Profitez-en, après celui là c'est fini

Comment je me suis vendu

février 14th, 2013 Posted in Le dernier des blogs ?, Personnel

Un commentateur de mon article précédent me disait son étonnement chaque fois qu’il constatait que je plaçais dans mes articles des liens vers le site Amazon. Et effectivement, je fais un lien qui pointe vers le site Amazon.fr sur les titres de quasiment tous les livres dont je parle ici. Des liens vénaux, car je me suis inscrit chez Amazon pour que lorsque quelqu’un y fait un achat en étant passé par mon blog, je perçois un pourcentage (5%) du prix de la vente.

Judas rapportant les trente deniers, par Rembrandt

Judas rapportant les trente deniers, par Rembrandt

Cette opération me rapporte quelques euros par mois, à présent dix ou même jusqu’à quinze euros, que je perçois sous forme de bons d’achat sur le même site, et qui me permettent d’acheter des livres ou des DVDs le cœur léger, en évitant le sentiment du culpabilité qui m’étreint parfois lorsque l’argent dépensé est celui du ménage. Mais si j’évite cette culpabilité de l’achat non-prioritaire, je m’expose en revanche une autre culpabilité : je participe à la toute-puissance d’Amazon, or Amazon, c’est le mal. Je saisis le prétexte pour traiter deux questions difficiles : pourquoi est-ce que je mets des liens vénaux sur ce site ?, d’une part, et est-ce qu’Amazon est le diable ?, d’autre part.

Pourquoi des liens commerciaux ?

Dès le début de ce blog, j’ai mis des liens vers Amazon, car il me semblait que ce site avait plusieurs avantages importants, notamment celui de disposer d’une base de données de livres disponibles ou épuisés tout à fait exceptionnelle, et ce dans toutes les langues. C’est la raison pour laquelle je le conseille facilement, d’autant que les frais de port y sont gratuits. Un site comme Wikipédia est bien moins intéressant, par exemple, car s’il contient de nombreux articles sur des auteurs, il est nettement moins fourni en articles sur des livres, et surtout sur des livres récents. Le site Priceminister, dont je suis client régulier, a une base de données fournie, mais les livres que l’on y achète sont de seconde main, les auteurs n’en retirent rien, et puis il y a des frais de port, parfois complètement abusifs d’aillers. Quand au site evene.fr, c’est une encyclopédie culturelle fournie mais ça me ferait mal d’envoyer systématiquement mes lecteurs vers un site qui appartient au Figaro, et on ne s’y retrouve pas toujours bien. Enfin, la culture doit vivre et donc il est bien que les gens qui sont intéressés par un livre l’achètent. Donc ce fut Amazon, assez systématiquement, et parfois Wikipédia, ou encore, pour les textes libres de droits, Wikisource ou le projet Gutenberg.

amazon_2

En quinze jours, les ventes réalisées par le biais de ce blog m’ont rapporté 8 euros. Ce n’est pas rien, mais ce n’est pas grand chose non plus, évidemment.

Je me suis dit un beau jour que chaque fois que je faisais un lien vers Amazon sans contrepartie, cela revenait à faire un cadeau à ce service. Si quelqu’un achète un livre à 10 euros après avoir cliqué sur un lien non-affilié, cela rapporte 10€ à Amazon et coûte 10€ à l’acheteur. Si mon lien est affilié, cela coûte toujours 10€ à l’acheteur, mais cela ne rapporte que 9,5€ à Amazon et à moi, 0,5€. Pourquoi pas ? De plus les liens « affiliés » sont très plaisants pour une autre raison : ils me permettent de voir les effets de mes articles. Car si je ne peux pas savoir qui achète quoi, évidemment, je peux savoir ce qui est acheté et en quelle quantité. C’est un peu narcissique mais je me sens souvent fier de savoir que mes articles ont permis de diffuser des livres que j’ai moi-même aimés et de participer modestement à leur succès.
Je me suis toujours demandé pourquoi il faudrait se sentir honteux de vendre, d’acheter, de faire acheter, c’est en fait une activité que je trouve plutôt noble à sa manière. le commerce. Au passage, mon frère Jérôme est libraire, donc commerçant. Si vous cherchez des bandes-dessinées d’occasion ou de collection1, allez-donc voir ce qu’il propose.

une anecdote autobiographique

Ce qui m’amène à une anecdote. À la fin de ma seconde classe de troisième, l’institution scolaire avait acquis la certitude que l’on ne pouvait pas tirer grand chose de moi, et on a commencé à me parler de « m’orienter », étrange formule qui signifie : m’envoyer dans un lycée technique. Étrange formule, car si ceux que l’on envoie « dans le technique » sont « orientés », comment qualifier les autres ? En tout cas, à l’époque, j’avais un peu de difficultés à m’intéresser à l’école. À la même période j’ai entendu parler d’un lycée professionnel de retouche-photo et j’ai décidé de postuler : j’ignorais ce qu’était la retouche (personne ne le savait, nos étions en l’an 6 avant Photoshop) mais cela me semblait la voie royale pour travailler un jour aux effets spéciaux de cinéma, pour George Lucas2.

Quand j'étais un peu punk (tout à droite, surveillé par la prof de maths).

Quand j’étais un peu punk (tout à droite, surveillé par la prof de maths). Je n’étais pas turbulent, j’aimais bien venir au collège, mais sans intérêt particulier pour ce qui semblait intéresser les adultes qu’on y rencontrait.

Avant de me lâcher complètement, le système scolaire « normal » m’a fait passer quelques tests pour mesurer mes capacités intellectuelles et pour voir quelle pouvait être ma vocation, s’il était possible qu’on m’en trouve une. Devant les résultats, la conseillère d’orientation a cru à une erreur : si elle se fiait aux chiffres, il était possible que je ne sois, finalement, pas vraiment un débile léger. « Trop tard ! » ai-je pensé, « je pars ». Les tests qui étaient censés déterminer ma vocation ont quand à eux décelé une espèce d’aptitude apparemment démesurée pour le commerce. Sur le coup, ça m’a presque vexé : le commerce, et quoi encore ? Les visions d’avenir que cela me suggérait ne me plaisaient pas tellement. Mais le fait est que j’y pense depuis chaque fois que je me rends compte que je suis arrivé à pousser tous mes amis à acheter tel livre, tel matériel informatique, etc.  Il n’y a guère que sur la musique que presque personne ne me suive jamais. Donc peut-être éprouvè-je effectivement une sorte de plaisir plus ou moins douteux à provoquer l’achat chez autrui. Et peut-être que ça explique pourquoi je place des liens Amazon sur mes pages. Voilà, ami lecteur, tu connais désormais ma face sombre : je suis un marchand de tapis.

Le diable s’appelle-t-il Amazon ?

En tant que consommateur de biens culturels, je dois avouer qu’Amazon tient une vraie place dans mon existence. Le service a quelques qualités objectives du point de vue du client : facilité de commande, fiabilité, gratuité des frais de port, je n’ai jamais eu à me plaindre. Bien sûr, tous ces avantages ont un prix, qui est qu’Amazon prend la place du libraire et dispose d’un pouvoir de plus en plus important sur le monde des livres. Plusieurs amis éditeurs m’ont dit que de leur point de vue, Amazon n’avait pas une attitude équitable et les forçait à financer certains de ses frais, mais je préfère ne pas expliquer en quoi ici de peur de colporter des imprécisions. Si c’est le cas, je m’étonne que les éditeurs ne soient pas mieux défendus par leurs diffuseurs et fournissent Amazon en livres malgré le caractère inéquitable de l’opération. Je ne suis pas naïf, bien sûr, je sais que les gros distributeurs et leurs exigences exorbitantes sont impossibles à éviter, mais est-ce qu’Amazon fait pire, par exemple, que la Fnac, Virgin, Cultura ou les grandes surfaces ?3 Beaucoup de librairies, et pas seulement les grosses, renvoient leurs livres aux éditeurs (à leurs frais) lorsqu’ils pensent que leur actualité est passée ou lorsqu’il faut faire de la place pour exposer en masse le best-seller du moment. Le marché du livre « physique » est loin d’être très sain. Les livres « qui se vendent » ne doivent que rarement leur succès au hasard, et sont souvent promus selon une stratégie assez simple : en plus d’une « promo » tapageuse, ces livres connaissent de très gros tirages qui sont ensuite placés en librairie de manière à boucher la vue du chaland.

Un livre réputé pourtant réputé médiocre peut occuper une surface considérable dans une librairie physique, pas dans une librairie virtuelle...

Un livre pourtant réputé médiocre peut occuper une surface considérable dans une librairie physique, pas dans une librairie virtuelle…

C’est comme ça que certaines librairies se retrouvent à exposer un quintal de Fifty shades of Gray. Cette stratégie de l’abondance est parfois bien tordue si l’on sait qu’une énorme partie du tirage a vocation à être rapidement rendue à l’éditeur qui se charge de l’envoyer au pilon — le triste cimetière des livres. En clair, cela signifie que pour certains éditeurs il est rentable d’imprimer 200 000 livres pour en détruire la moitié, car l’importance que prendra le livre en librairie suffira, mécaniquement, à faire vendre l’autre moitié. Cela ressemble à du gâchis et on pourrait se dire que cela regarde les éditeurs qui le commettent  mais du point de vue des autres, c’est à dire des éditeurs qui n’ont pas les moyens d’une stratégie aussi dispendieuse, ces placements sont encore plus coûteux : ils leur font perdre en visibilité et imposent à beaucoup de libraires une politique d’achats et de retours en flux tendu. Sur Amazon, les « petits poissons » de l’édition souffrent à mon avis moins de ce phénomène là, puisque Amazon n’a pas besoin de présenter mille exemplaires d’un même livre sur une table mais, au contraire, de disposer d’une grande variété de livres, et même, d’en disposer en stock. Je ne sais pas comment Amazon gère les choses mais il me semble comprendre, par déduction, qu’ils commandent des livres en permanence aux diffuseurs à un rythme qui s’ajuste en fonction de la vitesse à laquelle ils partent, selon un algorithme qui semble assez au point. Quand il y a moins de quinze exemplaires d’un livre en stock, le nombre est affiché sur le site, avec l’accroche « Il ne reste plus que x exemplaire(s) en stock (d’autres exemplaires sont en cours d’acheminement) », qui est censée pousser les acheteurs à se décider. Mais je remarque que parfois le chiffre ne change pas pendant deux ans, et j’en déduis qu’Amazon ne renvoie pas les invendus mais les conserve en stock. Si je ne me trompe pas sur ce point, pour les éditeurs, c’est une bonne affaire, car les retours leur coûtent extrêmement cher. Je pense donc que pour les éditeurs, Amazon n’est pas forcément un problème. Je ne sais pas si Amazon a des exigences douteuses envers les libraires, mais je pense que ce marchand ne nuit pas à la diversité du monde de l’édition, du moins pour tous les livres que l’on n’a pas besoin de tenir en mains pour vouloir les posséder.

amazon_1

Les statistiques que me fournit Amazon : je peux savoir combien de clics m’a valu un lien, et quels livres ont été achetés. Je ne suis pas peu fier de vérifier que j’ai aidé au succès de livres ou d’auteurs que je soutiens.

