Fragilisation du tangible
juillet 18th, 2009 Posted in indices, Interactivité, Lecture, ParanoOù l’on reparle d’eBooks…
Quand quelqu’un évoque ses réticences vis à vis du livre électronique il parle souvent de la qualité visuelle ou de la sensation tactile : un écran et du papier, c’est différent. Les fabricants communiquent sur ce même terrain et assurent, à chaque sortie d’un nouveau produit qu’il est d’une qualité visuelle meilleure ou que la sensation se rapproche plus que jamais de celle du papier. À mon avis, la question du numérique n’a jamais été celle-ci et il suffit pour s’en convaincre de considérer les kilomètres de texte que chacun de nous stocke sur son ordinateur (nos e-mails pour commencer) ou consulte sur Internet. Une part énorme de notre «scriptosphère» (de notre environnement écrit, je ne sais pas si j’ai raison de recourir à ce néologisme ni s’il existe à cet usage) n’existe que sur nos ordinateurs ou bien sur des serveurs dont personne ne sait parfois où ils se trouvent1.
Je viens de lire sur le site Numérama une information qui a de quoi faire bondir : Amazon, qui commercialise son eBook Kindle, a sciemment effacé, à distance, des livres électroniques légalement acquis sur le lecteur d’eBooks de leurs propriétaires — livres parmi lesquels figurent ironiquement 1984 et La Ferme des animaux de George Orwell. Les clients ont été dédommagés et Amazon tente de faire passer le message que la situation est exceptionnelle et due à des problèmes de droits d’auteur puisqu’un éditeur commercialisait des livres sans en avoir le droit et qu’un autre a changé de politique, ces deux cas forçant Amazon à supprimer les textes existants.
Comme il ne s’agit que d’histoires de droit d’auteur et d’argent, tout cela se règle sans trop de surprise — l’argent est la motivation la plus banale et donc la plus rassurante qui soit. Mais si demain un tribunal impose à Amazon de détruire un livre numérique parce qu’il contient des secrets d’état, des passages diffamatoires, ou qu’il est en contravention avec une loi sur l’histoire officielle, puisqu’à présent on vote des lois pour dire à l’historien ce qu’il doit penser de la Turquie, de la colonisation ou de la Shoah ?
Pire encore, les documents numériques pourront être simplement modifiés : des noms qui changent, des passages escamotés, des images retouchées, tout est imaginable.
Je vois deux signes inquiétants ici. Le premier, c’est bien entendu la fragilité du support numérique où les données ne connaissent pas d’altération mais peuvent subir un effacement intentionnel ou pâtir de l’évolution des supports (avez-vous toujours un lecteur de CDI ?) qui imposent leur actualisation régulière. Comme programmeur pour des artistes, je suis souvent confronté à ce besoin de mettre à jour des œuvres.
Mais bon, ça on le sait, un fichier numérique, un livre ou une peinture ne vieillissent pas du tout de la même manière mais cela peut se gérer, notamment par la diffusion (y compris le téléchargement illégal) et par une réflexion sur l’ouverture des formats de données.
Ce qui est moins gérable et plus angoissant, c’est de comprendre qu’un objet «intelligent» et «communiquant», c’est aussi un objet qui peut obéir à son constructeur plus qu’à son propriétaire. Cela fait quelques temps que des logiciels commerciaux peuvent être modifiés mais aussi désactivés et altérés (de manière non intentionnelle en tout cas, par des mises à jour ratées) à distance par leurs éditeurs. De temps en temps, je vois que la console Wii des enfants se met à émettre une lumière bleue comme si elle voulait attirer mon attention : en réalité, elle me fait juste savoir qu’elle échange des données avec Nintendo, la maison mère. Il s’agit d’aller chercher la bulletin météo et les titres de l’actualité, mais cela pourrait aussi bien servir à inhiber des fonctions ou à vérifier si je n’emploie pas de puce permettant de lire des jeux piratés.
Mais qu’un dispositif qui se réclame de la tradition du livre — un des objets les plus robustes qui aient jamais été pour conserver et transmettre la pensée — soit capable de changer de contenu sans l’accord de son propriétaire…
J’ai peur que ce ne soit qu’un tout petit aperçu du monde de demain, où les objets seront sans doute insoutenablement interactifs et traçables. À chaque instant, ils pourront se retourner contre nous, la lampe Ikéa refusera d’éclairer un numéro de Que Choisir? qui évoque les allergies dues au taux de formol contenu dans les meubles de la marque suédoise, l’automobile boycottera les pompes à essence de telle compagnie (ou inversement), l’appareil photo nous interdira de prises de vue dans des zones du monde choisies ou à des périodes précises, etc. : toutes les entraves à nos libertés (ventes liées ou forcées déguisées, publicité masquée, désinformation, collecte d’information illégale…) qui sont organisées artisanalement par les sociétés pourront s’effectuer de manière discrète, automatique et unilatérale.
