Profitez-en, après celui là c'est fini

Le prof taquin

mars 25th, 2012 Posted in Études, indices, Les pros, Wikipédia
« Ça n’a que dix ans, Wikipédia ?
Mais comment vous faisiez, avant, pour les exposés ? »

Florence, 13 ans

Une foule de blogueurs — wikipédiens, pédagogues, spécialistes de la culture numérique, etc. — a réagi à « l’affaire Loys Bonod » avec pertinence. Je n’avais sans doute rien d’inédit à dire sur le sujet, mais tant pis, je le fais tout de même car je me sens trop proche de ces questions, à la fois en tant que contributeur à Wikipédia, en tant qu’auteur de canulars, en tant qu’enseignant, en tant que père et, aussi, parce que j’ai plusieurs fois parlé ici-même du plagiat et de la génération des « digital natives »)

Un professeur de français à Paris a piégé ses lycéens en leur demandant de de disserter sur un poème composé par un obscur auteur du XVIIe siècle, Charles de Vion d’Alibray, dont le pédant farceur1 s’était amusé à documenter la vie et l’œuvre de manière fallacieuse sur Wikipédia et sur des sites de vente de corrigés scolaires afin de vérifier que ses cancres tiraient servilement leurs informations de ces plate-formes, ainsi qu’il en était convaincu d’avance. Il s’est fait le plaisir de raconter ensuite son aventure dans un article intitulé Comment j’ai pourri le web : petite expérience sur l’usage du numérique en lettres2. Plusieurs personnes m’ont envoyé le lien vers cet article et vers d’autres qui s’y rapportaient, articles que j’ai lus en diagonale, puisque rien ne m’étonnait là-dedans : il est évidemment facile de piéger des lycéens avec ce genre de procédé. Je ne suis pas contre le principe, ou plutôt je trouve bien de chercher des moyens pour faire comprendre aux lycéens que le réseau Internet n’est pas l’alpha et l’oméga de la connaissance, qu’il contient de nombreuses erreurs et qu’on peut même y en ajouter. Je trouve très important aussi d’essayer de faire comprendre aux écoliers qu’ils doivent étudier par et pour eux-mêmes, et que rien d’autre ne compte. J’admets aussi, pour ce faire, le principe de l’expérimentation et même de la tromperie : n’étant pas le dernier à me lancer dans des opérations canulardesques, je serais bien mal placé pour reprocher leurs impostures à d’autres.

Mais l’affaire a pris de l’ampleur, l’AFP lui a apporté une certaine publicité dans les médias traditionnels qui se sont fait plaisir à leur tour : ah, ces affreux lycéens d’aujourd’hui qui ne savent même plus écrire une ligne sur un sonnet baroque sans utiliser Google ! De notre temps, c’était pas comme ça, les sonnets baroques, à 16 ans, on y réfléchissait par nous-mêmes !
Presque toute la presse, nationale et régionale, a publié des brèves sur le sujet, en contrepoint à une actualité par ailleurs plutôt lourde. L’article de Loys Bonod, l’enseignant en question, date du 21 mars à midi. La phrase fantaisiste qu’il avait ajouté à Wikipédia en a été retirée cinq heures plus tard, après presque un an de présence. Les médias « pure player » tels que Numérama, Arrêts sur ImagesSlate et Rue89 (où l’article de Loys Bonnod a été repris) ont couvert le sujet le soir même ou le lendemain, imités ensuite par le reste de la presse. En lisant tous ces articles, et notamment ceux de la presse « papier », on peut sans doute s’amuser à recomposer la dépêche AFP qui leur a servi de point de départ et sur laquelle sont saupoudrées des considérations personnelles assez peu surprenantes : les uns y voient une preuve de dysfonctionnement de Wikipédia3, les autres mettent l’accent sur la question des sites de vente de devoirs tous faits, d’autres encore sur la difficulté qu’auraient les jeunes d’aujourd’hui à penser et à se documenter par eux-mêmes. Le commentaire passe souvent par l’image d’illustration plus que par l’article : une capture de Wikipédia ; une élève qui écrit laborieusement (de la main gauche, le nez sur la copie) un devoir ; des livres reliés à une souris d’ordinateur, etc.
Le journal télé de France 2 a même invité l’enseignant à raconter son expérience.