Reste la question épineuse des libraires : effectivement, leur conseil, leur engagement, semblent irremplaçables. Quand un libraire a adoré un livre, il parvient à le conseiller à un grand nombre de personnes et en tire une juste récompense. Cela peut être à double-tranchant, je me souviens d’une époque, pour parler de bande dessinée, où les libraires spécialisés refusaient de faire entrer dans leur stock les livres d’éditeurs dits « alternatifs » tels que l’Association ou Amok, parce que leurs livres partaient trop lentement, qu’ils allaient contre les habitudes de la majorité de leurs lecteurs, qu’ils ne trouvaient pas leurs formats pratiques à exposer ou qu’ils refusaient le système de retours,… Personne n’a envie d’entendre ça, mais tous les libraires ne sont pas de bons libraires, et puis au fait, Amazon est un libraire !
Mais le grand concurrent du libraire, pour ce qui est de la prescription, c’est peut-être moins Amazon que l’association entre Amazon et les internautes, qui se chargent de partager leurs avis sur leurs blogs, en commentaires sur les pages d’Amazon4, ou même par leurs achats, puisqu’Amazon retient assez intelligemment la navigation ou les achats de ses clients et peut constamment dire aux uns ce qu’ont apprécié ceux qui ont aimé la même chose qu’eux. Système automatique, souvent pertinent, et redoutablement efficace. Et parfois très utile.
Je dois dire au passage qu’en tant que programmeur et observateur des usages numériques, le fonctionnement d’Amazon et son travail pionnier dans les domaines du « cloud » ou du « mecanical turk » me fascinent, de même que ses entrepôts toujours plus automatisés et efficaces — car je fais partie des gens qui comptent sur les machines pour voir un jour la disparition de tous les métiers répétitifs et peu gratifiants.

Jusas recevant les trente deniers, prix de sa forfaiture, par Buoninsegna

Judas recevant les trente deniers, prix de sa forfaiture, par Duccio di Buoninsegna

On peut parler, bien entendu, de la manière dont Amazon profite de son statut de multinationale pour échapper aux règles, fiscales, notamment, auxquelles sont soumis ses concurrents dans tel ou tel pays.
On reparlera une autre fois du livre numérique, domaine où Amazon pose un problème en étant à la fois diffuseur, distributeur, éditeur et propriétaire de la plate-forme de lecture de ses e-books5, donc en pouvant dicter sa loi à tous ceux qui ont besoin de passer par ses services.
Mais en attendant, je suis preneur d’arguments, d’expériences (libraires, éditeurs, notamment), de réflexions qui me permettraient de compléter ou de modifier l’opinion que, pour l’instant, je me fais sur la question.

  1. La différence entre « occasion » et « collection » c’est qu’un produit d’occasion est vendu à un certain pourcentage de sa valeur d’origine, tandis qu’un produit de collection a une valeur déconnectée de sa valeur d’origine (une cote), généralement bien plus élevée. []
  2. En 1985, la retouche-photo se faisait au pinceau et au crayon. Mes trois années d’apprentissage dans le domaine m’ont apporté beaucoup, et notamment une certaine connaissance de la photographie, mais n’ont pas fait de moi un retoucheur, je pense que je n’étais pas très bon pour ça, en fait. []
  3. J’ai pu remarquer par exemple que si une librairie avait décidé que mon livre Les Fins du Monde devaient se trouver dans le crapuleux rayon « ésotérisme » et non en « histoire » ou en « religion », qui eussent été plus appropriés, il était impossible d’y changer quoi que ce soit. « ah mais non madame, la fin du monde ça a été inventé par les Mayas, c’est pas de l’histoire » (réponse reçue par Nathalie dans un rayon d’une librairie « Cultura »). []
  4. Je passe beaucoup de temps à corriger les fiches d’Amazon, à ajouter des images, etc., quand je trouve que les livres de mes amis éditeurs ou auteurs y sont trop mal traités. Je suis toujours étonné qu’ils n’aient pas envie de le faire eux-mêmes… []
  5. Rappelons-nous l’affaire des livres numériques effacés à distance par Amazon sur ses lectrices Kindle il y a quatre ans []
  1. 65 Responses to “Comment je me suis vendu”

  2. By Loïc on Fév 15, 2013

    À noter qu’amazon a bien verrouillé son kindle. En plus de pouvoir effacer son contenu à distance, il est impossible d’y lire le « standard » epub… il faut obligatoirement passer par le format .mobi

    Quant au reste, je reconnais faire également un gros usage d’amazon. Mais j’essaye par ailleurs de faire régulièrement tour chez mon libraire de quartier (où j’ai du mal à ne rien acheter une fois que je suis rentré).
    Par contre pas vraiment de pitié pour les FNAC, VIRGIN et autres grandes surfaces « culturelles ». Quand on voit ce qu’ils ont fait subir aux disquaires, puis aux libraires (désolé pour les nombreux vendeurs qui travaillent chez eux).

    Pour la question fiscale, c’est vraiment une question qui ne touche pas qu’amazon, mais qui se pose de plus en plus. Je trouve étonnant qu’on soit surpris de la baisse des recettes fiscales quand on considère la bascule vers une économie numérique, associée aux optimisations de toutes ces sociétés.

  3. By Linca on Fév 15, 2013

    De ce qu’on lit sur le web, les entrepôts d’Amazon, au moins aux US, sont « efficaces », mais automatisés de façon partielle ; ce n’est pas des robots qui vont chercher dans les rayons les articles à livrer, mais des humains poussés à courrir constamment par des ordinateurs leur imposant une vitesse minimale… Pas vraiment la fin du travail non gratifiant!

  4. By Gazb on Fév 15, 2013

    Point peut-être à considérer : la technique est un moyen de limiter les effets de la règlementation sur le prix des livres.

    Sinon, la curiosité, la photo de classe vient-elle du Collège Jules Verne à Villebon/Yvette ?

  5. By Jean-no on Fév 15, 2013

    @Gazb : non non, collège Daguerre à Cormeilles-en-Parisis. Ces endroits se ressemblent tous !

  6. By Hélène on Fév 15, 2013

    J’essaie de commenter, puisque tu es curieux. Je suis perplexe, ne sais que dire et j’ai recommencé trois fois. A tort peut être, le libraire ne me parait pas l’ami de la diffusion du livre. Les chiffres sont certainement contraires, mais pour moi, un livre se lit en bibliothèque ou s’achète d’occasion. C’est peut être parce que j’ai longtemps été parisienne ? Entourée de bibliothèques bien achalandées ? Avec Gibert, Boulinier, les bouquinistes et le marché du livre ?

    En tout cas, depuis que j’habite dans des bouts du monde pauvres en livres [de qualité], j’arrive tout de même à me débrouiller, sans Amazone, avec tous ce qu’on trouve sur internet en ebook en pdf et le merveilleux, l’extraordinaire et le sublime Persée. (j’aime bien les monographies de spécialistes) Je récupère des livres tout azimuts. Quand VRAIMENT je n’ai pas le choix, j’achète.

  7. By Mathieu P. on Fév 15, 2013

    @Loïc : il ne faut pas exagérer le rôle des grandes surfaces dans la disparition des disquaires. La transition entre le vinyle et le CD a été une époque très douloureuse. En volume comme en valeur, le marché s’est effondré de plus de 30%. Quel que soit le secteur, peu de petits détaillants peuvent faire face à un tel trou d’air.

    Les achats de vinyles n’ont en effet pas immédiatement été remplacés, l’achat du lecteur CD grevant le budget culturel. Le marché du disque cadeau a particulièrement souffert, face à l’incertitude (machin a-t-il une platine vinyle ou un lecteur CD ?).

    À mon sens, les disquaires ont été essentiellement éliminés par un changement technologique qu’ils n’ont pas su anticiper. Je laisse à des gens connaissant mieux le milieu que moi le soin de savoir si ce manque d’anticipation procède du même genre de conservatisme que celui qui plombe actuellement les librairies qui ne veulent pas se salir les mains avec des livres numériques.

  8. By Foxtrot on Fév 15, 2013

    Un article intéressant sur les conditions de travail dans les entrepôt Amazon (aux Etats-Unis) et le lien avec la livraison gratuite: Mother Jones / I Was a Warehouse Wage Slave

    C’est aussi un coût à peut-être prendre en compte.

  9. By Jean-no on Fév 15, 2013

    @Foxtrot : on m’a signalé aussi cet article pas glorieux pour Amazon.

  10. By Hubert Guillaud on Fév 15, 2013

    En fait, il me semble que c’est tout le succès de l’idée d’affiliation initiée par Amazon que tu décris là. Quand on parle d’un livre (surtout en bien), l’hyperlien le plus naturel nous pousse à montrer ce livre, à dire aux autres de l’acheter, comme nous l’avons fait nous-mêmes. Le succès de l’affiliation est un phénomène sans commune mesure. Très simple, d’une efficacité redoutable. Je ne suis pas sûr que ce soit la vénalité le premier moteur (donnez-moi des sous), mais bien la praticité, le fait de dire aux autres, « achetez-le ».

    Quant à la morale du « ça tue le libraire », le libraire n’a qu’a nous proposer lui aussi un système d’affiliation !

  11. By Jean-no on Fév 15, 2013

    @Hubert : en même temps les libraires ont un certain métier, c’est difficile de les forcer à faire un nouveau métier – la vente en ligne – contre leur gré. Ils ont essayé des trucs d’ailleurs, mais Amazon est quand même extrêmement bien fichu, c’est difficile de lutter. En tout cas je me reconnais dans ta description du prescripteur :-)

  12. By JaromilD on Fév 15, 2013

    Je ne suis pas choqué outre mesure par ces liens sponsorisés, d’autant plus que je doute que les livres d’un éditeur comme zones sensibles soient disponible dans les librairies de quartier. Il faut bien reconnaitre qu’Amazon fournit un service efficace – personnellement je m’en sers essentiellement comme d’une base de données (qui me semble bien plus efficace qu’Electre pour comparer les différentes éditions d’un même ouvrage) ou pour me procurer des livres épuisés (en me mettant en relation avec des petits libraires, donc). Pour les livres neufs je m’efforce de les acheter dans une librairie parce qu’objectivement je serais attristé que ces lieux disparaissent. C’est triste, mais nous passons notre temps à engraisser des multinationales, mais je pense que dans le cas des livres le prix unique joue bien son rôle (il n’y a qu’à voir les disparités du prix des livres en anglais qui ont porté un coup fatal au Village Voice Bookshop)
    Quant aux tant vantées recommandations des libraires, je les trouve malheureusement rarement aussi pertinentes et riches que celles de l’algorithme d’amazon.

    Question: est-il possible de créer un lien pour acheter soi-même un livre et ainsi récupérer une ristourne supérieure aux 5% réglementaire ?

  13. By Jean-no on Fév 15, 2013

    @JaromilD : on ne peut pas s’octroyer une telle ristourne, non :-)
    C’est compté dans les clics et dans les achats mais pas dans les revenus.
    Du coup quand je veux acheter je vais sur le site d’amis qui utilisent ce genre de liens.

  14. By Bishop on Fév 15, 2013

    Je rebondis juste sur le Kindle pour dire que le firmware est une horreur incontrôlable. j’ai depuis un pocketbook (filé le kindle à ma copine, j’avais besoin d’un écran plus grand, tant mieux on dirait que le segment des readers à grand écran est semi mort depuis) et c’est le bonheur sur terre.

    Tout est configurable.

  15. By d. on Fév 16, 2013

    (@jean-no : je n’ajoute rien puisque tout est globalement dans mes commentaires du billet précédent et que je n’ai pas l’intention de réincarner Torquemada – précisons au contraire que j’apprécie le principe de transparence et de questionnement ouvert à tous)

  16. By Karl-Groucho D. on Fév 16, 2013

    Ben moi, non, hors de question.

    Comment peut-on sans remord décider de faire crever les rares libraires indépendants survivants sous prétexte de choper une méprisante aumône des […] que sont les […] comme Amazon (objet d’un récent scandale concernant ses chaussettes à clous maison. Grave et révélateur) ?

    Suffit-il de n’avoir aucune conscience ni la moindre réflexion ?

    Je suivais ce blogue, qui me plaisait bien ; Je boycotte désormais.

    K.-G. D.

