Profitez-en, après celui là c'est fini

Pourquoi donner ?

janvier 6th, 2014 Posted in Dans le poste, Interactivité, médiatisation

Il y a quelques mois, quelqu’un de chez KissKissBankBank m’a envoyé un e-mail pour me demander si j’aurais envie d’être mis en contact avec la chaîne M6 qui produisait alors un documentaire sur le crowdfunding1 pour l’émission Zone Interdite, et qui cherchait à recueillir des témoignages sur le sujet. Ce n’est ni comme enseignant plus ou moins spécialisé dans les questions de « numérique » ni comme blogueur que j’ai été sélectionné, mais en tant que « crowdfunder » régulier.
J’ai accepté et une mini-équipe — un cadreur et une journaliste — est venue me filmer dans mes trois mètres carrés de bureau pour que j’explique ce qui me motivait dans le principe du financement participatif. Le résultat est fidèle à l’entretien, mais j’aimerais développer.

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Pendant l’interview, on m’a fait parler un peu vite des projets que j’avais soutenus, puis on m’a demandé de passer en revue les projets en cours de financement sur KissKissBankBank. Bien qu’elle essayait de ne pas trop orienter mon propos, j’ai senti que la journaliste guettait ma réaction face à un projet de restauration rapide à base de triporteur à pédales, Street food à la française. Mais je ne m’y suis pas arrêté. Elle m’a alors demandé ce que j’en pensais, et j’ai répondu avec un sourire légèrement embarrassé que c’était un genre de projet un peu rédhibitoire pour moi, car il me rappelle typiquement les idées proposées par des étudiants en école de commerce2. Au petit sourire de l’intervieweuse et du cameraman, j’ai compris que je n’étais pas tombé loin, il s’agissait bien d’étudiants, mais en « Management culinaire » dans un prestigieux institut. Rien à voir avec de la junk-food, cependant, les recettes mises au point semblent plutôt gastronomiques, et puis on peut difficilement reprocher à des étudiants en restauration de s’occuper de nourriture.

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Les projets auxquels je contribue ont généralement un lien direct avec la création artistique ou le design, et assez souvent, sont des initiatives de collègues, d’amis, ou de jeunes gens que j’ai eu comme étudiants. Pour ne parler que de ceux qui ont abouti, je citerais le drone maritime Protei, de César Harada ; l’atelier de sérigraphie l’Insolante ; la publication du Special Origines, de Fred Boot ; le clip pour Matty Groves, de Moriarty, par Philippe Dupuy et Loo Hui Phang ; le nouveau design de l’excellent site Strange Stuff and Funky Things, par Pierre Kerner ; Le Pegman coin du collectif Microtruc ; L’édition du prix Fernand Baudin des publications d’étudiants ; Le documentaire Fin, qui traite de la médiatisation de Buggarach en décembre 2012 ; l’imprimante 3D africaine W.Afate ; le film Solange et les vivants, par Ina Mihalache ; etc3.
En ce moment je soutiens le livre The Book of Eniarof, livre qui fait le bilan de treize ans d’une manifestation à mi-chemin entre arts numériques et fête foraine ; le film Kung Fury, furieusement eighties, tourné sur fond vert, dont je vous laisse voir la bande-annonce, et qui a déjà doublé le montant de sa levée de fonds ; et enfin, la caméra à 360×360° Panono, gadget assez génial auquel je suis content de m’associer même si je n’aurai pas les moyens pour m’offrir la première version usinée.

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Je contribue parfois de manière purement symbolique — cinq euros —, et parfois de manière un peu plus conséquente, mais sans me ruiner, et souvent, en gagnant quelque chose en contrepartie : un livre, un dvd, un objet, une invitation. Ma contribution relève donc, selon les cas, du don désintéressé tel qu’on peut en faire auprès d’une association caritative ou de la souscription. Il n’est pas neuf que l’on recoure à la souscription pour permettre à des projets d’aboutir, par exemple dans le domaine de l’édition : c’est comme ça qu’a pu naître l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, par exemple.
Même lorsque cela ne me rapporte qu’une gratification symbolique, les dons me semblent un bien meilleur investissement que, par exemple, la Bourse.

