Eurovision 2017

Pour vous, hier, j’ai regardé l’Eurovision.
Je déteste quatre vingt quinze pour cent de ce que j’y entends mais j’aime bien ce spectacle quand même, impossible de dire pourquoi. À titre professionnel, je m’intéresse au travail réalisé sur les décors, souvent très high-tech (mais plutôt moins impressionnants cette année que d’autres). Et pour je ne sais quelle raison, l’habitude, sans doute, la distribution finale des notes m’hypnotise.
Norway, one point. Norvège, un point.

Image faussement glitchée, masque de soudeur serti de diodes façon Daft Punk bricolé et mélodie pop sucrée,… La Norvège a tenté de faire quelque chose mais on ne comprend pas bien quoi, on a l’impression du résultat du travail de plusieurs personnes qui ne se seraient jamais consultées.

Un jour par an, on prend des nouvelles de tout un tas d’autres pays du continent (élargi à des contrées telles que l’Azerbaïdjan, Israël et l’Australie) qui malgré l’éloignement géographique et culturel s’avèrent capables de contribuer à une même culture musicale composée de chansons que (je crois) presque personne n’aurait l’idée de composer dans un autre cadre, où des bad boys tout droit sortis de publicités pour gels capillaires pédalent dans une soupe eurodance 1990 et où la chanteuse Azérie tente de ressusciter la new wave berlinoise d’avant la chute du mur sur une mélodie variétoche improbable. L’Eurovision est un lieu hors du temps ou les époques se télescopent et où chaque pays tente avec plus ou moins de succès de faire valoir son identité, parfois à coup de polyphonies folkloriques, de percussions traditionnelles ou de violons tziganes.
Je dois dire que quand la chanteuse roumaine au physique de Kylie Minogue, en duo avec un faux rappeur, s’est mise à lancer de virtuoses yodles tyroliens avec une voix à la Dolly Parton, sur des rythmes militaires, je me suis dit que j’aurais dû lire en détail le projet de Frexit de François Asselineau.

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Freddy Mercury et Luciano Pavarotti ont enregistré un duo. Le chanteur qui représentait la Croatie parvient au tour de force d’incarner les deux chanteurs à lui tout seul, puisqu’il est leur synthèse physique, vocale et artistique — avec un petit quelque chose d’Elton John et la barbiche de George Michael. Il est célèbre pour son homophobie affirmée, puisqu’il a notamment dit que les gays et lesbiennes ne sauraient bénéficier des mêmes droits que les hétérosexuels car ce serait « un retour à Sodome et Gomorrhe ». Son pays, il faut le dire, n’est pas spécialement gay-friendly et a même changé sa constitution par référendum pour interdire par avance toute possibilité d’un mariage homosexuel. Avec la Russie, la Serbie (cf. l’excellent film La Parade) et l’horrible Tchétchénie, est-ce que tous les pays dits « de l’Est » ont cette même fixation malsaine et parfois mortifère ? (je me pose vraiment la question)

Chaque année, les commentateurs français se plaignent de voir que les points sont distribués par « blocs » : bloc slave, bloc adriatique, bloc caucasien, bloc balkanique, bloc scandinave, bloc anglo-saxon (désormais renforcé par l’Australie), bloc baltique, bloc Mitteleuropéen… Le bloc francophone n’est pas très soudé et il n’existe pas de bloc « crâneurs arrogants », alors la France se retrouve un peu isolée et n’a pas remporté la compétition depuis quarante ans. La dernière fois c’était l’année de la naissance d’Emmanuel Macron, avec la victoire de la franco-portugaise Marie Myriam. Moi qui n’ai pas de mémoire, je m’en souviens comme si c’était hier. Hier, justement, c’est le Portugal qui a gagné, avec une chanson atypique servie par la jolie voix retenue d’un jeune homme dont on nous a appris qu’il attendait une greffe cardiaque et que sa santé est si fragile que sa sœur a fait les répétitions à sa place.

Au moment de l’annonce des points remis par Israël, le présentateur a dit avec tristesse que cette quarante-quatrième participation de son pays à la compétition serait la dernière du fait de la décision du gouvernement de Benjamin Netanyahu de démanteler l’audiovisuel public israélien.

On ne parle généralement pas de politique à l’Eurovision. Mais cette année, la Russie s’est vue disqualifiée de la compétition puisque la chanteuse qui représentait l’empire avait donné des concerts en Crimée, territoire disputé par la Russie et par l’Ukraine, pays organisateur cette année. L’an dernier, l’Ukraine avait remporté le concours avec une chanson inhabituellement sombre qui évoquait la déportation des Tatars de Crimée en 1944.

Mon bilan de l’édition de cette année est globalement négatif, tout était assez mauvais, rien ne m’en reste, j’ai perdu une soirée à regarder des gens se dandiner sur de la mauvaise musique. La France avait envoyé un R’n’b vaguement orientalisant d’orchestre de mariage ou de bar mitzvah, plus facile à oublier que la chanson de l’année précédente, du même compositeur. J’ai tout de même bien aimé la voix de la chanteuse belge, celle, légèrement voilée, de sa collègue allemande, et peut-être bien aussi celle de leur concurrente polonaise mais je n’ai entendu qu’un extrait de sa chanson.
Oui, je sais, tout ça n’est pas très intéressant, mais il fallait que je le dise à quelqu’un. Et ce quelqu’un, ce fut toi, infortuné lecteur.

2 réflexions au sujet de « Eurovision 2017 »

  1. Ma théorie : je pense que l’intérêt que tu porte à l’Eurovision provient de ton héritage scandinave. J’ai de nombreux amis Suédois qui sont juste en transe à l’idée de l’Eurovision. Ils se réunissent dans des bars pour assister à l’émission, soutiennent tel ou tel chanteur. Gare à celui qui critique l’Eurovision!!
    Dans ces climats nordiques, la chanson en famille, à la télévision, c’est une fête un motif de réjouissance. J’ai observé aussi cela en Allemagne et en Hollande de façon moins marqué, mais tout de même.
    Et puis l’Eurovision, c’était un spectacle que les téléspectateurs européens regardaient à l’unisson ( ou pas), et ces ‘événements televisuels (mis a part couronnement, mariage ou funeraille des « grands » de ce monde, premier pas sur la lune….) étaient finalement rares. « La communion médiatique européenne ou mondiale n’était pas chose courante, en comparaison de ce que l’on peut vivre aujourd’hui de manière très blasé. En tout cas, c’était mon sentiment lorsque, gamin, retentissait la musique de générique par Charpentier (pas Maritie et Gilbert ), j’avais l’impression qu’un message était diffusé par le biais d’un canal d’urgence. J’ai personnellement décroché en 2006 avec Lordi, un groupe de metal finlandais.

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