  17. By Jean-no on Fév 16, 2013

    @Karl-Groucho D. : la question est de savoir dans quelle mesure Amazon fait du mal aux libraires, et je n’ai pas de réponse à ce sujet et ce qui me semble tuer les librairies c’est avant tout le fait que les gens lisent moins, et, dans le cas de Paris en tout cas, l’augmentation des loyers. Pas mal de libraires utilisent Amazon comme plate-forme de vente de livres d’occasion, d’ailleurs. Je te trouve injuste de m’accuser de manque de conscience ou de réflexion : si je pose publiquement la question, c’est justement que je me la pose à moi-même. Le boycott est une arme utile, mais très difficile à manier finalement, parce qu’on ne maîtrise pas tellement la chaîne des responsabilités, l’économie est quelque chose de complexe. Par exemple tu peux facilement éviter de fréquenter un blog, mais peux-tu cesser d’acheter des livres dont les distributeurs et les éditeurs travaillent avec Amazon ?

  18. By Hugues on Fév 16, 2013

    Les librairies en ligne n’ont pas du tout le même profil de ventes que les librairies physiques. De memoire, il y a près d’un million de référence en littérature française, quand tu en trouve 10 000 dans une librairie de quartier, au maximum 70 000 dans une grande FNAC.
    La distribution online favorise donc ce qu’on appelle la « long tail », la vente de livres plus anciens ou moins connus. Elle est donc favorable aux auteurs.
    Il serait sans doute préférable d’avoir des acteurs européens plus proches de nos interets que peut l’être Amazon, mais c’est aussi à ceux existants de développer des services de qualité.
    Si on pousse le raisonnement, la vente physique développe les achats d’impulsion, qui ne sont pas forcément lus. Est-ce bénéfique, ou une forme de subvention cachée à la filière ? La question se pose. Pour la filiere de la musique, la vraie catastrophe à été que les gens n’etaient plus obligés d’acheter tout le CD quand ils voulaient juste un titre.
    Mais ce n’est pas tes liens vers Amazon qui changeront le destin des libraires français. Il y a un mouvement de fond, et il est irréversible.

    Ç

  19. By Douglas Edric Stanley on Fév 16, 2013

    Hier, j’avais besoin de la traduction française d’un livre d’Italo Calvino et j’ai passé 2+ heures dans la ville où j’habite et où il y a de nombreux « rares libraires indépendants survivants » (neuf & occassion). J’avais un besoin immédiat, alors je me dis qu’il serait plus vite de le chercher à pied qu’en ligne. En plus (bonus) je pourrais sauver mon âme et, à moi seule, la filière des libraires indépendants en achetant un tout petit livre à 15€. Double bonus, je pourrais reverser des droits infimes à la veuve de Calvino ou à ses enfants et petits enfants, après bien sûr la part de l’éditeur, du distributeur, de la société de livraison, l’imprimerie, etc. Mon planning est plus que chargé, mais des heures supplémentaires pour sauver la culture, j’y suis toujours prêt.

    Malheureusement, Gallimard a acheté les droits des œuvres de Calvino à Seuil et la plupart des livres ne sont pas encore disponibles. Même pas « Si un nuit d’hiver un voyageur… » !! Mais au moins je n’ai pas eu à répondre à cette question fâcheuse que l’on entend parfois et qui me fait de plus en plus pitié, « voulez-vous que je vous le commande ? »

    Puis, sur le chemin, je me suis posé quelques questions quant à l’intérêt de ce réseau de libraires (qui semblait d’ailleurs vendre tous exactement les mêmes livres) : je sais que mon accent est encore un peu fort après tant d’années mais quand-même ne pas savoir comment écrire Calvino quand on travaille dans une librairie, je ne vois pas trop à quoi sert un libraire dans ce cas là.

    Comme Gallimard n’a pas vraiment de politique ebook cohérent, je suppose que je peux attendre encore un moment pour acheter une traduction française. En attendant, il y a toujours des versions d’occassion disponibles sur Amazon et une version anglaise au format .mobi pour mes divers supports électroniques de lecture.

  20. By Cyril on Fév 17, 2013

    Petit scénario de prospective :
    de moins en moins d’acheteurs se rendent dans les « petites » librairies qui ferment progressivement. Les dernières possibilités d’achat de livres (hors occasion) se restreignent aux grandes surfaces de ventes (Fnak & Co) et aux ventes en ligne. La conséquence (qui serait la même que pour la disparition du prix unique du livre) sera la disparition des petits éditeurs et donc des ouvrages qu’ils proposent. Je ne parle pas des ouvrages déjà édités, la fameuse longue traine pour laquelle Amazone sert d’intermédiaire entre les distributeurs et le client, sans prendre le risque de l’achat et du stock physique (le libraire, lui, achète le livre). Non je parle des ouvrages « pointus » à faible et moyen tirage à venir. La massification des achats dans un nombre restreint de points de vente augmente la tension sur le marché et incite à une limitation de la prise de risque par le vendeur au client final. Conséquence : Fnaq et surfaces culturelles mais aussi les petits libraires eux-mêmes prendront de moins en moins de livres au profil plus risqués pour valoriser leur plus ou moins grande surface de vente sur des ouvrages faciles à vendre (soutenus par une intense promotion etc.).
    La diversité de l’offre repose sur la multiplicité des points de vente qui achètent le livre pour le proposer à l’acheteur final. Dans certains cas, ils sont renvoyés et pilonnés (l’exemple des fifty shades est assez révélateur), mais dans de nombreux autres cas ils sont gardés par le libraire qui est fait leur fonds. Il y a donc un vrai pari par le libraire qui y croit. Croyez vous vraiment qu’un livre sur les fins du monde (exemple pris au hasard) restera longtemps sur la table d’une grande surface culturelle après actualité chaude. Combien d’exemplaires ? Un certain nombre. Maintenant par combien peut-on multiplier ce nombre d’ouvrages (qui resteront définitivement achetés par le libraire, après l’année pendant laquelle le retour est possible, et donc se traduisent en droit d’auteur) au vu du nombre de petits libraires qui auront vu que tel ouvrage n’est pas QUE conjoncturel et donc trouve sa place dans une offre diversifiée de fonds de librairie… Pour un auteur cela s’appelle se tirer une balle dans le pied.
    Après on peut prendre le problème selon un autre point de vue, celui du consommateur de biens : quels sont nos comportements pour qu’il soit devenu INSUPPORTABLE d’attendre la commande d’un libraire au point de lui préférer les 48 heures de livraison d’Amazaune ? On peut aussi raisonnablement penser, comme dans une AMAP, qu’il y a une écologie de nos achats : je fais des choix économiques dans mes achats et pas uniquement de mon point de vue mais aussi de celui de l’impact qu’ils ont. Je préfère qu’environ 25 à 33 % du prix du livre aille dans la poche de la libraire qui est en face de moi plutôt que dans celle d’une immense société qui refuse de payer ses impôts en France (ceux qui servent à payer les fonctionnaires dont je fais partie et à entretenir les routes etc.) et parce que je pense qu’il vaut mieux 1000 petits libraires qui essaient de faire un boulot difficile et passionnant que 1000 caristes et empaqueteurs d’un boulot aliénant d’A ma zone…
    Alors oui, d’un autre côté, il y a des petits et très mauvais libraires, désagréables, de mauvais conseils ou incompétents (ne pas connaitre Calvino argl). Trop souvent le mépris culturel est tellement implicite qu’il en devient presque explicite (un non-lecteur qui se dit, après la promotion intense, qu’il pourrait peut-être essayer le dernier Marc Lévy saura tout de suite que, dans la librairie du coin qui affiche fièrement ses ouvrages sur le théâtre, il n’est pas à sa place. Oui c’est caricatural, mais allez dire que ce n’est pas vrai.) Il y aussi de très bon libraires dans de grandes surfaces culturelles. Il est sûr que de nombreux « petits libraires » doivent améliorer leur accueil et leur professionnalisme mais les délaisser, c’est jeter le bébé avec l’eau du bain.
    Je dis ça je dis rien

  21. By Jean-no on Fév 17, 2013

    @Cyril : l’achat sur Amazon est-il le même, au fait ? Quand j’entends parler sur Internet d’un livre et que celui-ci me donne envie, je l’achète souvent aussitôt pour ne pas l’oublier, car je sais que la prochaine fois que je passerai dans une librairie (la plus proche de chez moi me demande un trajet de trois quarts d’heure), le livre en question me sera sorti de la tête. Inversement, les livres que je sais devoir acheter depuis longtemps (le Pérec que je n’ai pas lu, tel ou tel ouvrage de philo, essai, etc.), j’ai tendance à les prendre quand je passe dans des librairies, justement. Je pense que je fais plus de tort à l’édition et aux auteurs quand j’achète d’occasion que neuf sur Amazon, et en même temps, c’est bien qu’un livre vive plutôt que de finir à la poubelle. Ceci dit j’admets que je n’aime pas commander en librairie. Notamment parce que j’ai eu plusieurs expériences désagréables : avoir dû revenir une semaine plus tard, ou apprendre après un temps infini que le livre en question n’est en fait plus disponible. J’aime bien les libraires en général, mais pas pour les commandes, voilà.
    Pour mon livre, je suis allé faire une signature dans une librairie dont les propriétaires étaient tellement entreprenants avec leurs clients que j’ai dédicacé treize livres (45€ quand même !) en trois heures. Les gens étaient intéressés par le fait que mes dédicaces sont des dessins et pas juste un petit mot, mais au delà de ça, je suis admiratif de l’efficacité du libraire qui soutenait mon livre. Ceci dit il n’aurait pas eu l’idée de le commander si une amie, voisine de la librairie, ne lui avait pas fait l’article. L’écologie du livre est complexe, avec le lecteur, l’auteur, l’éditeur, les prescripteurs, les libraires, énormes, gros et petits, je suis certain qu’il y a besoin de tout ce monde et je ne pense pas que les circuits de distribution soient des vases communicants. Personnellement j’achète beaucoup de livres en ligne, beaucoup en librairie, beaucoup de neuf, beaucoup d’occasion. En fait ma maison croule sous les livres. Je pense que ce qui fait le plus de mal au livre, ce sont les gens qui n’en lisent pas – ce qui est leur droit, évidemment, mais qui n’en reste pas moins dommage.

  22. By Cyril on Fév 17, 2013

    désolé pour les coquilles (quelques accords)

    et il faut lire :

    Dans certains cas, ils sont renvoyés et pilonnés (l’exemple des fifty shades est assez révélateur), mais dans de nombreux autres cas ils sont gardés par le libraire qui en fait leur fonds.

  23. By Jérôme on Fév 17, 2013

    Ces frais de port gratuit je continue toujours de trouver cela dingue.

    A se demander si, quitte à perdre de l’argent, Amazon ne cherche pas à écraser les autres tentatives de librairie en ligne. Bon jusque là rien de nouveau dans ce constat mais que nous réservera le prochain épisode… J’ai dû mal à imaginer, une fois le monople bien installé, que ces frais de port deviennent payants ou alors que le prix des livres augmentera pour couvrir ce geste gracieux, quoique.

  24. By Jean-no on Fév 17, 2013

    @Jérôme : Amazon tire parti du tarif européen sur l’envoi de livres, qui est connu des professionnels mais pas tellement du grand public (et les guichetiers de La Poste n’en sont pas toujours informés). Par ailleurs, Amazon profite, comme la fnac… du prix unique du livre. Comme ils ne peuvent pas faire de remise inférieure à 5%, ils ne peuvent pas être en compétition avec les libraires sur le prix de vente, mais sur le reste. Parfois on est aux limites du dumping. Quand mes enfants ont un livre à lire pour l’école, généralement un poche à 2€, parfois moins, je le commande aussitôt sur Amazon (comme ça je n’oublie pas). Or je ne vois pas comment la marge que fait Amazon pourrait être plus grande que les frais de port, pour le coup.
    Je ne suis pas sûr cependant qu’Amazon pourrait obtenir le monopole de la distribution des livres jusqu’à se permettre de changer ses tarifs d’expédition, une fois le filet rempli… C’est un géant mondial, mais on ne peut pas dire qu’il n’ait plus de concurrents ni qu’ils puisse se substituer à ses concurrents.