Ma vie de boursicoteur (confession)

Il y a une dizaine d’années, j’étais nettement plus travailleur indépendant qu’enseignant, et, grâce à plusieurs grands chantiers multimédia, j’ai gagné beaucoup plus d’argent que je n’en avais besoin pour vivre. J’en ai profité pour m’acheter une caméra vidéo horriblement chère, si chère que pendant des années je n’ai pas osé sortir avec4. Un investissement mal rentabilisé, donc, mais ce n’est pas le seul.
Toujours à la même époque, je me suis décidé à mettre en application une idée très naïve que je traînais depuis longtemps : moraliser la Bourse. Rien que ça. Je m’étais dit, en fait, que pour aider le monde à être meilleur, il ne fallait pas détruire le capitalisme, mais faire en sorte que l’argent aille aux bons projets. Je me disais que si tout le monde en faisait autant, alors l’économie changerait radicalement. Par ailleurs, il me semblait aussi une bonne idée d’acheter des actions des sociétés dont je consomme les produits et de celles avec lesquelles je travaille, comme si ça modifiait légèrement le rapport qui les lie à moi, comme si cela faisait que je n’étais plus seulement un consommateur ou un prestataire mais presque un partenaire, un associé,… Jusqu’ici c’est presque logique, car je me faisais une idée bien trop vague de ce qu’est la Bourse et de comment elle fonctionne.

La Bourse à Paris d'après François Auguste Biard, Photogravure de Goupil & C

La Bourse à Paris d’après François Auguste Biard, Photogravure.

Sûr de mon fait, je suis allé à ma banque, la banque postale, ouvrir un Plan épargne actions. Le conseiller financier a tenté de me décourager, en m’expliquant avec des graphiques qu’il fallait investir une partie de mon (maigre) pécule dans la pierre, une autre en assurance-vie et la dernière, je ne sais plus5. J’ai tenté de le sensibiliser à l’aspect philosophique de mon projet mais il m’a regardé avec des yeux vides de la plus imperceptible étincelle de compréhension de ce dont j’essayais de lui parler.
Et c’est lui qui avait raison, comme je l’ai rapidement compris en découvrant dans la pratique ce qu’était la Bourse : un marché d’occasion. En effet, on se contente la plupart du temps d’acheter des actions de sociétés déjà capitalisées. On n’encourage aucun projet, on ne fait que spéculer, et jouer avec le capital de la société. Cela semblera évident à beaucoup de gens, mais pour moi ça a été une surprise. J’ai découvert aussi qu’il existait des frais assez importants au moment de l’achat ou de la vente des actions, puis tous les ans pour la conservation de chaque ligne du portefeuille. J’ai rapidement fait migrer mon compte vers une autre banque aux frais plus honnêtes. En fait, si on n’achète qu’un petit nombre d’actions de sociétés peu rentables, les frais fixes coûtent rapidement plus cher que les actions. J’ai vite compris aussi que les sociétés qui m’intéressaient particulièrement sont souvent aussi celles qui sont pour l’instant parvenues à échapper à la Bourse, comme Festo, Ankama ou Ovh. Si la Bourse est une mauvaise affaire pour le petit porteur sans ambition et sans capitaux véritables, elle semble être très dangereuse pour les sociétés qui s’y engagent sans comprendre qu’elles abdiquent leur indépendance, qu’elles confient assez littéralement leur âme au diable. Comme d’habitude, le système profite principalement à ceux qui l’organisent et à ceux qui en connaissent les ficelles non-documentées6. Je me suis rapidement fait à l’idée que si l’on ne veut pas gagner d’argent avec la Bourse, on est à peu près certain d’en perdre, et qu’il fallait que je me sauve de ce piège abscons dès que j’en aurais le droit… huit ans plus tard.

Claude Closky, Nasdaq

Claude Closky, sans titre (Nasdaq), papier peint, 2003.