Bien entendu, tout cela est un peu risible si on le met en perspective : comme leurs lecteurs, les journalistes de France-Soir, du Courrier Picard ou de L’Express n’ont, sauf exception, que peu d’intérêt pour la biographie de Charles de Vion d’Alibray, dont ils entendent parler pour la première et pour la dernière fois, et si l’un d’eux devait écrire à son sujet pour commenter une commémoration quelconque, il irait voir sur Wikipédia, comme tout le monde, et ne vérifierait pas forcément de manière très attentive s’il a oui on non existé une demoiselle de Beaunais dont la passion aurait consumé le poète, puisque un poète amoureux, ça n’étonne que les poètes.
Et ce micro évènement culturel nous est présenté entre des photographies d’une ancienne escort-girl aux formes généreuses et des publicités pour des loteries ou pour des gadgets électroniques.
L’occasion de réfléchir à la place de la culture et de la pensée individuelle à l’école est involontairement dénoncée par la réaction de tous ces médias qui ne cherchaient au fond qu’une excuse pour trouver que les jeunes, c’était mieux avant4. Je dois dire aussi que je trouve un peu inconséquent, de la part de l’enseignant, d’avoir joué un tel tour à ses élèves, car il les vexe et il instaure un climat de défiance : le professeur est là pour tendre des pièges, il n’est plus là pour transmettre, pour tenter (et peu importe que ça ne réussisse pas) de donner le goût des sonnets baroques à des jeunes gens dont les poètes de référence s’appellent Abd Al Malik, Grand Corps Malade et Oxmo Puccino (ou d’autres plus récents, je ne suis pas au courant de l’actualité de la musique de jeunes — rien d’ironique dans cette énumération, au fait, cf. commentaires). Je sais bien que ce n’était pas l’intention de départ du jeune enseignant, mais le message qu’il envoie n’est pas pédagogique, il semble avant tout motivé par un souci de domination et de revanche. Rire, c’est bien, mais si ceux dont on rit ne rient pas avec nous, c’est qu’on se moque, et si l’on se moque de cette manière, c’est que l’on se pose en juge et en adversaire.

Dans son article, l’enseignant écrit : « J’ai rendu les copies corrigées, mais non notées bien évidemment – le but n’étant pas de les punir (…) après quelques instants de stupeur et d’incompréhension, ils ont ri et applaudi de bon cœur. Mais ils ont ensuite rougi quand j’ai rendu les copies en les commentant individuellement… ». Je suis toujours étonné par la mentalité scolaire des enseignants du secondaire : il ne « punit » pas puisqu’il ne note pas5. Mais une mauvaise note, pour un mauvais devoir, est une leçon bien plus compréhensible qu’une humiliation publique qui sanctionne brutalement le fait de ne pas s’être assez méfié de son professeur.

