Profitez-en, après celui là c'est fini

De la bagarre

décembre 25th, 2011 Posted in indices, Les pros, Personnel

La bagarre d’hier, c’est la loi votée par l’Assemblée qui propose des condamnations (jusqu’à un an de prison et 45 000 euros d’amende) pour toute personne qui ne respecterait pas l’histoire officielle et qui aurait la mauvaise idée de nier un génocide, enfin un génocide reconnu comme tel par la loi française, ce qui n’inclut pas, par exemple, le massacre des populations amérindiennes par les colonisateurs Européens puis par les États-Unis, mais inclut le massacre des Arménien par l’Empire Ottoman pendant la première guerre mondiale. La Turquie s’est sentie visée par cette loi. Elle l’est. Je ne sais pas s’il faut se donner la peine d’expliquer ce qui ne va pas dans une telle loi : tout le monde est contre les génocides, et ceux qui nient la réalité des faits de ce genre lorsqu’ils font consensus parmi les historiens peuvent difficilement avoir de bonnes raisons de le faire, mais pour autant, la loi n’a pas à écrire l’histoire, elle n’a ni à édicter les « effets positifs de la colonisation » ni à menacer le travail des historiens à coup de peines de prison. Par ailleurs, insulter la Turquie à des fins (me semble-t-il) de politique intérieure est complètement irresponsable et contre-productif. Comme bien d’autres nations, la Turquie devra un jour ravaler sa fierté et assumer le sang qu’elle a fait couler, qu’il s’agisse des arméniens ou des grecs pontiques, mais on voit mal en quoi le vote d’une loi liberticide, anti-scientifique, peut aider qui que ce soit à regarder son histoire en face, le message est absurde. Si l’histoire se décrète, alors elle n’est plus qu’une question d’opinion et de foi, on quitte le domaine de la science pour celui de la religion. On n’impose pas des œillères à un aveugle en espérant qu’il marchera droit.
Par ailleurs, comment démonter un raisonnement ou opposer des faits à un discours qui n’a pas le droit d’être exprimé ? Ce qui n’a pas le droit d’être dit ne peut pas non plus être contredit.

La bagarre d’aujourd’hui, c’est le petit coup de gueule poussé par le blogueur Seb Musset en réponse à Éric Mettout, rédacteur en chef de lexpress.fr. Ce dernier a en effet publié sur l’Observatoire des médias une tribune intitulée Qu’est-ce que « la gauche » a à voir avec la rémunération des blogueurs ?, où, tout en se défendant d’avoir une réponse toute faite sur la question, Mettout explique que « aujourd’hui, à LEXPRESS.fr, nous ne payons pas les blogueurs. Par souci de bonne gestion, mais aussi par principe. Nous leur offrons une tribune, de la visibilité, ils nous apportent leur expertise, posent un regard décalé sur notre fond de commerce, l’actualité, bref nous alimentent et nous différencient. Valeur contre valeur, l’échange est égal – et s’il ne l’était pas, me dis-je, les blogueurs nous fuiraient ». En résumé : la presse n’a pas les moyens de rémunérer les blogueurs, mais elle en a un besoin vital, et les blogueurs, de leur côté, sont suffisamment flattés qu’on les prenne au sérieux pour accepter ce contrat léonin. Leur soumission est justement apte à légitimer la presse « ayant pignon sur rue » : puisqu’elle attire à ce point-là, c’est qu’elle est importante, et ceux qu’elle embauche sont par ricochet jugés sérieux dans leur champ d’expertise. Le même Éric Mettout a commis il y a trois jours un autre article du même tonneau, sur lexpress.fr : Ah bon, blogueur c’est un métier ?

Visite de l’imprimerie de Clément Plomteux à Liège vers 1784, par Léonard Defrance (1735-1805).