  25. By Jérôme on Fév 17, 2013

    Merci pour ces explications. Et puis aussi pour le billet.
    Et puis pour le blog tant que j’y suis. Je me rend compte que c’est peut-être bien le dernier que je consulte régulièrement. Par contre mon lecteur Readability ne prend pas en compte les commentaires, dommage. Mais c’est bien là mon seul regret.

  26. By Jean-no on Fév 17, 2013

    @Jérôme : merci. Je ne connais pas Readability. Tu crois que c’est particulier à mon blog (ou au thème que j’utilise) ou bien le problème touche tous les commentaires de blog ? Ceci dit la deuxième possibilité doit être la bonne, je crois qu’il y a un flux rss pour les articles et un autre pour les commentaires…

  27. By Jukurpa on Fév 17, 2013

    Pour moi, le libraire du coin de la rue et Amazon n’ont pas le même rôle dans mon rapport au livre. Quand j’entre dans une librairie, c’est presque toujours sans savoir ce que je cherche avec juste l’envie de me procurer un bon bouquin/bd, c’est là où le stock et le conseil du libraire sont primordial puisque je m’apprête à faire mon choix parmi un panel réduit et présélectionné par celui lui ci, je viens donc ici avant tout pour sa compétence de libraire et pour l’immédiateté de mon achat. Il va sans dire que le « je peux vous le commander » frise l’anachronisme à mes yeux, ce à quoi je me retiens de répondre souvent « je peux me le commander moi aussi ».

    A l’inverse je ne vais jamais sur Amazon pour flâner, papillonner et sans une idée précise de ce que je cherche. Et d’ailleurs mes achats en livre sur ce site se comptent sur les doigts des mains (voire d’une seule) et se concentrent en deux occasions : Noël où la fréquentation des boutiques physiques devient vite un chemin de croix et les anniversaires de neveux/nièces éloignées pour lequel une livraison directement chez l’intéressé m’évite les fastidieuses étapes du colis/bureau de poste/queue… et qui plus est réduit l’empreinte carbone du cadeau en supprimant l’étape de transition qu’aurait représenté mon achat physique.
    Je ferais juste une apparté, pour rebondir sur les propos au sujet de Calvino plus haut, que s’agissant des cadeaux en question sont le plus souvent des BD classiques dont les auteurs ont disparus, savoir qui s’engraisse sur le dos d’un mort me laisse dans l’indifférence la plus complète.

    La seule chose que je reprocherais à Amazon, c’est bien évidement son habile optimisation fiscale mais c’est une problématique qui ne se résoudra pas en tapant sur ces sociétés mais plus en fondant une fiscalité plus globale et moins hypocrite, que je sache le Luxembourg n’est pas un horrible pays voyou mais un membre fondateur de notre belle Europe.

  28. By Jean-no on Fév 17, 2013

    @Jukurpa : je me demande si ce qui séduit les multinationales avec le Luxembourg, la Suisse, etc., n’est pas moins la fiscalité basse que la fiabilité et la constance. En France la fiscalité est une loterie insupportable : une année mon frère libraire a eu à payer des charges égales à son revenu fiscal (argument : « puisque beaucoup de transactions sont en liquide, vous gagnez forcément plus que vous ne déclarez »… manière tordue de dire que celui qui déclare ce qu’il gagne ne peut pas survivre). À côté de ça Total ou d’autres grosses boites qui négocient de ne pas payer d’impôts sur les sociétés ou qui obtiennent des ristournes sur leurs charges, etc. : à la tête du client. Chaque fois que j’ai travaillé avec des institutions suisses ou luxembourgeoises, j’ai juste constaté beaucoup de confiance réciproque – tant que chacun fait ce qu’il a à faire, tout va bien – et une grande clarté. Si la France veut être « compétitive » en termes d’accueil de multinationales… et surtout de PME (bien plus mal traitées), peut-être faut-il commencer par ne pas changer les règles tous les ans et par rendre le système moins inutilement complexe.

  29. By Douglas Edric Stanley on Fév 17, 2013

    Débat chouette.

    J’ajoute encore deux éléments.

    1. Juste pour être sûr que tout le monde ait bien compris qu’ils sont bel et bien là pour foutre le bordel sur tout la ligne : Amazon travaille en ce moment sur un dispositif — déjà fonctionnel dans certaines parties de Californie et de New York — où la livraison se fait le jour même, en fin d’après-midi. Quand on pense au travailleur qui regarde télé matin ou entend parler d’un livre au travail, on imagine bien son contentement de rentrer le soir avec un livre qui l’attend. (À noter aussi: oui, Amazon met en place divers techniques de dépôt en absence du destinataire et il est possible de se faire livrer à son lieu de travail).

    2. Encore une anecdote : l’année dernière j’etais dans une mes librairies préférées, le William Stout Architectural Books à San Francisco, une librairie que j’aime autant pour le contexte global (bâtiment en brique, quartier sympathique, etc) que pour son contenu archi-pointu :-). Mais voilà mon étonnement de voir une petite affiche, très « passive agressive » comme on dit aux States, marqué « Please do not photograph the books ». J’étais un peu troublé parce que je venais tout juste de photographier un livre génial pour le tweeter : « voici ce que j’ai trouvé chez WSB, etc… » (Je retourne bientôt pour une expo que je monte dans une galerie juste à côté, je reprendrai une photo — je ne trouve plus l’original qui est sur le web mais je ne sais plus où). On comprend le malaise des libraires mais de tels comportements démontre une certain attitude d’affrontement qui ne peut pas durer à la longue. Ils vont devoir s’adapter, quoi qu’on en pense du débat de fond.

  30. By d. on Fév 17, 2013

    @douglas : point 1 – sans vouloir faire mon vieux con (ce que je suis au demeurant), je ne comprends pas en quoi il est si important/chouette d’avoir le jour même un livre dont on entend parler pour la première fois un matin… ce constat étant valable pour tout les désirs induits par la société de (sur)consommation.

    sans même parler encore une fois des conditions sociales qui permettent ce genre ‘d’exploit’ et en caricaturant à peine, je ne vois là que valorisation des caprices enfantins – et sans vouloir remonter à l’exaltation romanesque pré-XIXème des courriers postaux échangés longuement entre amoureux avant seulement de se croiser des yeux (sans parler du temps qui suivra avant de mélanger les fluides corporels), parfois, laisser passer un peu de temps avant de décider d’acheter – ou devoir attendre un temps un objet désiré renforce le plaisir le moment venu (et ça évite aussi de temps en temps d’acheter des trucs dont on n’a eu en réalité envie que le temps d’une pulsion).

    point 2 – sur le refus des photos, c’est probablement juste pour éviter que les visiteurs ne cherchent ensuite sur le net le même livre moins cher sans même faire l’effort d’écrire le titre pour le retrouver plus tard (pas de prix unique du livre aux states, je crois ?) – c’est ce qu’on m’avait expliqué dans un magasin de tissus, où l’interdiction de photographier m’avait semblé assez incongrue.

  31. By Jean-no on Fév 17, 2013

    @d. : la libido, c’est ce qui sépare la pulsion de sa satisfaction, etc., mais en même temps l’impatience face à la frustration est devenue quelque chose d’assez général, et plus on peut obtenir les choses rapidement, moins on supporte d’attendre. Amazon s’inscrit dans ce processus mais n’en est pas forcément maître. Chacun de nous l’expérimente (et tente d’y résister ?) dans plein de domaines, il me semble.
    Pour le point 2, oui, la photo est prise pour une agression par les boutiques, les restaurateurs (qui ont peur qu’on veuille noter leurs plats), les gens en général (qui croient qu’on va leur voler leur âme ?), tout le monde est paranoïaque et en même temps tout le monde prend des photos tout le temps… Très étrange situation.

  32. By Cyril on Fév 17, 2013

    @Jukurpa le prix d’un ouvrage se décompose de la manière suivante : entre 8 et 15 % (voire plus pour certains auteurs bankables) pour les auteurs, entre 25 et 33 % pour le revendeur final les 50-60% restant se répartissant entre diffuseur, distributeur et éditeur. Quant à Italo Calvino, il est mort en 1985 donc ses ayants droits bénéficieront des 8 à 15 % jusqu’en 2055. Après c’est dans la poche de l’éditeur. Cela n’impacte pas la destination des 25-33% du revendeur final : dans la poche d’amazone ou dans la poche du libraire du coin selon le choix du client.

    Alors oui il est sûr que de nombreux libraires ont des progrès à faire sur l’accueil et le service qu’ils peuvent produire, mais en même temps, ils n’ont pas de contrôle sur la réalisation d’un envoi par une société dont ils dépendent (distributeur) et qui leur est extérieure. Il est d’autant plus difficile pour eux d’exercer leur métier que les grossistes régionaux où ils peuvent s’approvisionner eux-mêmes ferment. Ceux-ci voudraient scier la branche des petites librairies qu’ils ne s’y prendraient pas autrement.
    Quant à Luxembourg, s’il n’est pas lieu de jeter l’opprobre sur une nation, il n’est cependant que de jeter un œil sur ses pratiques dans les enquêtes de Denis Robert (en particulier « La justice ou le chaos »)

    @Jean-no C’est clair que c’est frustrant de ne pas avoir l’ouvrage souhaité immédiatement et de devoir revenir. Mais en même temps est-ce si grave ?
    Les non lecteurs n’entrent pas dans l’équation car ils n’achètent pas, ou si peu. Plutôt que d’utiliser la métaphore des vases communicants pour ceux qui achètent des livres, je pense plutôt que le montant des sommes qu’ils y consacrent suit un schéma malthusien : tout ce qui mis dans une réseau ne l’est pas dans un autre. On croit que cela ne change rien sur l’équilibre du système mais c’est faux. Dans un premier temps l’éditeur se réjouit de la multiplicité des canaux qui semblent lui assurer plus de ventes. Mais du point de vue des revendeurs finaux, il s’agit bien d’un gâteau à se partager (on divise entre concurrents un montant qui n’est pas infini, on ne le multiplie pas, malheureusement).
    Conséquence les seuils de rentabilité des structures les plus fragiles sont de moins en moins atteints et ces structures ferment. A réduire le nombre de canaux de ventes on accentue le poids de ceux qui restent au risque de leur donner un poids excessif dans les choix de production : quel éditeur se lancera dans tels projets pointu s’il ne peut le diffuser dans des structures qui estiment que ce n’est pas rentable ? Et puis franchement on fait comment pour feuilleter quand il n’y a plus de librairies ?
    Enfin dernier point, moi cela me pose problème un monde où tout s’achète sur internet où l’on ne peut plus voir les produits, les toucher, les jauger, les comparer et où tout doit être médiatisé et plus jamais en accès direct. Car c’est cela qui se passe quand on achète sur internet, et c’est vers cela que l’on s’achemine à chaque fois que l’on achète sur le net. Cela me fait penser au Successeur de pierre de Jean-Michel Truong, un monde où il n’y a plus de dehors car tout passe par l’entremise du net, un monde où chacun est l’esclave de son clavier.
    A chaque fois que l’on achète via A Ma Zone, c’est vers une fermeture de librairie que l’on s’achemine et un appauvrissement de l’offre en livres originaux. Personne ne peut changer le monde, mais chacun est responsable de ses actes et de ses achats (nos achats sont nos emplois, c’est vrai non ?), mais aussi de l’exemple qu’il montre.
    Merci pour ce billet qui permet de préciser tous ces points.

