Profitez-en, après celui là c'est fini

Devenez employé non-rémunéré pour seulement sept euros

mai 1st, 2013 Posted in Brève, Interactivité, Mauvaise humeur, stationspotting

(voilà un article qui aurait pu avoir sa place sur le blog Castagne, car il s’agit plus d’une humeur que d’un billet étayé et réfléchi)

Depuis quelques mois, la RATP et la SNCF proposent à leurs usagers de recharger leurs cartes « Navigo » depuis chez eux grâce à un dispositif dédié. Pour avoir le droit de ne pas faire la queue devant les bornes publiques en début de mois, les utilisateurs doivent débourser sept euros.
J’ai lu sur plusieurs sites « techno » enthousiastes que ces sept euros étaient une excellente affaire pour l’acquisition de ce lecteur de cartes à puces. On trouve pourtant des lecteurs de « smart cards » à l’unité, sur des sites chinois, pour cinq ou six dollars, port compris, donc j’imagine que quelqu’un fait une marge sur la revente de ces appareils, peut-être même la RATP et la SNCF, qui se gardent bien de communiquer sur le fait que d’autres lecteurs peuvent fonctionner et qu’il n’y a pas besoin d’acheter un des deux modèles qu’ils proposent (Liteo par Ingenico, et WA981 par la société Beijing WatchData System Ltd).

lecteur_navigo

Cet appareil sert à diminuer le coût d’entretien et le nombre de bornes qui se trouvent dans les gares, bornes qui elles-mêmes ont permis de diminuer le nombre d’employés humains situés derrière les guichets. Tout ça à la charge de l’usager (enfin du « client », doit-on dire à présent), pour un peu moins du coût d’une heure de Smic. Le tarif des transports, quand à lui, continue d’augmenter régulièrement et, dans le cas des grandes lignes, est devenu « élastique » : les prix sont prohibitifs dès lors que l’on n’a pas le choix de la date de ses trajets, et seulement scandaleux le reste du temps.
Aujourd’hui, c’est la fête du travail1, le taux de chômage en Europe a atteint un nouveau record et la société nationale des chemins de fer allie sa situation monopolistique d’entreprise plus ou moins publique à des pratiques commerciales qui ne sont, parfois, pas loin de ressembler à de la malveillance.

  1. La fête des droits des travailleurs, me glisse-t-on dans l’oreillette. []
  1. 20 Responses to “Devenez employé non-rémunéré pour seulement sept euros”

  2. By Jean on Mai 1, 2013

    Je me suis demandé si tout ça ne serait pas hackable. Sûrement que si. De belles soirées à se tenter ça en perspective…

  3. By Jean-no on Mai 2, 2013

    @Jean : le lecteur permet de savoir ce qui se trouve sur la puce, je ne sais pas s’il est possible d’y écrire n’importe quoi, mais va savoir !

  4. By Thomas on Mai 2, 2013

    Pour en revenir à la partie sociologique du billet, je me permets de renvoyer à la publication récente de Guillaume Tiffon, « La mise au travail des clients ».

  5. By Jean-no on Mai 2, 2013

    @Thomas : grand sujet, sur lequel je suis plus partagé que ne le suggère ce billet d’humeur, parce qu’en même temps je ne suis pas pour les métiers idiots, qui sont souvent ceux qui peuvent être remplacés par des machines. Mais comme le proposait je ne sais qui (Saint-Simon ?), quand un métier est remplacé par une machine, il serait logique de dédommager l’employé évincé par l’automate, et de partager le travail et le fruit de la mécanisation, pour arriver au rêve (pas du tout utopique) que nous promettait une certaine science-fiction : deux heures de travail par jour pour une prospérité générale et partagée… Mais ceux qui ont besoin d’avoir vingt maisons pour se loger ne l’entendent évidemment pas de cette oreille, et ce sont eux qui ont le pouvoir.

  6. By Reg on Mai 2, 2013

    Le progrès consiste à supprimer des emplois pour les remplacer par des machines. Et c’est effectivement dommage.

    Je ne suis pas d’accord avec cette notion de métier « idiot » : le contact humain n’est pas une activité idiote, les humains sont souvent idiots, pas les activités.

