Profitez-en, après celui là c'est fini

Oblivion

avril 17th, 2013 Posted in Interactivité au cinéma, Réalité truquée au cinéma, Robot au cinéma

oblivion_affiche(Avertissement : Si vous n’avez pas vu le film, vous regretterez sans doute d’avoir lu l’article. J’essaie cependant de dire le moins de choses possible au sujet des détails inattendus que l’on trouve dans le scénario)

En 2073, Jack Harper (Tom Cruise) et Victoria Olsen (Andrea Riseborough), vivent en couple dans une sorte de nid high-tech depuis lequel ils gèrent ce qui reste de la planète Terre après la destruction de la Lune et une guerre sans merci avec une espèce extra-terrestre, les Scavs (pour scavengers — charognards). Les humains ont vaincu leur ennemi, à coup de bombes atomiques, mais la Terre n’est plus en état d’être occupée, il faut donc la quitter pour s’installer sur une lune de Jupiter, Titan. D’immenses stations de pompage de l’eau terrestre se chargent de vider les mers de la planète morte sous la protection de drones que Jack répare, sous la supervision de Victoria, elle-même placée sous le commandement du « Tet », le tétraèdre, une station spatiale en orbite autour de la Terre où se trouvent les humains en transit vers Titan. S’il faut réparer les drones, c’est notamment parce qu’il reste des Scavs sur Terre, et que ceux-ci tentent régulièrement de saboter les opérations de pompage. Les mémoires de Jack et de Victoria ont été effacées, afin qu’ils en sachent le moins possible sur tout ce qui n’a pas de lien avec leur mission et ne risquent pas de diffuser des informations confidentielles. C’est de cette opération que vient le titre du film : Oblivion, l’oubli. En rêve, Jack a tout de même quelques réminiscences d’un passé qu’il n’a pourtant pas vécu, et il est hanté par le visage d’une femme qu’il n’a jamais rencontrée. Ces souvenirs sont des images traitées en beau noir et blanc, avec un gros grain qui rappelle la photographie argentique.
On sent assez rapidement que les choses ne sont pas forcément ce qu’elles semblent être et que Sally, qui donne des instructions à Jack et à Victoria depuis le « Tet » et qui ne semble jamais pressée d’envoyer les pièces de remplacement qu’ils réclament à ces deux derniers, ne dit pas toute la vérité sur la situation de la terre à ses subordonnés.

Ce qui frappe assez rapidement, dans Oblivion, ce sont les drones. Leur apparence est celle de grosses boules muettes (mais bruyantes) dont le « visage » est une croix noire avec un œil rouge et l’air constamment en colère que donneraient deux sourcils froncés et l’expression de la bouche faisant une grimace. De part et d’autre de ce « visage », se trouvent des fusils-mitrailleurs.

oblivion_movie_drone

Le comportement des drones est brutal et menaçant, aucun échange verbal n’est possible. S’ils reconnaissent un visage ou une trace d’ADN amis, ils épargnent, et sinon, ils tuent. Ce sont, en quelque sorte, des lymphocytes. Que penser, alors, de Jack qui est là pour assister ces antipathiques robots ? « It’s just a machine. I’m the weapon », dit-il.

Nous avons donc des drones brutaux qui protègent le pillage de ressources naturelles, sur les ruines d’un monde dévasté, assistés par des humains qui ont perdu la mémoire d’eux-mêmes.
Dit comme cela, difficile de ne pas penser à une dénonciation de la seconde guerre du Golfe. Une dénonciation à la fois violente et culottée. Violente par la limpidité de la métaphore, mais culottée parce qu’une fois de plus, c’est des États-Unis que vient la dénonciation a posteriori de l’action de ces mêmes États-Unis. Et Oblivion contient un détail capital : sa ville martyr, enfin l’unique ville que l’on reconnaisse, et qui est en ruines, c’est New York. La victime de la guerre, c’est donc l’Amérique et l’American Way of Life — imaginez que les Scavs ont attaqué la terre le lendemain de la finale du SuperBowl !
Jack a par ailleurs une sorte de jardin secret, un bord de rivière mystérieusement épargné par la désertification générale où il s’est construit une cabane et où il écoute de vieux disques, loin des drones et loin de son logis high-tech aux airs de fantaisie d’architecte. On voit là encore l’opposition très américaine entre modernité et authenticité.