  33. By Douglas Edric Stanley on Fév 17, 2013

    @d. Loin de moi de savoir toutes les raisons qui pousseront les gens d’opter pour la réception le jour même ; il n’empêche qu’ils le feront et ça va être massive. Cette transformation de la distribution est réelle et pourrait changer énormément de comportements de notre quotidien, à commencer par la notion même de flânerie en magasin. D’ailleurs cette flânerie n’est pas contradictoire avec la vente en ligne, mais il faut articuler leur relation : l’Apple Store étant l’exemple le plus efficace.

    Sur la question du temps d’attente, du délai des satisfactions et de la temporalité plus générale des artéfactes médiatiques : tout d’abord oui, le temps de l’anticipation est une expérience humaine importante et oui, j’y croits à l’importance de la lenteur. C’est pour cette raison même que j’ai crée une service d’envois de messages électroniques avec un délai aléatoire (utilisé depuis des années par des gens de milieu/âge/génération apparament très différents, y compris la génération SMS, puis celle de Facebook). J’aime les messages qui prennent *leur* temps pour arriver. Les médias émergents n’annulent pas ces effets temporels, ramenant tout à une vitesse extrême, machinique, terrible. Au contraire, ils offrent des nouveaux. Oui, la vitesse du « plus vite » existe, et de plus en plus, mais son contraire aussi. Le vieux, le lent, coexiste avec le jeune et le hip. Dans les contenus autant que dans la forme. Amazon, par exemple, illustre le principe du « long tail » cité plus haut, ce qui lui permet de donner plus de place à des livres qui auparavant seraient complément portés disparus. Cela repose la question des curateurs, du rôle des médiateurs de la culture, etc. mais aussi du temps donnée à une œuvre pour exister.

    Pour répondre plus directement à la question du chouette/important : je ne voit absolument pas ça comme une histoire de consommation, même si derrière il y a éventuellement une histoire mercantile. C’est même le sens de ce débat. On parle de la culture, ou parlons-nous juste des vendeurs de savon? Oui, nous sommes dans une société de consommation, ok, j’ai compris. Mais je reste aussi un animal esthétique, qui navigue comme tout être humain d’émotion en émotion, une sorte de flânerie aussi qui change de jour en jour, de semaine en semaine, à travers une vie, etc. Parfois je lis des choses qui m’accompagnent pendant quelques minutes, parfois pendant quelques semaines. Parfois je lis et regarde ce que tout le monde lis et regarde juste par curiosité (pas encore Fifty Shades of Grey, du coup je vais probablement laisser la vague passer), parfois je cherche des œuvres plus obscurs et suis prêt à attendre longtemps. Parfois aussi, pour mon travail de professeur, de théoricien, de curateur, etc, il me faut un extrait de texte ou tout un chapitre le plus vite possible. En tant qu’artiste je m’inspire de textes philosophiques et littéraires depuis toujours et attendre parfois 3/4 jours suffit à tuer l’inspiration première. Il y a donc des milliers de raisons pourquoi il serait commode de pouvoir passer d’un texte à l’autre dans un delai court. Tenez, je crois que ça s’appelle le Web.

  34. By Jean-no on Fév 18, 2013

    Eh bien ça n’a rien à voir, mais figurez-vous que quand j’avais une douzaine d’années, j’ai participé à un spectacle d’ombres chinoises, Les aventures de Marcovaldo, par Italo Calvino, dans une petite salle associative de ma banlieue. Et pour la représentation, l’auteur (qui était parisien à l’époque) est venu. J’avais même une photo où on me voyait avec lui mais elle semble perdue. Longtemps, j’ai cru que j’étais le seul à connaître cet auteur.

  35. By d. on Fév 18, 2013

    @cyril : bon sang mais c’est bien sûr ! à te lire je réalise qu’on n’avait pas évoqué un point fondamental pour moi et sous-jacent à mes réticences à amazon & co. : le plaisir de toucher, de feuilleter, de regarder la mise en forme du livre…

    combien de fois j’ai noté sur un bout de papier une référence, puis ai renoncé devant le livre qui ne me plaisait visuellement pas (format, papier, typo, mise en page, etc.) ? ou au contraire me suis laissé avoir par un bel objet qui finalement ne m’a pas apporté grand chose en terme de lecture ?

    et je ne parle pas du plaisir olfactif du livre neuf qui sent l’encre, ou des vieux poches jaunis qui ont cette petite odeur de moisi et de poussière mélangés.

    donc voilà : j’ai besoin de voir, de toucher, de sentir, et ça amazon (en l’état des technologies) ne me l’offre pas.

    bon en même temps je n’ai aucun fétichisme de ce type pour la musique ou les films que je n’écoute et ne vois que par le biais de machines numériques – donc ma démonstration est discutable, a minima… (encore qu’il y a le ciné et les concerts)

    @douglas : j’aime beaucoup cette idée d’envois de messages électroniques avec un délai aléatoire – tu as un lien à proposer pour en savoir plus ? (j’ai regardé trois secondes dans grosgle mais les mots clefs sont trop courants pour trouver rapidement) (et on vient de conclure qu’il faut que tout aille vite – ça suffit ce culte de la lenteur et de l’attente, zut à la fin).

  36. By Douglas Edric Stanley on Fév 18, 2013

    @d on est tous d’accord que l’expérience du toucher est profond, et si je peux croire Leroi-Grouhan, il serait culturellement indissociable avec nos rapports à l’outil, donc vieux comme le monde.

    Mais le soi-disant conflit entre virtuel/physique est un faux débat, c’est pour cela que j’ai donné l’exemple du AppleStore qui n’oppose pas ces mondes. C’est même étrange que les autres n’ont pas suivi dans ce modèle. Non, je ne parle pas du nouveau Google Store (physique) qui, comme Microsoft, copie leur formule à la lettre près. Je parle des boutiques à l’ancienne, ou des Galeries marchandes parisiennes qui me semblent suffisamment souples pour inclure des « hub » numériques à l’intérieur des autres offres. On va au Bon marché pour le plaisir de manger autant que pour la boulimie du shopping.

    Ce serait quoi, et qui, cette autre formule, qui n’oppose pas vente en ligne et vente sur place ? Dans le cas des livres, difficile à dire, puisque l’ebook, comme pour le DLC en jeu vidéo, suit plutôt une logique de disparition total de l’objet physique classique, nous obligeant d’inventer de nouvelles formes de livre pour revenir au physique. Mais je ne vois pas encore comment rendre cohérent ebook et librairie. Ça viendra forcément par tâtonnements. Dans le cas du jeu vidéo je crois beaucoup à la formule Salon de jeu/Arcade. Dans le cas de la lecture, c’est probablement la formule du café littéraire, café philosophique, etc. Pourtant, on en a beaucoup parlé et travaillé dans nos différents laboratoires/ateliers/projets où on posait justement cette question sans avoir une réponse définitive. Jean-Noël et moi ont même une passée commune dans ces travaux.

    Pour les envois en différé, il suffit de chercher « abstractmachine crypt ».

  37. By Jean-no on Fév 18, 2013

    François Bon a des lignes assez drôles sur l’odeur du papier dans Après le livre :

    En général, ceux qui vous répondent tant aimer « l’odeur du papier » n’ont pas connaissance des 4 ou 6% de chaux vive en couche fine sur la page qu’ils respirent, pour la rendre hydrofuge et économiser sur les micro-gouttelettes du jet d’encre. Ni d’ailleurs que cette odeur est plutôt celle de la colle et de l’encre que celle du papier, lequel ne « sent » pas (résidus de tri sélectif blanchis à l’acide puis agglomérés en mélasse colorée pour casser le blanc et ne pas se déchirer dans le nouveau roulage), et surtout éviter en ce cas de les informer des différents composants chimiques inhalés dans cette odeur d’encre, c’est à vous qu’ils en voudraient et non pas à la chimie.
    L’encre d’imprimerie, qui sent si bon quand on lit, est un composé de pigments sur distillat de produits pétroliers pour la fluidité (principaux émetteurs des composés organiques volatils, d’où l’importance d’en maîtriser l’odeur pour un produit de consommation marchande), associé à des résines pour la tenue et des vernis pour l’oxydo-polymérisation (à laquelle contribuera d’ailleurs votre propre respiration), et j’aime aussi ce vocabulaire technique plus méconnu que celui de la typographie mais tout aussi complexe et riche : véhicule des encres, siccatifs, séquestrants, rhéologie, voltige, de même que le contournement du noir illisible se fait en ajoutant un « bleu reflex » ou un « bleu milori » (dont la référence technique s’exprime très poétiquement : CI PB 56, 61, 27…).

    Mais bien sûr, toucher, ça compte. Ceci dit je suis complètement allergique aux papiers cellulosiques jaunis, notamment les vieux poches, qui me font éternuer.
    Toujours François Bon parlait de la manière dont le livre physique (et on peut étendre ça à la bibliothèque, à la librairie,…) a un rapport avec la mémoire : les pages se trouvent à un certain endroit, les livres se trouvent à un certain endroit, ce qui construit un outil de mémoire, et des années après il m’arrive de trouver du premier coup une page parce que ma main se souvient à peu près à quelle épaisseur de papier elle se trouvait, de même que je retrouve les livres dans leurs meubles en me souvenant d’où ils étaient rangés (mais s’ils ne s’y trouvent pas, je suis perdu !).

  38. By Mathieu P. on Fév 18, 2013

    @Cyril : deux affirmations que vous présentez comme un état de fait me choquent.

    La première est celle voulant que les libraires achètent les livres qu’ils proposent. Entre l’office (livres envoyés par les éditeurs sans commande du libraire) et les exemplaires assortis d’un droit de retour, l’achat en compte ferme représente typiquement moins du quart du stock d’une librairie. À cet égard, il y a peu de différence entre un libraire et Amazon.

    La seconde, qui me dérange beaucoup plus, est quand vous dites : « A chaque fois que l’on achète via A Ma Zone, c’est vers une fermeture de librairie que l’on s’achemine et un appauvrissement de l’offre en livres originaux. ». Allons-y : que se passe-t-il dans les pays où les librairies de détails sont devenues très minoritaires. On n’y constate pas de diminution significative de la diversité des livres publiés. La finlandaise se porte bien, pour ne pas parler de la littérature anglo-saxonne.

    Si je réagis fortement à cette affirmation c’est que, comme beaucoup d’autres dans ce débat, elle opère en isolation complète de ce qui se passe dans les autres pays du monde.

    Lecture conseillée :
    http://www.cepremap.ens.fr/depot/opus/OPUS19.pdf

  39. By Cyril on Fév 18, 2013

    @Mathieu P Je lirai avec intérêt le pdf conseillé.

    Cependant, sur les deux points soulevés :

    – il n’est pas besoin d’office pour que le libraire paie ses ouvrages et même s’il bénéficie d’un droit de retour, sa trésorerie en est amputée. C’est aussi ce transfert de trésorerie qui permet aux éditeurs de mener leurs projets. Effet à la fois vertueux et pervers de l’office. Mais surtout, le libraire, lorsqu’il décide de garder tel ouvrage après expiration du droit de retour, fait le pari de vendre tel ouvrage par sa médiation (exposition, espace, conseil etc.). Sauf erreur, les librairies en ligne ne stockent pas les livres, elles stockent les références. Cela se traduit par une moins grande diffusion des ouvrages moyennement et très spécialisés (ces derniers bénéficieront de marchés de niche et de librairies très spécialisées). Cela se traduira par la moindre production d’ouvrages plus risqués. Cette production s’appuie sur le choix et l’engagement économique des libraires qui font le travail de médiatisation. Ce n’est pas le cas lorsque seule la référence est visible sur une librairie en ligne.

