Profitez-en, après celui là c'est fini

Furtif en gros sabots

octobre 18th, 2008 Posted in Ordinateur au cinéma, Programmeur au cinéma

Les bombardiers furtifs (stealth bombers) sont constitués de matériaux qui absorbent les signaux des radars et peuvent donc échapper à la surveillance de ceux-ci. Ils donnent son titre au film, Stealth (Furtif), réalisé par Rob Cohen et sorti en 2005.
L’intrigue se déroule dans un futur proche. Afin de gérer la menace terroriste, les États-Unis décident de mettre sur pied un programme militaire inédit : trois pilotes d’excellence de l’US Navy, sélectionnés parmi quatre cent volontaires, prêts à intervenir dans le monde entier, sont équipés de bombardiers furtifs.

Le film s’ouvre sur une mission brillamment exécutée. Les chars ennemis sont détruits, les missiles hostiles sont évités avec brio et, pour finir, une bombe est lâchée dans une grotte comme celle où l’on imagine que Ben Laden se cache. Enfin c’est ce que l’on croit car il s’avère que la grotte est remplie de mannequins de grand magasin et qu’il s’agissait d’une simple mission d’entrainement. Ouf ! Pendant quelques minutes on se demandait si l’on pourrait aimer des héros meurtriers. Dans un film d’action de ce type, on nous fait détester les affreux et aimer les héros avant de nous faire accepter la justice expéditive qu’appliquent ces derniers1 .

La mission achevée, les trois pilotes sont félicités par leur supérieur, le capitaine Cummings (Sam Shepard), un type équilibré et intelligent. Il les trouve si parfaits qu’il ne voit pas bien quoi leur reprocher.
Parmi les pilotes il y a d’abord Ben (Josh Lucas), le grand beau mec baraqué, tête brûlée, qui obéit à ses intuitions et dont l’impulsivité se révèle toujours justifiée par les faits. Il ne fait pas les choses by the book, mais c’est lui qui, in fine, a raison. Ensuite il y a la petite blonde assortie (Jessica Biel). Très jolie, évidemment, même nettement plus jolie que l’autre est beau, dont on se dit vite qu’elle succombera sans surprise aux bras costauds de son collègue. Elle est la plus brillante des trois mais elle est un tout petit peu trop sérieuse pour être géniale. Le troisième pilote (Jamie Foxx) est noir, ce qui le disqualifie d’office dans la course à la belle blonde (ou alors ce serait le thème du film). Il est le bon camarade, le sympa, le dragueur qui change de fiancée régulièrement, le fantaisiste-mais-quand-même-pro, le superstitieux, le frimeur, le cliché, le quota ethnique. Bref, celui qui va mourir à un moment pour laisser les autres tranquilles.

Le capitaine Cummings présente alors un quatrième pilote aux trois compères. Il s’agit de EDI, un avion à intelligence artificielle. Nos trois pilotes se posent alors de graves questions philosophiques : une machine n’a pas de coeur, pas d’âme, pas de capacité à décider, pas de libre-arbitre, pas de capacité à l’empathie, alors comment pourrait-elle aller raser des villages afghans ou nord-coréens ? Ben (le beau) est franchement hostile à EDI, non pour ces raisons philosophiques mais parce qu’il craint d’être remplacé par des machines. Il est un peu le white american lower middle class worker qui a peur de perdre son boulot et qui craint d’être mis en infériorité par la mécanisation.
Alors que les avions viennent à peine d’effectuer leur première sortie à quatre, se présente une occasion de décapiter trois réseaux terroristes. En effet, un méchant talliban, un méchant asiatique et un troisième méchant, kyrghyze ou cubain peut importe, se réunissent dans un bâtiment en construction, à Rangoon au Myanmar (Birmanie)2 .

C’est ça l’axe du mal, l’avant-poste de la tyrannie, les états voyous : les chefs terroristes de trois pays qui n’ont aucun rapport se retrouvent dans un bâtiment de Rangoon et, mieux, les États-Unis sont au courant. Impossible de détruire le building sans tuer des milliers de civils (et ça, le lieutenant Kara Wade, toute pleine d’instinct maternel, ne le veut pas), il faut donc attaquer l’édifice par au dessus. Mais comme il y a quatre mètres d’épaisseur de béton sur le toit, c’est presque impossible. C’est alors qu’EDI a une idée : il faut fondre vers la cible en piqué puis lâcher le missile, qui comme ça ira plus vite. Je suis sûr que c’est idiot mais passons. La vitesse de piqué pour réussir la mannoeuvre est telle que si un être humain s’y essaie, il a toutes les chances d’être victime du voile noir, phénomène qui atteint une personne soumise à une gravité trop importante. Ben, par défi, décide d’effectuer la mannoeuve au lieu de laisser faire EDI comme cela semblerait logique. La mission est un succès.

Au retour, cependant, l’avion EDI est frappé par la foudre. Il se pose tant bien que mal (mais sans assistance) sur le porte-avions. Dans le monde réel, les avions sont fréquemment foudroyés, sans que ça ait une grande incidence. Mais dans un film américain dont l’avion possède une intelligence artificielle, la foudre provoque des courts-circuits et aboutit à ce que l’ordinateur se reconfigure de lui-même et se mette à penser à ses propres intérêts. Depuis Mary Shelley, on sait en effet que la foudre donne la vie aux organismes artificiels. C’est pourquoi il est très important de brancher son ordinateur sur une prise anti-foudre.

