Profitez-en, après celui là c'est fini

Sarah Connor ?

juin 9th, 2008 Posted in Robot au cinéma

J’avais promis de consacrer mon prochain article de la série « l’ordinateur au cinéma » à un bon film. Mais je viens de visionner Terminator et j’aurais du mal à m’empêcher d’y consacrer un billet. Du reste ce n’est pas un mauvais film, c’est un concentré d’époque, bourré d’idées, bourré de clichés cinématographiques ou culturels, avec quelques scènes tout à fait inoubliables. Un film marquant, à défaut d’être véritablement bon.

Je sais d’avance la seconde objection qu’on me fera : pourquoi parler de Terminator alors que tout le monde l’a vu et revu et re-revu ? Pourquoi raconter le film ? Effectivement, la question se pose, mais peut-on imaginer une série d’articles consacrés à la vision de l’ordinateur au cinéma qui négligerait de mentionner un classique de la science fiction tel que Terminator ?

Terminator est une mine d’or pour l’amateur de cyber-inculture que je suis. Imaginez le tableau : en 2029, un réseau informatique mondial de défense aérienne créé par le NORAD et nommé Skynet1, a gagné une conscience autonome et décidé, en toute logique, comme le robot Bender dans Futurama, de tuer tous les humains. « Et pas seulement ceux d’en face », comme nous explique un des héros du film qui fait allusion au bloc soviétique – je le signale pour les jeunes générations.
Un réseau informatique mondial créé par l’armée américaine ? Hmmm… Ça me dit quelque chose. L’histoire ne dit pas si ce réseau informatique est devenu conscient après qu’on ait renversé du champagne sur ses processeurs, comme dans Electric Dreams.
Bon, Skynet, aidé par des robots construits dans des usines automatisées, tue presque tous les humains à coup de bombes atomiques (très à la mode en 1984) et place ceux qui restent dans des camps d’extermination. Un survivant nommé John Connor, qui s’avère avoir été prêt à mener cette bataille depuis longtemps, dirige un puissant mouvement de résistance à l’oppresseur électromécanique. Tandis que des chars automatiques broient des millions de crânes humains, Connor et ses compagnons vivent dans des abris souterrains où ils préparent des explosifs en consommant des rats. Puisque Connor est très doué, son plan marche, le système central est à deux doigts de subir une défaite fatale. Alors dans un dernier effort, le méchant réseau Skynet décide de régler le problème en amont, c’est à dire en empêchant Connor d’être né.

Et pour cela, il faut envoyer dans le passé, en 1984 précisément, un robot très méchant, le Terminator de modèle T-800. Il a une apparence humaine et il ressemble même furieusement au gouverneur de Californie, Arnold Schwarzenegger.
Débarqué nu en pleine rue, le robot commence par voler leurs vêtements à un groupe de voyous qu’il massacre de manière assez sanglante.

Une fois habillé, il consulte les pages blanches à la recherche des Sarah Connor qui vivent à Los Angeles dans le but de les exterminer une par une. Heureusement il n’y en a que trois et par chance, la bonne est la dernière de la liste – comme toute bête machine, Terminator traite les listes dans l’ordre.
Mais John Connor est au courant et il envoie dans le passé un humain, Kyle Reese, un sergent de « Tech-Com » (on ne nous expliquera pas ce qu’est Tech-Com), chargé de neutraliser le robot et de protéger Sarah Connor. En réalité il a une mission supplémentaire, mais il l’ignore, qui est de devenir le père de John Connor.

La boite de nuit où Sarah Connor rencontre le futur père de son enfant et Terminator est toute droit sortie d’un clip de Billy Idol : brume artificielle, grillages, néons, futurisme no-future.
Au passage, il y a une assez belle scène qui nous montre l’instant où les Sarah, Kyle et Terminator se croisent avant de s’identifier les uns les autres, au milieu des danseurs au ralenti.
Le night-club s’appelle Tech-Noir. Le Tech-noir est un sous-genre de la science-fiction, du roman noir futuriste. On mentionne souvent Blade Runner ou Alien – et bien entendu Terminator – comme exemples de Tech Noir. Il semble que la boite de nuit du film ait donné le nom au genre et non le contraire. Aujourd’hui, on parle plus volontiers de Cyber-punk.

Le scénario ne nous épargne rien : les fausses peurs (une personne sursaute à cause d’un lézard ou d’un farceur alors que nous nous attendions à voir débarquer Terminator), les fausses fins (les héros, qui se croient victorieux, s’enlacent sans voir que derrière eux le méchant se remet à bouger… le spectateur, comme au guignol, a envie de crier « attention ! derrière vous ! ») les petits problèmes de logique spatio-temporelle (un type qui en envoie un autre dans le passé parce qu’il va y devenir son géniteur), les coupes de cheveux eighties, les scènes d’amour avec un walkman, la colocataire délurée, les policiers qui se charrient, le psychiatre du commissariat qui trouve la cohérence du discours de l’homme du futur admirable, les gens qui mettent une heure à comprendre une situation évidente,… Et jusqu’aux chiens alliés des humains qui savent détecter les méchants robots et aboyer sur leur passage.