Nous en avons déjà un aperçu avec Internet ou avec la téléphonie mobile. Beaucoup se refusent à la paranoïa vis-à-vis de l’information : les caméras qui nous filment ? Le téléphone ou la connexion qui nous fliquent ? C’est presque sans gravité dans une social-démocratie plutôt stable : que la gendarmerie sache que j’ai dit du mal de tel ministre sur Facebook ou que j’étais à la station Pyramides il y a trois jours, au fond, ça ne change rien à ma vie.
Mais si justement on pouvait modifier mon existence à distance ? Si subitement ma clef refusait, exprès, d’ouvrir la serrure pour laquelle elle est conçue ? Si la machine à laver n’acceptait de lancer son programme qu’après que l’on ait regardé une publicité pour une cafetière tout aussi désagréable ? On rentre là dans un monde un peu magique à la Disney, avec des theières animées, des voitures qui sourient et des portes qui peuvent bouder. L’idée du tangible, du manipulable, pourraient bien disparaître en partie des objets comme nous perdons prise sur les services.
Tout ceci me rappelle que je suis assez impatient de lire l’essai de Bruce Sterling sur le futur des objets, intitulé Objets bavards (22 euros, quand même !), qui, je le suppose, évoque ces sujets, dans une perspective apparemment plus positive que celle qui est la mienne2.
Mise à jour du 19 juillet : Je viens par ailleurs de lire sur le blog Automates Intelligents un texte plutôt dense mais passionnant qui traite de la mutation du rapport de l’homme aux objets : L’expression des systèmes anthropotechnique dans les cerveaux et les génomes individuels, par Jean-Paul Basquiast.
Mise à jour du 20 juillet : J’apprends qu’Amazon ne s’est pas contenté d’effacer certains ouvrages mais a aussi effacé les notes de lecture qui y sont associées. Ainsi, le NY Times publie le témoignage de Justin Gawronski, un jeune homme de 17 ans, qui a eu la mauvaise surprise de voir le roman 1984 disparaître de sa lectrice Kindle, mais aussi de constater que les notes qu’il avait prises pendant sa lecture avaient été effacées elles aussi. Difficile de ne pas noter l’ironie que constituent ces pratiques concernant 1984, roman dystopique dans lequel l’information et la connaissance du passé sont constament modifiées par les armées de censeurs du ministère de la vérité.
Mise à jour du 31 juillet : les autodafés numériques ont aussi été pratiqués sur iPhone.
- Lire à ce sujet le texte Dataware et infrastructure du cloud computing, par Christian Fauré, dans l’ouvrage Pour en Finir avec la Mécroissance (Stiegler, Giffard, Fauré), éd. Flammarion 2009. [↩]
- Note ajoutée le 31 juillet : j’ai acheté le livre, je me le réserve pour les vacances. Je dois avertir les éventuels lecteurs qu’il est hors de prix : le format est celui d’un Que Sais-je? mais le prix est de 22 euros ! L’original, Shaping things, est disponible en anglais pour 14 dollars. [↩]
35 Responses to “Fragilisation du tangible”
By bobig on Juil 18, 2009
moi qui m’interesse de plus en plus au spime je vais sûrement acquérir le bouquin de sterling en version papier :)
By Bishop on Juil 18, 2009
D’ailleurs sur le sujet je crois qu’il faut interpréter la sortie de Bradbury sur le net dans cette perspective (on a dit tout et n’importe quoi là-dessus).
By Jean-no on Juil 18, 2009
À ce sujet, un article très intéressant de LA Weekly qui parle de Bradbury et de Farenheit 451. On apprend que beaucoup ont considéré le roman comme une dénonciation des sociétés totalitaires puis comme une dénonciation du McCarthysme… Alors qu’il parle surtout de la télévision et de la façon dont chacun se détourne de la culture et de la littérature – ce n’est pas l’état le problème et dans son idée, les pompiers ont commencé à brûler des livres quand les gens ont presque totalement cessé d’en lire. Là où je trouve l’article passionnant c’est qu’on sent que l’idée a du mal à être digérée par le journaliste !
