Dark Star
novembre 16th, 2008 Posted in Ordinateur au cinémaDark Star (1974) était à l’origine un film estudiantin de John Carpenter et Dan O’Bannon. Réalisé avec des bouts de ficelles au format 16mm, il ne durait que quarante-cinq minutes. John Carpenter est scénariste, réalisateur et auteur de la bande originale (fonction qu’il a assuré pour presque tous ses films depuis) tandis qu’O’Bannon est co-scénariste, réalisateur des effets spéciaux et acteur. Le succès de ce moyen-métrage dans de nombreux festivals a donné à un producteur l’idée d’étirer le montage pour obtenir un film suffisamment long pour être exploité en salles.
Le film raconte l’histoire d’une équipe d’astronautes qui ont pour tâche de détruire des planètes encombrantes. Au moment où débute le récit, leur périple dure depuis vingt ans et leur capitaine, décédé, ou presque, est conservé dans un congélateur. Barbus et vaguement dépressifs, les membres de l’équipage souffrent d’un ennui mortel. Le pilote refuse d’avoir des contacts humains, et un autre astronaute a adopté une entité extra-terrestre qui ressemble à un gros ballon gonflable de plage muni de serres. L’animal s’échappe dans le vaisseau et s’avère espiègle et même peut-être hostile. L’idée de l’extra-terrestre dangereux en vadrouille dans un vaisseau spatial a été reprise par le même scénariste Dan O’Bannon, cinq ans plus tard, dans le film Alien : le huitième passager. Dark Star est en quelque sorte un pastiche d’Alien si ce n’est que, pour une fois, le pastiche précède son modèle. Un autre élément commun à Dar Star et à Alien est le nom de l’ordinateur de bord : Mother.
Le sergent Pinback (interprété par O’Bannon) poursuit l’extra-terrestre qui l’a agressé dans le vaisseau et manque par sa faute de mourir broyé dans une cage d’ascenseur. Franchement fâché, il tire finalement avec une fléchette anesthésique sur l’animal… qui se dégonfle bruyamment comme un ballon de plage.
Une fois cette affaire réglée survient un second incident, encore plus grave : une bombe a été armée et est prête à être lancée sur une planète gênante, mais un accident rend son éjection totalement impossible. Fixée au vaisseau, elle va donc le pulvériser. Comme il ne reste qu’une quinzaine de minutes avant la tragédie, l’équipage panique. Deux de ses membres en viennent au mains et un autre décide d’aller demander conseil au commandant décédé du vaisseau. Conservé dans la glace, celui-ci n’est apparemment pas totalement mort et il peut répondre aux questions tout en se plaignant que personne ne vienne jamais le voir ou qu’on ne le fasse que lorsque l’on a besoin de lui et non pour le plaisir de lui rendre visite.
La bombe « thermostellaire exponentielle » numéro 20 est dotée d’une intelligence artificielle qui lui permet de tenir une conversation et de raisonner. La négociation est cependant ardue car l’engin est absolument persuadé d’un fait : ce pour quoi il a été conçu, son seul et unique but, est d’exploser.
Powell, le commandant congelé, suggère au lieutenant Doolittle d’engager la conversation sur la voie de la phénoménologie. La scène est assez savoureuse : les chiffres du décompte défilent et le seul moyen de les arrêter semble être la métaphysique… L’astronaute entame donc un dialogue philosophique désespéré et amène la bombe numéro 20 à s’interroger sur la nature de la réalité et sur ce qu’elle sait réellement du monde en dehors d’elle-même. Finalement sensible à cette argumentation, la machine infernale accepte de suspendre son explosion le temps de réfléchir sérieusement à ces questions.
Le répit n’est pas long car au terme de son raisonnement philosophique, la bombe numéro 20 décide que rien n’existe qu’elle et qu’elle ne peut donc être autre chose que Dieu. Elle explose finalement. Le vaisseau Dark Star est détruit, le commandant congelé disparait dans le vide et les deux derniers survivants, Talby et Doolittle, dérivent dans l’espace. L’un part mourir parmi des astéroïdes tandis que l’autre utilise un des débris du vaisseau comme planche de surf et entame une chute fatale vers l’atmosphère de la planète que la bombe aurait du détruire.
Le film se termine sur une balade de musique « country ».