La réponse de Seb Musset, titrée Les blogueurs sont-ils des cons ?, propose, sur un ton ironique, cette piste : « Comme vous, je ne suis pas loin de penser que si les blogueurs étaient un peu moins cons, ils vous diraient « merde » et se constitueraient eux-mêmes en Scop, en association, voire en site de presse. Ce qui chamboulerait probablement le PIF (Paysage Internet Français) de l’info en ligne ».
Bonne suggestion, bien sûr, mais il me semble qu’on peut aller plus loin en revenant aux sources, en se rappelant de ce qui a changé dans le monde des médias après le milieu des années 1990 : aujourd’hui, n’importe qui peut louer un nom de domaine et un hébergement pour une vingtaine d’euros par an, et être indépendant du Monde, de Rue89, de l’Express, mais aussi d’hébergeurs tels que Blogger, Skyblog ou Canalblog. N’importe qui peut installer le logiciel WordPress, qui est gratuit, ou de nombreux autres logiciels de gestion de contenu. Sans connaissances techniques, sans gros moyens financiers, n’importe qui peut donc créer son propre média et le rendre potentiellement accessible au monde entier. Qui dit mieux ? Pour vingt-cinq euros, donc, ou peut-être moins, on peut faire entendre sa voix, faire connaître son travail, partager ses enthousiasmes et ses indignations, à son rythme, selon ses propres modalités éditoriales, dans un état d’indépendance absolue. Il n’a jamais existé de moment, dans toute l’histoire de l’humanité, où il a été possible à n’importe qui de communiquer librement en direction d’un public aussi nombreux. Il me semble presque fou que l’on puisse ne pas avoir l’envie ou l’idée d’en profiter. On peut aujourd’hui réaliser presque sans moyens les rêves qui se trouvaient à l’œuvre dans la micro-presse telle que l’entendaient les révolutionnaires (Desmoulins, Fabre d’Églantine,…) ou les pionniers de la presse américaine (Benjamin Franklin, Mark Twain,…), dans le domaine du fanzinat ou encore de la radio-libre.

La presse à imprimer : l'ennemie du tyran et l'amie du peuple (devise britannique du XIXe siècle).

On peut s’exprimer par le texte, par l’image, en couleurs, par le son ou par l’image animée. Puisqu’ils ne sont pas soumis à des contraintes économiques, les blogueurs peuvent même s’offrir le luxe de n’avoir qu’un public peu nombreux, et même de choisir leur public. Il faut profiter de cette puissance qui nous est offerte, parce qu’on finira, sans surprise, par nous l’ôter. Dans le monde entier on vote, suivant les prétextes locaux (droit d’auteur, droit de la presse, fiscalité des médias, respect des religions ou des personnes morales et physiques, respect des bonnes mœurs, devoir de mémoire, etc.), des lois qui restreignent potentiellement ou effectivement l’exercice des médias personnels. Avoir son blog n’est pas seulement un luxe nouveau, c’est aussi une zone d’autonomie temporaire, pour reprendre la formule d’Hakim Bey, un espace de liberté qui finira par être condamné, encadré, et de moins en moins praticable. La presse « traditionnelle » française estbien moins libre qu’on peut l’imaginer : malgré la loi de 1881 (« tout journal ou écrit périodique peut être publié, sans autorisation préalable… »), son taux de TVA ou le coût de sa distribution sont liés à l’appréciation de la Commission paritaire des publications et des agences de presse, organe aux décisions opaques qui édicte ce qui est un journal et ce qui ne l’est pas. Je trouve étrange que l’on éprouve tant besoin de placer son travail sous le logo d’un journal qui est moins libre que nous ne le sommes, cela revient un peu à se tatouer des chaînes pour avoir l’air d’un esclave comme les autres, d’un « pro ». Mais je sais bien, je vois bien, que la liberté n’est pas le trésor le plus recherché au monde. Et je vois bien aussi que beaucoup de blogs n’existent que parce que leurs auteurs rêvent de devenir un jour des journalistes — ou sont des journalistes au chômage, situation dont on peut trouver suspect que la presse profite, soit dit en passant.