Enfin, Terminator est en pleine ère « gun » à Hollywood (Rambo, Scarface, Cobra, Delta Force, Commando) : la beauté chorégraphique et sportive des arts martiaux du cinéma chinois était encore méconnue, la perversité froide des serial killers (qu’on s’est plu à imaginer supérieurement intelligents) n’était pas encore devenue un standard non plus mais la mode était déjà à une surenchère de violence. Les années Reagan, quoi. Tout le monde tire sur tout le monde sans économiser ses balles perdues, de manière complètement irréaliste. On est parfois embarrassé : qu’est-ce que c’est que ce grand robot hyper-sophistiqué mais complètement pataud qui n’arrive jamais à en mettre une dans le mille, qui ne zigouille que les figurants et les petits rôles ?
Le film, considéré en son temps comme un film d’horreur plutôt que comme le blockbuster grand public qu’il est a été interdit aux moins de dix-huit ans dans la plupart des pays. À mon avis, il ne risque pas de traumatiser les enfants de dix ou douze ans d’aujourd’hui – les miens en tout cas ne m’ont pas semblé souffrir et nous sommes loin de l’angoisse que peuvent susciter certaines séries policières diffusées en prime-time.

Certains effets spéciaux ont plutôt bien supporté la patine du temps. L’inversion des rôles finale (Sarah quitte sa position passive, prend l’initiative, protège Kyle et trouve le moyen de se débarasser d’Arnold Schwartzenegger) est plutôt moderne pour un film d’action de ce genre et de cette époque – même si le lieutenant Ripley de Alien avait ouvert la voie.
Je défends souvent le point de vue que les films de James Cameron (Terminator, Aliens, Abyss, Titanic) étaient déjà ringards à leur sortie, opposés à Star Wars, Alien, Rencontres du 3e type, Blade Runner ou encore Dune. Mais en les revoyant, je me demande si ce que je leur reprocherais n’est pas, avant tout, d’être dénués de toute vision poétique, car leur vieillissement est nettement moins dramatique que je l’avais prédit.

La vision informatique du robot, que l’on trouvait déjà dans Mondwest (Michael Crichton), est graphiquement assez belle : l’image est rouge, noire et blanche avec des textes qui s’affichent en surimpression.

Un clin d’œil réussi dans le film est l’importance donnée à un répondeur. Le message enregistré, que nous entendons à deux reprises, dit chaque fois « Salut ! ha ha, je vous ai bien eu, vous êtes en train de parler à une machine. Mais ne soyez pas timide, pas de problème, les machines aussi ont besoin d’amour, alors parlez-lui… » (Hi, there. Ha ha ha. Fooled you. You’re talking to a machine. But don’t be shy. It’s OK. Machines need love, too, so talk to it…). Nous entendons le message la première fois lorsque les policiers cherchent à joindre Sarah et la seconde fois lorsque Sarah cherche à joindre son amie Ginger, à qui elle donne l’adresse du night-club Tech Noir, ignorant que son amie vient de se faire assassiner par Terminator qui écoute attentivement le message laissé par le répondeur : affreuse ironie, Sarah est bien en train de parler à une machine, mais à une machine qui l’écoute vraiment.
Les communications à distance sont utilisées à plusieurs reprises dans le film, car s’il a du mal à passer inaperçu lorsqu’il se montre, le T-800 sait admirablement imiter les voix et les intonations pour obtenir certaines informations par téléphone. On n’a tout de même pas droit à des dialogues tels que : « Allo… Madame Sarah Connor ? Bonjour madame Sarah Connor, je me présente, je suis Alexandre Legrand de la société cyber cuisine et j’aimerais vous annoncer que vous avez gagné un superbe service à thé madame Sarah Connor. Nous vous attendons dans notre nouvel espace conseil pour récupérer votre cadeau madame Sarah Connor ».

La première saison d’une série intitulée Terminator : The Sarah Connor Chronicles vient d’être diffusée aux États-Unis. L’action se déroule chronologiquement après le second épisode de Terminator et semble assez réussie. Dans le casting, on trouve notamment la belle Summer Glau, qui interprétait la taciturne et inquiétante River Tam dans la série Firefly et dans le film Serenity.

  1. Le nom Skynet a utilisé pour baptiser un des premiers fournisseurs d’accès à Internet de Belgique, créé en 1995 et racheté par l’opérateur Belgacom quelques années plus tard. []
  1. 11 Responses to “Sarah Connor ?”

  2. By bobig on Juin 9, 2008

    j’avais bien apprécié ce film à sa sortie (j’étais jeune et fier) seul reproche : la fin du film où le terminator n’arrête pas de surgir malgré la casse qu’il a subi (j’ai même eu peur qu’un orteil du robot s’anime pour aller tuer l’héroïne)

  3. By Jean-no on Juin 9, 2008

    C’est vrai que c’est un ressort narratif pénible. Et le pire c’est qu’il y a à peu près la même chose dans le suivant.