By Christian Fauré on Juil 19, 2009
Tiens, je suis en train de de lire le bouquin de Sterling :-)
By Bishop on Juil 19, 2009
Et au passage (je continue dans les divagations) comment ne pas penser à Ubik et la porte qui refuse de s’ouvrir si on le paye pas?
By Jean-no on Juil 19, 2009
Oui. Très globalement, l’avenir, pour les aperçus que j’en ai, me fait souvent penser à du Philip K. Dick. Je ne sais pas si c’est parce que je l’ai trop lu ou juste parce qu’il a effectivelent raison.
By etoaldeneig on Juil 19, 2009
Très saine lecture également :
« La Zone du Dehors » d’Alain Damasio, aux éditions CyLibris, ou peut-être également aux éditions La Volte.
Moderne, dérangeant, et très réaliste sur ce que pourrait être notre société dans un futur pas si hypothétique que ça. Francophone, ce qui ne gâte rien.
By Jean-no on Juil 19, 2009
Je note La Zone du Dehors. Il existe apparemment une édition en livre et une autre en (ou avec un) dvd : La Zone du Dehors (1DVD)
By etoaldeneig on Juil 19, 2009
L’ouvrage est malheureusement indisponible dans plus grande librairie en ligne du monde.
Il va falloir aller se le procurer dans une librairie « en dur ». J’espère de tout cœur qui soit publié en poche, car, à l’instar de « la horde du contrevent » du même auteur, il mérite vraiment de toucher le plus de monde possible. (Cet avis n’engage que moi, il va de soi)
By etoaldeneig on Juil 19, 2009
J’espère de tout cœur qu’il soit…
pardon pour la syntaxe.
By Jean-no on Juil 19, 2009
Grosse rareté effectivement ! Sur Priceminister on trouve la version DVD malgré tout. En général ce qui n’existe pas sur Amazon est difficile à trouver autrement qu’en occase, d’autant qu’il se publie trop de livres pour que les libraires stockent toutes les nouveautés… On peut espérer que cette rareté soit le prélude à une sortie en poche.
By Bishop on Juil 19, 2009
Damasio est l’une des bonnes nouvelles françaises du monde. LA zone du dehors malgré une fin alambiquée et surtout la horde du contrevent sont d’excellents livres. A priori ce dernier a eu un gros succès en librairie, tant mieux!
By jiemji on Juil 19, 2009
« … mais cela pourrait aussi bien servir à inhiber des fonctions ou à vérifier si je n’emploie pas de puce permettant de lire des jeux piratés… »
ça se pourrait… c’est l’exacte réalité.
Les mises à jour Nintendo de la Wii sont la plupart du temps destinées à mettre à jour le système pour empêcher les versions pirates de fonctionner ainsi que les développements maisons (homebrew) qui existent en parallèle (OS différentes, lecture de divx, de mp3…)
By Jean-no on Juil 20, 2009
@jiemji : eh ben voilà, j’ai payé 250 euros pour avoir un espion chez moi ! Ce qui ne m’étonne pas tellement.
By jiemji on Juil 20, 2009
Bah, il s’agit plus d’une défense passive qu’active. Ils passet une mise à jour qui rend inopérantes les bidouilles qui ont pu être faites, jusqu’à la prochaine bidouille qui sera à nouveau anéanti par un patch supplémentaire.
Par contre, ce qui est rigolo, c’est qu’il y a une espèce de course schizophrène. Car la dernière mise à jour propose de lancer des jeux depuis une carte SD, ce qui est la porte ouverte à toutes les manipulations frauduleuse mais qui est cependant nécessaire à leur modèle économique de vente en ligne (il faut bien stocker les jeux achetés dans la boutique WII en ligne).
Je crois de toute façon que le flicage actif de potentiels pirates est un fantasme. Le nombre d’objet communiquants ne cesse de croitre et filtrer, analyser tout cela amènerait un coût sans commune mesure avec le résultat attendu (tondre des particuliers insolvables).
Je ne crois même pas à la réalité du système échelon (je veux bien croire que l’on puisse surveiller et détecter des mots clefs sur un certains nombres même élevé de personnes suspectes mais la surveillance à l’échelle mondiale de tous les mails et télécommunications faut se foutre de la gueule du monde :-)
Mais bon, la France va stupéfier le monde avec Hadopi !!!
