Greg Egan : Axiomatique
juin 9th, 2010 Posted in LectureJ’ai longtemps cru que la science-fiction n’existait plus. C’était d’ailleurs vrai selon mon point de vue puisque j’avais cessé d’en lire et que ce qui passe au cinéma depuis Star Wars, bien que favorisé par les progrès des effets spéciaux, dépasse rarement l’ambition intellectuelle de la littérature de gare des années 1950 — même lorsque les récits sont basés sur de grands auteurs, d’ailleurs.
Pendant mon adolescence, j’ai dévoré à une cadence impossible des nouvelles et des romans divers : Asimov, Heinlein, Van Vogt, Simak, Herbert, Bradbury, Farmer, Dick, Brunner, Spinrad,… jusqu’aux auteurs cyberpunk. Je n’aimais pas énormément la science-fiction trop poétique, trop cultivée ou littérairement trop audacieuse, j’aimais les récits rationnels et au fond assez distanciés — à l’exception de Dune.
À présent, cette science-fiction intellectuellement stimulante sur le plan de la prospective ou de la logique m’ennuie un peu et je m’intéresse plus à des auteurs parfois brouillons mais, comme on dit, « habités ». À ma décharge, le genre a souvent été victime de traductions très médiocres, ce qui n’est pas problématique pour une « écriture blanche » (neutre, factuelle) comme celle d’Isaac Asimov ou d’Arthur C. Clarke, mais qui défigure complètement la prose de gens comme Ursula le Guin, Michael Moorcock ou J.G. Ballard. D’ailleurs dans la science-fiction francophone, j’appréciais tout à fait l’ambition littéraire (ou ce qui me semblait être de l’ambition littéraire, il faudrait que je les relise) de gens comme Mondoloni, Demuth, Brussolo, Jeury ou Andrevon.
Mais tout de même, la « hard science fiction » me manquait un peu, jusqu’à ce que je tombe sur le nom de l’australien Greg Egan, connu notamment pour son cycle de la cosmologie subjective (Isolation, La Cité des permutants, L’Enigme de l’univers). Je n’ai pour l’instant lu que son recueil Axiomatique, dont la dernière édition bénéficie de la nouvelle maquette de la collection science-fiction du Livre de Poche — joli design, qui s’appuie sur une typographie techno-futuriste et néo-seventies tout à fait pertinente.
Greg Egan est un auteur assez secret qui publie avec parcimonie depuis le milieu des années 1980. Le recueil Axiomatique relève de la science-fiction « scientifique », donc, et porte un intérêt très précis pour les technologies de notre futur immédiat : génie génétique, nano-technologies, existence virtuelle, etc.
Chaque nouvelle est d’une intelligence brillante et répond à des questions qu’on ne serait jamais posées : pourquoi payer la rançon pour son épouse enlevée alors que l’on sait pertinemment qu’elle se trouve en sécurité à côté de soi ? Qu’est-ce que ça fait de revenir d’une opération avec le sentiment de se trouver à l’extérieur de son propre corps ? Pourquoi l’enfant le plus génialement intelligent du monde refusera-t-il d’exister ?
Les lecteurs de science-fiction passionnés connaissent déjà sans doute très bien Greg Egan, qui a reçu de nombreux prix pour son œuvre, mais j’avais envie de partager cette référence qui est pour moi, donc, une découverte.
14 Responses to “Greg Egan : Axiomatique”
By Tom Roud on Juin 9, 2010
Je confonds toujours Greg Egan et Greg Bear (qui a ecrit des trucs pas mal à mon avis).
Sinon, je suis un peu comme toi, mais dans mon panthéon personnel plein des auteurs des années 50 que tu cites, j’ajouterai Dan Simmons pour Hyperion et les Cantos.
By Jean-no on Juin 9, 2010
J’ai souvent eu envie d’acheter « L’échelle de Darwin » de Greg Bear (que je suis allé vérifier que tu avais bien cité ici, juste pour le titre et la 4e de couverture car je ne connais rien de l’auteur.
Dan Simmons fait partie de mes lacunes (assez nombreuses en fait), mais c’est plutôt un auteur récent non ? Les gens qui le citent sont souvent ceux qui citent Pratchett ou Gaimann même si mon petit doigt me dit que ces auteurs n’ont strictement rien à voir :-)
By Tom Roud on Juin 9, 2010
Je ne dirais pas que tout Bear ou tout Simmons est bon.
De Bear, j’avais aimé « en quête d’éternité » http://tomroud.com/2008/02/22/lecture-en-quete-deternite/
L’échelle de Darwin est sympa, sans plus.
