui est de ne pas avoir de mépris pour le public. C’est assez unique au monde et il y a de quoi en être fier. Maintenant je dois admettre que mes dernières expériences d’auditeur/spectateur datent d’il y a une dizaine d’années. Je ne pense pas du tout aux séries (la dernière que j’ai vu était une version moderne d’Heidi, sympa sans plus) mais plutôt au reste : reportages, documentaires, information. Mais la BBC est une machine incomparable, ne serait-ce que par sa diffusion internationale et son nombre d’employés, c’est juste l’attitude générale que je compare.

  17. By Ouaille on Juil 2, 2012

    @Jean-no

    Petit bourgeois n’est pas bourgeois, justement.

    Ensuite la catégorie des bobos n’a pas été créée pour les petits bourgeois qui refusent la télé, mais explicitement pour les bourgeois, les vrais, qui refusent les attributs / mode de vie de leur classe. `Il y a eu un glissement de sens, au moins en français, qui pourrait être étudié sans doute.

  18. By Jean-no on Juil 2, 2012

    @Ouaille : mais non, quel glissement ? Le terme « bobo » a toujours décrit les mêmes personnes, et peu importe si le mot « bourgeois » qui est à l’origine du premier « bo » semble abusif à ceux qui pensent que « bourgeois » est synonyme de « grand bourgeois ». Est-ce que « bobo » trivialise ou minimise le terme « bourgeois » ? Je ne sais pas. Mais la bourgeoisie est un concept meuble, relatif, qui est souvent assez inutilisable. Il existe aujourd’hui des pauvres, des riches, des rentiers, des financiers,… Mais pour beaucoup de gens, les modalités des classes sociales ont changé et je pense que ça ne sert à rien de le refuser, il faut au contraire impérativement essayer d’observer et de comprendre ce que sont devenues les classes sociales, comment les choses se distribuent, et éviter de vouloir définir les objets en partant des mots qui servent à les décrire. Je ne dis pas que la bourgeoisie est un concept caduc, ni la lutte des classes, mais tout ça a beaucoup changé.

  19. By Wood on Juil 2, 2012

    @ Ouaille : « en français » ? Le mot « bobo » existe dans d’autres langues ?

  20. By Jean-no on Juil 2, 2012

    @Wood : yup! c’est anglo-saxon au départ. Dingue, non ?

  21. By Wood on Juil 2, 2012

    @ Jean-No : Oui, c’est dingue. Je n’ai jamais croisé ce mot en anglais. Tu as des exemples?

  22. By Jean-no on Juil 2, 2012

    @Wood : ça vient du livre Bobos in paradise, par David Brooks (2000).

  23. By Ouaille on Juil 2, 2012

    @ Jean-no

    Si je regarde wikipedia (anglais) : « Bobos are noted for their aversion to conspicuous consumption while emphasizing the « necessities » of life. Brooks argues that they feel guilty in the way typical of the so-called « greed era » of the 1980s so they prefer to spend extravagantly on kitchens, showers, and other common facilities of everyday life. They « feel » for the labor and working class and often purchase American-made goods rather than less expensive imports. The term « bobo chic » was applied to a style of fashion, similar to « boho chic », that became popular in uptown New York in 2004-5. »

    Il me semble qu’on parle bien de capital financier élevé, et pas de petits-bourgeois sans télé, et que cela confirme que le « bourgeois » de bobo signifie bien « bourgeois à capital élevé » dans son sens originel.

    Le sens a sans doute évolué en français, mais autant ne pas ignorer les origines quand on utilise le terme pour des petit-bourgeois pas forcément dans le 1er décile, sans télé.

    Par ailleurs, vous dites « la bourgeoisie est un concept meuble, relatif, qui est souvent assez inutilisable ».

    Je prends le 4ème de couverture de l’excellent « Sociologie de la bourgeoisie » (Pinçon & Pinçon-Charlot) :

    « Les discours sur l’effort individuel récompensé par le marché, sur les créateurs d’entreprise nouveaux maîtres du monde, sur les investisseurs institutionnels ou sur la démocratisation des placements financiers escamotent l’existence de la bourgeoisie. Pourtant, aucun milieu social ne présente à ce degré unité, conscience de soi et mobilisation.
    Ce livre lève un coin du voile qui recouvre ses mystères et montre ce qui constitue en classe ce groupe apparemment composite. La richesse de la bourgeoisie est multiforme, alliage d’argent, de culture, de relations sociales et de prestige.
    Comment les bourgeois vivent-ils ? Comment sont-ils organisés ? La bourgeoisie est-elle menacée de disparition ? Dans quelles conditions ses positions dominantes se reproduisent-elles d’une génération à l’autre ? Quel est le rôle des lignées dans la transmission de ces positions ? La bourgeoisie est-elle la dernière classe sociale ? C’est notamment à ces questions sur cet univers méconnu et qui préférerait le rester que répond ce livre rigoureux et accessible.  »