By Jean-no on Juil 20, 2009
On remarque quand même que les éditeurs qui ont réussi à mettre au point des systèmes anti-piratage tout en tenant leur marché (Nintendo, appstore) vendent bien finalement. Bien sûr, il y a plein de gens qui ont une Wii ou une gameboy modifiées, mais sur la masse des usagers, c’est très peu, contrairement au logiciel PC où il n’est pas rare que des étudiants me demandent si Photoshop ou Flash sont des logiciels payants : ils n’en ont aucune idée.
Sur la surveillance, le traitement automatisé permet de plus en plus de choses tout de même. En fait même les connexions au téléphone portable peuvent être non seulement écoutées mais comprises par des robots et classées en fonction de mots clés. Quelques affaires ont révélé que la technologie était assez au point. Alors le mail ou le SMS… !
By jiemji on Juil 20, 2009
Oui, techniquement, on est capable d’analyser et croiser les informations quelqu’en soit le médium.
On sait même analyser des images vidéo, reconnaitre une immatriculation ou un visage dans la foule, la dernière Opel sait lire les panneaux de signalisation et adapter son limitateur de vitesse.
Maintenant traiter toutes ces données a un coût technique (serveurs, bande passantes, maintenance) exhorbitant si on systèmatise la chose. Je crois qu’utiliser la technologie pour filtrer, analyser, surveiller est possible mais pas à l’échelle où on veut bien nous le faire croire.
Les procès médiatisé à X millions de dollars d’amende de pauvre pékin qui n’ont pas eu de chance (parce que même si je suis précautionneux, je suis conscient que ça peut tomber sur le nez de chacun) sont plus pour créer du buzz et de la crainte.
L’autocensure et la servitude volontaire coûte bien moins cher.
By Jean-no on Juil 20, 2009
C’est surtout la centralisation qui est délicate, légalement comme techniquement. Relier toutes les caméras à des systèmes de reconnaissance faciale par exemple…
Aux US, la NSA (budget et personnel double de ceux de la CIA) a une puissance de travail pour l’observation du monde tout à fait incroyable… Je suppose qu’aucun autre pays n’atteint le quart de ce niveau, sauf la Chine à l’intérieur de ses propres frontières en tout cas.
Mais pour le reste n’oublions pas que dans quelques années nos consoles de jeu sauront nous reconnaître et nous écouter ! L’avènement du télécran d’Orwell se rapproche chaque jour, mais en plus on sera tous d’accord et on l’aura payé quelques centaines d’euros :-)
Je trouve qu’on fait assez peu de buzz autour des nouvelles possibilités de la surveillance (ça sort de temps en temps mais il y a peu de scandales), ce qui signifie à mon sens que pour l’instant elle est plus utile comme outil effectif (pour surveiller les gens qui sont susceptibles de compter politiquement par ex.) que comme instrument de terreur.
By jiemji on Juil 21, 2009
Personnellement, ce qui me fait le plus peur (!) ce sont les puces RFID.
Les caméras, la surveillance des lieux publics qui sont par définition publics, je m’en accommode. Que je m’exhibe aux yeux de mes concitoyens ou d’une caméra revient au même.
J’aime l’ambivalence du classique « Si vous n’avez rien à vous reprocher, vous ne risquez rien » utilisé à ce propos.
Tout est dans le « VOUS », si ma « cause » me semble juste, j’assume mes actes et le fait qu’on puisse me voir les réaliser. Si elle ne me le parait pas, soit je m’abstiens de le faire Dommage, ce sera par la crainte mais ça prouve la faible valeur que l’on met dans cet acte car au pire, on peut s’organiser pour le réaliser clandestinement. Ce système à le mérite de se débarrasser des tièdes :-D
On en revient à la servitude volontaire car celui qui s’abstiendra sera celui qui considère que le « VOUS » doit correspondre à ce qu’il suppose correspondre au « NOUS » (le pouvoir). Puisqu’en fin de compte, ce sera bien ce dernier qui décidera si on risque quelque chose ou non.
Donc certes, les caméras aident au flicage mais pas moins que les fenêtres sans rideau des villes protestantes de Hollande. C’est juste plus moderne mais la ronde de nuit reste motivée par les mêmes choses. Et depuis, la nuit des temps, on sait s’en accommoder.
Maintenant l’idée de puce qui permettraient de me traquer, insérées dans mes vêtements à mon insu, me met très mal à l’aise. Quelque chose de l’ordre du parasite.
