Tombes de mafieux russes et géorgiens

Les mafieux russes, au cours des années 1990 et début 2000, surtout, faisaient construire des monuments funéraires illustrés par des portraits.

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J’ignore quelle technique est employée pour reporter les dessins sur le marbre. Il s’agit en tout bien de dessins d’illustration et jamais de photographies — même si ces dessins s’appuient sur des photographies.

Les photos qui précèdent sont de Denis Tarasov. Les sujets sont présentés posant, parfois accompagnés de preuves de succès : une automobile, des bijoux, des bouteilles d’alcool de luxe ou une belle propriété. On sent l’envie d’en imposer.

Celles qui suivent, réalisées par Sergey Stroitelev, sont prises en Georgie, sur le même thème, mais le style est légèrement différent. Il y a notamment des sculptures d’hommes assis, fumant une cigarette, et des sculptures de femmes qui les pleurent.

Plus que le prestige des tombeaux russes, ceux-ci semblent installer le défunt dans l’éternité. Je suis notamment frappé par la cinquième et la sixième images qui montrent la petite tombe du garde du corps, la main prête à saisir son revolver, à côté de la grande tombe de ses employeurs. Sauf l’échelle, cette protection éternelle n’est pas bien différente de l’armée de soldats en terre cuite qui protègent le mausolée du premier empereur chinois, Qin Shi Huang.

(merci à Maryse Poulvet de m’avoir signalé ce sujet)

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3 réponses à Tombes de mafieux russes et géorgiens

  1. moriel dit :

    Bonjour,
    je viens de découvrir ce blog, en le remontant, je retrouve le texte sur Franko, qui m’avait profondément ému lorsque je l’avais lu sur « le dernier blog », et qui avait éveillé en moi, à l’époque, mais encore aujourd’hui, des résonances particulières. J’ai connu moi aussi un homme de cet acabit: mon père. Merci.

  2. Bonjour,
    Ce billet de blog me fait penser à l’artiste contemporain Mlden Miljanovic avec une oeuvre monumentale en marbre qui réalise une sorte de cartographie de la Bosnie-Herzogovine grâce aux motifs récupérés sur les tombes à travers le pays.
    http://www.mladenmiljanovic.info/mladen%20miljanovic%20the%20garden%20of%20delights%20B.htm

  3. Génial, je ne connaissais pas ces pratiques funéraires russes et géorgiennes O.O
    Ca me fait penser à des pratiques bien plus anciennes : celles d’une partie de l’aristocratie allemande (franconienne) médiévale, étudiée par Joseph Morsel.

    Dans son ouvrage « L’aristocratie médiévale Ve-XVe » (2004), notamment, l’auteur consacre deux pages de commentaires à une sélection de quatre images de tombeaux (en pied) franconiens du XIVe et du début du XVIe siècle : « Les monuments funéraires ont une valeur sociale importante, en raison des moyens culturels, techniques et matériels qu’ils mobilisent, de leur fonction sotériologiques (ils appellent à la prière pour le défunt) et de leur localisation dans les églises, qui constituent alors les lieux les plus essentiels de légitimation sociale. Par ailleurs, ces monuments étaient faits sur commande, et l’on peut sans doute considérer ces tombeaux comme le résultat assez peu médiatisé de choix faits par les proches du défunt, on trouve donc un choix formel réfléchi, en partie collectif et le plus souvent exogène (c’est-à-dire non pas au défunt lui-même, en fonction de sa conscience de soi, mais aux autres, donc en fonction de leur rapport avec le défunt). Bref, la représentation d’un rapport social, et non d’un individu. La région de provenance de ces tombeaux, la Franconie, fait partie de ces régions de Haute-Allemagne où se produit le processus de « sociogénèse de la noblesse », déjà évoquée, qui repose notamment sur la confrontation de discours sociaux dont font partie les représentations funéraires. Par ailleurs, les travaux d’histoire de l’art ont montré que cette région a connu une innovation formelle très significative à la fin du XIVe : le passage du gisant horizontal posé sur le sol et évoquant formellement le cadavre et son cercueil, à un monument vertical adossé au mur du bâtiment – donc infiniment plus visible et, partant, représentatif, en même temps qu’il tend à nier la mort du personnage. Il arrive d’ailleurs fréquemment que ces monuments verticaux redoublent la représentation funéraire, lorsqu’ils accompagnent une plaque tombale couvrant le caveau, laquelle plaque ne comporte en revanche aucune représentation figurée autre que les écus armoriés : on a donc une sorte de minoration de la commémoration de la personne sur le lieu de son ensevelissement au profit de sa « re-présentation » comme personne vivante (seule la légende signalant le décès de la personne statufiée). » voir p. 261-262

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