Profitez-en, après celui là c'est fini

Pris dans la toile deux-zéro

janvier 19th, 2009 Posted in Mémoire

On éprouve toujours un sentiment de satisfaction un peu pervers à dire, l’air chagriné, « Je vous avais pourtant prévenu ! ». Non ?
Il y a quelques mois, pour la revue Marges, j’ai rédigé un article consacré au Web 2.0 et services assimilés1 dans lequel je rappelais le risque qu’il y a à confier ses données, son travail et son temps à de grosses sociétés qui, quelles que puissent être leurs promesses et quelle que soient la « philosophie » qui les anime à un instant donné n’en suivent pas moins leur propre logique. Et cette logique finit à mon avis invariablement par s’écarter de celle de l’utilisateur du service.

Blogger, Delicous, MySpace, Canalblog, Google documents, FlickR, Youtube, FaceBook,… Tous ces outils en ligne gratuits et si pratiques, parfois presque incontournables, ont un point commun : l’utilisateur leur confie ses données. Et parfois, ces données sont très intimes, ils s’agit de ses archives, de son existence, de sa vie entière.
Tous ces services ont un autre point commun, qui est qu’en y souscrivant les utilisateurs signent (sans le lire) un long contrat qui se montre extrèment clair sur la question des responsabilités : rien n’est garanti. C’est à dire que les sociétés qui maintiennent et détiennent nos blogs, nos réseaux sociaux, nos médias, ne garantissent pas qu’elles ne perdront pas les données qui leur sont confiées, qu’elles ne modifieront pas le fonctionnement même du service ou même qu’elles ne supprimeront pas intentionnellement ces données si tel était leur bon plaisir ou si elles devaient obéir à une injonction judiciaire.

La nouvelle qui aurait pu faire l’ouverture du vingt heures tant elle démontre l’angoissante fragilité du tout-en-ligne, c’est que Google vient d’annoncer l’abandon d’un certain nombre de ses services en ligne : Google Video (qui fait doublon avec Youtube), Catalog Search, Notebook, Jaiku et Dodgeball. En effet, aucun de ces services, quels que soient leurs mérite ou leur originalité, ne rapporte d’argent.
Notons que c’est aussi le cas de Google Agenda, de Google Documents ou de Reader. J’imagine que chez Google, quelqu’un a comparé les coûts de ces service à ce qu’ils rapportent financièrement ou symboliquement et a constaté que plusieurs d’entre eux étaient en perte de vitesse, ne voyaient pas la croissance du nombre de leurs utilisateurs s’accélérer de manière significative, n’apportaient donc aucune ouverture intéressante pour l’avenir et ne méritaient pas que Google réfléchisse sérieusement à leur rentabilisation pas plus qu’à d’autres développements.

Google fera les choses bien et laissera le temps à chacun de récupérer ses données. On a connu des disparitions de services ou des changements de politique plus brutaux, mais cette fois il s’agit de Google et l’affaire prend donc une toute autre signification, car cette société est connue pour trois choses : elle est un acteur central du réseau, elle est extrêmement prospère — son chiffre d’affaire double régulièrement —, et enfin elle se dit tenue par une devise simple et pour le moins originale dans le monde de l’industrie, « don’t be evil » (ne soyez pas méchant).
Devise qui jusqu’ici semble avoir été respectée.

Bien entendu, une société comme Google est libre d’abandonner ce qu’elle souhaite abandonner, mais cela doit tout de même résonner comme un avertissement : du jour au lendemain, les vidéos que vous avez laborieusement téléchargé, les adresses, les planning, les documents, tout ce que vous avez confié à des plate-formes web peut disparaître. Il existe de nombreux cas imaginables : panne, obsolescence technique, rachat d’une société par une autre dans l’unique but de faire disparaître un concurrent, et bien entendu peur d’actions judiciaires puisque de nombreux justiciers de la morale passe leur vie à écumer le web pour réclamer la fermeture de blogs et autres contenus qu’ils jugent inappropriés (pornographie) ou illégaux (piratage)… Certains services tels que Youtube ne vérifient quasiment pas si les accusations de ce genre sont fondées, ils suppriment les vidéos sur simple demande. Il n’y a en la matière ni droit, ni jugement ni appel.

