Profitez-en, après celui là c'est fini

Cherry 2000

juillet 7th, 2008 Posted in Robot au cinéma

Le film démarre sur le logo Orion Films. L’apparition de ce logo au début d’une séance me procure toujours un certain plaisir, et je ne suis pas sûr de pouvoir dire exactement pour quelle raison.

La société de production et de distribution Orion n’a véritablement existé qu’une quinzaine ou peut-être même une dizaine d’années (théoriquement, le nom existe sans discontinuer depuis trente ans, mais la société elle-même a connu bien des aléas). Sa grande période, ce sont les années 1980. Le catalogue d’Orion n’est pas très fourni mais il est rempli de films emblématiques de cette époque : Terminator, Robocop, F/X, Recherche Suzanne désespérément, Amadeus, les films de Jonnathan Demme, quelques Blake Edwards et Woody Allen tardifs, des films musicaux comme l’excellent et méconnu Beat Street ou encore Absolute Beginners, par Julian Temple.
Cherry 2000 fait partie des films les moins connus de ce catalogue, je n’ai pour ma part aucun souvenir de sa sortie en France. L’année de sa sortie, 1987, a été bien plus marquée par des films tels que Histoire de Fantômes chinois. Les ailes du désir, Full Metal Jacket, Le dernier empereur, Princess Bride ou encore l’Arme fatale.

L’affiche française contenait une accroche alambiquée : Dans le futur, quand la femme robot idéale est hors circuit, le sexe devient une aventure. Tout un programme.

Les quinze premières minutes du film sont pleines d’idées. Le héros, Sam Treadwell, est un grand romantique, il vit avec une femme-robot de modèle Cherry 2000. Superbe et pas contrariante pour deux sous, cette compagne modèle prépare un bon bon diner tous les soirs, agrémenté d’une conversation badine elle-même suivie de baisers enflammés. La réalité rattrape David lorsque Cherry prend l’eau par accident et voit sa mécanique interne fondre littéralement. Un réparateur de robots lui explique qu’il n’y a strictement rien à faire. David récupère alors la mémoire du robot (un tout petit CD) et se met en quête d’un autre robot de modèle Cherry 2000.

L’Amérique de l’année 2017, qui sert de décor au récit est un pays post-industriel. Il n’y a plus d’usines, plus de savoir-faire, plus personne ne produit de robots ni personne qui soit en mesure d’effectuer des réparations lourdes. Il faut donc aller très loin pour chercher l’objet, dans le désert du Nevada, où se trouve un cimetière de robots.

Mais, me direz-vous, pourquoi chercher une illusion de relation sentimentale avec un robot ? Alors qu’il fait le deuil de son robot, Sam se laisse convaincre par deux collègues de se rendre dans une boite de nuit, le Glu Glu Club. Ce genre d’endroit sert à rencontrer très rapidement des personnes de l’autre sexe, moyennant finances. Chacun vient avec une petite démonstration enregistrée de ses exploits amoureux — Sam passe pour un inquiétant marginal en n’ayant pas un tel document sur lui —, puis on passe aux choses sérieuses, à savoir les négociations, devant un cocktail et avec l’assistance d’un avocat qui aide les deux parties à établir le contrat (durée, programme et clauses diverses) de leurs rapports sexuels.

Même s’il ne s’agit que d’un ersatz, d’une illusion, ou peut-être en partie pour ces raisons, l’amour désintéressé et inconditionnel du robot Cherry 2000 est finalement bien moins trivial que les pratiques amoureuses juridiquement et financièrement encadrées du Glu Glu Club d’Anaheim.

Désespéré, David décide de se rendre dans un bourg mal famé nommé Glory Hole, dans le Nevada, lieu où il peut espérer rencontrer la seule personne susceptible de l’aider, le traqueur de robots E. Johnson. Là, surprise, le héros découvre que le « E » de E. Johnson signifie Edith : Johnson est une femme. Après avoir un peu hésité, David décide d’embaucher Edith. Celle-ci accepte le travail mais impose à son commanditaire de l’accompagner dans la mystérieuse Zone 7 où se trouvent les robots abandonnés.
Commence alors pour les deux héros un périple dangereux dans un désert pour le moins inhospitalier.

Edith Johnson est interprétée par Melanie Griffith. Actrice un peu oubliée, Melanie Griffith a joué dans plusieurs films importants : Body Double (De Palma), Working Girl (Miche Nichols), Something Wild (Jonathan Demme) et plus récemment dans Cecil B. DeMented, le réjouissant manifeste pour le cinéma indépendant de John Waters. Dans Cherry 2000, elle porte une imposante perruque rousse et mène une vie d’aventurière intrépide. L’acteur qui interprète Sam, David Andrews, est une sorte de faux Kevin Costner. Il a principalement travaillé pour des séries télévisées.

