Profitez-en, après celui là c'est fini

Real Humans

avril 3rd, 2013 Posted in Robot au cinéma, Série

real_humans_dvdIl arrive souvent que je raconte le scénario complet des films ou des séries dont je parle ici, mais cette fois, je vais me retenir, car ce serait un peu cruel pour les éventuels spectateurs puisque Real Humans ne sort officiellement en France que demain, à la fois sous forme de DVD et à la télévision, sur la chaîne Arte qui en diffusera deux épisodes chaque jeudi.
Sur la jaquette du DVD, un autocollant affirme que Real Humans se situe « entre Blade Runner et Millenium » : Blade Runner à cause des créatures humanoïdes, et Millenium, parce que cette série, dont le vrai titre est Äkta Människor (« personnes authentiques »), a été produite en Suède. On cherchera en vain un lien avec Millenium, série de romans1 qui sert à vendre un peu n’importe quelle fiction septentrionale depuis quelques années. Il aurait été plus amusant et plus juste de dire « entre Blade Runner et Ikea » ou « entre Asimov et Volvo ».

L’action de Real Humans se déroule dans notre monde, enfin dans un futur très proche : les ordinateurs ressemblent à ceux que nous utilisons, les voitures ne volent pas, tout nous semble familier. Mais la robotique a fait des progrès gigantesques et les « Hubots » (HUman roBOTS), des robots d’apparence humaine, sont partout. Ils occupent les emplois ingrats ou dangereux, sont domestiques ou tiennent compagnie aux personnes âgées ou aux célibataires. La plupart d’entre eux sont assez faciles à identifier, leur beauté est trop idéale et leur épiderme un peu lisse. Beaucoup portent par ailleurs des vêtements spécifiques qui permettent, là encore, de connaître leur nature. Ces robots, malgré des capacités cognitives adaptées aux tâches qu’ils accomplissent et même à la conversation, n’ont pas de pensée autonome, ne peuvent pas fournir une autre réponse que celle qui a été programmée, à moins de tomber en panne, ce qui n’est pas tout à fait rare. Mais voilà, il existe un petit groupe de robots fugitifs qui ne sont pas comme les autres.

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La série explore les rapports entre l’homme et son imitation mécanique au quotidien, à la manière des premiers récits de robots d’Isaac Asimov. La fuite d’un groupe de robots rappelle A.I. et, effectivement, Blade Runner. Mais on peut penser que le créateur de la série, Lars Lundström, a étudié attentivement de nombreux autres récits mettant en scène des robots, notamment au cinéma, j’ai l’impression d’avoir vu des citations de Les femmes de Stepford autant que de son remake, de Cherry 2000, de Surrogates, et même d’Astro Boy voire de Gunnm. On pense évidemment aussi aux Real Dolls, ces jouets sexuels grandeur nature dont l’apparence hyperréaliste nous trouble. La multiplication des références, des sources d’inspiration et des registres (humour, drame social, suspense ou même film d’horreur) ne fait pas de Real Humans un brouet indigeste, bien au contraire, sa réalisation est à peu près impeccable (à quelques flashbacks inutiles près), et parvient même à apporter une bouffée d’air frais par rapport aux séries HBO et assimilées qui, au fil des années, semblent scénarisées de manière de plus en plus mécanique, jusque dans leurs retournements de situations, et dont la complaisance envers la torture, notamment, est de plus en plus suspecte à mon goût2.

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Ici, les rapports entre les personnages ne semblent pas tout entiers au service du récit, ils sont traités, quelque part, comme des individus. Des humains. C’est le cas par exemple de Roger, qui se sent oppressé par l’importance croissante des robots dans son usine autant que dans son foyer, qui se sent écrasé par la perfection de ces simulacres d’êtres humains qui le renvoient à ses frustrations. Quand à son épouse, comme Sarah Connor dans le second Terminator, elle se demande si le meilleur beau-père le plus souhaitable pour son fils ne serait pas son robot de compagnie.
Le sujet de Real Humans est donc aussi la manière dont les humains vivent, dont ils s’utilisent, dont ils exigent des choses les uns des autres, dont ils se débarrassent les uns les autres, de la manière dont fonctionnent les familles ou l’entreprise.
Je n’en suis qu’au cinquième épisode (sur dix) mais je suis déjà ravi d’apprendre qu’une seconde saison est en tournage. En revanche je suis inquiet en apprenant qu’un remake anglophone lui aussi en chantier. La langue et le paysage ont une grande part dans le charme de cette série.

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À propos de robots, Daniel Ichbiah (Ancien de Univers>Interactif, auteur de La saga des jeux vidéo et de Robots : genèse d’un peuple artificiel — indisponible en librairie mais que l’on trouve à présent au format Kindle) me signale sa conférence C’est un sale boulot, mais il faut bien que les robots le fassent, au Futuroscope de Poitiers. Parlant des robots, il a cette réflexion savoureuse : « la réalité est très en retard sur la fiction ». Il rappelle aussi que si le robot humanoïde a de l’avenir, c’est parce qu’il sera fait pour manipuler les instruments que nous avons conçus pour nous-mêmes.