Comme ces lycéens n’ont pas lu le Contre Sainte-Beuve de Proust, ils ignorent que le fait de chercher le sens des œuvres dans la biographie de leurs auteurs est une méthode démodée. Je trouve pourtant ingénieux d’avoir tenté ce genre de rapprochement, et je me demande pourquoi diable on exigerait de la part d’adolescents de recouper leurs sources de manière scientifique, comme le propose l’enseignant : « rien n’indiquait en effet que le poème avait été composé au sujet de Melle de Beaunais. Le raccourci était abusif et non fondé, comme l’aurait montré une recherche plus approfondie : c’était un simple manque de rigueur à l’égard des sources historiques ». Du reste, tout en disant ça, il dit aussi « ils n’avaient pour cet exercice aucune recherche à faire : le commentaire composé est un exercice de réflexion personnelle ». Donc ils n’auraient pas dû chercher des informations sur Internet, ou bien s’ils tenaient à le faire, ils auraient dû le faire mieux.
Je suis triste de voir le nombre d’adultes qui frissonnent à présent d’horreur lorsqu’ils entendent les noms de Balzac, Stendhal, Rousseau, Flaubert, Chateaubriand ou autres écrivains dont on a réussi à les dégoûter pour toujours au lycée. J’ai même connu des gens à qui les noms d’auteurs pourtant très accessibles comme Maupassant ou même Zola donnaient des boutons, juste parce qu’on leur avait fait lire d’eux les œuvres les plus éloignées qui soient des préoccupations des adolescents. Le problème de la culture à l’école n’est pas nouveau. Que l’on puisse recopier un texte trouvé sur le net sans le comprendre, en revanche, est nouveau, mais n’est sans doute pas le fond du problème, juste un symptôme du fossé qui se creuse entre les élèves et l’école — une école qui ne semble parfois destinée qu’à intéresser les enseignants pendant leurs premières années de carrière, et à trier, sélectionner, brimer des chimpanzés adolescents qui n’ont qu’une vraie question, savoir ce qu’ils fichent là, et qui sont en fait très ouverts à la réflexion personnelle et à la découverte d’idées, de disciplines ou d’univers esthétiques. Je ne dis pas que la question est facile à traiter, je n’ai pas de solutions, mais utiliser la culture « haute » pour humilier ne me semble pas très avisé — et peut-être un jour l’école saura-t-elle s’appuyer un peu plus, et sans démagogie, sur des littératures plus proches des élèves, comme une bonne série télévisée ou un chef d’œuvre du cinéma ou de la bande dessinée.

La culture cultivée vue par Citroën. Dans une émission de type Apostrophes, un cuistre égrène des latinismes et des références philosophiques dénuées de sens. Derrière lui, un pastiche de la collection NRF est titré “Clepsydre”. Les personnes auxquelles il s’adresse semblent adhérer à ces propos sans intérêt, à l’exception d’un homme dont les paupières se ferment et qui rêve d’un moyen pour “briller autrement” : une grosse voiture (censée descendre de la légendaire Citroën DS mais qui a plutôt l’élégance d’une chaussure de randonnée, trouvè-je).

Ce n’est pas un secret que les collégiens et les lycéens français manquent cruellement de confiance en eux. On leur demande de « participer » mais s’ils le font, la moindre erreur est souvent un prétexte à humiliation de la part des enseignants, malgré toute leur bonne volonté et l’énergie qu’ils investissent dans leur métier — car je tiens à dire au passage que j’admire énormément les enseignants du secondaire (comme ceux du primaire d’ailleurs) et que c’est au système, à l’ambiance générale, très négative, que j’ai des reproches à faire. On demande aux enfants de penser par eux-mêmes, mais ce ne sont pas forcément ceux qui le font qui s’avèrent les plus adaptés à l’institution scolaire. Alors en ordonnant à ses élèves de penser par eux-mêmes (« pensez par vous-mêmes ! c’est un ordre ! ») tout en se posant en ennemi dont il faut craindre la fourberie, cet enseignant commet, malgré la pureté de ses intentions que je ne mets pas en cause, une grosse erreur. Et quand il dit que l’école sert à donner une autonomie de pensée et une culture personnelle aux lycéens, il s’illusionne. Cela pourrait être ça, cela eût pu être ça, mais ce ne sont pas les choix qui ont été faits.

Quant à la conclusion, « On ne profite vraiment du numérique que quand on a formé son esprit sans lui », elle est un peu condescendante, mais je veux bien la prendre partiellement à mon compte : il me semble qu’une nouvelle technologie est appréhendée de manière différente par ceux qui ont assisté à son émergence et qui connaissent son histoire. Et le rôle de ceux qui disposent de cette distance critique est justement de la transmettre, sans trop surestimer la valeur de cette expérience et sans trop sous-estimer la lucidité du rapport aux technologies de ceux qui sont nés avec un smartphone sous le pouce.