Sam et Edith doivent surmonter divers obstacles avant d’atteindre la Zone 7. Là-bas, un dénommé Lester (Tim Thomerson, habitué aux rôles de millitaire, qui a ici de faux airs de Charles Napier) règne en seigneur sur une bande de voyous portant la chemise hawaïenne, un bob et un bermuda.
Lester capture Sam qui croit pour sa part que Edith et son mentor Jack-six-doigts, que nous avons rencontré en chemin et dont le personnage est malheureusement à peine ébauché dans le films, sont morts. Évadé, Sam parvient avec Edith jusqu’à la ville de Las Vegas qui est complètement ensablée. C’est là qu’il découvre une salle pleine de robots dont un du modèle Cherry 2000, strictement identique à celle avec qui il vivait jusqu’ici. Lorsqu’il lui insère le disque-mémoire de sa précédente gynoïde, le robot ouvre les yeux, reconnait David et lui dit « Je t’aime ». Edith, mi-jalouse mi-embarrassée par la situation, se moque de cet homme amoureux d’une machine. Pourtant, lorsque le petit avion qu’utilisaient Sam et Edith s’avère incapable de décoler avec trois personnes à son bord, Sam réclame à son robot d’aller lui chercher une boisson : Il vient de comprendre que c’est d’Edith qu’il est amoureux et abandonne donc sa chérie-Cherry 2000 sous ce  prétexte vaseux.

Prenez Blade Runner et Mad Max, ajoutez un peu d’humour, secouez, ouvrez le shaker à l’envers en laissant tout choir sur le sol et vous obtenez Cherry 2000.
Le film n’est pas très bon, car il manque singulièrement d’ambition. Il y avait pourtant matière à faire mieux. L’Amérique de 2017 telle qu’elle est dépeinte dans le film, obsédée par la récupération car devenue incapable de créer et de produire, voilà une idée aurait gagné à être développée par exemple.
Les meurtriers psychopathes vivant dans le désert mais soucieux de faire perdurer un hédonisme californien complètement dégénéré sont amusants mais un peu moins novateurs. Leur cas m’a surtout rappelé certaines mauvaises rencontres faites par le héros de A boy and his dog, un film post-apocalyptique des années 1970, sauf que, de mémoire, c’est l’amérique protestante rigoriste du middle-west qui y était caricaturée.

La personnalité du robot Cherry 2000 est sans doute le plus gros rattage du film car à plusieurs reprises on s’attend à une étincelle. Par exemple au début du film, incapable de répondre à une question rhétorique, le robot prend un air peiné, comme si elle était embarrassée par son propre manque de conversation, et utilise la tendresse comme moyen pour échapper à la situation, et ce avec une fougue qui entraine finalement sa mort.
Et lorsqu’elle retrouve David bien plus tard, certains de ses regards laissent imaginer qu’elle perçoit avant lui-même qu’il a cessé de l’aimer. Ce robot abandonné devient alors un personnage pathétique, émouvant, qui pourrait au passage démontrer à David que sa rédemption (il aime une véritable femme) n’est pas si nette que ça, car s’il avait eu le tort de préférer le confort de l’amour d’une machine, acquis d’avance, à celui d’une femme véritable, qu’il aurait fallu accepter pour ce qu’elle est, il a ensuite le tort d’abandonner celle qui, machine ou non, l’aime de manière passionnée et inconditionnelle.
Il l’abandonne de la manière la plus lâche, comme pour fuir toute réaction  de la part du robot, en lui demandant se s’éloigner pour lui rendre un service : « vas-donc me chercher un pepsi» .

Pour conclure, Cherry 2000 est un film plutôt dispensable, dont un scénariste inspiré pourrait tirer un remake formidable.

  1. 7 Responses to “Cherry 2000”

  2. By Wood on Juil 14, 2008

    « Glory Hole » ? Tu sais ce que ça signifie, « Glory Hole » ?

    http://www.youtube.com/watch?v=zj0p3pueJWM

  3. By Jean-no on Juil 14, 2008

    Oui je m’étais renseigné, il y a un gros article sur le sujet sur la wikipédia anglophone.

  4. By antoine on Août 14, 2008

    cherry 2008…
    http://www.ecrans.fr/Sexe-fiction-Humanoides-en-mode,4865.html

  5. By Jean-no on Août 14, 2008

    @antoine : certains pensent que ce genre de choses vont radicalement modifier les rapports humains… Mais après tout, ça fait un certain temps que les distributeurs automatiques nous semblent plus pratiques que les guichets de banque, que les distributeurs automatiques semblent plus pratiques parfois que les boutiques, etc.

  6. By antoine on Août 18, 2008

    L’idée du distributeur automatique me plais bien, seulement les banques, elles, n’ont aucun scrupule à tarifer leur services !

  7. By Jean-no on Août 18, 2008

    Ah ça, tout ce qu’organise l’industrie est payant, directement ou indirectement…

  8. By patrick Boisson on Fév 1, 2009

    J’ai relevé le défi d’un androïde français hyperéaliste.
    Elle, oui c’est une Femme mannequin pour présenter les collections de mon ami Sakal, styliste de mode.
    il sera présenté en fin d’année 2009 à Roubaix 59
    près du musée de la piscine.
    Si vous voulez me rejoindre dans cette formidable aventure, je cherche des sponsors.

    robotiquementvotre

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