    – mon affirmation s’appuie sur un développement auquel vous ne répondez pas :

    « Conséquence les seuils de rentabilité des structures les plus fragiles sont de moins en moins atteints et ces structures ferment. A réduire le nombre de canaux de ventes on accentue le poids de ceux qui restent au risque de leur donner un poids excessif dans les choix de production : quel éditeur se lancera dans tels projets pointu s’il ne peut le diffuser dans des structures qui estiment que ce n’est pas rentable ? »

    Et puis comparaison n’est pas raison : les structures du marché du livre de pays différents sont-elles comparables dans leur organisation ? Vous mettez en parallèle le marché d’un même produit sans montrer s’ils sont similaires dans leur fonctionnement. Et s’il faut faire des comparaisons, ne faudrait-il mieux pas comparer des marchés qui voient un grand nombre de petites et moyennes structures de ventes disparaitre au profit d’un nombre réduit d’acteurs de grande ? L’effet de la constitution des grandes surfaces sur les producteurs est pourtant une réalité. L’influence sur les producteurs est alors majeure et réoriente la production. Dans le cas du livre, le prix unique fait que celui-ci ne peut être un paramètre. Je renvoie alors aux développements de Jean-no ci-dessus pour les effets en termes de diversité(la photo de Fifty shades est éclairante !).

    J’adorerais avoir tort, mais je ne crois pas.

    Enfin, et cela déborde vos remarques, mais je maintiens que même si le service peut laisser à désirer parfois (qu’ils en soient responsables en terme d’accueil) ou dépendants (les conditions de livraisons) je préfère infiniment une multiplicité de librairies diverses et variées assurant la promotion d’un plus grand nombre d’ouvrages par des sélections personnelles, plutôt que peu d’opérateurs qui mettent tout au même niveau en n’assurant que des emplois de manutentionnaires.

    Merci à Jean-no d’accueillir nos échanges.

  40. By Jean-no on Fév 19, 2013

    Intéressant article de Rue89 intitulé : Depuis 2009, Patrick, libraire, a résisté à Virgin mais moins à Amazon. En le lisant, je ne vois pas comment est quantifié (vrai ou pas) l’impact d’Amazon sur le chiffre d’affaires, malgré ce qu’annonce le titre, et le problème véritable m’a surtout l’air d’être la question du loyer bien trop élevé !

  41. By Cyril on Fév 19, 2013

    Pour compléter mon propos :
    Rue89 : Amazon dicte sa loi et asphyxie les petits éditeurs

  42. By Jean-no on Fév 19, 2013

    @Cyril : tiens, il y a une erreur dans l’article, ils nomment Jean-Louis Gauthey Jean-Louis Gautier. Je ne comprends pas ce qu’il dit sur la TVA (Amazon.fr paie la TVA française sur les livres vendus en France, non ?), je lui demanderai à l’occasion. Je remarque en tout cas que les livres de chez Cornélius apparaissent bien au catalogue d’Amazon.
    Un chiffre que je note : Le site d’achat en ligne Amazon, leader incontesté de la vente de livres sur Internet (80% d’un secteur qui représente 13% des ventes en France) –> donc si je lis bien, Amazon représente un peu plus de 10% des ventes. C’est énorme, c’est certain. La chute de l’article est étonnante : Pour l’heure, Amazon se porte bien. Si son bénéfice net a chuté de 96% en un an, son chiffre d’affaires a augmenté de 29%.. Si je comprends, Amazon draine beaucoup d’argent mais en rapporte peu. Ce n’est pas forcément une très bonne nouvelle puisque ça peut signifier qu’ils sacrifient leurs bénéfices au fait d’augmenter leur importance sur le marché.

  43. By Stéphane Deschamps on Fév 19, 2013

    Rien à voir ou si peu : « L’hôtesse et Monna Lisa ». J’ai raté un article où tu mentionnes Walthéry ?

    (et sinon joli débat de commentaires, merci à tous, un plaisir de vous lire).

  44. By Jean-no on Fév 20, 2013

    @Stéphane : oui oui j’ai parlé de Walthéry : Les Machines incertaines. Mais par ailleurs les gains des « partenaires » d’Amazon ne se font pas que sur les liens directs : si tu cliques sur un lien « partenaire » mais que tu achètes autre chose dans la même session, le « partenaire » perçoit un pourcentage du quelque chose. Par exemple si tu cliques sur le titre d’un livre à 2€, que tu ne l’achètes pas mais qu’à la place tu commandes ton téléviseur, le « partenaire » recevra genre 5% du prix de ton téléviseur.

  45. By Douglas Edric Stanley on Fév 20, 2013

    @Jean-no : ce fonctionnement d’Amazon est bien connu des économistes. Regarde par exemple leur dernier rapport:

    http://www.cnbc.com/id/100417075/Amazon_Earnings_Outlook_Miss_Revenue_Jumps

    Amazon a gagné (net) à peu près $100 million. Oui, million. Mais leur cotation en bourse a monté. Leurs chiffre d’affaires (?) (je ne suis pas sur d’utiliser bon vocabulaire français économique) tourne autour de $21 milliards.

    Maintenant comparons cela à Apple, qui vient d’être massacré sur Wall Street, avec une chute qui ressemble tout simplement à une falaise.

    http://www.engadget.com/2013/01/23/apple-announces-q1-2013-earnings/

    Leur mauvais score, $13 milliards. Oui, milliard. Sur des activités autour de $46 milliards.

    Apple et Amazon sont des concurrents direct. Un roule en millions, l’autre en milliards. Pour une société de cette taille, Amazon roule plus ou moins avec des bénéfices (en poche) de quasiment zéro. Ils fonctionnent comme ça depuis des années.

    C’est à dire que Amazon est là pour rouler sur tout ce qui bougent, avec un fonctionnement interne sans pitié et une attitude bien agressif en vue des prix les plus bas, mais sans forcément en baissant la qualité (les études indépendants sur la satisfaction de leurs clients sont impressionnants). Ils sont là pour foutre le bordel.

    Ça explique aussi les horreurs dans leurs centre de tri, qui effectivement vaudraient mieux passer de plus en plus aux robots, vu la nature de leur traitement (in)humain. C’est la ceinture bien serrée sur toute la ligne.

    Pour l’histoire d’Apple, avec une chute vertigineuse après une annonce des scores historiques d’une société privé, ça s’explique aussi par des manipulations en bourse à cause d’un nombre important d’actions pré-achetés, mais indexés au mois de juin dernier à $500. Ces actions arrivaient à expiration le mois dernier. Le chiffre exacte après la chute? $499. Pas d’hasard donc. J’appelle ça manipulation. Mais on le sait, c’est Wall Street, et tout le monde (à commencer par Obama) s’en fout.

    Mais que la bourse applaudit Amazon pour soi-disant exactement les mêmes raisons qu’ils sanctionnent Apple (résultats en dessus des estimations indépendants), montrent bien que la vrai raison de tout ça c’est que Wall Street adore le côté « tuer » d’Amazon.

    Ça ne veut pas dire que je suis d’accord avec un certain nombre de sentiments anti-Amazon exprimé ici. Ça ne me choque pas que Amazon roule à une bénéfice net qui frôle en permanence $0. J’appelle ça plutôt de la bonne gestion, même si je voudrais que cet argent soit mieux distribué pour bien payer les employés du centre de tri et pour améliorer leurs conditions de travail. Mais au final, je pense que nous parlons tout simplement selon de grilles de valeurs différentes. Par exemple, il serait utile de regarder avec autant de méfiance le secteur classique d’édition qui n’a que l’avantage d’être là depuis toujours et donc bénéficie d’une certaine indifférence, voire même de prestige. Mais quelque soit les raisons de cette indifférence, j’imagine que les informations que je viens de donner ici doivent renforcer les sentiments d’injustice qui mène à boycotter Le dernier blog *:-/

  46. By d. on Fév 20, 2013

    @jean-no : « ils sacrifient leurs bénéfices au fait d’augmenter leur importance sur le marché » et effectivement ça n’est pas une bonne nouvelle puisqu’on est là directement dans une stratégie commerciale agressive qui consiste à épuiser petit à petit les concurrents en profitant de ses capacités à financer ses pertes : pendant le temps nécessaire à l’élimination des plus faibles financièrement, le gros perd sciemment de l’argent, et une fois dominant sur le secteur il peut imposer des conditions encore plus drastiques à ses fournisseurs, augmenter les tarifs à son bon vouloir, etc.

    stratégie typique de la grande distribution, et on voit ce que ça a donné sur les petits commerces depuis les années 50 (du siècle passé) – dans le canard enchaîné de la semaine passée, jean-luc porquet (ah !) racontait la petite ville de puys-guillaume en ardèche dont le maire refuse l’autorisation d’implantation de grandes surfaces (malgré tentative de pots-de-vin assez énormes !) ; résultat ? 2700 habitants, 38 commerces… quand dans ma ville de 4400 habitants, en 5 ans et après extension du ‘super U’ (passé de supérette à supermarché), l’installation d’un ‘lidl’ et d’un ‘la vie claire’, je constate que le nombre de commerces est en baisse (à l’œil) de 20/30% et je sais qu’un tiers des boutiques encore ouvertes est à vendre.

    donc que si je veux bien considérer que le côté long tail d’amazon est épatant, à la lecture de ce qui précède (commentaires et liens divers) je crois de plus en plus que c’est l’arbre ‘don’t be evil’ (slogan de google) qui cache la forêt d’une tendance à un contrôle de la culture par l’économie.

    et à terme le lecteur ne pourra pas y gagner (ni intellectuellement, ni financièrement).

