Dans le film Danse avec les loups (1990), qu’il a réalisé et dont il est l’acteur principal, Kevin Costner confrontait la barbarie civilisée des colons avec la civilisation sauvage des amérindiens. Dans Open Range (2003), dont il est réalisateur, il s’intéresse à l’affrontement entre deux versions du rêve américain : ceux qui veulent profiter de la liberté des grandes plaines et veulent conserver le libre accès aux pâturages et aux points d’eau, opposés à ceux qui veulent poser des clôtures de fils barbelés1.
Avec Waterworld (1995), dont il est un des producteurs, il incarne une sorte de Mad Max en catamaran sur la terre de l’an 2500, qui n’a de terre que le nom puisqu’elle est recouverte d’une mer géante. On en reparlera.
On sait par ailleurs que Kevin Costner soutient le parti Démocrate et notamment, l’écologiste Al Gore. En 1995, l’acteur a acheté une société créée par les États-Unis, Ocean Therapy Solutions, qui développe un système de séparation de l’eau et du pétrole lors des marées noires. Il est difficile de trop s’avancer à ce sujet mais il semble que Costner se sente personnellement concerné par les questions de civilisation humaine et de déclin écologique. Tout comme Charlton Heston ou Mel Gibson, par exemple, mais d’une manière politiquement opposée.
En 1997, Costner a sorti The Postman, un film adapté d’un roman de David Brin qui a une intrigue bien plus complexe et qui est nettement meilleur. Le film a coûté quatre-vingt millions de dollars mais n’a rapporté qu’un cinquième de cette somme. Les catastophes de ce genre sont les seules à n’être jamais appréciée ni pardonnée à Hollywood, et The Postman a reçu cinq Golden Raspberry Awards — les oscars de la honte —, dont ceux du pire film de l’année, du pire acteur et du pire réalisateur.
Pourtant, ce n’est pas un film inintéressant, loin de là.
L’histoire commence en 2013, quinze ans après le déclenchement d’une guerre nucléaire en Europe. Les structures des États-Unis se sont complètement effondrées. Parmi les survivants, Gordon Krantz circule de village en village avec son cheval Bill, avec qui il interprète des versions comiques des pièces de Shakespeare.
À la même époque, un homme qui se fait appeler le Général Bethlehem tente de prendre le pouvoir dans le pays à la tête d’une armée fasciste. Ce chef de guerre enrôle de force Krantz, qui ne résiste pas mais s’échappe à la première occasion. Alors qu’il s’est réfugié dans un convoi postal abandonné, Krantz découvre une besace remplie de lettres à poster, qui date d’avant la catastrophe. Il décide d’utiliser ce trésor apparemment inutile comme laisser-passer : chaque fois qu’il veut entrer dans un village et y être nourri et choyé, il prétend être un facteur et affirme que le gouvernement des États-Unis vient de renaître et a restauré le service des postes. Il accepte de se charger des nouvelles lettres qu’on lui confie. Ce qui n’était au départ qu’une astuce à la limite de l’escroquerie finit par devenir un vent d’espoir dans tout le pays, créant des vocations spontanées de postmen, ce qui irrite énormément le Général Bethlehem qui craint que cela ne sape son autorité.
La suite du film ne mérite pas tellement d’être racontée, on tombe dans le film d’action post-apocalyptique assez banal, avec le combat de l’armée du Général Bethlehem contre les facteurs, dont l’organisation est devenus une quasi religion, qui se sont organisés et qui ont même réinventé le principe du tri postal. L’épilogue, situé des décennies plus tard, montre l’inauguration d’une statue du Postman, dans un monde apparemment « réparé ».
On retiendra du film une affirmation forte, déjà présente dans le roman, et qui mérite d’être méditée : l’État, voire la civilisation, selon la philosophie développée dans The Postman, ne procède pas de la force et de l’autorité, mais du service public, de la communication et du lien social.
- Je n’ai pas vu Open Range, qui me semble être une version light du Heaven’s Gate de Michael Cimino qui racontait comme les grands propriétaires terriens de l’ouest ont massacré méthodiquement les immigrants pauvres qui se trouvaient sur leurs terres. Le western est le genre roi pour disserter sur la question de la civilisation ou des libertés. Il entretient plus d’un rapport avec les fictions post-apocalyptiques. [↩]
Open Range est un peu gnan-gnan et moralisateur, voire carrément chiant durant les trois premiers quarts, et puis soudain la fusillade commence enfin, et là, pour le coup, ça devient apocalyptique.
Pour le dernier paragraphe, néanmoins le film mérite d’y jeter un oeil. Mon côté fleur bleue très probablement; mais c’est ici l’un des rares films apocalyptique dont la seule issue se souhaite optimiste par une forme de « socialisme ». L’emploi du terme est entre parenthèse car comme tu le signales, l’organisation et l’espoir qu’elle génère se mue en religion, secte.
Moi j’avais bien aimé Open Range. Qui n’est pas si proche que ça de Heaven’s gate. Je trouve que le film de Cimino annonce vraiment la fin de l’âge d’or du western. Fini les grandes plaines avec l’arrivée de tous les petits propriétaires terriens.
Dans Open Range on est plus proche de la lutte classique entre grand propriétaire et cowboys solitaires. Mais comme le dit wood, la fin assez brutale contraste fortement avec un début de film beaucoup plus lent. A noter que le personnage de Kevin Costner est assez torturé par des horreurs qu’il a commis lors de la guerre (je ne me souviens plus s’il s’agit de la guerre de sécession ou des guerres indiennes).