  4. By mat on Juin 10, 2008

    Ah ça fait du bien d’entendre parler à nouveau de terminator !
    il y a je trouve dans ce film un jusque boutisme assez génial… et je suis d’accord sur l’intérêt de la bataille femme-machine !

    Une très bonne chronique !!
    ps : j’aime quand même vachement le film, je m’étais auto-caricaturé en « consommator » :) http://chroniquesdemat.canalblog.com

  5. By nicco on Juin 11, 2008

    « Le film, considéré en son temps comme un film d’horreur plutôt que comme le blockbuster grand public qu’il est »

    « Blockbuster » tourné avec un budget si réduit que nombre de scènes furent tournées en une seule prise et sans autorisation.
    Revoir la définition de blockbuster.

    Quand à « grand public », l’affirmation est tellement déconnectée des faits de l’époque que je me demande s’il n’y a pas confusion avec l’envergure qu’auront les deux suites…

    Que l’on voit des clichés et du ringardisme dans un film dont on reprendra à n’en plus pouvoir les diverses idées scénaristiques et de mise en scène (comme la présentation d’un background durant une scène d’action par exemple), passe encore.
    Mais refaire l’histoire d’un film à ce point, surtout pour s’en moquer avec cynisme (« il ressemble même furieusement au gouverneur de Californie ») du haut de 25 ans de recul (ou devrais-je dire, de 25 ans de remodelage passif des faits), est une méthode qui me laissera toujours songeur…

  6. By Jean-no on Juin 11, 2008

    “Blockbuster” tourné avec un budget si réduit que nombre de scènes furent tournées en une seule prise et sans autorisation.
    Revoir la définition de blockbuster.

    Il me semble que c’est le public qui fait le blockbuster, pas le budget ! Question de définition effectivement. Je me rappelle de la sortie de Terminator en France, c’était un poids lourd parmi les sorties, le film à voir absolument. Mais aujourd’hui, il a été loué combien de fois en vidéo-club à votre avis ? C’est un classique, comparément par exemple à l’excellent « They Live » de John Carpenter.

    Quand à “grand public”, l’affirmation est tellement déconnectée des faits de l’époque que je me demande s’il n’y a pas confusion avec l’envergure qu’auront les deux suites…

    trois millions d’entrées en France selon imdb et des recettes mondiales équivalentes à un film comme Footloose. Bien moins importantes que Ghostbusters, bien entendu, mais considérant la diffusion restreinte à un public adulte, ça me semble naturel.

    Mais refaire l’histoire d’un film à ce point, surtout pour s’en moquer avec cynisme (”il ressemble même furieusement au gouverneur de Californie”) du haut de 25 ans de recul (ou devrais-je dire, de 25 ans de remodelage passif des faits), est une méthode qui me laissera toujours songeur…

    En fait je pars du principe que tout le monde sait que le Schwartzenneger de 1984 n’était pas pressenti pour le poste de gouverneur et que cela crée un décalage comique d’y faire allusion. Ce n’est pas vraiment une méthode (rien à prouver), ça relève disons du clin d’œil.

  7. By sf on Juin 12, 2008

    No fate
    but what you make.
    ^_^

    Dans la famille héroïnes contre les machines,
    Kara Thace « Starbuck » est bien aussi.

  8. By Jean-no on Juin 12, 2008

    J’ai regardé un épisode de Gallactica l’autre jour, mais ça ne devait pas être un bon.
    On m’a plusieurs fois fait la pub de Gallactica et du personnage de Starbuck. Il faut que je prenne mon courage à deux mains pour démarrer la série depuis son premier épisode, et en VO. Pour moi qui regardais la (très mauvaise) série d’origine, Starbuck n’est pas une jolie blonde athlétique mais un un mec un peu fadasse aux faux-airs de Han Solo et aux cheveux queue-de-vache.

  9. By Wood on Juin 12, 2008

    plusieurs choses en vrac :

    – tu es sûr, pour l’interdictions aux moins de 18 ans ? Je suis allé le voir en salles à sa sortie, et j’avais 10 ans maximum.

    – Concernant Starbuck, ce qui fait justement tout son charme à mes yeux, c’est son côté « tomboy » : elle fume des cigares, boit comme un trou, se bagarre (y compris avec un officier supérieur), et joue la grande gueule en toutes occasions. D’ailleurs je préférais sa coupe de cheveux (plus courte) du début de la série. Mais bon, je suis peut-être un pervers.

  10. By Jean-no on Juin 12, 2008

    En France, aucun film n’est jamais interdit à personne, ou presque. On est le pays le plus permissif pour le cinéma, il n’y a qu’à voir imdb. J’avais 15 ans quand j’ai vu Terminator et je pense effectivement qu’il n’était interdit à personne. Mais dans la plupart des autres pays, si.

  11. By mariaque on Avr 4, 2010

    Notre humble avis, par ici, vous linkant par la même occasion !

    http://eightdayzaweek.blogspot.com/2010/03/quel-film-avons-nous-vu-ce-jour_6315.html

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  2. Juin 9, 2008: Le dernier blog » Blog Archive » La science en train de se faire (Andromeda Strain)

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