Lire ailleurs : Real Humans (100% humains), bientôt sur Arte, par Nicolas Beudon ; Notes sur Äkta Människor, par Elifsu Sabuncu ; Real Humans saison 1 chez Traqueur Stellaire.

  1. J’ai finalement lu Millenium, du moins le premier tome. Les personnages sont parfois bien campés, et j’ai trouvé intéressante cette manière de faire intervenir des hackers dans un roman noir (même si c’est le principe du genre Cyberpunk, après tout), mais je n’ai pas une attirance très forte pour les thèmes sordides, je suppose que je ne souffre pas assez de l’ennui pour ça. Je n’ai donc pas lu le tome suivant. []
  2. L’étude du cerveau nous a appris que la vision d’une personne qui souffre active les zones liées à la douleur dans son propre cerveau. Je soupçonne les producteurs de séries de jouer sciemment sur ce fait, qu’ils enrobent de justifications scénaristiques (la cruauté de l’antiquité, du moyen-âge, du Far-West, de la pègre, etc.) pour provoquer, à peu de frais, des émotions fortes chez le spectateur. Rien de ce genre ici. []
  1. 10 Responses to “Real Humans”

  2. By Un Oeil on Avr 5, 2013

    Je suis absolument pas branché séries d’habitude mais celle-là m’avait intrigué par ses affiches et son sujet. Esthétique intéressante, bonne idée de base mais complètement sous-exploitée je trouve. Très peu de sens visionnaire et d’imagination sur la façon dont un marché d’androïdes domestiques pourrait fonctionner. A l’heure de iTunes et du 2.0, les robots de cette série sont de simples automates tels que Jules Verne aurait pu les imaginer. Ils ont des gestes, des phrases, des sentiments qu’ils ne devraient pas avoir. Ils communiquent entre eux en s’envoyant de e-mails (!!). Les magasins de robots sont calqués sur un modèle « concession de voitures » où l’on rapporte son robot chez soi empaqueté dans un carton après l’avoir chargé dans la Laguna… Et alors qu’on peut s’imaginer qu’on achèterait un automate standard + les logiciels qui nous intéressent pour l’en équiper, là les robots existent par modèle : le robot femme-de-ménage, le robot-ouvrier, etc. C’est décevant, sans parler de l’écueil des robots révoltés, qui aurait pu être évité.

  3. By sandrine on Avr 6, 2013

    J’ai jeté un coup d’oeil au premier épisode (en replay sur le site d’Arte).

    J’avoue que je n’ai pas été totalement convaincue pour l’instant.
    D’abord d’un point de vue formel je trouve très déplaisante l’esthétique complètement aseptisée tant des décors que des personnages (couleurs blanches ou bleu/vert pâle, visages lisses et figés des robots, un peu à la Barbie et Ken…). C’est sans doute volontaire, mais je trouve ça un peu flippant.

    Ensuite sur le fond j’ai l’impression que les situations mises en scène ou les problématiques abordées ont déjà été traitées dans d’autres oeuvres, celles que vous citez notamment, et que la série (pour l’instant) n’apporte pas de regard neuf. Peut-être cela évolue-t-il par la suite? Je regarderai sans doute les épisodes suivants pour m’en assurer.

    Je ne sais pas si ce sujet sera abordé plus tard dans la saison, mais il serait intéressant de réfléchir sur l’aspect « androïde » des robots. Est-ce qu’ils susciteraient les mêmes émotions (positives ou négatives) chez les humains, est-ce qu’on leur prêterait des émotions (amour, ressentiment) s’ils étaient moins humanoïdes et ressemblaient plus à des machines?

  4. By Sylvia on Avr 6, 2013

    Alors, après avoir vu les 2 premiers épisodes, voici mes impressions (qui reprennent certaines déjà partagées par Sandrine, mais avec une analyse différente) :