(Lire ailleurs : Un prof trolle ses élèves sur Internet, la belle affaire !, par David Monniaux ; Saboter Wikipédia, ou l’école vengée, par André Gunthert ; Éduquons à l’esprit critique, pas au mépris du travail des autres, par Rémi Mathis ; Notes sur la socialisation des profs, par Denis Colombi ; Le plagiat, le professeur et la documentaliste, par Camille Tête-David)

  1. Pédant n’est pas forcément un terme péjoratif, il peut signifier « enseignant ». []
  2. On notera les deux derniers mots : « numérique » et « lettres », qui font très Des chiffres et des lettres et rappellent une vieille opposition entre les « matheux » et les « littéraires ». Le mot « numérique » est une erreur, dans ce cas, car si le réseau et l’informatique sont des technologies qu’on appelle facilement « numériques », le canular s’appuie sur l’autorité et le confiance, pas sur les nombres. []
  3. Dans la biographie de Charles de Vion d’Alibray, Loys Bonod avait ajouté cette phrase : « Son amour célèbre et malheureux pour Mademoiselle de Beaunais donne à sa poésie, à partir de 1636, une tournure plus lyrique et plus sombre » []
  4. Les jeunes sont de pire en pire, c’est bien connu : « Les jeunes d’aujourd’hui aiment le luxe, méprisent l’autorité et bavardent au lieu de travailler. Ils ne se lèvent plus lorsqu’un adulte pénètre dans la pièce où ils se trouvent. Ils contredisent leurs parents, plastronnent en société, se hâtent à table d’engloutir des desserts, croisent les jambes et tyrannisent leurs maîtres. Nos jeunes aiment le luxe, ont de mauvaises manières, se moquent de l’autorité et n’ont aucun respect pour l’âge. À notre époque, les enfants sont des tyrans », remarquait Socrate il y a 2500 ans. Et il n’est pas le seul à l’avoir dit puisque l’on a retrouvé une poterie babylonienne, vielle de 5000 ans, sur laquelle est écrit : « Cette jeunesse est pourrie depuis le fond du coeur. Les jeunes gens sont malfaisants et paresseux. Ils ne seront jamais comme la jeunesse d’autrefois. Ceux d’aujourd’hui ne seront pas capables de maintenir notre culture ». []
  5. Rien que le fait de parler des notes comme d’un outil de punition est révélateur d’une mentalité très négative et d’un refus de l’erreur comme outil de progression. []
  1. 36 Responses to “Le prof taquin”

  2. By Kimaali on Mar 25, 2012

    Complètement d’accord avec toi, sauf sur le sous-entendu sur Oxmo Puccino, qui n’est pas le dernier des cons… Après tout, pourquoi un sonnet baroque (mortellement ennuyeux pour ma génération car perçu comme niais et pas du tout centré sur nos préoccupations) serait il mieux que du Grand Corps Malade ?

    Enfin bon, ça n’a pas grande importance mais c’était histoire de dire. ;-)

  3. By Jean-no on Mar 25, 2012

    @Kimaali : il n’y avait aucune ironie sous-entendue dans mon propos, je trouve totalement normal qu’on soit sensible aux poètes de son temps de manière plus évidente qu’à d’autres dont le langage et le contexte nous sont étrangers. Ce qui ne signifie pas qu’on doive abandonner la littérature ancienne et il est bien dans le rôle de l’école d’y amener les élèves.

  4. By @sylasp on Mar 25, 2012

    super article

  5. By Chamatou on Mar 25, 2012

    Je suis un peu paumée dans l’historique, mais il semble que la phrase en question ne soit restée que deux semaines et que l’enseignant l’ait effacé lui même (c’est ce qu’il dit d’ailleurs sur des forums) : http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Charles_de_Vion_d%27Alibray&diff=prev&oldid=57227064

    En revanche en mai dernier une IP a réécrit la phrase en évoquant « Mlle de Bonod » (http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Charles_de_Vion_d%27Alibray&diff=prev&oldid=65513199) et celle-ci n’a été détectée qu’à la publication de l’article. Peut-être un élève ?