La bagarre de demain, pour moi en tout cas, c’est un nouvel ouvrage dont on vient de me confier la création (j’en parlerai plus en détail un autre jour), sur le thème de la fin du monde, et pour lequel je n’ai que quelques mois, même si j’ai déjà accumulé un certain corpus documentaire depuis l’été dernier. Autant prévenir que je risque, à nouveau, d’avoir du mal à alimenter le présent blog de manière régulière pendant un petit temps. Mais je reviendrai, je reviendrai, je reviens toujours. Au passage, je rappelle à ceux que le sujet intéresse que mon prochain livre, consacré aux enjeux de la légitimation de la bande dessinée, sort dans un mois (fin janvier — début février).
Les trois livres pour lesquels j’aurai signé un contrat m’ont été proposés par trois éditeurs différents, non parce que j’enseigne, non parce que je dispose de diplômes, mais bien pour ce que j’écris sur Internet et uniquement pour cela. Le présent blog n’a pas de modèle économique (en dehors du fait que lorsque vous cliquez sur un lien qui pointe vers la boutique Amazon et que vous y achetez quelque chose, je gagne quelques centimes sous forme de bons d’achat — cela me rapporte environ dix euros par mois, ce qui est loin d’être ridicule, tout en ne constituant pas véritablement un revenu), n’est soumis à aucune tutelle, aucun label, aucune estampille. Je n’ai pas spécialement cherché à me faire éditer, j’ai déjà un métier, et même plusieurs, je n’ai jamais rien planifié de tout cela. Et pourtant, c’est bien grâce à ce site et à d’autres que j’ai pu me lancer dans des aventures éditoriales passionnantes. Est-ce que mon travail aurait eu l’air plus intéressant s’il y avait écrit « un blog de lexpress.fr » en bannière ? Je parie que non, et je parie même que ce genre de mention ne rend pas toujours service et fait parfois passer le support devant le propos et son auteur.

En attendant, je souhaite à tous ceux qui m’ont lu jusqu’ici d’excellentes fêtes de fin d’années, et puis une année 2012 riche en projets passionnants et en réalisations formidables.

  1. 22 Responses to “De la bagarre”

  2. By ianux on Déc 25, 2011

    À propos de la bagarre d’aujourd’hui, on peut penser à Pirates Magazine, censuré par son retrait d’agrément de la part de la Commission Paritaire qui signait ainsi son arrêt de mort.

  3. By Stephane Pejic on Déc 26, 2011

    Et la bagarre ne fait que commencer!

    Sachant que l’histoire humaine, sans n’être que cela, fort heureusement, n’est qu’une suite de « génocides ». Tous les peuples se devant de se laver de leurs crimes par un travail d’introspection, de distance critique par rapport a leur roman national.
    Sarko fait dans le French paradoxe: faire l’économie de la nécessaire démystification de l’histoire coloniale de la France en transférant la faute que tous les empires ont en partage aux seuls Turcs. Il tend a la France un miroir idéalisant dont nulle n’est dupe, ne trompant personne sauf lui-meme. Cette loi est essentiellement partielle, partiale, parce-qu’éthnocentrique . L’indignation humaniste, surtout de sensibilité de gauche, ne peut en aucun cas s’incarner dans cette loi ségrégationniste.

  4. By Jean-no on Déc 26, 2011

    @Stéphane : Quand Sarkozy est passé faire un discours de campagne dans ma ville, j’ai surtout été frappé par un propos bizarre (et pas spécialement relayé par les médias à l’époque) sur les fautes. En gros, disait-il, les Français ne doivent pas se mortifier pour les zones d’ombres de leur passé, le fils n’a pas à payer les fautes du père, etc.

    @Nicolas : bien sûr, un auteur est un tout, mais justement je ne suis pas surdiplômé (pas de doctorat par exemple) et je n’ai pas de titres universitaires particuliers – je ne suis pas « professeur », juste employé à mi-temps comme « maître de conférences associé ». Mais bien sûr, si j’ai fait un livre sur la programmation en langage Processing, c’est évidemment aussi parce que je l’enseigne : l’expérience pédagogique est essentielle dans ce cas. Pour mon second livre, par contre, mon éditeur m’a connu sur des forums internet, il y a quinze ans, et il lui a semblé que j’avais quelque chose à raconter, il a repensé à moi lorsqu’il a créé une collection dédiée à la bande dessinée.

