Et si la politique existait encore ?

Les libertaires ou les révolutionnaires jugent que les élections représentatives ne peuvent qu’être détournées. Les libertariens considèrent la démocratie comme archaïque et nuisible à la fluidité d’une économie saine. Le citoyen lambda est pour sa part désespéré. J’ai peur que nous ayons presque tous, à un niveau ou à un autre, la sensation plus ou moins diffuse que notre représentation politique ne représente guère qu’elle-même, qu’elle constitue surtout le spectacle médiocre et coûteux d’un petit nombre de carriéristes qui passent le temps en s’affrontant sur des symboles, des petites phrases, et qui encombrent le code civil de textes inutiles, improvisés, néfastes ou inapplicables, textes qui vont presque invariablement dans le sens d’un transfert du pouvoir de l’État vers les bienveillantes sociétés privées qui savent ce qui est bon pour nous et qui veulent organiser nos services, notre système social, éducatif, etc. Et lorsqu’un parti ou une personnalité persiste à affirme que l’on peut vraiment changer des choses par la loi, par la négociation, par les urnes, par la politique, donc, il se voit qualifier de rêveur, d’utopiste, de naïf, de démagogue, et même, de danger pour la démocratie, qui, comme chacun sait, est une affaire trop sérieuse pour être confiée à des citoyens : laissez faire les pros !

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L’Acropole d’Athènes, photo A. Savin.

La grande presse autant que des décideurs européens (élus ou désignés) sont assez unanimes à dénoncer « l’irresponsabilité » du gouvernement Tsipras1 puisque ce dernier a le culot de poser une question aux citoyens de son pays, par voie démocratique, sur leur avenir économique proche. La violence de la réaction est peut-être un indice rassurant, peut-être que ça signifie que la démocratie peut encore avoir un effet, qu’une décision politique peut changer le futur. Peut-être même que ça démontrera que l’économie n’est pas un phénomène naturel, qu’elle n’opère pas de manière autonome et immanente, mais que, au contraire, on peut décider d’agir dessus.
C’est peut-être cette idée qui donne tant le vertige aux uns et aux autres que l’on préfère voir la Grèce s’enfoncer dans une spirale sans fin de surendettement, et qu’on leur promet mille morts (sortie de l’euro, sortie de l’union européenne, banqueroute, extrémisme, etc.), s’ils cherchent une autre solution à leurs problèmes que celles qu’on leur impose.

La peur de découvrir que la politique existe encore.

  1. Voir les articles consacrés à la situation grecque sur le site Acrimed. []

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