  7. By Jean-no on Mai 2, 2013

    @Reg : il existe quand même des métiers plus gratifiants que d’autres. Ceci dit c’est une question très complexe. Je remarque par exemple que les métiers dépréciés sont généralement les métiers indispensables : une boite peut tourner alors que sa direction est en vacances depuis un mois, mais une ville ne peut pas se passer d’éboueurs une semaine. Je suis d’accord sur le contact humain, même s’il peut prendre d’autres formes que le guichet – ceci dit l’horreur c’est le call-center : des humains à qui une machine dicte la conversation…

  8. By V L A O T C H O S E ! on Mai 2, 2013

    « DMB »
    http://nanmaistagueule.tumblr.com/post/49393783821/nan-mais-ta-gueule-la-ratp#disqus_thread

  9. By Gathe on Mai 2, 2013

    La vente de ces lecteurs individuels me fait également hurler, mais pour encore d’autres raisons : c’est pousser encore un peu plus loin l’individualisme et le chacun-chez-soi, et refuser jusqu’à faire la queue devant une machine une fois par mois… et surtout, c’est pousser la fabrication d’objets manufacturés inutiles à son comble : pourquoi avoir une borne SNCF partagées entre tous quand on peut avoir chacun son petit lecteur, qui va servir… allez, deux à trois fois par mois selon les foyers…
    Si le STIF veut effectivement réduire les longues queues devant les machines (amélioration du service client), alors il existe des solutions plus simples : un pré-rechargement sur internet, validé par un passage ultra-rapide en borne, ou même… permettre les abonnements au mois à partir de la date que l’on souhaite, et répartir ainsi les rechargements sur tout le mois, et optimiser l’usage des bornes… (au prix de l’abonnement mensuel, ça ne me parait pas une concession inimaginable!).
    Mais c’est sûr que si l’objectif est de réduire les coûts et de faire payer un peu plus les usagers… eh bien c’est hypocrite et un peu bas de jouer sur des instincts individualistes comme ça!
    Désolée pour le pavé, je pense que j’avais un billet d’humeur en moi en attente sans blog sur lequel le décharger! :)
    et merci pour l’ouverture sur la question des emplois « idiots » vs « machines », où je vous rejoins : l’argument de supprimer ces emplois sera en effet sûrement valable le jour où il s’accompagnera d’un partage de l’emploi restant et des richesses. Sans ça, il s’agit juste d’une énorme hypocrisie! (bon, je ne me lance pas sur le sujet des emplois qu’on défend à tout prix sans s’interroger sur leur apport à la société – automobile, nucléaire, ou encore Doux etc.)

  10. By Jean-no on Mai 2, 2013

    @Gathe : voilà, ce n’est rien un lecteur de cartes à puce individuel, mais ça dit beaucoup sur la société qui se construit.

  11. By damien on Mai 2, 2013

    mais ? ces phrases sont miel à mes oreilles !

    tu regrettes qu’on n’ait pas deux heures de travail par jour pour une prospérité générale et partagée… Mais ceux qui ont besoin d’avoir vingt maisons pour se loger ne l’entendent évidemment pas de cette oreille, et ce sont eux qui ont le pouvoir. !

    et tu déclares que une boite peut tourner alors que sa direction est en vacances depuis un mois, mais une ville ne peut pas se passer d’éboueurs une semaine. !

    attention cher jean-no, tu vires anarcho-gaucho-décroissant, canal révolutionnaire !

  12. By Jean-no on Mai 2, 2013

    @damien : j’ai toujours été plus ou moins anarcho-gaucho-décroissant, option réac’ « c’était mieux avant ». Par contre je ne me reconnais dans aucun parti, je n’arrive même pas à être sûr qu’ils soient utiles.

  13. By Jean on Mai 2, 2013

    éboueur, c’est nécessaire. sans doute pas épanouissant (même s’il m’est arrivé de rencontrer deux, trois personnes qui m’ont affirmé avoir rêvé de nettoyer les rues, étant enfant…). Gardien de musée, voilà un métier idiot. Qui rend idiot.

    @Reg : Bien sûr qu’on peut tergiverser sur la notion discriminante en apparence, et qu’une activité reste conditionnée à ce qu’on en fait. Mais ne pas reconnaître l’évidence de sots métiers, c’est pratiquer l’aveuglement.

  14. By Samuel on Mai 2, 2013

    Je ne connais pas « La mise au travail des clients », mais j’ai lu « Le travail du consommateur », de Marie-Anne Dujarrier, qui me semble proche :

    http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index.php?ean13=9782707154675

  15. By damien on Mai 2, 2013

    @jn – je ne sais pas si c’est l’endroit pour une longue discussion sur l’utilité ou non des partis, mais j’avoue être partagé : incapable à titre personnel de m’engager dans un groupe supérieur à deux personnes, et pas loin de penser comme le bon desproges que l’intelligence individuelle se divise en fonction du nombre de personnes en présence, je ne peux que constater que l’action collective – voire de parti – à un sens historique, et que sans ces actions, peu de progrès social aurait été fait.

    bon si tu tiens à jour tes fiches sur tes réguliers, tu devineras que je n’ai pas totalement le droit de cracher sur les partis (de gauche) à la maison (d’ailleurs tes réflexions vont dans le sens de cette intervention que je lisais par là ce matin : http://www.lespetitspoissontrouges.org/index.php?post/2013/05/01/Lutte-contre-la-demesure—pour-un-revenu-maximum-autorise–La-mode-est-aux-liste-de-noms-avec-des-chiffres-en-face-En-voici-quelques-uns-) (oui, c’est du copinage éhonté, mais ça fait sens avec tes commentaires)

  16. By Gallorum on Mai 2, 2013

    @Gathe>
    avoir un lecteur de cartes à puces chez soi n’est pas aussi idiot que ça s’il est multi-formats, ce qui est généralement le cas. L’utilité est alors beaucoup plus grande si on peut lire (et vérifier) les infos personnelles qu’on retrouve sur ces supports : carte bleue, carte vitale, carte de transport, etc.