  47. By Jean-no on Fév 20, 2013

    merci d. (Damien ?) et Douglas pour vos lumières et pour ces éléments.
    Le village croate d’où vient feu mon beau-père dispose d’un nombre de commerces ahurissant, mais petit à petit ceux-ci sont rachetés par la chaîne locale Konzum (qui ne veut rien dire mais rappelle « consommer ») qui, quand elle aura le monopole, fermera ses propres boutiques une à une, en ne gardant que le minimum de lieux et d’employés. C’est triste, les gens de là-bas ne se rendent pas compte qu’ils ne vont pas y gagner, ils vont juste perdre de l’emploi local. Mais je note une chose : dans ce village, si on veut lire un livre, on doit se taper une demi-heure de bateau pour aller dans une librairie qui elle-même n’est pas géniale : de tout le pays, je me demande s’il existe des lieux de culture – Zagreb, la capitale, sans doute, mais je n’y suis jamais allé. Voilà un endroit où Amazon fait nécessairement plus de bien aux lecteurs que de mal. Dans mon bled, pareil : il n’y a plus de librairies (il y en a eu, mais pas au delà de 1975 je dirais), les gens prennent la voiture (l’automobile a fait un tort considérable au commerce de proximité), mais moi qui n’en ai pas, je dois prendre le train pour la ville d’à côté (2,5€ l’aller-retour) où pour Paris (6,60€)… Ici aussi, en tant que lecteur, Amazon ne peut pas être une mauvaise nouvelle. Bien sûr, avec les divers éléments qu’on m’a fourni ces derniers jours, je constate (mais je le savais) qu’Amazon n’est pas une société fréquentable : comme toutes les multinationales, c’est un ogre qui sait profiter des décalages entre les législations, qui a le poids pour négocier (avec les distributeurs et les éditeurs mais certainement aussi avec La Poste, les urssaf, les ministères,…). Mais je retiens que leur intérêt restera toujours de vendre des livres, ce n’est pas un de ces commerces qui cherche à transformer son activité en rente et qui veut que ses usagers rapportent, qu’ils profitent ou non du service, comme c’est le cas dans la téléphonie. Donc si Amazon peut finir par manger Virgin, les Fnacs, et même les librairies indépendantes, son but n’est pas de tuer les éditeurs, les auteurs ou les lecteurs. Je ne nie pas que tuer la librairie physique soit une mauvaise nouvelle bien sûr. J’ai toujours énormément de mal à imaginer que ça puisse être le cas, parce que le service n’est pas le même, Amazon ne saura jamais montrer des livres et se contentera toujours de les référencer, ce qui n’est pas pareil du tout. D’ailleurs vu le nombre de gens qui tapent sur Amazon chaque fois qu’on en parle, et qui boycottent totalement cette enseigne, je finis par me demander si je ne suis pas un de leurs seuls clients en France :-)
    Mais il me semble qu’il y a un petit aveuglement dans tout ça, qui consiste à considérer le reste du domaine avec angélisme. Le monde du livre, ce n’est pas juste des gens qui aiment la littérature et qui se font conseiller par les libraires, ces passionnés… Le livre, c’est une quantité phénoménale de papier sali et plein de colle dont 99% est inutile à l’art littéraire ou à la connaissance et où la concurrence n’est pas nécessairement plus loyale parce qu’elle se fait dans des lieux non-virtuels. Le cas de l’éditeur Gallimard est très intéressant, pour moi, et très emblématique : quand on pense à cette boite, on voit la Pléiade et la collection blanche, on pense à tous les Nobels de littérature et à tous les Goncourt,… Ok. Mais on ne voit pas les petits éditeurs rachetés et parfois, je pense, dénaturés, on ne voit pas la cohorte d’auteurs (les universitaires notamment) qui acceptent des conditions qui seraient scandaleuses ailleurs en échange d’être associés à la légende, on ne voit pas la manière dont certaines œuvres sont prisonnières de cette maison et de son calendrier (rappelons-nous l’histoire d’une mauvaise traduction d’Hemingway que Gallimard impose car ses droits lui appartiennent). On ne voit pas non plus que Gallimard est un poids-lourd de la diffusion et de la distribution (Sodis, Sofedis), qui dicte sa loi à plein de petits éditeurs, même sans le savoir : pour mon essai sur la bande dessinée on m’a par exemple demandé de modifier ce que je disais sur Gallimard… Mais du point de vue du public, Gallimard, ça reste Gide, Malraux, Paulhan (et un peu Drieu la Rochelle, aussi, mais passons), donc une histoire « noble » d’auteurs. Aura qui a permis à la maison dde survivre à l’épuration, de profiter de subventions et d’être, si j’ai bien suivi/compris (mais je ne suis pas historien de l’édition, c’est à vérifier), protégé par l’État français contre ses concurrents, notamment les petits.
    Tout ça pour dire que l’image qu’on (moi le premier) a du secteur du livre est un peu naïve. Je ne dis pas qu’Amazon n’est pas le mal, hein.

  48. By d. on Fév 20, 2013

    (note : @douglas et moi avons écrit nos deux derniers messages en même temps et donc que je n’avais pas lu le sien avant de poster)

    précisons que le boycott du dernier blog évoqué ci-dessus (par le lecteur marxiste tendance groucho) me semble assez déplacé et inutile (précisons qu’à l’oral j’aurai dit idiot, ou couillon, mais écrit ça devient trop violent) : alors même que je suis à l’origine du questionnement sur amazon (via le billet précédent de jean-no), je pense que quitte à vouloir agir, commencer par s’attaquer à amazon aurait plus de sens, voire même encore plus si c’était seulement sur un boycott des livres trouvables facilement en librairie…

    mais le simple fait que jean-no pose la question clairement et laisse argumenter à peu près que des personnes opposées à ces liens commerciaux montrent une ouverture d’esprit et une transparence assez élégantes (sans vouloir faire de lèche).

    donc ne plus venir par ici pourquoi pas si ça te dit, camarade karl, mais appeler au « boycott » est faire référence à une réalité historique un peu trop vaste pour les épaules d’un blog personnel, me semble-t-il – et je crois que les marxistes devraient connaître le sens des luttes et les situer dans un rapport de force historique adéquat, et ne jamais oublier que les mots ont un sens (ou si je me trompe ?).

  49. By Jean-no on Fév 20, 2013

    @d. : je prends cette idée de boycott comme un gag parce qu’à vrai dire je ne vois pas trop ce que signifie « boycotter un blog » : on le suit ou on ne le suit pas, mais son destin économique n’est pas lié à sa fréquentation ;-)

  50. By damien on Fév 20, 2013

    (oui, « damien » – désolé c’est une vilaine habitude peu élégante de n’utiliser que le d. ; et là encore jean-no et moi répondions en même temps, d’où ces notes :)

    @jean-no : ce n’est pas un de ces commerces qui cherche à transformer son activité en rente et qui veut que ses usagers rapportent tu plaisantes, je suppose ? ou si tu n’as jamais entendu parler du capitalisme ?

    quand à gallimard, tout à fait d’accord (et tu as oublié Céline dans ta jolie liste) – mais rassure-toi, je suis globalement et outrancièrement contre toutes les grosses boites, ma préférence ne va pas qu’aux ricains ou aux e-commerçants.

  51. By Jean-no on Fév 20, 2013

    @damien : attends, il y a rente et rente. À la fin, Amazon vend bien des livres, son but n’est pas de s’aliéner des clients (j’exclus le livre numérique de l’histoire) comme le faisait (fait ?) par exemple France-Loisirs qui piégeait les gens avec des petits prix de départ puis leur envoyait chaque mois les livres qui l’arrangeait. Amazon reste un commerce honnête du point de vue de sa clientèle au sens où son métier reste de vendre aux gens ce qu’ils veulent effectivement acheter. C’est idiot mais beaucoup de services ne fonctionnent pas du tout sur ce mode et piègent directement et à court terme leurs clients – la téléphonie était un des pires cas à mon avis. C’est ce que je voulais dire par là.
    Sur Gallimard, maintenant : en tant que lecteur, qui pourrait les boycotter ?

  52. By damien on Fév 20, 2013

    @jean-no : désolé, mais je persiste à croire qu’il n’y a aucun altruisme ou ‘goût culturel’ chez amazon : le livre (numérique ou pas) est juste un produit pour eux, et il me semble que ce qui les sauve à tes yeux (et un peu aux miens) au regard d’une librairie classique est juste le fait que leur système de gestion de stock permet la diffusion des petits.

    mais le jour où ils décideront que même dans leurs entrepôts pas chers en rase campagne ou en chine, et même avec une main d’œuvre exploitée au maximum (ou des robots, peu importe), le coût de stockage empêche une économie d’un pouillème d’euro, ce jour là je ne suis pas certain que ce soit cinquante nuances de gris qui quitte le catalogue.

    sinon il faut m’expliquer pourquoi même apple – une des société qui fait le plus attention à son image de marque – produit des appareils dans d’horribles conditions chez foxcon alors que les faire aux US augmenterait le coût de main d’œuvre de façon dérisoire au regard du prix de vente final (la main d’œuvre étant ce qui coûte le moins cher dans la production, cf. par ex. http://www.webactus.net/actu/12135-un-iphone-coute-a-apple-30-de-main-doeuvre/).

    je crois que si amazon distribuait autre chose que des livres, auxquels ont est tous attachés ici semble-t-il (je ne sais pas, moi : des lasagnes de cheval, par ex. ?), on n’aurait pas ce débat et on considèrerait juste la machine infernale qu’est cette entreprise.

  53. By Jean-no on Fév 20, 2013

    @Damien : ah mais je n’ai pas dit qu’ils étaient altruistes ou même intéressés par la culture hein ! Ils vendent du livre comme ils vendraient n’importe quoi (je pourrais dire « comme ils vendraient des poireaux ou des choux-fleurs » mais je connais des gens qui vendent les poireaux et les choux-fleurs avec soin et engagement…), je n’ai aucun doute sur ce sujet. Du reste ils le font déjà. Ils ont une légère politique culturelle, si j’ai compris, en pratiquant une remise pour les éditeurs non-rentables (c’est ce que dit un des articles de Rue89 mentionnés plus haut mais je ne comprends pas le détail de cette remise).
    Je me demande si ta dernière remarque ne peut pas être retournée : si Amazon ne s’occupait pas de livre mais était né d’abord pour vendre des ordinateurs, de l’électro-ménager ou que sais-je, est-ce qu’ils ne seraient pas la cible de moins de reproches ? Il me semble que c’est justement le fait qu’Amazon parle de quelque chose d’aussi important, intime, affectif que la culture qu’il y a une réaction si forte. Je connais des gens qui me disent « je boycotte Amazon parce qu’ils font du mal au livre », etc., mais pour d’autres produits les gens boycottent en raison d’une expérience personnelle : « plus jamais Dell car j’ai eu un problème de SAV et… ».
    Sans vouloir argumenter beaucoup plus, il me semble effectivement que le livre n’est pas n’importe quel produit, mais il me semble qu’Amazon est loin d’être seul à traiter le livre comme n’importe quoi, et pas seulement parce que c’est une grosse boite – il existe des mauvaises petites librairies, des mauvais petits éditeurs, et même de terribles escroqueries dans le domaine. Je ne possède que des indices, pas une vraie vue d’ensemble, mais je ne crois pas que le marché du livre hors-Amazon soit forcément sain.
    Une expérience d’auteur, par ailleurs : mon livre sur Les Fins du Monde n’est pas un livre « évènementiel », il ne traite pas du 21 décembre 2012 en dehors de quelques lignes anecdotiques. Pourtant, pas mal de libraires semblent avoir décidé le contraire et ne le commandent plus, le traitent comme un objet périmé (j’espère au moins qu’ils ne l’ont pas renvoyé, mais rien n’est moins sûr). Ben, sur Amazon, il existe toujours (et il se vend). Le libraire met en avant les livres qu’il aime, les auteurs qu’il aime, mais c’est à double-tranchant et il peut faire du tort à un projet en fonction de ses préjugés. À vrai dire, sur certains gros tirages, le circuit de diffusion/distribution dispose d’un vrai pouvoir sur les livres et dicte les dates de sortie, mais peut aussi être consulté – puisqu’il est un partenaire important – sur les couvertures, les titres, et parfois même le contenu. Si si. À ma connaissance, sur ces points, Amazon est neutre.

    Je dois dire que j’ai plus peur d’Apple que d’Amazon, ils ont infiniment mieux verrouillé leur marché et leur clientèle qui subit le moindre changement de politique, sans parler bien sûr des employés des sous-traitants.

  54. By damien on Fév 20, 2013

    (ah oui attention : mon deuxième ‘métier’ c’est ouvrier-agricole en maraîchage*, et au terrain on ne plaisante pas sur l’amour des légumes)

    (*authentique)

  55. By Karl-Groucho D on Fév 21, 2013

    Y en a un peu plus, jvoulmèkan même ?

    http://www.slate.fr/lien/68407/amazon-gardes-neo-nazis

    Sûr que c’est des gentils. La preuve.

  56. By Jean-no on Fév 21, 2013

    @Karl-Groucho : c’est peut-être pas la peine de poster ce même message en commentaire à tous les articles ? J’ai moi-même posté un lien vers un article en rapport ici-même il y a une semaine. Ceci étant dit, Amazon n’est pas responsable direct, difficile de savoir s’ils se défaussent derrière un prestataire de prestataire ou s’ils sont responsables de quelque chose.

  57. By Karl-Groucho D on Fév 21, 2013

    M’étions gouré de bas de page… Eh… Zédolé.
    Il n’empêche, tous ces monstres cacapitalos sont pour moi à boycotter totalement. Question d’éthique et de résistance. Les seules exceptions qu’il peut m’arriver de faire, c’est d’acheter directement chez un éditeur. S’il est petit petit et n’a pas les moyens de se taper les diffuseurs. Et ceci étant dit, je préfère les emprunts (bibliothèques ! Avec lesquelles j’ai pas mal bossé). Mais en pleine cambrousse, quelle pauvreté (qui résulte de CHOIX des policards qui s’en tapent joyeusement).

