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Images en vrac (6) Fautes de goût

août 8th, 2013 Posted in Les pros, Vrac

Une petite sélection d’utilisations erronées d’images qui dénotent, selon les cas, un défaut de culture, un manque de goût ou encore un sens de la communication franchement douteux.

La société californienne Econ One, spécialisée dans le conseil juridique, a utilisé (août 2013) un visuel issu du film La Grande évasion, pour illustrer son goût du travail bien fait. L’image en question est censée représenter le camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau.

birkenau

Une capture du site d’Econ One réalisée par le quotidien Haaretz. La légende de l’image était : “Great work is the only kind that’s okay with us. It takes management of the entire work process. Communicating with clients every step of the way. Committing to a budget, then keeping expectations aligned with what’s really happening so there are no surprises. And efficiently staffing each case to keep costs down. Because when it comes to client service, okay… just isn’t. At least not for our clients.”

La société Econ One a ôté l’image de que sa signification historique a été signalée, puis s’est confondue en excuses, plaidant l’ignorance. Même sans connaître la provenance de l’image il me semble que ce choix iconographique était bien étrange : en quoi des barbelés et des miradors sont-ils l’expression du travail bien fait ?

Ce ne sont pas les premiers à utiliser l’images d’Auschwitz-Birkenau pour leur communication. La société gazière estonienne Term Eesti a illustré en août 2012 un article consacré au chauffage au gaz (« souple, pratique et efficace ») avec une photo du portail d’entrée du camp.

arbeit_macht_frei

Le portail d’entrée du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, avec sa célèbre inscription : Arbeit Macht Frei – Le travail rend libre. J’ignore si c’est précisément cette image qui avait été utilisée.

Cette fois aussi l’image a été rapidement retirée, mais les explications du directeur de la compagnie, telles que les rapporte la presse, sont incompréhensibles : « Hitler s’est suicidé à cause de sa facture de gaz… Beaucoup de gens en rient, mais pas moi. J’ai visité Auschwitz avec terreur. Je me sens désolé pour les victimes et pour leurs familles. L’image était destinée à un groupe de presonnes restreint. Nous voulions communiquer sur le fait que le gaz CH4 [c’est à dire le méthane] n’est pas toxique et peut être utilisé pour chauffer des bâtiments, y compris ceux qui ont une si triste histoire ».

Quelques mois plus tôt, un club de gym de Dubaï avait osé (sciemment, cette fois, puisque le nom Auschwitz est même précisé) utiliser une image du même camp pour une campagne d’affichage. Le message était une promesse d’extermination des calories.

L’entrée du camp d’Auschwitz, où sont morts près d’un million de juifs, et plus de cent mille non-juifs, notamment slaves et tziganes.

Le gérant de la société, Phil Parkison, a alors affirmé sur Twitter avoir licencié le créatif responsable de l’utilisation de l’image, tout en remarquant que cette publicité avait été bonne pour sa jeune société.

Le journal du festival de jazz de Montreux a publié en juillet 2013 une annonce pour son service de garde d’enfants. De nombreuses personnes ont alors identifié le visage utilisé : celui du petit Grégory Villemin, retrouvé mort à l’âge de quatre ans à l’automne 1984, dans des conditions que l’on n’a toujours pas élucidé à ce jour.

montreux_gregory

Pour les jeunes gens, cette image ne signifie pas grand chose, et c’est ce qui explique qu’un stagiaire ait eu l’idée incongrue d’utiliser ce triste portrait comme visuel publicitaire. Il avait cherché des images d’enfants et était tombé sur celui-ci sans se renseigner sur sa source et sans se donner la peine de réclamer une autorisation, ce que la loi lui impose pourtant.

Plus drôle, sans doute, plusieurs médias d’État chinois, se fiant aux informations fournies par Xinhua (Chine Nouvelle) ont utilisé des images tirées d’un film pornographique intitulé « lethal injection » pour illustrer des articles consacrés à la peine de mort aux États-Unis.

chine_execution

Le but de l’agence Xinhua était semble-t-il de dire que les États-Unis n’ont pas de leçons à donner sur la question de la peine de mort, à laquelle la Chine populaire recourt intensivement, ce qui lui est souvent reproché. On peut imaginer que le fait de croire à la valeur documentaire de ces images est l’indication d’une différence d’appréciation quant à ce qui est barbare dans l’application de la peine capitale.

On peut imaginer que la facilité avec laquelle on trouve des images sur Internet sans rien savoir de leur provenance facilite ce genre d’erreurs spectaculaires, mais celles-ci ont bien entendu toujours existé et sont sans doute moins problématiques que le recours plus discret à des iconographies qui feignent d’être documentaires mais véhiculent malgré tout un discours qui n’a rien d’objectif.

  1. 3 Responses to “Images en vrac (6) Fautes de goût”

  2. By Romane on Août 9, 2013

    Je suis très étonnée de lire « plus drôle, sans doute, plusieurs médias d’État chinois, se fiant aux informations fournies par Xinhua (Chine Nouvelle) ont utilisé des images tirées d’un film pornographique intitulé « lethal injection » pour illustrer des articles consacrés à la peine de mort aux États-Unis. »

    Donc tout ce qui précède n’est pas drôle. Sauf les images issues d’un scénario sordide de l’industrie pornographique qui sont « plus drôle[s], sans doute », pour avoir provoqué une méprise chez les médias chinois?

  3. By Jean-no on Août 9, 2013

    @Romane : tout ça est à la fois drôle et horrible. Mais arriver à confondre un film porno et un documentaire sur la peine de mort, ça me semble plus drôle mais je ne saurais justifier ce sentiment.

  4. By Benoît on Août 9, 2013

    Toujours pas compris non plus, mais vraiment pas compris, pourquoi cette utilisation de l’image d’Auschwitz-Birkenau dans la pub Econ One.

    Ces « utilisations erronnées » nous rappellent l’adage « Ce n’est pas une juste image-c’est juste une image ». Une image n’a pas de sens en soi. Elle n’est qu’une expression dans un contexte de lecture, qui est aussi marqué par l’intention de celui ou celle qui l’a produite et que par celui qui l’utilise. Il y a là une grande différence entre l’utilisation malencontreuse de l’image du petit Grégory Villemin et la pure saloperie de l’ulisation d’une image de l’entrée d’Auscwitz par Term Eesti.
    L’autre jour je regardai Mystères d’archives (émission remarquable) http://www.arte.tv/guide/fr/041477-002/mysteres-d-archives?autoplay=1. Et surprise à la fin on y apprend que l’image de l’homme seul sac plastique à la main barrant la route à une colonne de chars, qui symbolise pour beaucoup la résistance héroïque face à l’oppression, a aussi été utilisée par le pouvoir chinois pour louer la dimension humaniste de l’armée.

    Bon et sinon, Fatal ?

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