  6. By Jean-no on Mar 25, 2012

    @chamatou : effectivement, mais du coup je comprends mal l’enchaînement. Qu’est-ce que c’est pénible de fouiller un historique :-)

  7. By elian on Mar 25, 2012

    Et l’on se rappelle alors d’un BHL citant Botul… il n’avait pas 15 ans pourtant le bougre…

  8. By Jean-no on Mar 25, 2012

    @Elian : dans un autre registre, j’adore l’affreuse histoire du championnat de tir où on a joué l’hymne du Kazakhstan tiré du film Borat au lieu de l’authentique hymne. Plus modestement, une fois j’ai réalisé une fausse interview de Pierre Boulez où ce dernier expliquait que, une fois chez lui, il écoutait surtout du Michel Fugain : ça a été repris par un universitaire sérieux sur un site consacré à Boulez :-)

  9. By elian on Mar 25, 2012

    @Jean-no Bobig va venir nous parler d’Etienne Choubard c’est sûr ;)

  10. By DM on Mar 25, 2012

    Il y a un intérêt à faire étudier des mondes (des pays distants, des époques distantes…) dont nous ne sommes pas familiers: l’éducation à l’altérité.

    De ce point de vue, faire étudier à un jeune de banlieue, naguère Renaud, aujourd’hui un rappeur, n’a guère d’intérêt.

    Reste qu’il y a d’autres moyens de faire cette éducation à l’altérité, et qu’on peut s’intéresser à une société sans avoir envie de décortiquer ses œuvres.

  11. By Jean-no on Mar 25, 2012

    @DM : ce qu’il faut, c’est trouver la clef, ce qui fait qu’on arrive à comprendre en quoi une œuvre se rapporte à nous, peut nous intéresser… Je trouve étonnant que des jeunes puissent adorer des haïkus de poètes japonais du XVIIe mais ne pas pouvoir rentrer dans les écrits de poètes francophones de la même époque. J’y vois le signe possible que ce que raconte un poète étudié à l’école ne peut pas concerner le lycéen, qu’il aura toujours l’impression que cette culture scolaire est en quelque sorte ennemie. Et je pense qu’il n’en a pas toujours été ainsi.

  12. By Wood on Mar 26, 2012

    Oui et non… C’est un prof de lettres qui m’a appris à aimer Baudelaire. Il nous a montré que c’était un type qui se trouvait mal à l’aise dans son époque, toujours un peu paumé, ce que les ados peuvent facilement comprendre, et puis il nous a aussi montré que ses poèmes parlaient de désir et même parfois de sexe, à mots plus où moins couverts. Tout d’un coup, la poésie devenait pour nous une matière intéressante. Et nous étions pourtant une classe scientifique.

  13. By Jean-no on Mar 26, 2012

    @Wood : Oui c’est la bonne méthode :-)

  14. By Cyril on Mar 26, 2012

    Ce qui me choque dans la démarche du prof est d’avoir piégé ses élèves sur un auteur obscur, dont je suppose, qu’aucune autre source d’information accessible à un lycéen ne pouvait traiter. Piéger la biographie de Maupassant par exemple, aurait été plus difficile pour l’enseignant, mais si son piège avait fonctionné, alors, sa démonstration aurait autrement eu plus de valeur, car il est dans les compétences de l’élève de se renseigner sur un auteur aussi connu et de repérer une occurence contradictoire. Alors que sur cet auteur inconnu, nul doute que la seule information disponible était celle qu’il avait laissé (quid du manuel scolaire dont disposaient les élèves, cet auteur était-il dedans ?). Et lui, l’enseignant, vérifie-t-il tous les contenus du Lagarde et Michard ?

    En revanche cela pose le problème du statut de l’information, qui est autrement plus intéressant que de condamner des lycéens a qui on reproche de ne pas avoir fait un travail de critique de sources digne d’un élève prépa.

  15. By Wood on Mar 26, 2012

    Euh… tu veux bien corriger mes fautes de frappes ? Je le ferais si je pouvais, mais là j’ai vraiment honte.

  16. By Jean-no on Mar 26, 2012

    @Wood : fait !

  17. By Wood on Mar 26, 2012

    @Cyril : non, on leur reproche d’avoir utilisé des sites de triche. Des sites payants qui vous proposent de faire vos devoirs à votre place.

  18. By Cyril on Mar 26, 2012

    @Wood : c’est vrai pour les sites payants, mais en revanche, quid de ceux qui n’ont utilisés que Wikipédia ?

  19. By Wood on Mar 26, 2012

    @Cyril : Ceux là on leur reproche d’avoir recopié Wikipedia sans vérifier alors qu’on les avait prévenus que Wikipédia n’était pas fiable. Toute info prise sur Wikipédia devrait pouvoir être recoupée avec une autre source.

