Charb est mort hier matin, mais depuis, pourtant, si je vois passer un de ses dessins, je ne peux pas croire qu’il n’y en aura plus jamais d’autre. Et autant avec tous ses collègues assassinés. Le dessin redonne toute sa vie à la main qui l’a tracé, à l’esprit qui l’a pensé, à l’humeur qui l’a motivé. Parce que le dessin, c’est le souvenir d’un geste, d’une personnalité, d’un regard sur le monde, de quelque chose de vivant. Le dessin est magique, son auteur ne meurt jamais vraiment, quand bien même on aurait oublié son nom pour toujours. Tous les arts sont magiques pour cette même raison, bien sûr : le temps de la lecture ou de l’écoute, un texte ou une mélodie font exister celui ou celle qui les a créés, mais le dessin, c’est encore autre chose, même un gribouillis, une rature (l’écriture manuscrite est aussi du dessin, après tout), ont ce pouvoir magique de témoigner que quelqu’un a été vivant.
Bien sûr, ce n’est pas une si grande consolation.