Je déduis de tout cela qu’il faut, au minimum, toujours sauvegarder des copies de ses données. Mieux, autant que faire se peut, il me semble qu’il faut être logistiquement indépendant des plate-formes de publication et de conservation de données.
Commencer par être l’hébergeur de son propre blog par exemple.

  1. Web 2.0, Prière de créer s’il vous plait, Marges #8. J’y traite principalement de l’exploitation du visiteur/auteur du site « collaboratif » transformé en matière première des services dont il est le consommateur, au seul bénéfice de ceux qui organisent l’affaire. Je publierai cet article ici-même à l’occasion. []
  1. 10 Responses to “Pris dans la toile deux-zéro”

  2. By Wood on Jan 19, 2009

    Il faut TOUJOURS garder ses documents et ses données pour soi, dans un coffre secret au fond d’un bunker gardé par des rottweilers sous guronzan.

    Et conserver une hache sous son lit en cas d’alerte nocturne.

    (une hache ne tombe jamais en panne)

  3. By Jean-no on Jan 19, 2009

    Ce conseil me semble de bon sens.

  4. By Myel on Jan 20, 2009

    Je m’en vais de ce pas déterrer la mienne que ces vilains adeptes de la non-violence m’avaient incité à enfouir au risque de polluer la nappe phréatique.

  5. By BenoitBenoit on Jan 20, 2009

    L’homme veut à tout prix sauvegarder ses données, mais oublie de se sauver lui même.

  6. By Bishop on Jan 20, 2009

    En tant qu’has-been du net, j’ai tendance à tout sauvegarder, j’attaque avec violence mon deuxième DD externe de 320 Gos… Parfois je me dis que c’est absurde et que je suis pas assez « moderne », quelque part me voilà rassuré…

  7. By antoine bablin on Jan 21, 2009

    Perso, j’aime cette idée d’éphémère. Aucun support ne dure et à quoi bon finalement? Maintenant nous vivons dans le temps de l’idée-minute, jetable, recyclable et souvent dispensable dans 99% des publications internet.

  8. By Jean-no on Jan 22, 2009

    Tiens, tu me donnes une idée d’article.

  9. By Wood on Jan 22, 2009

    Tiens, tu as lu les histoires de la CNIL et du fichier STIC de la police, au fait ? Là aussi, il y a beaucoup à dire…

  10. By Alex' on Jan 22, 2009

    En même temps – si on exclue le problème de la confidentialité – ce genre de service n’est pas foncièrement plus instable qu’un bon vieux support numérique physique.

    Certes il peut fermer d’un jour à l’autre – quoique pour des questions d’image, comme Google est en train de le faire, il est tout de même probable que la boîte fasse en sorte que chacun puisse récupérer ses données avant (sauf si c’est toute la boite qui coule, et donc que préserver son image de marque n’a plus grande importance).
    Mais un support numérique physique n’a pas forcément une longévité supérieur: les disques durs, ça s’use, plutôt vite même, et il n’est pas si rare de tomber sur un numéro défectueux qui meurt plus vite que ses compères.
    Sans compter les risques exclusifs au support physique: choc, bris, vol…
    Rien de toute cela avec des documents stockés à distance sur un serveur.

    La prudence, c’est bien sûr de tout stocker en double (sur serveur + support physique).
    Mais ce serait faire un mauvais procès à ces services que de dire qu’ils sont moins sûrs qu’un bon vieux disque.

  11. By antoine bablin on Jan 23, 2009

    On pourrait imaginer la création d’un cimetiere numérique ?

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