Bien entendu, la Bourse s’est effondrée entre temps, la valeur de mon pécule a été divisée par deux. Mais malgré la crise, les « marchés » ont recommencé à monter, et, lorsque j’ai revendu mes actions, en comptant les dividendes perçus de ci de là (assez rares, ceci dit), je n’avais abandonné que quelques centaines d’euros, sans compter l’inflation, bien sûr.
Entre temps, je n’avais aidé aucun projet, participé à rien d’intéressant, j’avais fait partie des idiots utiles et passablement honteux d’un système qui parasite la fameuse « économie réelle ». Si j’avais investi dans les sociétés multinationales du Cac40 des domaines de l’armement, du bâtiment, de la distribution, de l’énergie et bien sûr de la finance, j’aurais en revanche perçu des dividendes assez conséquents.
Mais si je n’ai gagné ni argent, ni le plaisir d’avoir participé à quelque chose d’utile, j’ai au moins gagné une leçon : on ne sauve pas le monde en cherchant à détourner les armes de l’ennemi de leur destination de départ. Le problème du capitalisme boursier (et surtout celui qui a une multitude de petits actionnaires), ce n’est pas la constitution de capitaux destinés à soutenir des grands projets, c’est l’anonymisation, l’abstraction. L’anonymisation et l’abstraction des biens, des personnes, des idées, des actionnaires eux-mêmes. Humains ou objets, usines et ouvriers, tout cela est transformé en chiffres qui montent ou qui descendent. Et forcément, les petits capitalistes, ceux dont le portefeuille d’actions ne donne aucun droit de vote signifiant, se retrouvent rapidement d’accord sur un unique point : il ne faut pas que les chiffres descendent. Je parie que ce n’est pas le goût du profit qui rend le boursicoteur avide et la Bourse amorale, c’est sa peur des pertes.

Un extrait du film "King Fury".

Un extrait du film Kung Fury.

Comme on le voit avec mon expérience de la Bourse, je n’ai pas de leçons à donner aux gamins qui comptent sauver le monde en réinventant le colportage de nourriture.

Un monde meilleur

Je ne suis pas économiste, bien sûr, mais il me semble, même si la formule paraîtra elle aussi bien naïve, qu’il faut redonner quelque chose d’humain aux transactions d’argent. Sans dire qu’il faut se replier sur son environnement immédiat, je pense que ça passe par un sens de la proximité — proximité géographique, proximité affective7, proximité philosophique, proximité esthétique,…

Dans ses vœux de bonne année, dans Le Figaro, l’affreux Serge Dassault, marchand de canons et propriétaire du plus vieux quotidien français, propose, pour sauver le pays, de maintenir les trente-cinq heures sur les feuilles de paie, mais de revenir aux trente-neuf heures travaillées. Comme les promoteurs du « revenu de base », il propose de déconnecter le travail de la rémunération, sauf que dans sa version, c’est au détriment du salarié, qui effectue une part de ses heures non selon une transaction rationnelle mais sous forme de corvée féodale :

Il existe une façon simple de réduire la dépense publique : c’est de revenir, sans finasser ni tourner autour du pot, à une durée légale du travail de 39 heures payées 35.

Pour lui qui a plus d’une trentaine de milliers d’employés, on voit le profit immédiat : 10% de travail en plus pour la même somme, sans compter les charges économisées sur les quatre heures non rémunérées. Pour les salariés, qui voient leur maigre pouvoir d’achat réduire encore un peu, c’est évidemment moins bien.

Serge Dassault. Photo : Medef.

Serge Dassault est riche, mais il ne connaît visiblement rien à la valeur de l’argent. Selon le classement Forbes, il est assis sur un tas de 13 milliards de dollars, ce qui représente presque deux fois le produit intérieur brut d’Haïti, ou une fois ceux de la république démocratique du Congo, du Sénégal ou de l’Islande. Et du haut de son tas, ce marchand de canons veut qu’on lui donne plus encore. Il a besoin de plus, peut-être, parce qu’il ne dispose que de la 69e fortune mondiale8 et qu’il est jaloux de François Pinault, qui a deux milliards de plus que lui (deux milliards de dollars, c’est la richesse produite pendant un an au Cap Vert), ou de Bernard Arnault et de Liliane Bettencourt, qui sont deux fois plus riches que lui. Serge Dassault adore traiter les salariés d’assistés, et a un jour expliqué qu’il faudrait calquer le modèle salarial des français sur ce qui se pratique en Chine. Mais il n’a rien contre les assistés, je pense, car il est le plus gros qui soit, puisque l’État Français s’engage à lui acheter un avion par mois, et que son journal, le Figaro, reçoit une aide directe de dix-huit millions d’euros chaque année. Il n’a rien contre les « assistés », il n’aime pas les gagne-petit, c’est tout.

Produit à quelques kilomètres, vendu par l'agriculteur lui-même.

Produit à quelques kilomètres, vendu par l’agriculteur lui-même.