  5. By nicolas on Déc 26, 2011

    C’est vrai que le contenu mis sur le blog aide beaucoup mais tout de même, quand tu dis « Les trois livres pour lesquels j’aurai signé un contrat m’ont été proposés par trois éditeurs différents, non parce que j’enseigne, non parce que je dispose de diplômes, mais bien pour ce que j’écris sur Internet et uniquement pour cela. »… il faut quand même souligner que enseigner, avoir des diplômes et écrire sur internet sont liés d’une manière ou d’une autre : le type de travail intellectuel réalisé pour obtenir les dits diplômes, l’activité d’enseignant sur des sujets qui t’intéressent (et qui seraient susceptibles d’éveiller la curiosité d’un « public » spécifique: les étudiants) sont des facteurs qui facilitent le passage à un autre format qui est celui du blog.

    Du coup, il vaudrait mieux dire que la raison pour laquelle les éditeurs en questions t’ont approché est que tu produis un travail pertinent avec une grande régularité et que celui-ci est rendu visible grâce aux média « blog ».

  6. By PCH on Déc 26, 2011

    Cette loi est simplement inique (le travail de sape de la vraie évidence de la république comme défenderesse des droits de l’homme est probablement l’acte le plus ignoble de ce gouvernement – cf la circulaire guéant, un exemple entre cent). Pour ce qui est des propos rapporté de cet hebdomadaire « décomplexé », ils ont en effet le même goût ignoble d’un cynisme écoeurant : la chanson de François Morel qui disait « lorsque les maîtres sont enragés, est-ce étonnant/ de voir leurs chiens encouragés montrer les dents » est toujours d’actualité.

  7. By Thomas on Jan 2, 2012

    La loi contre la négation des génocides se justifie dans le cadre des crimes contre l’humanité selon la logique qu’on ne peut pénaliser ses derniers tout en ayant droit de faire leur apologie. A moins de ne pas vouloir condamner le négationnisme, je ne vois pas où est le problème de fond. Sur la forme, la France devrait être d’abord capable de reconnaître ses propres génocides. En suspens donc…

    Quant à la Turquie elle fait un peu semblant vu que les conservateurs musulmans aux pouvoirs préfèrent en général coller ses crimes sur Ataturk et les laïcs. Mais parler de génocide peut ouvrir une contestation de la position de la Turquie sur Chypre et surtout les kurdes, et ça ce n’est pas acceptable pour le pouvoir quel qu’il soit. Une loi française ne changera jamais rien à cela.

  8. By Jean-no on Jan 2, 2012

    @Thomas : Au contraire, l’apologie de crimes est déjà condamnée, donc pourquoi faire une loi d’exception qui interdit de réviser l’histoire ? Réviser l’histoire, il faut le rappeler, c’est le métier de l’historien. Je ne parle pas du mensonge mais de la nécessaire mise à jour des informations qui permet par exemple de dire que le monde n’a pas été créé en six jours et que la Terre n’existe que depuis 6000 ans. Sans liberté de parole et de pensée, l’historien n’est là que pour dispenser l’histoire officielle qui, même vraie, est un mensonge du simple fait qu’elle refuse la contradiction et la mise à jour.
    Pour la Turquie, je suppose que le fait que le génocide ait eu lieu avant Ataturk, du temps où le pays était encore un empire, joue dans la fierté nationale unanime… Et puis c’est vrai, ça peut avoir des implications directes sur les problèmes politiques de la Turquie – qui soit dit en passant me semblent plus urgents à régler.

  9. By Thomas on Jan 2, 2012

    Oui enfin ce n’est peut-être pas le point de vue des arméniens (surtout ceux de la diaspora provoquée par ce génocide) qui ont besoin de voir la chose reconnue, sentiment commun à toutes les victimes.

    L’apologie de génocide/crime est déjà condamnée mais c’est aussi le cas du négationnisme (pour la Shoah). Donc je ne vois pas où est le problème, à moins d’être contre ce dernier point.
    Et la loi votée précise bien qu’elle prend en compte le négationnisme et la minimisation exagérée ( c’est le terme employé me semble-t-il) d’un génocide. Nul part ça ne condamne le révisionnisme en tant que tel travail d’historien, autrement elle ne ferait pas cette distinction. En plus il n’y a pas eu encore de « dérives » de ce type concernant le « révisionnisme » du génocide nazi. Et ça date des années 90. Donc je ne vois pas où est le problème. Je me répète mais j’ai l’impression qu’on fait toute une histoire d’une tempête dans un verre d’eau. Et je crois même que Sarkozy n’a rien à voir dans l’affaire, c’est dire…

