Moi aussi j’ai été syndicaliste étudiant

Faisons taire les rumeurs et avouons tout : j’ai moi aussi fait partie d’un syndicat étudiant. Ou plus précisément un syndicat écolier. J’étais alors en classe de troisième, et vers la fin de l’hiver, le chauffage est tombé en panne. Après plusieurs jours de cours à douze ou treize degrés, une manifestation spontanée d’élèves avait eu lieu devant la grille de l’école : « on veut du chauffage, sinon on arrête de travailler ! ».
Cet événement m’a décidé à fonder le Syndicat des Élèves dont je fus l’unique adhérent (dispensé de cotisation). Trop timide, je n’avais entrainé personne dans l’aventure, j’étais donc aussi la seule personne à connaître l’existence de ce syndicat, du moins jusqu’à ce que je glisse un tract de revendications sous la porte de la principale de l’établissement. Je ne sais plus ce que contenait ce tract mais il ne se limitait pas aux questions de chauffage. On n’a pas tardé à m’identifier car j’avais imprudemment posté mon message devant deux élèves de sixième qui ont été interrogés et n’ont pas eu de mal à me décrire, puisque j’avais depuis quelques jours la tête rasée (eh oui, non seulement j’ai adhéré à un syndicat étudiant mais c’était un syndicat étudiant de crânes rasés), ce qui n’était pas courant. Pour tout dire, j’avais tenté de me faire une crête punk, mais à force d’égaliser, il ne m’était pas resté beaucoup de cheveux sur la tête, et puis mes cheveux étaient plats, j’ignorais sans doute l’existence du gel, ma crête ne ressemblait à rien. Je m’étais aussi percé l’oreille avec une épingle à nourrice, tout seul, en pleine nuit, opération qui m’avait vivement fait souffrir sur le coup et a continué de me faire souffrir longtemps après car malgré mes précautions, le lobe de mon oreille s’était infecté.

En bas à droite…

Identifié, donc, j’ai été convoqué par la directrice et la principale du collège, que j’ai découvertes paniquées par mon syndicat. Plutôt que de d’avouer que j’étais tout seul, j’ai expliqué que je n’étais qu’un messager, que nous étions nombreux et organisés. Je refusai de donner des noms. Au bluff, la principale et la directrice m’ont dit qu’elle savaient qui d’autre était dans ma bande…

Au fond j’en suis sorti assez fier de moi : mon syndicat était crédible et avait fait trembler l’équipe de direction, il existait car j’avais réussi à faire croire à quelqu’un qu’il existait.
L’affaire n’est pas allée plus loin, mais je peux donc me vanter d’avoir un passé de syndicaliste étudiant. Mais un syndicalisme tout seul dans mon coin. Comme j’étais punk tout seul dans mon coin, d’ailleurs. D’une certaine manière, ça ne m’étonne pas de moi, je crois que je n’ai pas beaucoup changé. Contrairement à certains qui se renient désormais, je peux donc dire que mon engagement politique juvénile et mon engagement politique sénile ne font qu’un : je suis l’unique membre de ma bande.

2 réflexions au sujet de « Moi aussi j’ai été syndicaliste étudiant »

  1. Ton histoire me fait penser à ces gars (toujours que des gars d’ailleurs) que l’on croise dans les petites villes au volant de leur voiture. Fenêtres toutes grandes ouvertes, musique à donf… et eux tout seul au volant.

    Instant toujours drolatique et moment de solitude sans fin.

    Éternité aussi qui se termine en un court texte comme celui-ci, ou dans une chanson comme celle de Renaud.

  2. Bon ça va : t’as de la marge avant d’atteindre le nombre fatidique = 4 ! 🙂

    « Cher monsieur, m’ont-ils dit, vous en êtes un autre »,
    Lorsque je refusai de monter dans leur train.
    Oui, sans doute, mais moi, j’fais pas le bon apôtre,
    Moi, je n’ai besoin de personn’ pour en être un.

    Le pluriel ne vaut rien à l’homme et sitôt qu’on
    Est plus de quatre on est une bande de cons.
    Bande à part, sacrebleu ! c’est ma règle et j’y tiens.
    Dans les noms des partants on n’verra pas le mien.

    Dieu ! que de processions, de monomes, de groupes,
    Que de rassemblements, de cortèges divers, –
    Que de ligu’s, que de cliqu’s, que de meut’s, que de troupes !
    Pour un tel inventaire il faudrait un Prévert.

    Le pluriel ne vaut rien à l’homme et sitôt qu’on
    Est plus de quatre on est une bande de cons.
    Bande à part, sacrebleu ! c’est ma règle et j’y tiens.
    Parmi les cris des loups on n’entend pas le mien.

    Oui, la cause était noble, était bonne, était belle !
    Nous étions amoureux, nous l’avons épousée.
    Nous souhaitions être heureux tous ensemble avec elle,
    Nous étions trop nombreux, nous l’avons défrisée.

    Le pluriel ne vaut rien à l’homme et sitôt qu’on
    Est plus de quatre on est une bande de cons.
    Bande à part, sacrebleu ! c’est ma règle et j’y tiens.
    Parmi les noms d’élus on n’verra pas le mien.

    Je suis celui qui passe à côté des fanfares
    Et qui chante en sourdine un petit air frondeur.
    Je dis, à ces messieurs que mes notes effarent :
    « Tout aussi musicien que vous, tas de bruiteurs ! »

    Le pluriel ne vaut rien à l’homme et sitôt qu’on
    Est plus de quatre on est une bande de cons.
    Bande à part, sacrebleu ! c’est ma règle et j’y tiens.
    Dans les rangs des pupitr’s on n’verra pas le mien.

    Pour embrasser la dam’, s’il faut se mettre à douze,
    J’aime mieux m’amuser tout seul, cré nom de nom !
    Je suis celui qui reste à l’écart des partouzes.
    L’obélisque est-il monolithe, oui ou non ?

    Le pluriel ne vaut rien à l’homme et sitôt qu’on
    Est plus de quatre on est une bande de cons.
    Bande à part, sacrebleu ! c’est ma règle et j’y tiens.
    Au faisceau des phallus on n’verra pas le mien.

    Pas jaloux pour un sou des morts des hécatombes,
    J’espère être assez grand pour m’en aller tout seul.
    Je ne veux pas qu’on m’aide à descendre à la tombe,
    Je partage n’importe quoi, pas mon linceul.

    Le pluriel ne vaut rien à l’homme et sitôt qu’on
    Est plus de quatre on est une bande de cons.
    Bande à part, sacrebleu ! c’est ma règle et j’y tiens.
    Au faisceau des tibias on n’verra pas les miens.

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