    On remarque très vite que ce monde est très aseptisé en effet, c’est très flippant et je crois qu’il faut le lire comme étant la conséquence de l’utilisation massive des Hubots : c’est comme si ils avaient apporté une certaine paix sociale. Peu de bruits de fond (de la vie courante), pas de papiers qui trainent dans les rues, pas ou peu de passants à l’extérieur (même dans les bas fonds où l’on peut suivre Leo et Max, j’ai trouvé que c’était assez nickel).
    On remarquera aussi que les humains sont eux aussi aseptisés, assez dépourvus d’expressions et de manifestations d’émotions (à part ceux qui se revendiquent du réseau AktaManniskor justement).
    Cela me parait très étonnant, et être une approche assez différente des précédentes séries qui traitaient des hommes et des robots à l’apparence d’hommes que j’avais suivies : Battlestar Galactica et son spin off Caprica. En effet, dans ces 2 séries, les gens étaient toujours des gens, avec des colères, des joies, des peines, des visages expressifs. Les rues, les villes, bien que débordantes de technologies avancées, étaient au final toujours les mêmes qu’avant, avec des bagarres de rues, des commerces animés etc. Cela fait un 1er point d’intrigue à mes yeux.
    Ensuite, contrairement à Un Oeil, j’ai apprécié la relative simplicité et le manque « d’imagination » pour illustrer le marché des Hubots. Cela sort la série du rang de série « science fiction » en la situant dans le domaine du complètement possible et probable, et cela renforce d’autant le côté flippant déjà présent.
    Enfin, et c’est sûrement ce qui fait que beaucoup ne vont pas poursuivre le visionnage, il est vrai que pour le moment l’implantation du décor l’emporte sur l’histoire et le scénario, et on peut trouver ça lassant. Surtout que, comme l’a dit Un Oeil, le coup des robots révoltés a déjà été fait des tas de fois. Tout comme la mention du père fondateur des Hubots (je ne me rappelle plus du prénom mentionné par la chef aux faux airs de Chrissie Hynde), que l’on peut soupçonné d’être le père bio de Leo. On passera aussi sur le prénom de ce dernier qui le place d’emblée en leader (au rang des Neo, John, Jack).
    Je ne sais pas encore si c’est volontaire pour jouer avec les clichés et les distordre ou si c’est de la simple imitation, il me faut donc voir la suite !

  5. By Jean-no on Avr 6, 2013

    @Sylvia, @Sandrine : en fait le côté aseptisé, la paix sociale, c’est tout bêtement la Scandinavie ! Les gens sont vraiment comme ça, là bas. Rien n’est étonnant en fait. Pour le reste, la série joue sur des tas de clichés connus, mais il n’a malgré tout jamais existé de série de ce genre, me semble-t-il.

  6. By Sylvia on Avr 6, 2013

    @Jean-No hum, tu ne crois pas que cela va au delà de ça ? La série semble être faite pour l’international, on ne nous y parle pas précisément du pays dans lequel l’action se déroule, seule la langue parlée est un indicateur. Enfin, c’est comme ça que je le vois, mais tu as vu plus d’épisodes que moi alors …

  7. By Jean-no on Avr 6, 2013

    @Sylvia : je ne suis pas sûr que l’international ait été visé dès le départ, mais je connais bien la Scandinavie, et tout bêtement, les gens de là-bas sont vraiment comme ça.

  8. By Sylvia on Avr 6, 2013

    @jean-no bah, du coup ma réflexion tombe à l’eau, la lose :-)
    Plus sérieusement, ça fausse pas mal la donne alors, de ne pas pouvoir prendre en compte le background…

  9. By Jean-no on Avr 6, 2013

    @Sylvia : je trouve ça plutôt rigolo en tout cas, ça montre que la série amène une forme d’exotisme dont les créateurs ne peuvent avoir aucune idée. Les malentendus culturels c’est toujours très intéressant, cf. les allers et retours entre Europe et Japon.

  10. By Sylvia on Avr 7, 2013

    @jean-no j’ai regardé les épi 3 et 4 en gardant en tête le côté scandinave du truc et hop, plus du tout de sentiment d’oppression et d’angoisse, l’aspect aseptisé que j’avais cru percevoir à disparu !
    La série me parait plus banale en revanche, heureusement que le scénario s’étoffe peu à peu…

  11. By jyrille on Mai 2, 2013

    Ca y est, la saison 1 est terminée et ma foi j’ai beaucoup aimé. Alors ça brasse pas mal de clichés et c’est vrai que certains passages manquent de rythme (les épisodes 7 et 8 sont assez loupés), mais j’ai trouvé ça très bien fait et très bien écrit. Ca parle d’un tas de choses bien réelles et actuelles – en vrac : traite des blanches, racisme, religion, définition de la vie et des genres, évolution… – dans un monde qui ressemble bien au nôtre. On comprend dès le départ que le but n’est pas de déployer une tonne de gadgets et de décors SF (les robots parlent entre eux pour communiquer, pourquoi pas par radio ? Les décors des services secrets rappellent plutôt la guerre froide et les années 80, rien de hi-tech, le supermarché de hubots est un Castorama de très bonne tenue etc…) mais bien de suivre des groupes de personnages qui vont évoluer au fur et à mesure. Et ça bouge, ça va vite à choisir un camp, à devenir intolérant… C’est là que c’est intéressant.

    Je retiendrai un tas de choses mais surtout l’épisode 9, le plus léché esthétiquement, et le plus tragique pour la plupart des personnages. Le dernier commence comme un Mission Impossible et trouve une conclusion un peu faiblarde mais pas malvenue. Et j’ai beaucoup aimé tous ces personnages qui se croisent ou sont liés sans toujours le savoir. Après il y a quelques facilités pour justement créer ces rencontres, mais ça ne m’a pas gâché le plaisir.

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