    J’ai quand même une critique de fond sur ce type de lois, c’est que déplacée du simple contexte du génocide aux crimes contre l’humanité en général, elle ouvre une boite de pandore incroyable de complications diplomatiques. Imaginons par exemple qu’une loi similaire est votée contre le négationnisme de l’esclavage africain. Si ça peut encore passer en Occident, ce n’est déjà plus le cas dans le monde musulman (les pays arabo-musulmans font déjà blocage à cette reconnaissance à l’ONU) et c’est encore plus tabou au sein de l’Afrique subsaharienne.

  10. By Jean-no on Jan 2, 2012

    @Thomas : je comprends très bien le point de vue des Arméniens, mais ça ne me semble pas le bon bout pour prendre les choses. La loi Gayssot qui condamne le négationnisme de la Shoah était à mon avis une très mauvaise idée. Pareil avec la loi Taubira sur l’histoire de esclavagisme. Il ne faut pas confondre les choses et ce qu’on en dit, ce n’est pas parce qu’un crime est abominable qu’on ne doit pas avoir le droit d’en discuter. Récemment, au nom d’une autre loi (l’amnistie), le mémorial d’Oradour-sur-Glane a été condamné à payer (20 000 euros, de mémoire) pour avoir exposé une photo montrant Louis Renault et Adolf Hitler au salon de l’automobile : là encore, la justice se donne le droit de faire l’histoire…
    Les lois anti-révisionnisme ne sont pas une question droite-gauche (on en a voté à droite et à gauche, et pour la dernière par exemple, l’Assemblée a été assez unanime), en revanche la dangereuse légèreté de Sarkozy vis-à-vis de la Turquie est bien de Sarkozy – et là encore je ne dis même pas « de droite » ou « de gauche ».

  11. By Thomas on Jan 2, 2012

    Le négationnisme ce n’est pas discuter ou débattre d’un crime. Ca se donne les apparats de la recherche historique et de la liberté d’expression pour mieux affirmer une idéologique politique, d’extrême-droite le plus souvent. Or on ne peut pas tout dire d’après la loi. Mais vous êtes peut-être aussi contre ça.

    Votre exemple n’a que peu à avoir avec les lois dites mémorielle. Ici la justice ne décrète pas l’histoire mais applique une loi politique d’amnistie (illégitime selon moi) mais surtout considère que c’est un préjudice commercial me semble-t-il. Elle ne dit pas que ça n’a pas eu lieu. D’ailleurs on peut écrire en toute légalité que Renault a collaboré avec les nazis et de nombreux ouvrages disponibles à la vente et à la lecture en font état.

  12. By Thomas on Jan 2, 2012

    La loi de reconnaissance du génocide arménien date de 2001 (ou 2002). Quel rapport avec Sarkozy ? Sa turcophobie légendaire n’avait pas besoin de la loi plus générale votée en décembre pour mettre des bâtons dans les roues à la Turquie. Et quand bien même, chacun semble utiliser le vote de cette loi à sa façon.

  13. By Jean-no on Jan 2, 2012

    @Thomas : le problème est que la loi revient à créer une histoire officielle. Par exemple si je dis « le massacre de Srebrenica n’est pas un génocide », ça tombe sous le coup de la loi française (c’est un des quatre génocides officiels), or ce ne sera pas faux ou pas complètement puisque seuls des hommes ont été tués (ce qui n’empêche pas ce massacre d’être une abomination, bien évidemment, mais l’emploi de la qualification de « génocide » peut se discuter). Inversement la loi m’autorise à nier le génocide des amérindiens puisque celui-ci n’est pas reconnu par la loi française.
    Bien sûr (je le dis dans mon article), quelqu’un qui nie le génocide des Juifs ou celui des Arméniens a très certainement de très mauvaises raisons de le faire. Mais on s’en fout : est-ce qu’il va convaincre ? Qu’est-ce que ça change ? Les gens qui nient la Shoah se font plaisir en jouant les opprimés, en faisant valoir qu’ils sont censurés,… Alors personne ne peut répondre à leurs affirmations par des faits, car ce qui ne peut pas être dit ne peut pas être contredit.