oblivion_canyon

Le scénario est adapté du « roman graphique » Oblivion, créé par Joseph Kosinski et Arvid Nelson mais qui, si j’ai bien compris, n’a pas été publié à ce jour. Disney en a acheté les droits d’adaptation, puis les a rétrocédés à Universal, de peur d’écorner son image publique, non pour le contenu politique du film, mais pour son caractère assez violent. C’est Joseph Kosinski, connu pour le beau mais plutôt stupide Tron Legacy, qui s’est occupé de la réalisation du film.
J’imagine que ce n’est pas par étourderie et j’aimerais lire la bande dessinée d’origine pour en savoir plus, mais on reconnait un grand nombre d’autres films derrière Oblivion, par exemple Moon, par Duncan Jones ; le médiocre Independance Day, et le regardable Stargate, tous deux de Roland Emmerich ; le classique 2001: l’Odyssée de l’espace par Kubrick et surtout sa suite 2010: Premier contact, par Peter Hyams ; Terminator, par James Cameron (et pourquoi pas, Aliens et Avatar, du même) ; l’altermondialiste Sleep Dealer, par Alex Rivera ; le dépressif Code 46 par Michael Winterbottom ; Total Recall de Paul Verhoeven ; La Jetée, par Chris Marker, et son remake L’Armée des douze singes, par Terry Gilliam ; La planète des singes de Franklin Schaffner ; Mad Max : Beyond the thunderdome par George Miller, ainsi que divers récits post-apocalyptiques comme le récent (et dispensable) Livre d’Eli, par Albert et Allen Hughes ; Dune, dans la version de David Lynch ; Et enfin Star Trek : premier contact, par Jonathan Frakes.

oblivion_base

Bien qu’Oblivion ne soit original en rien, je prédis que ce film a ses petites chances de devenir un classique dans son genre. Tout d’abord il est totalement en phase avec les préoccupations de notre époque. Ensuite, il est assez sobrement réalisé, et, comme dans l’excellent Starship Troopers (1997) de Verhoeven, l’essentiel de l’action se déroule en plein jour. C’est assez rare pour être noté car de nombreux réalisateurs utilisent la pénombre comme cache-misère ou pour harmoniser l’étalonnage d’effets visuels médiocres, en se réclamant hypocritement de l’exemple classique d’Alien. La plupart des acteurs sont impeccables, Tom Cruise en tête : on peut penser ce qu’on veut du bonhomme mais il est toujours totalement au service des films dans lesquels il joue. L’actrice britannique Olivia Risenborough, que je ne connaissais pas, est tout à fait excellente dans un rôle plutôt complexe. Le personnage de Julia Rusakova est un peu plus plat qu’il n’aurait pu l’être, mais je ne pense pas qu’on puisse l’imputer à l’actrice (Olga Kurylenko). Les autres personnages que l’on rencontre fonctionnent très bien.
Je dois dire que j’ai trouvé l’épilogue du film un peu niais, j’aurais pu m’en passer, mais il n’a aucune importance. Le scénario souffre de quelques petites incohérences (notamment certaines réactions de Julia ou le fait que le scénario repose souvent sur le fait que Jack échappe parfois à la vigilance de ses superviseurs), mais cela n’a pas suffi à me faire bouder mon plaisir.

ajout :  Éric Sadin me fait remarquer ailleurs que les interfaces tactiles présentes dans le film sont un peu ringardes. Manuela de Barros, elle, me rappelle que les personnages féminins sont maltraités par le scénario. Effectivement, l’action et même la circulation sont le seul fait des hommes dans ce film. Manuela, toujours, relie le scénario à l’Église de scientologie, et sur certains détails ça se tient sans doute : le côté coaching d’entreprise des questions répétées par Sally (« Êtes-vous une équipe efficace ? »), la progression du personnage de Jack, qui ressemble au différentes étapes de l’impulsion de survie selon le dogme scientologue, mais peut-être aussi (là, c’est moi qui suppose) certains points le mythologie de la secte de Ron Hubbard au sujet de l’âme et de la personne.

  1. 14 Responses to “Oblivion”

  2. By Wood on Avr 17, 2013

    Et comme je le disais sur Twitter, je me demande si à la fin Julia va voir débarquer un nouveau clone tous les 6 mois. Il y en avait au moins 52, non ?

    « Et oui, ma chérie, celui-là aussi est ton papa, comme les 40 autres. »

    Quand on y pense, aucun d’entre eux n’est la père biologique de la gamine, mais ils ont tous les mêmes souvenirs d’avant la guerre, et ils se souviennent tous d’avoir demandé Julia en mariage et elle leur a tous dit oui. Va-t-elle fonder un foyer polyandre, 50 papas, une maman, on ne ment pas aux enfants ?