    Et oui, éviter de faire une queue inutile, j’apprécie. Je suis jaloux de mon temps, et de la gestion que j’en ai.
    Si je dois perdre du temps à recharger ma carte, je préfère le faire chez moi à l’heure que je veux, même dans le cas (peu probable) où je passerais plus de temps à configurer le bousin qu’à faire la queue à la SNCF.

    En revanche, je déplorerais la situation si on n’avait plus le choix.

    > et merci pour l’ouverture sur la question des emplois « idiots » vs « machines », où je vous rejoins : l’argument de supprimer ces emplois sera en effet sûrement valable le jour où il s’accompagnera d’un partage de l’emploi restant et des richesses

    Et j’ajouterai : et d’un revenu inconditionnel d’existence à partir de la majorité.
    Tous les gains de productivité faits par la société depuis la nuit des temps (ou plutôt depuis le début de l’ère industrielle) devraient être partagés par tous, de cette manière.

  17. By Jean-no on Mai 2, 2013

    @Gallorum : c’est une carte à puce universelle, mais les gens ne le savent pas, et le logiciel qu’on leur fait utiliser, qui ne sert qu’à Navigo, est une applet Java dédiée ! (gros souci sur Mac ou le plug-in Java, par défaut, est désactivé).

  18. By uthagey on Sep 25, 2013

    Alors que l’on peut réserver à n’importe quelle heure un avion en ligne (enfin, pas quand on est déjà assis,dedans, hein.. ), multiplier et favoriser les dispositifs de paiement n’est pas scandaleux.

    Outre le fait d »éviter de faire la queue 1/2h ou plus devant une borne RATP, ce qui est dommage, à mon avis, c’est de ne pas pousser justement l’avantage de l’individuation jusqu’au bout au lieu de rester assujetti à l’offre standard de la Régie : abo hebdo-mois-annuel ; Ticket-ou-forfait

    Par exemple, en permettant un abonnement à la carte qui débuterait et se terminerait aux dates que choisirait le client de passage, ou optant temporairement pour ce mode de transport.

    La critique du transfert du temps de travail vers le client est légitime, puisque ce dernier n’a pas de bénéfice financier dans l’opération… Et alors que, très souvent,la durée nécessaire à l’opération peut être bien supérieure à celle qui est nécesaire avec un agent tout en chair…

    Mais au final, on se dit aussi que l’on devrait justement avoir, au minimum, accès aux données de ces multiples cartes à puces que l’on trimballe tous plus ou moin. ET qu’un lecteur universel, ne serait pas un équipement inutile pour cela.

  19. By Jean-no on Sep 25, 2013

    @uthagey : le manque de souplesse de l’offre est ahurissant : quel intérêt, pour l’usager, au numérique ? Aucun. Pour la société de transport, l’avantage, c’est que l’usager a à faire à des systèmes automatisés, donc sans négociation, sans exceptions, sans discussion.

  20. By uthagey on Sep 25, 2013

    Anyway, il n’y a pas grand-chose à négocier même devant l’hygiaphone.

    Le rapport commercial de la Ratp à ces clients c’est surtout celui-là : « trouves ta cases + paies le tarif = casses toi »

    Donc oui.. Le lecteur de carte n’a guère d’intérêt. Sauf inclus avec ma carte Ouigo, peut-être..

  21. By Jean-no on Sep 26, 2013

    @uthagey : négocier, un peu tout de même. Par exemple une fois de temps en temps, je veux entrer dans le métro avec le ticket que j’ai utilisé pour prendre le train, et ça ne marche pas, parce que j’ai marché dix mètres et oublié que mon ticket train+métro (que l’on m’impose, autrefois il était possible de prendre train seul) marche à la station Saint-Lazare (où arrive mon train) mais pas à la station Liège, qui se trouve juste à côté. Eh bien là, j’explique mon cas à la personne qui vend les tickets, et elle m’ouvre le portillon. Quand il n’y aura plus d’humain, ça ne sera plus négociable. Et puis rien que se plaindre, quoique usant pour les agents, permet (idéalement) de faire remonter l’information à qui de droit, même si souvent j’ai peur que ça ne serve qu’à se défouler.

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