Dark Star est un curieux petit film. Son rythme mou colle au propos (la lassitude d’un équipage) et son humour noir rappelle la tradition de la science-fiction littéraire plus que celle du space opera de cinéma. L’idée du commandant congelé est d’ailleurs empruntée à Philip K. Dick (What the Dead Men Say, 1963) et la conversation finale entre les deux survivants de l’explosion, à Ray Bradbury (Kaleidoscope, 1949).
Nous ne sommes pas loin de la science-fiction désespérée et poétique de Silent Running (1972), mais Dark Star a quelque chose de trivial, de bouffon, de bâclé, qui empêche le spectateur de s’investir affectivement dans le récit.
11 Responses to “Dark Star”
By david t on Nov 16, 2008
je crois que la conversation entre l’astronaute et la bombe a été échantillonnée dans une pièce de disrupt («bomb 20» sur le disque foundation bit). en fait je n’en suis pas certain mais comme tu le décris ça me semble coller assez bien.
tiens, tu peux même l’écouter sur imeem.com et confirmer ou non qu’il s’agit de ce film:
http://www.imeem.com/people/XGlHZnS/music/VKWRQLHZ/disrupt_bomb_20/
belle chronique comme toujours.
By Jean-no on Nov 16, 2008
Je te confirme l’origine du sample ! Je ne connaissais pas ce morceau, merci.
By david t on Nov 16, 2008
en plus après coup je me rends compte qu’il s’agit de la «bombe numéro 20»… :)
depuis que je possède ce (très bon) disque que je me demandais d’où pouvait bien provenir cet échantillon, non crédité dans la pochette, et sans doute utilisé sans permission…
By Jean-no on Nov 16, 2008
ça peut hanter, ces histoires de samples. Pour la musique on trouve souvent, il y a des raisons légales (et des sites web qui recensent les titres utilisés), mais pour les dialogues de films c’est plus difficile. L’autre jour en regardant Ragtime (Milos Forman) j’ai découvert l’origine d’un bon quart des samples de Que Sera, par Wax Taylor. J’en ai ressenti une espèce de soulagement. Maintenant j’aimerais trouver l’origine des samples de Frontier Psychiatrist par The Avalanches et de Shanty Town, par Mr Scruff.
By Wood on Nov 16, 2008
Encore un qui est depuis des années sur ma liste de « films qu’il faudrait que je voie un jour »
By david t on Nov 17, 2008
pour tes deux pièces, je ne vois vraiment pas… il faut dire que ma culture cinématographique est assez limitée… :)
By Jean-no on Nov 17, 2008
Ben même quand on a vu les films, à moins de super-indices (par exemple quand quelqu’un parle à une bombe, c’est un dialogue pas banal) je crois qu’il faut écouter quinze fois les morceaux et revisionner le film après pour découvrir d’où sortent les mots…
J’étais tout content d’avoir trouvé un truc une fois, enfin je me rappelle très bien de l’origine du sample mais pas du morceau musical (un truc de techno-house mâtinée peut-être mâtinée de jungle)… ça passait son temps à dire « Attention zone five, Attention zone five » et en fait c’est extrait de « Le Jour où la terre s’arrêta ».
By Jukurpa on Nov 17, 2008
Cette idée de dialogue avec une bombe a été il me semble repris dans Starship Titanic de Douglas Adams et Terry Jones. Bien que le ton ne soit exactement le même, la scène est également d’anthologie. je vous le conseille.
By Erwann S on Mai 18, 2015
pour les samples, il faut aller voir sur WhoSampled !
Par exemple pour Frontier Psychiatrist on trouve ça : http://www.whosampled.com/The-Avalanches/Frontier-Psychiatrist/samples/
(oui je fais ce commentaire 7 ans après le post original…)
By Erwann S on Mai 18, 2015
et moi aussi ça fait des années que je me demande d’où viennent les voix de Shanty Town !
Du coup je suis allé voir sur whosampled, une partie vient donc d’une histoire de l’horrible locomotive Thomas, narrée par Ringo Starr…
http://www.whosampled.com/sample/337843/Mr.-Scruff-Shanty-Town-Thomas-the-Tank-Engine-Thomas-Goes-Fishing/
Mais juste la phrase de la fin (« they add a lovely supper etc »)
By Jean-no on Mai 18, 2015
@Erwann : merci pour l’adresse ! C’est le genre de site qui permet de se débarrasser de certaines obsessions :-)