    De toute façon, l’exercice ne demandait pas aux élèves d’aller se documenter ailleurs. « ils n’avaient pour cet exercice aucune recherche à faire : le commentaire composé est un exercice de réflexion personnelle »

  20. By Jean-no on Mar 26, 2012

    @Cyril, @Wood : le « rapport » est assez évasif : les 3/4 des élèves ont « ont recopié à des degrés divers ce qu’ils trouvaient sur internet », mais peut-on mettre dans le même panier l’élève qui déduit d’une fiche Wikipédia quelque chose de faux et celui qui recopie un mauvais corrigé payant ? Et que valaient les devoirs du quart restant, au fait ?

  21. By AdH on Mar 26, 2012

    Quelqu’un a parlé de Chouard ? Oui ? Parce que lui il répond très clairement au pourquoi du comment de ce désamour peuple/école, et plus généralement au modèle élitiste hérité de Michelet.
    Un peu comme Franck Lepage de la Scop le Pavé…

  22. By Jean-no on Mar 26, 2012

    @AdH : j’ai lu (pas de référence désolé) que l’école de Jules Ferry, héritière de Napoléon et héritière des institutions scolaires jésuites de l’ancien régime, n’arrivait plus à remplir sa mission, qui était, avec une grande cruauté, de trier les élèves intéressants des autres… Ce qui faisait qu’un enfant d’agriculteur ou d’ouvrier pouvait devenir haut fonctionnaire, parce qu’il avait les qualités pour. L’élite, au sens noble (élu…). Et apparemment, en 2012, l’école ne remplit plus ce rôle d’ascenseur social, sauf pour les enfants de profs, seuls à profiter de ce système. Bon je dramatise, mais c’est, semble-t-il, la tendance, et les grandes écoles accueillent de moins en moins de jeunes gens issus de la plèbe. Par ailleurs, l’autre mission de l’école – la propagande nationaliste, coloniale et laïcarde – est à présent sans objet, et les parents considèrent leur progéniture comme précieuse, les rapports entre profs, élèves, parents et société sont complètement chamboulés et devraient être redéfinis.

  23. By plop on Mar 27, 2012

    Aller chercher des réponses ailleurs ne date pas d’internet. Et recopier bêtement du « déjà fait » est vieux comme le monde.

    Pour le reste je suis bien d’accord, piéger ces enfants est une belle connerie d’adulescent mal dégrossis. Tout le barouf fait autour est proprement insupportable, comme si personne n’avait jamais recopié quoi que ce soit de sa vie… « Que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre » comme disait l’autre.

  24. By Jean-no on Mar 27, 2012

    @plop : Le bruit médiatique ajoute beaucoup de contre-sens à cette histoire…
    Le prof en question était invité dans l’émission Des clics et des claques sur Europe 1 hier, assez agressivement sur la défensive…

  25. By plop on Mar 27, 2012

    Oui bon, il se fait un peu agresser c’est vrai.

  26. By Bodelaire on Mar 27, 2012

    D’abord, ce sont les élèves qui ont essayé de piéger le prof en achetant des commentaires tous faits, ne l’oublions pas. Ensuite, le commentaire composé est en principe un exercice qui ne demande pas de recherche annexe, biographique ou autre. Bref, les élèves ont tout faux : de quelle frustration ancienne cherche-t-on à se soulager en accusant cet enseignant, qui n’avait vraisemblablement plus que cette méthode peu orthodoxe mais efficace pour faire comprendre à ses élèves l’inopportunité du recours au Web ?

    Par ailleurs, le recours à « des littératures plus proches des élèves » sera toujours plus ou moins démagogique, dans la mesure où c’est une question de richesse littéraire. Pour former le cerveau des élèves, il faut leur faire affronter progressivement (et victorieusement) des œuvres complexes, et si cela demande de la part de l’enseignant un travail pédagogique de création d’exercices intermédiaires, cela demande à l’élève un effort cérébral à la mesure des neurones ainsi fabriqués.
    Une bande dessinée, aussi géniale soit-elle, sera toujours plus pauvre sur le plan de la complexité littéraire qu’un sonnet de Baudelaire, faut pas rêver. Non pas qu’on ne puisse utiliser la BD comme exercice intermédiaire, bien sûr. Mais si le but ultime est d’améliorer la capacité des élèves à réfléchir, y’a pas, faut produire du jus de cerveau.