Pour en finir avec ce genre d’aberrations, la solution est à mon avis dans le petit, dans la proximité, dans la responsabilité. Chaque fois que l’on achète un poireau ou un céleri au maraîcher-producteur qui fait pousser ses légumes à dix kilomètres (j’en ai un comme ça), on échappe au circuit complexe de la grande distribution, à son impact écologique et au coût social souvent exorbitant de ses bas prix. Quand on donne dix euros à un ami d’ami qui monte sa petite boite, on réduit la puissance de grosses sociétés, et on participe au succès de quelqu’un qui viendra peut-être nous aider le jour où nous aussi nous aurons un projet. Faire un don à une société qui développe les logiciels libres que nous utilisons chaque jour, c’est aussi un moyen de leur permettre de vivre et de prospérer, non pas au sein du contexte commercial concurrentiel auquel ils veulent échapper, mais dans l’intérêt des utilisateurs. Chaque fois qu’on investit dans quelque chose que l’on trouve bien, on améliore le monde. Nous avons pris l’habitude de trouver inconfortable de penser aux personnes qui se trouvent derrière les caisses, les processus et les économies, parce que nous pensons que notre liberté individuelle est à ce prix. Mais ce n’est pas une fatalité, et une fois de plus, le réseau mondial est une opportunité extraordinaire pour faire circuler les idées et faire se structurer les bonnes volontés.

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Dans les locaux de KissKissBankBank… Les plate-formes de crowdfunding sont sympathiques mais elles sont le talon d’Achille du système, puisqu’elles aussi sont amenées à courir le risque d’être rachetées, dominées, dévoyées,…

Je m’aperçois que je deviens un peu lyrique, là, alors je vais m’arrêter là.
Mais une dernière chose, tout de même : si le gouvernement s’est donné la peine de limiter le financement participatif9, c’est bien la preuve qu’il s’agit d’un puissant contre-pouvoir.
À bon entendeur, salut.

  1. Le « Crowdfunding » signifie : « financement par la foule ». Je dois être un peu dyslexique car, quand je n’y prête pas attention, j’ai tendance à écrire « crowfunding » – financement par le corbeau. []
  2. Il est sans doute un peu snob de ma part de dire les choses comme ça, mais je suis frappé du nombre d’étudiants de ce genre d’écoles qui rêvent de services vaguement écologiques de livraison de nourriture. Ils ont une espèce d’envie de mêler éthique, écologie, et commerce, ce qui devrait me sembler sympathique, mais qui me semble toujours être un agencement trop banal, l’idée que l’on a quand on n’a pas d’idées. Leur fixation sur la junk-food m’étonne toujours. Ils ont le ver solitaire, pour avoir des rêves limités au trop gras, trop salé, trop sucré ?
    J’allais écrire qu’il y a aussi des poncifs dans les projets d’étudiants en art, mais soit ce n’est pas vrai, soit je suis trop impliqué pour le voir, car je n’arrive pas à trouver d’exemple. []
  3. Je pourrais parler aussi des films dont je suis — à hauteur de 5, 10 ou 30 euros —, co-producteur sur le site TousCoprods, dont certains m’ont même rapporté de l’argent ! []
  4. À présent, ma caméra est dépassée, car malgré des qualités sonores et optiques exceptionnelles, elle produit des images au format PAL, autant dire minuscules, et impose des manipulations pénibles lorsque l’on veut transférer le contenu des cassettes (car elle fonctionne avec des cassettes) vers un ordinateur. []
  5. Ce mauvais camelot a d’ailleurs réussi à me faire souscrire à une assurance absurde qui fait que si je mourrais subitement aujourd’hui, mes enfants recevraient trente euros par mois pendant quelques années, enfin à présent, ma fille cadette, car elle est la seule à ne pas être majeure. []
  6. Une des premières sociétés dans lesquelles j’ai investi était une société française de production audiovisuelle pour laquelle plusieurs de mes amis ont, à un moment de leur carrière, travaillé : l’idée était d’encourager l’industrie créative française. En discutant de cette société avec plusieurs des amis en question, j’ai compris que mon soutien était bien mal placé : la société en question était réputée dans le milieu pour sa malhonnêteté envers ses collaborateurs occasionnels et ses employés. La gestion était catastrophique et un jour le conseil d’administration a voté la réduction du capital par annulation des actions : du jour au lendemain, celles-ci ne valaient plus rien, et moi, j’avais perdu cinq cent euros. []
  7. lire aussi : Les investissements de (feu mon beau-père) Franko Mislov. []
  8. Le classement Forbes ne mentionne que les fortunes légalement acquises. En comptant les mafias du trafic illégal de drogue ou d’armes, il est possible que le malheureux Dassault soit encore plus loin dans le classement. []
  9. Le financement participatif vénal (c’est à dire le financement participatif qui rapporte potentiellement de l’argent aux financeurs) vient d’être plafonné à 300 000 euros au total, et 250 euros par personne. Ainsi, le phénomène est circonscrit et ne risque pas d’inquiéter les banques. Le prétexte est assez ridicule : protéger les particuliers qui pourraient perdre leurs investissements… comme si le tiercé et le loto, eux, étaient plafonnés !. Lire par ex. L’État encadre strictement la finance participative (Les Échos). Voir aussi le débat que pose, en termes de pouvoir et de contrôle, la question du financement participatif des projets de recherche scientifique. []
  1. 20 Responses to “Pourquoi donner ?”