    Sur Renault, en fait la famille en question est dans une phase de communication très agressive et ils attaquent tous azimuts. Pendant longtemps ils n’ont pas osé (le gouvernement d’après guerre a beau avoir amnistié, il n’en a pas moins nationalisé Renault en punition – ce sur quoi la famille en question aimerait obtenir réparation, apparemment). Donc on pourra de moins en moins parler de ça.
    Je ne reproche pas du tout cette loi pour moi liberticide à Sarkozy mais à l’Assemblée Nationale. En revanche, Sarkozy s’est montré régulièrement insultant avec des pays étrangers, notamment la Turquie, et ce n’est vraiment pas une bonne idée.

  14. By Thomas on Jan 2, 2012

    Je ne savais pas qu’on reconnaissait (et condamnait) des propos tels que « le massacre de Srebrenica n’est pas un génocide ». C’est vrai que dans l’énoncé de l’évènement, ce n’est pas évident de devoir comprendre un massacre comme un génocide. Plus sérieusement : êtes-vous bien certain de ce que vous avancez ? Si c’est le cas c’est effectivement une dérive.

    « Mais on s’en fout : est-ce qu’il va convaincre ? Qu’est-ce que ça change ? »
    Ca change que son opinion est considérée comme acceptable, mise à égale et dépolitisée. On peut s’en foutre effectivement, c’est juste la lie des pensées xénophobes et diffamatoires. La loi contre les ligues et journaux d’extrême-droite se justifie toujours aujourd’hui il me semble.

    Vous avez raison sur les pressions de la famille Renault mais ça reste un exemple contradictoire. La Justice/l’Etat leur donnerait raison par esprit négationniste ?
    Non, c’est une banale intox judiciaire d’un groupe industrielle très puissant et aux faveurs politiques reconnues. C’est une attaque à la liberté d’expression (= afficher ouvertement ce fait) pas à celle du révisionnisme historique (= l’écrire et l’acter).

    Quant à Sarkozy, les attaques contre d’autres pays et leurs dirigeants n’est pas de son seul fait. Erdogan n’est pas mieux placé que je sache. Le fait reste que Sarkozy n’a probablement rien à voir avec l’existence de cette loi condamnant le génocide arménien, qu’il s’en félicite ou non. Est-ce que ça intéresse ceux qui la critique ? Faut croire que non. Il faut à tout prix s’enquérir de l’état des relations entre la France et la Turquie. J’ai du mal à voir la sincérité de cet argument…

  15. By Jean-no on Jan 2, 2012

    @Thomas : Je ne sais pas si une phrase telle que « le massacre de Srebrenica n’est pas un génocide » a déjà été condamnée mais c’est contenu dans la loi, et c’est à ce titre que des historiens ont fait une pétition contre les lois mémorielles : Liberté pour l’histoire (signataires : Élisabeth Badinter, Pierre Vidal-Naquet, Michel Winock, Marc Ferro, Pierre Nora et bien d’autres). Pétition qui a rassemblé 600 historiens mais n’a pas fait l’unanimité (Serge Klarsfeld, Claude Lanzmann, Yves Ternon, Marc Levy, Didier Daennincx et une trentaine d’autres ont opposé leurs arguments…). La loi interdit l’injure ou l’appel au meurtre et à la haine. Pourquoi en rajouter ? Ça me semble très dangereux.
    Pour la famille Renault, l’argument est que la photo est anachronique, puisqu’elle date d’avant la guerre… Et dans un sens c’est exact, laisser entendre que cette image est une preuve de collaboration est douteux. Maintenant, Renault essaie d’imposer l’idée que la société n’a jamais produit pour l’armée allemande.
    Je ne suis pas obsédé par le rapport entre Sarkozy et la Turquie. J’avais été choqué qu’il dise « ne vous inquiétez pas, la Turquie est dans le processus de pré-intégration à l’Europe mais c’est technique, on ne les prendra pas » car c’était très insultant. Pour moi, cette loi s’inscrit dans la continuité, on légifère en interne (aucun historien révisionniste turc ne peut être condamné !) mais pourquoi faire ? Les Turcs ont clairement un passé à regarder en face, et pas que le génocide arménien, mais c’est à eux de le faire. S’ils votaient une loi parlant de la négation du massacre de Thiaroye au Sénégal (par l’armée française), sur lequel est sorti un film que les français n’ont pas eu le droit de voir pendant dix ans, est-ce que ça ne serait pas un peu absurde ? Et si on a quelque chose à dire aux Turcs sur leur histoire, pourquoi ne pas le faire franchement, alors ?