  3. By Jean-no on Avr 17, 2013

    @Wood : c’est sûr que la fin ne règle pas tout :-)

  4. By sf on Avr 17, 2013

    La promesse d’un voyage vers un ailleurs fantasmé m’a rappelé « Bienvenue à Gattaca » et « The Island » – impression de déjà-vu renforcée pour ce dernier par le face à face entre Jack 49 et Jack 52.
    Les images composites sont magnifiques mais certains plans m’ont franchement fait penser au film « Le jour d’après »: Statue de la Liberté engloutie, bibliothèque du Congrés au loin, comme si l’équipe technique avait voulu montrer qu’elle avait su faire mieux. Un exercice/une variation obligatoire pour chaque film de genre apocalytique ?

    En ce qui concerne les incohérences, j’imagine un scénario coupé à la tronçonneuse, c’est-à-dire des scènes qui auraient pu développer tel caractère ou éclaircir telle situation mais qui ont été coupées au montage ou en amont (précisement pour faire de la place aux plages graphiques).

    L’image des femmes me chiffonne un peu également; si dans une scène d’amour je vois une paire de fesses féminines, j’attends au moins, d’y voir aussi une paire de fesses masculines. Q’importe le fait que l’acteur ait -bizarrement- 20 ans de plus que les actrices. C’est trivial mais c’est, à mon sens, révélateur d’un désagréable déséquilibre.(ou bien l’expression d’une certaine frustration, même si, en théorie je ne vais pas voir un film de science fiction pour ses scènes de nu).

  5. By Desirade on Avr 17, 2013

    lJe n’ai pas vu ce film mais, pour aller dans le sens de Manuela, le nom de la station « Tet » peut également être une référence aux tétans chers à Ron Hubbard.

  6. By Jean-no on Avr 18, 2013

    @Desirade : Tet ! Je n’y ai même pas pensé. Effectivement !
    @sf : je pensais à Gattaca et The Island sans mettre le doigt sur la raison. Merci. Marrant, la parité des paires de fesses.

  7. By Ardalia on Avr 17, 2013

    C’était bien long, à mon goût. D’ailleurs, le public s’est très vite sauvé, je ne crois pas que ça fasse un très gros carton. La partie sentimentale m’a semblé tout du long passablement nunuche et, effectivement, les actrices se sortent bien de rôles vraiment caricaturaux de potiches amoureuses. Sauf « Sally », la méchante, naturellement. Tom Cruise est toujours à la fois plus identique et méconnaissable, mais il devrait se méfier, on lui donnera bientôt ses 37 ans et demi. #BahQuoi? ;) Au fait, c’est moi ou il a mué, depuis Top Gun ?

  8. By Wood on Avr 17, 2013

    @Ardalia : Il fallait bienque la puberté le rattrappe un jour :-D

  9. By Jean-no on Avr 18, 2013

    @Ardalia : le film va bien marcher, puisqu’il est à moitié rentré dans ses frais avant même sa sortie américaine, mais ça ne sera peut-être pas le cas en France – j’ai trouvé la salle un peu vide.

  10. By Ardalia on Avr 18, 2013

    Voilà, l’histoire au complet et pourquoi on a souvent mordu son chapeau durant la projection. http://odieuxconnard.wordpress.com/2013/04/18/oublions-oblivion/

  11. By Artois83 on Mai 1, 2013

    Finalement, les extra-terrestres sont des êtres mécanisés autonomes genre qui explore l’univers et exploitent les planètes ??? Finalement, on sait pas trop qui sont les extra-terrestres derrières les drones ???

  12. By Jean-no on Mai 1, 2013

    @Artois83 : on ne sait pas grand chose, effectivement.

  13. By got2be44 on Sep 27, 2013

    B1 l’extra-terrestre c’est une sorte d’intelligence artificielle virtuelle qui prend réalité grace a des drones et de l’energie

  14. By got2be44 on Sep 27, 2013

    « Faites voler 1.6.6 et 1.7.2 pour ce soir, et je vous paie la tournée à bord du tèt »
    Sally

  15. By Guillaume Ransinan on Nov 7, 2013

    Pas (plus)d’extraterrestres biologique derrière le tet. Comme vous dites, il est autonome. Sans doute a-t-il été créé par des ET, ou par d’autres machines, mais maintenant il bosse à son propre compte…

    On peut créer un programme informatique qui cherche à se dupliquer, et à se maintenir face à des tentatives d’effacement…

    Quant à toujours trouver des références à d’autres films, trouvez aussi des références à des séries tv, à des nouvelles ou des romans de sf. Même le Romeo et Juliette de Shakespeare est un remake ( ou un reboot, qui sait…). La question est « Est ce bien fait? ». Un film ( comme The island ) qui peut à la fois intéresser les amateurs de blockbuster et les amateurs de cinéma un peu plus réfléchi, c’est pas mal, non ? Et dans ce genre là, difficile d’éviter une fin bateau.

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