  2. By sylvia on Jan 6, 2014

    comme d’hab, article intéressant.
    j’étais en train de me dire que je devrais me lancer aussi dans le crowdfunding pour la création, car même si j’achète déjà local pour privilégier les circuits courts par ex. cela ne suffit pas.
    Et là je réalise que c’est déjà fait avec le projet Fairphone \o/ (ou cela ne compte-t-il pas car la somme à donner au projet était fixe ?)

  3. By Jean-no on Jan 6, 2014

    @sylvia : mais si, c’est bien Fairphone, c’est la preuve que les gens qui veulent autre chose que ce que propose l’industrie sont capables de se retrouver pour l’obtenir…

  4. By John Maynard Keynes on Jan 6, 2014

    La seule phrase sensée de votre diatribe bisounours, c’est « Je ne suis pas économiste ». Ben, je dois dire, ça se voit. Si j’écrivais des bêtises pareilles sur votre métier,la programmation, je serais la risée de mes lecteurs, mais les bons sentiments font qu’on pardonne tout, et, grâce à vous, plein de bien pensants vont dire qu’ils ont compris la Bourse et l’économie du financement des entreprises. Bravo !
    Sinon, essayez de trouver un crowdfunding où on vous offre ceci : http://books.google.fr/books?id=wVRBqUjEVX4C&printsec=frontcover#v=onepage&q&f=false
    parce que après « me demander si j’aurais envie », « bien qu’elle essayait », « même si je n’aurai pas les moyens », « dès que j’en aurais le droit », etc. on souhaiterait que vous vous intéressiez un peu plus à la grammaire et un peu moins à l’économie, ce serait davantage à votre portée.

  5. By Jean-no on Jan 6, 2014

    @John Maynard Keynes : Des arguments eussent été bienvenus !
    L’argument d’autorité évasif (et insultant envers des lecteurs hypothétiques que vous jugez assez bêtes pour ne s’intéresser à ce que j’écris que par absence de jugement critique) est vraiment un procédé lamentable. De mon côté, je pense avoir décrit mon parcours intellectuel sur le sujet, à défaut de produire des qualifications ou un nom d’économiste décédé.
    Je ne suis pas économiste, mais les économistes, le sont-ils eux-mêmes, au fait ? Quand sont-ils un vecteur de compréhension, quand sont-ils un outil de propagande (ne serait-ce que par leurs grilles d’analyse et leurs indices), et quand ne servent-ils qu’à décrire ce qu’ils organisent ? Leurs analyses et leurs certitudes portent sur un système qui connaît des bouleversements constants : une technologie, la fin d’un besoin ou la naissance d’un autre peut radicalement modifier ce que nous considérons comme nécessaire, superflu, vital parmi nos besoins. C’est passionnant, ceci dit, mais il me semble que l’économie est une science bien moins exacte qu’elle ne cherche à le faire croire.
    Vous me voyez désolé que mon sens singulier (mais fautif ? Peut-être, enfin là encore, des arguments seraient bienvenus) de la concordance des temps vous déplaise.

  6. By Wood on Jan 7, 2014

    Haha, je viens de voir le Loup de Wall Street et je lis ton article qui parle de moraliser la bourse.