    Bref, la bourgeoisie semble bien rester un concept opératoire, et ne peut être mis sous le tapis comme cela, au nom de la « complexité », justement parce qu’elle est peut-être la seule classe sociale « consciente et organisée » (ce qui est amplement documenté).

  24. By chat noir on Juil 3, 2012

    Bonjour à tous,
    bon, je ne vais pas être original : je n’ai plus de télévision depuis 1995 (le peu de programmes intéressants ne justifie pas la présence d’un objet addictif et la colère qu’engendre, par exemple, les infos de TF1) et n’écoute jamais la radio (pour des raisons auditives, non liées au contenu), par contre j’ai 3 ordinateurs que j’utilise pour mon métier… En revanche, je regarde des DVD. Si cet usage était minoritaire en 95, dorénavant, la majorité de mon entourage fait de même. Certes, cet entourage ne représente pas une majorité sociale, mais bien une classe à part entière (en gros, les bac + 8 ou/et les alternatifs de tout poils, geek compris). Payer cette taxe me semble problématique pour financer la télévision, alors que la même sur mon fournisseur d’accès pour financer l’ensemble de la culture, pourquoi pas, encore que les modalités de re-distribution, bof bof…
    Pour le mot bobo : il s’agit bien d’une invention linguistique de la droite dure américaine (qui a chopé au passage des termes français) afin de moquer la gauche américaine. L’idée était de dire : la gauche n’est pas crédible ni même légitime, ce sont en fait des gros bourgeois cyniques qui font semblant d’aimer les pauvres, mais en vrai ce sont de méchants intellectuels moralisateurs plein d’argent et de morve. Le terme a été introduit en France pas le biais du journal Elle, bien à droite. Le mot rempli parfaitement son usage : si vous n’êtes pas pauvres et que vos idées sont « transversales », alors vous êtes un hypocrite bobo et vos idées sont à mettre à la poubelle. De fait, je souscris aussi aux propos de @ouaille… D’ailleurs, vu le nombre de personnes ici qui n’a pas la télévision, et qui donc tombe sous le couperet de l’appellation populiste (poujadiste ?) de bobo, on se rend bien compte que le terme est biaisé.

  25. By Jean-no on Juil 3, 2012

    @chat noir : pas sûr qu’on puisse dire que le terme « bobo » vient de la droite américaine, il a été forgé par un auteur dont la vision politique me semble loin d’être simple à définir, et qui affirme juste que l’élite intellectuelle n’est pas forcément l’élite financière mais aussi que l’élite financière peut refuser les attributs de la bourgeoisie (conformisme intellectuel, vestimentaire, etc.). Le constat me semble indiscutable, et il n’est pas injuste de pointer le caractère curieux d’une grande bourgeoisie qui essaie de vivre dans l’illusion d’être autre chose (sans pour autant renoncer à quoi que ce soit de ses privilèges), et d’une petite bourgeoisie éduquée,… Mais il faut peut-être moins y voir une catégorie sociale qu’une catégorie culturelle qui cultive un flou que je trouve pour ma part plutôt sympathique et qui pose, par son existence, des vraies questions : qu’est-ce qui compte dans la vie ? Est-ce qu’avoir de l’argent ne sert qu’à avoir de l’argent ?…

  26. By triton on Juil 4, 2012

    Intéressant ce renversement complet de l’argument : le gouvernement veut taxer l’ordi en l’assimilant à la télé qui est passive, et en considérant que l’internaute serait un passager clandestin qui profiterait des spectacles de l’audiovisuel français à l’oeil, alors que c’est l’inverse : l’internaute est un créateur, c’est donc lui que l’on devrait rémunérer.

    Je suis toujours étonné du mépris manifesté envers les blogueurs : Elie Arié, un article de mauvaise foi et plein de fatuité dans « Marianne »

    On comprend pourquoi certains considèrent que l’on ne peut penser qu’à travers les think tanks, ces cercles choisis et fermés de lobbying d’idées.

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