  27. By Jean-no on Mar 27, 2012

    @Bodelaire : Les élèves ne cherchent pas à piéger le prof, ils cherchent à se faciliter la tâche, ils sont fainéants. Le prof a tenté un truc pour parler de beaucoup de choses : la fiabilité du web, la fiabilité des corrigés payants (mais aucun élève n’a payé apparemment), le fait d’oser avoir un avis, etc. Je trouve bien de chercher, car ces problèmes ne sont pas de petits problèmes et on les rencontre aussi dans le supérieur (où on vient, théoriquement, de son plein gré, la tricherie devient alors plus absurde que jamais), mais je ne pense pas que la méthode était bonne, c’est mon avis, voilà. Pour ma part, à l’université, j’ai organisé un atelier Wikipédia : les étudiants devaient collaborer à l’encyclopédie libre… Ça n’a pas été qu’une réussite (mais pas qu’un échec non plus). Mais au delà de ça, la médiatisation de l’affaire me gène, sur l’air ridicule de « les jeunes d’aujourd’hui… ».
    Qu’appelez-vous la complexité littéraire ? Je pense que Jimmy Corrigan, par Chris Ware, constitue de la grande littérature, ou que les expérimentations de l’OuBaPo peuvent être un excellent moyen pour s’intéresser aux littératures à contrainte. Je ne crois pas du tout à la bande dessinée comme moyen « light » de lire (ex. l’abominable Proust en BD), mais comme littérature digne d’intérêt, dont certaines œuvres sont aussi intéressantes que les œuvres notables de la littérature générale au même titre que la Science-fiction ou la meilleure littérature scientifique, par exemple. C’est, bien sûr, assez difficile à défendre, car quand on dit « bande dessinée », les gens se raidissent et ont tout de suite à l’esprit tout un tas de choses négatives, pour des raisons historiques détaillées dans un excellent ouvrage paru récemment que je ne saurais trop recommander.

  28. By kyw on Mar 27, 2012

    Article clair et mesuré, merci.
    Attention à cette phrase:
    « Je suis toujours étonné par la mentalité scolaire des enseignants du secondaire »
    Peut-on oser affirmer ici que « les enseignants du secondaire » sont un groupe homogène?

  29. By Jean-no on Mar 27, 2012

    @kyw : c’est vrai que je me rends coupable d’une généralisation abusive. Néanmoins j’ai souvent eu cette impression, et si j’ai raison, je pense que la faute incombe à tout l’écosystème : les profs sont forcés de rendre des notes et eux-mêmes sont notés ! Mais bon, je peux ravaler cette petite pique qui ne se voulait pas hostile.

  30. By jyrille on Mar 28, 2012

    Complètement d’accord avec toi même si je trouve louable de prévenir les élèves, leur prouver qu’il ne faut pas recopier bêtement. Cependant, je n’ai lu du Flaubert (Madame Bovary) qu’il n’y a peu, bien après mes trente ans, et j’ai adoré, ai été complètement ébloui, j’y ai ri, j’y ai tout saisi, et l’écriture est magnifique. A quinze ans, je n’aurai jamais eu le recul nécessaire pour saisir cette oeuvre. D’ailleurs je n’ai jamais pu lire plus de 20 pages du Rouge et du Noir, à l’époque, alors que les autres oeuvres étudiées ces années-là m’avaient énormément plu (Dom Juan, Candide, Le Tartuffe, la Lettre volée, du Borgès…).

    Je ne sais pas comment faire étudier de la littérature française aux lycéens, mais je trouve dommage que certaines traductions ne puissent pas être au programme, ou qu’on ne s’attarde pas plus sur Camus, aux livres courts mais remplis d’idées.

  31. By Jean-no on Mar 28, 2012

    @jyrille : je note que tu opposes le Rouge et le noir… à des livres très courts (théâtre, nouvelles). Je crois qu’on ne lit pas assez de nouvelles au lycée. Le roman un peu épais peut décourager.