  16. By Stephane Pejic on Jan 3, 2012

    J’affirme qu’en dépit des massacres a Srebenica, on ne peut qualifier ce qui s’est passé de « génocide ». En effet tuer les hommes et non les femmes ne procède pas d’une volonté systématique d’extermination d’un peuple, sinon on tue les deux. C’est la force de l’évidence.
    Voila, maintenant j’attends les commissaires du peuple français, prêt a
    ridiculiser leur historiographie légale, au nom du réel.

  17. By Stephane Pejic on Jan 3, 2012

    @Jean-no, je ne voudrais surtout pas te creer une difficulté légale par mon commentaire precedent (j’ai lu ton billet sur la responsabilité légale de l’hoste de tout dialogue platonicien), mais peut-on encore dialoguer sur des faits historiques, ou est-ce tabou? Si je pouvais amoindrir mon propos, je dirais que je serais prêt a reconnaitre a ses événements de Srebrenica une once génocidaire qu’une fois convaincu de l’exemplum de la France dans sa reconnaissance du génocide Algerien le 8 Mai 1945 a Sétif.

  18. By Jean-no on Jan 3, 2012

    @Stéphane : je ne suis pas très inquiet :-)
    De plus la loi en question est clairement faite pour viser ce qui touche à la Turquie, elle était même exclusivement consacrée à cette tragédie-là et à aucune autre, jusqu’à ce que des députés trouvent dérangeants une loi aussi ciblée… Ce sont donc à présent « tous les génocides » qu’il est interdit de nier, mais ça ne comprend ni les génocides qui ont eu lieu dans Le Silmarillon, Le seigneur des anneaux, la Bible ou Star Wars (puisqu’il s’agit de génocides imaginaires) ni les génocides non reconnus en tant que tels par la loi française (comme le génocide des Amériendiens, comme la lente mais sûre suppression des populations nomades du monde entier – rroms, hmongs, samis – ou encore le terrible massacre des Grecs du Pont, toujours par les Ottomans, ni les géno-suicides comme l’épisode Khmer Rouge au Cambodge ou le Grand Bond en avant en Chine populaire) mais seulement : la Shoah, le Rwanda, le massacre de Srebrenica et le génocide des Arméniens par l’Empire Ottoman (avant la création officielle de la Turquie mais puisque les Turcs se réclament malgré tout de cet empire, ce n’est pas tellement la question). Histoire de fous. Histoire avec un grand H.

  19. By Jean-no on Jan 4, 2012

    D’après cet article par ailleurs intéressant du Monde, la loi française ne reconnaîtrait que deux génocides : Shoah et massacre des Arméniens. Ce n’est pas ce que j’ai lu ailleurs, mais mes données ne doivent pas être à jour ? Sur Wikipédia, les génocides reconnus internationalement seraient aussi le massacre des Tutsis et le massacre de Srebrenica, l’Europe y ajouterait la déportation des Tchétchènes par Staline en 1944, tandis que l’article du Monde évoque les Khmers rouges (qui est difficilement qualifiable de génocide, les bourreaux et les victimes étaient tous Khmers, c’est à dire Cambodgiens),… On s’y perd !

  20. By Stephane Pejic on Jan 5, 2012

    On attendra donc que les génocides Amérindiens, comme bien d’autres, soient aussi « reconnus internationalement », vu que:
    – the United States has never been willing to submit itself to the plenary authority of the Court (I.C.J.), and has typically reacted negatively to decisions by the Court that are adverse to U.S. interests…
    Je crois d’ailleurs avoir lu qu’il y a des plans, draftés durant Clinton, pour envoyer des SEAL team aux Pays Bas afin de libérer tout soldat Américain qui serait retenu a La Haie pour accusation de crime de guerre ou génocide .

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