Pour la terreur, pas besoin d’aller si loin.
je dirai que le fait que des millions de gens soient prêt à se foutre à moitié à poil (quelque fois 3 fois par semaine) pour effectuer des déplacements professionnels via l’avion sous prétexte de lutter contre le terrorisme prouve que la société est lénifiée et prête à accepter n’importe quelle vexation.
By jiemji on Juil 21, 2009
désolé, le post est bourré de fautes et on peut la modifier :-(
By Jean-no on Juil 21, 2009
Trouvé que deux fautes (corrigées).
Pour moi, il est déjà bizarre que les gens aient l’idée de monter dans un avion :-)
La puce RFID, oui, c’est moins voyant que la caméra mais il y en aura bientôt partout. Hitachi en a fait une de 0,4mm de côté et 60 microns d’épaisseur : ça tient dans un grain de beauté, dans un plombage, dans n’importe quoi.
Les caméras posent un problème qui est que les gens ne se rendent pas bien compte que ce qui se passe derrière la caméra change : les logiciels font de la reconnaissance, épient les gestes (elles décèlent automatiquement les mouvements étranges), lisent sur les lèvres (dernière innovation) et petit à petit elle vont définir de manière à mon avis oppressante ce qui est normal et ce qui ne l’est pas. Bien entendu, un pass navigo, un abonnement vélib, une carte de paiement, etc., sont autant d’outils de flicage.
Le flicage nous rassure tous autant qu’il nous inquiète, mais son automatisation rend possibles des abus de pouvoir et des accidents industriels graves. Quand on n’a plus affaire au jugement d’un être humain face à une situation mais au jugement très théorique qu’a prévu ceux qui ont conçu le programme, le résultat peut être dramatique… Je reviens à l’exemple des portillons du métro qui me semble éloquent : leur férocité a été décidée d’avance. De même les répondeurs téléphoniques automatisés des administrations sont un signe inquiétant de la brutalité des systèmes mal conçus…
By jiemji on Juil 21, 2009
Il y en a d’autres des fautes mais j’apprécie ta miséricorde :-D
Intéressate l’idée que le danger ne soit pas le flicage mais son automatisation. Les radars automatiques et le process Hadopi qui se mets en place en sont la première incarnation, un détection automatique de l’infraction contestable certes mais après que l’on ait payé son écot.
Cette peur du robot est dans l’air du temps, je la croise beaucoup sur le net.
Il faudrait plutôt prendre ça du bon côté. Qui dit machine dit processus et qui dit processus dit zone hors processus. La machine, si elle est mécanique, n’est pas arbitraire. il est toujours possible d’imaginer des contremesures. Elle reste « rassurante » dans son fonctionnement normé. Ce n’est jamais le cas du totalitarisme humain qui peut céder à tous moment au délirant.
A la fin d' »un bonheur insoutenable », à mon sens Copeau massacre tout le monde car, alors qu’il quittait l’île, reflet de notre monde, pour revenir vers l’ordinateur, il s’aperçoit que ce dernier n’existe pas et que la destinée de la population est juste livrée au bon vouloir que quelques uns. Si l’ordinateur avait réellement existé, sa gestion sans âme mais sans autre parti pris qu’une optimisation des ressources lui aurait trés bien convenue au final.
By Jean-no on Juil 21, 2009
Si les ordinateurs décidaient seuls, j’aurais très confiance. J’ai très confiance dans les robots d’ailleurs :-) Mais ils ont deux caractéristiques : tout d’abord ils exécutent des ordres donnés par des gens qui ne sont pas impartiaux : le robot n’est pas arbitraire, mais celui qui le conçoit ? Dans les années 40, Asimov a proposé des lois de la robotique (naïves au sens où pour les appliquer le robot doit intégrer pas mal de définitions extrêmement complexes et disposer de sens très aiguisés – on n’y est pas encore), et dans les années 70, la Cnil a proposé des lois du traitement de l’information, des lois très avancées (les défaillances ou les limites d’un système informatique ne peuvent être utilisées comme excuse pour brimer quelqu’un, etc)… En 2010, on abandonne tout ça progressivement, car au fond les gens comprennent mieux que jamais les robots et les logiciels, mais ils ignorent ou ils oublient qu’il y a quelqu’un derrière.
Ensuite, les programmes peuvent changer. Le ebook qui décide de trahir un contrat de confiance tacite est à mon avis un bon exemple. Et un programme qui change ne prévient pas forcément, donc la zone aveugle dont tu parles peut tout à fait changer.