  32. By jyrille on Mar 28, 2012

    Exact ! Mais je te cite ce que nous avons étudié. Je pense que notre prof de l’époque (qui était très bon) avait bien compris le problème, et il nous a donc fait un trimestre sur les nouvelles. Maintenant, je pense que le Rouge et le noir ne me parlait pas, mais j’imagine que tel le Flaubert, il devrait m’être plus facile à appréhender aujourd’hui. Et puis comme tu dis, il ne faut pas oublier le style. Exemple extrême : c’est vraiment très difficile de s’intéresser à Gargantua, qui n’a jamais été traduit en français moderne.

  33. By sashi on Avr 2, 2012

    J’avais mis la chronologie sur la page de discussion Wikipedia avec les trois interventions liées à cette histoire. Sans doute en raison de bruit WP_fr a décidé d’effacer la page discussion sans avertissement. Donc: 1) Bonod a d’abord introduit un changement de 4 charactères (une date j’imagine) en précisant qu’il s’agissait d’un changement temporaire à caractère pedagogique. Demande rejetée en 15 minutes. Il est revenu en catimini faire le changement sans préciser le motif. A la fin de l’expérience il a enlevé la phrase en question, qu’un élève a remis après coup.

    Rabelais jamais traduit en français moderne?! 2-02-023585-4 (trad. Guy Demerson) Heureusement, il a aussi été bien traduit en anglais à plusieurs reprises. J’ai justement demandé à Loys pourquoi il préférait ce poème à quelque chose de plus substantiel comme « les paroles gelées » (IV Livre), et j’ai pu acheté une version en 6 volumes (illustrée par Doré, s’il vous plaît) pour moins que le prix de 240 cigarettes. (70€) O tempora, o mores, j’ai failli hésiter sachant que je peux sans doute le télécharger quelque part…

  34. By jyrille on Avr 3, 2012

    Ah et bien merci pour l’info, je ne savais pas que les choses avaient évoluées depuis vingt ans au sujet de Rabelais…

  35. By Hugues on Avr 14, 2012

    Moi qui n’ait suivi l’histoire qu’à travers le propre récit qu’en a fait le professeur, je trouve ton article bien sévère.

    Ta présentation généralise ce qui n’est qu’un « coup » en méthode d’enseignement du professeur. Il est évident qu’il ne va pas refaire son gag plusieurs fois.

    A partir de là, il est probable que l’effet du gag est plutôt bénéfique, puisqu’il insistera sur le fait de savoir prendre de la distance avec l’information trouvée, ce qui est probablement le savoir le plus important à transmettre de nos jours, puisque d’une part l’information transmise est souvent rapidement obsolète, et d’autre part que par définition, penser par soi-même ne se transmet pas, mais se construit.
    Et aussi, quand on vous demande une chose (un travail personnel) c’est bête de chercher à faire autre chose (une documentation)

    Ceci étant dit, tu as raison sur le traitement médiatique de l’histoire, sur le côté inutilement revanchard de l’enseignant, et sur la tromperie à faire passer wikipedia comme généralement peu fiable.

  36. By Jean-no on Avr 14, 2012

    @Hugues : c’était un peu d’humeur, à chaud, et je pense que le prof en question n’avait pas de mauvaises intentions – même si pour avoir causé avec lui sur un forum qu’il fréquente, il m’énerve un peu à se sentir victime des « rats du numériques » (ce qu’a dit un de ses défenseurs sur le forum néoprofs) : la discussion doit être ouverte.
    Je pense que pour les lycéens, dans un premier temps, c’est amusant, mais je suis plus dubitatif sur le fait de commenter la copie de chacun : un peu humiliant, me semble (enfin il faut voir comment ça s’est fait exactement).
    Sur le « travail personnel », il y a quand même une injonction contradictoire : ça doit être personnel mais on n’a pas le droit de le faire comme on veut :-)

  37. By Hugues on Avr 15, 2012

    D’accord avec toi sur ces trois points !
    Le dernier est le plus troublant: et-ce que cela a une vertu pédagogique d’obliger un élève à trouver une solution sans l’aide de personne ?

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