  58. By Jean-no on Fév 21, 2013

    @Karl-Groucho : Ah, ok, désolé, je croyais à une espèce de spam insistant :-)
    Je suis très pour les bibliothèques, mais pour le coup, il me semble qu’elles ne nourrissent pas énormément les éditeurs ni les auteurs, excepté les auteurs les plus souvent acquis, qui tirent un revenu des droits « Sofia » (2€ par livre acheté par une bibliothèque, à partager entre l’éditeur et l’auteur) qui augmentent le coût des livres et forcent sans doute (?) nombre de bibliothèques à acquérir les auteurs les plus empruntés : un surcoût de 2€ pour un « Max et Lili » qui sort toutes les semaines est une meilleure affaire que pour un essai pointu qui n’est emprunté qu’une fois tous les deux ans. Enfin j’imagine mais pour le coup je connais très mal le fonctionnement des bibliothèques.

  59. By Cyril on Fév 21, 2013

    @Jean-no : A moins que les choses n’aient beaucoup changé depuis que je ne travaille plus en bibliothèque, les rapports bibliothèques-éditeurs-libraires me semblent différents de ce que tu décris : depuis la loi du 18 juin 2003 les bibliothèques, qui bénéficiaient souvent de remises importantes (25 à 30%) auprès des libraires auparavant, n’ont plus que 9% de remise. Les libraires doivent de surcroit verser 6 % du prix de l’ouvrage à la SOFIA (ce qui fait que les libraires au lieu de vendre des ouvrages remisés à 25 ou 30% vendent aux bibliothèques des ouvrages remisés à 15%). Dans mon souvenir, cela n’a jamais joué sur les acquisitions en bibliothèques où l’adaptation à son public ainsi que la mise en place d’une politique cohérente d’acquisitions (objectifs parfois contradictoires) dans des budgets nécessairement contraints sont les paramètres déterminants des acquisitions.

    J’ai travaillé comme libraire par la suite et s’il y a une chose que je peux dire c’est que l’ouverture d’une bibliothèque est la meilleure chose qui puisse arriver à un libraire : s’il y a lieu d’opposer les moyens d’acheter comme j’ai pu le faire plus haut (un achat dans un réseau se substitue à un achat dans un autre : tout livre acheté en ligne ne l’est pas en librairie physique), en revanche les pratiques culturelles relatives au livre sont cumulatives pour ceux qui les pratiquent : ceux qui achètent les livres sont aussi ceux qui empruntent en bibliothèque (Cf. l’enquête sur les pratiques culturelles de O. Donnat). L’emprunt en bibliothèque ne se substitue pas à l’achat (alors que l’inverse est vrai), il dynamise la librairie.
    De plus par les animations, les invitations d’auteurs (qui permettent aussi aux auteurs de valoriser leur travail auprès des lecteurs, de leur donner envie, contre aussi une rémunération) et le soutien à la lecture en général les bibliothèques sont un moteur pour le monde du livre, la vie des libraires, des éditeurs et des auteurs.
    Je ne vois donc pas trop pourquoi tu dis qu’elles ne nourrissent pas trop les éditeurs ni les auteurs. Combien d’auteurs découverts en bib sont achetés par la suite ?
    En tout cas en tant qu’éditeur, les bibliothèques sont pour moi des acteurs incontournables (ce ne sont pas les seuls) qui nous nourrissent.

    Voir ici http://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/document-48463

  60. By Jean-no on Fév 22, 2013

    @Cyril : Au temps pour moi, merci de ces éclaircissements, je vois que ça ne se passe pas du tout comme je croyais, et en fait je crois que je comprends encore moins le système SOFIA (dont je me souvenais surtout les prémisses, on disait que ça allait tuer les bibliothèques) que ce que je pensais : donc les libraires compensent la taxe !? En tout cas, tu remarqueras que je ne mentais pas en disant que je ne connaissais pas grand chose au système :-)
    Bien sûr, une bibliothèque est un lieu très important. Ceci dit je connais beaucoup de gens qui fréquentent ces lieux pour ne pas acheter de livres et qui n’en achètent pas – mais peut-être que ces mêmes personnes n’achèteraient pas de toute façon (je pense aux étudiants, par exemple, qui ont des ressources limitées).

  61. By Cyril on Fév 22, 2013

    @Jean-no : « on disait que ça allait tuer les bibliothèques », il est sûr que cela a été difficile pour les bibliothèques de voir les remises faites par les libraires baisser de 25-30% à 9%. Pour le libraire il s’agit d’une baisse de sa remise de 25-30% à seulement 15 % vu qu’ils doivent reverser 6% à la Sofia. Mais en même temps ils ont gagné environ 10 %… qui devient leur marge réelle dans les ventes avec les bibliothèques. On peut aussi voir cela comme une subvention déguisée imposée aux collectivités territoriales envers le secteur marchand du livre.
    De plus la bibliothèque est tout de même un gros acheteur. De plus, cela a permis également aux petits libraires de pouvoir soumissionner aux marchés publics dans la mesure où ils ne sont plus obligés de se lancer dans une course à l’échalotte du dumping à la remise. Ce que d’autres sociétés faisaient auparavant. Là c’est 9% pour tous. Le choix pour le marché public se reporte sur le service (rapidité de livraison etc. dont on sait qu’il peut être problématique !).

  62. By Jean-no on Fév 22, 2013

    Je me demande quelle est la marge dans les bibliothèques entre l’intervention des bibliothécaires (qui aiment des livres et des auteurs, et veulent les faire découvrir) et la pression du public qui veut les derniers best-sellers…

  63. By Cyril on Fév 23, 2013

    Disons que là aussi c’est un peu plus compliqué : un des cœur de métier de bibliothécaire (du moins du responsable pour les gros établissements) consiste en l’établissement d’une charte d’acquisition (ou tout autre nom qu’on voudra lui donner). Ce document contractualise avec la tutelle comment se décident et sont bornées les acquisitions.
    Cela permet d’éviter le plus grand nombre de dérives, des plus grossières (vous n’achèterez pas de livre de l’orientation politique de Truc qui est dans l’opposition dans la commune dont je suis le maire (on peut varier les associations : pas de livre olé-olé dans ma commune à tendance catho etc. ) à des demandes dont la légitimité est plus difficile à critiquer : « comment ? Vous n’avez l’intégrale de Bidule, écrivain génial et méprisé par l’intelligentsia germanopratine (et accessoirement frère-ami-amant-copain de régiment de votre interlocuteur) ? ou « le manuel de l’élevage en placard des escargots amazoniens en 27 tomes », comment refuser « en droit » une demande que l’on peut qualifier de loufoque ou trop spécialisée tout en restant au service du public si ce n’est avec un document qui donne une politique d’acquisition ?

    Les acquisitions se font en fonction d’une logique de cohérence de la collection existante, mais aussi en fonction d’un public qu’il faut identifier : on connait son public et on le caractérise en fonction des usages déjà existants : il ne sert à rien d’acheter l’intégrale de Oui-Oui dans un quartier sans école et dont la démographie est essentiellement composée de séniors (inversement viennent-ils souvent avec leurs petits-enfants ?), une bib en zone à très fort taux d’immigration de première et seconde génération peut évidemment constituer un rayon apprentissage du FLE/FLS. Les exemples qui précèdent sont un brin caricaturaux mais montrent une logique.
    Par ailleurs, cela permet aussi de lutter contre l’effet « comme c’est moi qui achète je me fais plaisir » (même s’il très courant de jubiler lorsque les cartons arrivent !). On n’achète pas pour soi mais pour la bibliothèque dont le fonds est à envisager comme un organisme vivant : il faut le désherber régulièrement comme lorsque l’on taille un arbre : les ouvrages périmés (tant par l’aspect que par la vie même de l’œuvre)sont à retirer (ou remplacer) car ils empêchent d’accéder, ils cachent, par leur simple présence, des ouvrages pertinents et déjà présents.

    Cependant il n’y a pas lieu d’opposer bibliothécaires et public : il n’y a pas à mon sens d’un côté le bibliothécaire qui aime les livres, LUI, et le public qui n’y connait rien et qui ne veut que la dernière m… Tu ne l’as pas dit aussi explicitement, mais j’ai cru (à tort ?) l’entendre dans ta dernière phrase. En effet, il existe toujours parmi les lecteurs des experts dans tel ou tel domaine qui renvoient le bibliothécaire à une certaine modestie et les derniers best-sellers ne méritent pas forcément autant d’indignité. Enfin le bibliothécaire est un fonctionnaire qui, par devoir de réserve n’a pas à juger les lectures des usagers. On peut plutôt l’imaginer comme un chef d’orchestre en charge de faire vivre un fonds, vivant et fluctuant, ou plutôt comme un jardinier si on veut filer la métaphore végétale (le désherbage). Pour aller un peu plus loin, il me semble même que le mépris implicite/silencieux et pourtant très perceptible envers les lectures de moindre « qualité » (bien sûr que Marc Lévy n’a pas le même poids littéraire que Victor Hugo) et envers les gens qui s’y adonnent (dis-moi ce que tu lis et je te dirai qui tu es) qui poussent justement les petits lecteurs (au sens de nombre de lectures) vers les structures qui ne sont pas des librairies : supermarchés et/ou librairies en ligne afin de pouvoir acheter et lire sans jugement ce qu’ils veulent (ce qui est à mon sens une des qualités des librairies en ligne notamment, malgré le fait que plus haut j’ai pu laisser croire que j’en pensais du mal). La théorie de l’habitus est à mon sens pertinente.
    Un des défauts majeurs des usages visibles et valorisés autour du livre (apéritifs littéraires, mais aussi des librairies indépendantes avec un fonds très pensé dont j’ai pu dire tout le bien que j’en pensais plus haut etc.) c’est de crier au non-lecteur que ce n’est pas pour lui, qu’il n’est pas à sa place. Tous les codes de l’habitus « lecture = culture » s’y cumulent comme autant de facteurs intimidants/excluants. Ce lecteur « fragile » dans son rapport au livre, marqueur culturel et socio-culturel par excellence, osera-t-il seulement entrer et demander tel best-seller dont il sait confusément qu’il ne s’adresse pas aux lettrés (mon propos est un brin excessif pour la clarté de l’exposé, mais pas tant que ça, je le crains) ?

  64. By Jean-no on Fév 23, 2013

    @Cyril : marrant, je parlais de ça sur Twitter pas plus tard qu’hier, avec l’art contemporain qui fait fuir les gens parce qu’ils pensent que les œuvres les jugent, ou en tout cas que leur jugement va être lui-même jugé. Du coup ils n’osent pas aimer, ne pas aimer, ils se demandent ce qu’il faut penser. Et j’ajoutais que c’est à mon avis ce quelque chose de proche qui amène les gens vers les Macdos et les Starbucks : ces endroits ne réclament ni cérémonie ni appartenance à un groupe, ils se présentent comme « pour tout le monde ».

  65. By Cyril on Mar 2, 2013

    Pour alimenter la réflexion sur le rôle des opérateurs majoritaires dans la diffusion des œuvres de l’esprit.
    http://www.actualitte.com/univers-bd/apple-frappe-de-censure-lucky-luke-dictature-de-l-operateur-unique-40604.htm

  66. By Alexandre Girardot on Déc 7, 2013

    Hier, Denis Robert a annoncé publiquement qu’il boycottait Amazon.
    http://www.longshupublishing.com/denis-robert-cest-bon-je-boycotte-amazon/

Postez un commentaire


Veuillez noter que l'auteur de ce blog s'autorise à modifier vos commentaires afin d'améliorer leur mise en forme (liens, orthographe) si cela est nécessaire.
En ajoutant un commentaire à cette page, vous acceptez implicitement que celui-ci soit diffusé non seulement ici-même mais aussi sous une autre forme, électronique ou imprimée par exemple.