Il faut que je relise « un bonheur insoutenable ». Et que je revoie « Zone 46 », un excellent film qui décrit une société du « contrôle » mille fois plus crédible que celle de « Gattaca », car on sent que chacun a intégré le traitement auquel il est soumis.
By Jean-no on Juil 21, 2009
Lire encore (mais on dévie un peu du sujet) : les fonctions psychologiques de l’Horcruxe par Yann Leroux, Psy & Geek.
By renaud on Juil 21, 2009
heu Zone 46 c’est de qui? je ne trouve pas de film de ce nom.
By Jean-no on Juil 21, 2009
@Renaud : désolé, c’est Code 46. Je confonds toujours avec Zone 39.
By Yann Leroux on Juil 21, 2009
Merci @Jean-no de me faire connaitre ce blogue
Personnellement, je m’inquiète moins des objets que de leurs propriétaire. Kindle ou les MàJ de mes différents objets m’inquiétent par ce que d’autres humains peuvent faire de l’information qu’ils y trouveront. C’est vraiment une histoire d’interprétation, car pour la machine, il s’agit in fini de 0 de 1.
Il me semble qu’il y a un début de solution avec les formats ouverts ou les licences Creative Commons. Que l’information soit disponible pour *tous*, que chacun puisse être libre de la récolter, de l’aggréger, de la redistribuer. Du point de vue des individus, il me semble que ce qu’il y a à protéger, c’est le droit au silence et à l’oubli. On devrait pouvoir choisir la quantité d’information que l’on souhaite divulger à un tiers.
J’ai eu un échange a ce propos avec une personne de la CNIL. Le débat portait sur le Dossier Medical Informatisé. Mon avis était que c’était l’usager qui devait pouvoir chosir le niveau des droits en lecture a des tiers, et l’avis de la personne de la CNIL etait que le citoyen lambda n’avait pas les compétences pour faire ce type de choix/manipulation
Pour en revenir à nos objets, j’aime la vision de Sterling de nuages electoniques nous environnant. Sterling n’est pas angélique. Il sait qu’il y a là autant de miracles que de frayeurs. Mais il pense que nous n’avons pas d’autres choix que de nous plonger dans ces mers numériques. Il est vrai que l’image est séduisante. Elle rejoint un imaginaire d’immersion et de régression, de multitudes dans lesquelles l’individu perd en singularité ce qu’il gagne en puissance. Les groupes impeccables, agissant d’un seul homme, du défilé militaire au groupe de hip hop, sont porteurs de cet imaginaire. Là encore, frayeurs, et miracles …
By Jean-no on Juil 21, 2009
Pour la question du dossier médical, le problème est pragmatique : si il est possible d’y avoir accès, alors on peut supposer par exemple que certaines boites feront du chantage à l’embauche : on ouvre le dossier ou bien pas de boulot…
Sur les groupes : j’ai lu récemment une brève scientifique (mais je n’ai pas lu le papier d’origine alors méfiance) sur le rapport entre la puissance du groupe et la testostérone… Les gars moins testostéronnés n’arrivent pas à croire dans le groupe auquel ils appartiennent et celui-ci est donc moins efficace !
By ben on Juil 22, 2009
Pour les fautes, un dictionnaire (pour l’orthographe) sous Firefox, c’est pratique ? ex : dans l’article, alergie -> allergie
By r on Juil 22, 2009
Sur la critique de la technologie en france, il me semble qu’il n’y a principalement que pieces et mains d’oeuvre http://www.piecesetmaindoeuvre.com/ . Après tout n’est pas bon à prendre, mais à comparer avec le nombre de groupes de hacker (machine a voter, passeport electronique) en Europe et dans le monde, il me semble que nous sommes plus qu’à la traine sur ces questions
By Jean-no on Juil 22, 2009
@ben : j’utilise Chrome, qui a aussi un dictionnaire mais auquel il manque pas mal de mots j’en ai peur. Les double consonnes ne sont pas mon fort.
@r : merci pour le lien vers Pièces et main d’oeuvre.
By Jean-no on Juil 22, 2009
Encore une lecture : l’e-silence, chez Philippe Quéau.
By Brazil 1984 on Juil 24, 2009
Le problème qui va se poser, c’est qu’avec Hadopi, en plus d’effacer les livres… il y aura coupure d’Internet, amende, et peut-être aussi de la prison !
Où comment une histoire administrative, bureaucratique de droits d’auteur chez un éditeur pourra pourrir la vie de centaines ou de milliers de clients candides…