Hyperion est effectivement très différent de Pratchett ou de Gaimann. Le diptyque Hyperion/La Chute d’Hyperion est vraiment très très bon et relativement unique à mon sens (même par rapport au reste des livres de Simmons), le reste de la série se lit bien mais est plus classique.
By Antoine Schmitt on Juin 10, 2010
De Greg Egan, il faut absolument lire les romans de « cosmologie subjective » comme tu dis. C’est vraiment très bon. Je n’ai rien lu de mieux depuis Dick il y a 25 ans… ;)
By Hypathie on Juin 11, 2010
Je viens de chez…Olympe. Et je vois que dans vos ordinateurs célèbres vous avez omis HAL (IBM une lettre avant selon la légende)l’ordinateur menteur et plus humain que les humains de 2001 Odyssée de l’Espace, alors que dans votre liste il y a Alpha 60.
En matière de SF, ce mois-ci j’ai lu une réédition de STALKER de Arkadi et Strougatski dont Tarkowski a tiré son chef d’oeuvre. Le roman est superbe.
By Jean-no on Juin 11, 2010
@Hypathie : ne vous inquiétez pas pour Hal, il viendra en son temps, je soigne l’article (en brouillon depuis deux ans). Ma liste ne contient que les ordinateurs pour lesquels j’ai écrit un article.
By JmZ on Juin 14, 2010
Bonjour,
je viens de découvrir ce blog – très intéressant !
Si vous aimez la « hard science », essayez Peter F. Hamilton (Pandora’s Star & Judas Unchained, The Dreaming Void & sa suite, Fallen Dragon…) et Iain Banks (Consider Phlebas, The Player of Games, Use of Weapons pour les plus connus). Peu connus en France, ces deux auteurs sont pourtant un niveau au-dessus de tout ce qui se fait.
Cdlt,
JmZ
By Jean-no on Juin 14, 2010
@JmZ : merci. Je suis assez impatient de la réédition du cycle Culture de Iain Banks (dont on m’a beaucoup parlé) avec le nouveau graphisme du livre de poche (ça sort mais dans le désordre). Je ne suis pas fétichiste mais si en fait sans doute un peu.
By Smoldo on Juin 18, 2010
Même référence que toi dans les classiques, même adolescence saturée de SF. Je confirme l’importance d’Hypérion, vraiment exceptionnel. Depuis quelque temps je me suis remis à lire de la SF, en achetant des bouquins à ma fille, qui me refile ensuite les meilleurs… Il y a de bons auteurs anglo-saxons, actuellement, avec des concepts assez cinglés : Charles Stross (Halting State et Wireless) par exemple ; Ken McLeod (Star Fraction), Paul McAuley (Eternal Light). Mais ma découverte préférée, relativement vénérable déjà, c’est le génial Vernor Vinge dont je conseille chaleureusement « Un Feu sur l’Abîme » et sa « prequel » : « Aux tréfonds du Ciel ».
By Jean-no on Juin 18, 2010
@Smoldo : Merci de toutes ces références. Tu te remets à lire de la SF, je me remets à lire de la SF, ma fnac vient d’agrandir son rayon SF… ça ne veut sûrement pas rien dire : de la bonne SF il y en a sans doute toujours eu, mais elle était moins lue. Mon hypothèse est que la SF a un rapport avec la croyance dans un futur ouvert. Si j’ai raison, c’est très positif.
By 3emehemisphere on Août 10, 2010
salut a tous
si vous aimez Egan, Bear, Simmons je vous conseille vivement le cycle L’Œcumène d’or de J.C.Wright.
By 3emehemisphere on Août 10, 2010
Je suis également d’accord avec ton commentaire sur le cinema.
Je crois que la hard science n’existera jamais en salle, mais, tout de même parfois je me prends a rêver un peu, d’imaginer Isolation à l’affiche ! ou Eon.
d’un autre côté, qui serait capable de réaliser ça ? je verrais bien Michel Gondry pour Isolation, son sens visuel est très « symétrique », ou bien Darren Aronofsky.
en même temps les adaptations de livres que l’on adore sont dangereuses, si elles sont mal faites ça peu tres bien vous pourrir l’imaginaire à chaque relecture !
By 3emehemisphere on Août 11, 2010
pour ce qui a été dit plus haut par JMZ je trouve tout de mème que ian banks et hamilton font du space opera « a la papa »un space op non « postcyberpunk » est il encore credible?
By Jean-no on Jan 8, 2012
@3emehemisphere : Gondry est en train d’adapter Ubik ! Une gageure, mais s’il y avait un seul réalisateur à qui confier ce défi, c’était celui-là.