    Hahahahahaha.

    Ha ha.

    Haaa.

  7. By Nicolas Landais on Jan 7, 2014

    Je prépare justement un article sur le sujet, heureux d’avoir votre avis sur la question ( je me penche dessus ce soir )

  8. By Wood on Jan 7, 2014

    En tout cas aux USA le crowdfunding est devenu un outil incontournable pour une foule d’auteurs de BD indépendants qui s’auto-éditent. La plate-forme de choix étant en général Kickstarter (qui appartient à Amazon, mais n’est pas encore disponible en France). Voir cet article dans Publishers Weekly : Is Kickstarter the #2 Graphic Novel Publisher?

    Même les éditeurs « classiques » s’y mettent, comme Fantagraphics.

  9. By 2goldfish on Jan 7, 2014

    @Wolf je ne sais pas qui vous a dit ça mais Kickstarter n’appartient pas à Amazon.

    Pour le reste, il faut noter que les plateformes de Crowd Funding ne font que faire ce dont Jean Noël dit avoir appris l’inutilité : combattre l’ennemi avec ses amies. Du moins si on considère qu’elles veulent le combattre. On peut aussi les voir comme des entreprises qui ont réussi à ‘monétiser’ la générosité.
    Dans une logique capitaliste ça n’est pas une mauvaise chose. En faisant de la générosité une donnée du marché, on peut l’encourager et la stimuler (c’est un peu la logique de la loi Coluche). Personnellement, je sais que l’argent que je donne sur Ulule n’aurait pas être

  10. By 2goldfish on Jan 8, 2014

    Pardon, j’ai fait une fausse manipulation.

    Je voulais dire que l’argent que je donne sur Ulule, je le dépenserais probablement en consommation égoïste qui je ne le donnais pas.

    Bref, le crowd funding n’est pas anti système, mais il est pas mal quand même.

  11. By Wood on Jan 8, 2014

    Autant pour moi. Kickstarter n’appartient pas à Amazon mais les paiement se font tous par Amazon Payments, qui prélève 3 à 5% (en plus des 5% collectés par Kickstarter) à chaque fois. Les liens sont donc étroits.

  12. By Nicolas B. on Fév 9, 2014

    Histoire intéressante.

    Jean-No, je suis curieux de savoir comment cette société a pu « annihiler » tes actions du jour au lendemain.

    Quand tu achètes des actions d’une boîte, tu en deviens plus qu’un partenaire, tu en deviens un propriétaire. La boîte, c’est toi — en partie.

    L’affreux Serge, c’est même 11 % de travail en plus gratuit qu’il gagnerait.

    Je ne suis pas du tout d’accord avec une partie de ta conclusion. Les entreprises privées, c’est le MAL ^^ , et les petites boîtes c’est les pires. Il ne faut pas oublier qu’à la tête d’une PME il y a un exploiteur du peuple, qui fait souvent — à son petit niveau — bien pire que dans les grands groupes. Et ce « petit » patron, souvent, ne rêve que de devenir un gros poisson — en mangeant les autres petits poissons. Je parle en termes simplistes, mais je pourrai faire la même analyse sur les plans du droit du travail, du traitement des salariés, des syndicats, de l’écologie, du respect du client aussi…

  13. By Jean-no on Fév 9, 2014

    @Nicolas B. : en fait non, en possédant un bout de capital, on ne possède pas un bout de boite, on possède juste un bout du capital et c’est différent.
    Par ailleurs, le capital en question est dirigé par ses actionnaires : s’ils sont 95% à voter l’annulation du capital, les 5% restants n’ont pas leur mot à dire, ou plutôt si, ils peuvent venir au conseil d’administration, voter contre, mais ça n’y changera rien. Cela n’arrive que dans les boites où la plupart des actions sont détenues, typiquement, par les fondateurs de la boite, qui votent la destruction des actions pour recapitaliser, repartir à zéro… Et qui à ce moment-là proposent d’ailleurs aux actionnaires lésés un droit à acheter les nouvelles actions, à un meilleur prix il me semble, mais bon, chat échaudé, etc.
    Les PME sont assez diverses, et c’est souvent là où on voit des petits patrons qui sont les derniers à se rémunérer, ou qui ont des idées vraiment novatrices,… Les grosses boites ont souvent tous les défauts, pour moi : elles dictent leurs conditions à l’État (elles négocient leurs charges sociales, par ex.), sont dirigées par la somme des cupidités à court terme de leurs actionnaires, sont administrativement aussi absurdes que les administrations publiques,… Je pense que je préfère les PME, oui, à défaut d’être parfaites, elles sont au moins plus diverses.

  14. By Wood on Mar 15, 2014

    Les projets de crowdfunding que j’ai soutenu jusqu’à présent concernent essentiellement des auteurs de BD auto-édités, pour la plupart outre-atlantique. Dans cette perspective, je n’avais pas l’impression de « donner » mais d’acheter un livre que je commandais juste longtemps à l’avance.

    Dans cette scène, un nouveau système est en train de se mettre en place, c’est Patreon :
    http://www.patreon.com/

    Pour le coup c’est carrément du mécénat (du micro-mécénat ?). On s’engage à donner une somme (au minimum 1 dollar) selon des échéances précises (par exemple à chaque mise à jour d’un webcomic, ou par mois), ce qui peut garantir un revenu régulier aux artistes concernés.

    Exemples :
    http://www.patreon.com/sfemonster
    http://www.patreon.com/jonrosenberg
    http://www.patreon.com/octopuspie
    http://www.patreon.com/erikamoen

  15. By Jean-no on Mar 16, 2014

    @Wood : carrément intéressant, comme modèle.

  16. By Wood on Mar 16, 2014

    Tout le monde se demande si c’est un modèle durable ou si c’est juste une mode et l’engouement va retomber… Ou si les gens qui donnent via Patreon vont acheter moins de livres… Time will tell…

  17. By Jean-no on Mar 16, 2014

    @Wood : l’effet secondaire que j’imagine tout de suite, c’est que ça force les auteurs à un rythme, y compris quand le souffle créatif n’est pas là, et ils pourront mesurer en temps réel l’évolution de leur popularité, ce qui peut les amener à une forme de servitude créative… Mais bon, les stats des sites web posent déjà ce genre de problème.

  18. By Wood on Mar 16, 2014

    Oui particulièrement si les mécènes payent une certaine somme par mois : si l’artiste ne fait pas de mise à jour dans le mois, ils auront l’impression d’avoir payé pour rien. Dans le cas ou la somme correspond à chaque mise à jour, si l’artiste ne poste rien, il ne touche rien. Par contre s’il fait plus de mises à jour que prévu, les mécènes dépassent leurs budget (mais ils peuvent à tout moment changer les sommes engagées).

    De toutes façon, à chaque fois qu’un artiste signe un contrat, il s’engage à travailler, à fournir un résultat indépendamment de l’état de son souffle créatif. Ce serait la même chose avec un éditeur.

  19. By Jean-no on Mar 16, 2014

    @Wood : il faut voir ce que sera la psychologie du mécène : est-ce qu’il participe à salarier l’artiste justement parce qu’il est conscient que le travail se fait sur la durée ou bien est-ce qu’il exigera une régularité…
    Ça me rappelle le système de la syndication dans les daily comic-strips, où on compte x journaux abonnés à tel strip, chiffre qui monte ou qui baisse…
    En tout cas il y a l’excellente Nataly Dawn, chanteuse du duo Pompelamoose.

  20. By Nicolas B. on Juin 4, 2014

    Jean-No :

    À propos des grosses boîtes :

    « elles dictent leurs conditions à l’État »

    Les « petits » patrons rêvent de faire pareil. Mais ils n’en ont pas les moyens. Alors ils manifestent…

    « elles négocient leurs charges sociales »

    Comment ça ? En France ? L’URSSAF n’est pas franchement ouverte à la négociation. ;-) De toute façon, les taux des COTISATIONS ;-) sociales sont déterminés par la loi.

  21. By Jean-no on Juin 4, 2014

    @Nicolas B. : que les petits patrons seraient potentiellement plus nuisibles s’ils en étaient de plus gros tombe sous le sens, non ?
    Sur la négociation des charges, il n’y a bien sûr pas de système automatique mais une négociation du montant lors des redressements massifs. Mais sans doute cela concerne-t-il plus les impôts que les cotisations.
    Sur le mot « charge », que j’ai employé par automatisme, effectivement, on peut le défendre : ce n’est qu’une question de point de vue.

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