Une fois conscient, EDI devient un vrai pilote de chasse de cinéma.: il n’en fait qu’à sa tête et entame une compétition virile avec Ben. Il met alors l’équilibre du monde en grave péril et veut même anéantir une base russe fictive en Sibérie. En effet il est tombé sur une simulation de guerre qu’il décide de traiter comme une mission. Impossible de lui expliquer que son objectif n’est pas une cible militaire réelle.
Au passage, EDI tue Henry Purcell (le noir) dans une course-poursuite aérienne. Il n’hésite pas à démolir un dirigeable dédié au ravitaillement en vol qui refuse de lui servir du carburant afin de se servir par lui-même. De son côté, Kara est accidentée et doit s’éjecter en parachute au dessus de la Corée du Nord. Peu de gens ont pu se rendre dans les campagnes reculées du pays le plus secret au monde, mais si on se fie au film, c’est une contrée bucolique où les petites filles poussent des cris quasi-inhumains et où les militaires tirent sur toute personne qui entre dans leur champ de vision. Par ailleurs ils sont costauds comme des rugbymen samoans.

Comprenant que Kara est en danger bien que leur supérieur Cummings leur mente à ce sujet, Ben et EDI décident de voler à sa rescousse. En effet, ils se sont rabibochés et Ben a obtenu d’EDI la promesse d’honneur qu’il n’ira plus détruire la Sibérie, en échange de l’avoir sauvé d’un incendie. EDI parvient à récupérer les coordonnées de Kara sur les serveurs de l’armée.
De son côté Cummings n’en mène pas large. Son projet d’intégration d’un drone à intelligence artificielle dans une escouade de choc tourne au fiasco : un mort, une disparue en zone ennemie, un avion robotisé devenu fou et un dernier pilote qui veut se rendre en Corée du Nord avec l’avion-robot. Il cache la vérité au capitaine Mashfield, qui commande le porte-avions qui lui sert de base, et tente de maquiller ses traces en envoyant Ben et EDI dans une discrète base en Alaska, leur faisant croire qu’ils y seront réparés alors que son projet véritable est de se débarasser des encombrantes preuves d’insuccès que constituent l’as de la Navy et le drone intelligent. Le médecin de la base cherche à faire une piqure mortelle à Ben sous prétexte de le soigner, mais ce dernier déteste les piqures et c’est le médecin qui est piqué. Comprenant la situation, le pilote de choc décime les autres soldats mais laisse vivant Keith Orbit, un civil, qui n’est autre que le concepteur d’EDI et qui lui aussi n’avait pas envie de tuer sa création bien qu’on l’ait envoyé en Alaska précisément pour ça.
La suite est un peu sans surprises : Kara est récupérée grâce au sens du sacrifice d’EDI, Cummings se suicide pour éviter le déshonneur et, plus important que tout, les beaux pilotes survivants assortis finissent par s’avouer leur flamme et par s’embrasser. Fin du navet.

Je m’intéresse aux mauvais films pour les clichés qu’ils véhiculent et ceux qu’ils créent parfois. Furtif est thématiquement riche mais ne contient strictement rien qu’on n’ait vu ailleurs. La justification de l’ingérence militaire américaine par un très hypothétique terrorisme ou par le caractère inhumain de l’adversaire est un classique (le discours qui ouvre le film Air Force One par exemple) qui est par ailleurs depuis longtemps passé au stade de réalité. Ici, l’ennemi est abstrait, iréél, dégagé de toute logique géopolitique, c’est le fameux « Axe du Mal » inventé par George Bush, qui transforme les pays qui n’ont pas d’ambassade à Washington en une seule et même force militaire. Dans le film, les « gentils » qui défendent la liberté causent de terribles dégâts civils et militaires et violent l’espace aérien d’autres pays sans la moindre justification si ce n’est la raison du plus fort. Le rôle modéré du film est tenu par la jolie Kara, qui explique régulièrement qu’elle ne veut pas tuer de civils, qu’elle refuse de causer une explosion qui risquerait d’envoyer des nuages radioactifs vers le Pakistan, etc. C’est une crack, une surdouée de la voltige, mais elle n’a ni génie ni sens de la compétition. Depuis quelques années il semble impossible de faire l’économie d’un personnage féminin « tough guy » parmi les héros d’un film d’action. Contre la passivité de la damzel in distress ou la perversité de la femme fatale, personnages récurrents des fictions plus anciennes, nous avons à présent des femmes d’action extrêmement belles (même si elles ne prennent parfois conscience de leurs attraits qu’au moment de tomber dans les bras d’un héros assorti, comme Sandra Bullock dans la plupart de ses films). Ce nouveau cliché cinématographique n’a pas toujours le même sens et constitue selon les cas une réjouissante revanche féministe ou au contraire permet d’affirmer des clichés sexistes de manière d’autant plus éhontée que la simple existence du personnage semble attester d’une égalité des sexes.

Dans Furtif, nous nous trouvons plutôt du côté du sexisme. Kara sera éternellement seconde, elle n’est là que pour souligner les qualités viriles de l’imbécile dont elle est amoureuse. Il est « tête brûlée », elle est hésitante. Il est dans la compétition, elle est obéissante. Il est génial, elle est laborieuse. Il jubile en bombardant, elle s’inquiète des dégâts collatéraux. Pour finir elle devient une damzel in distress tout ce qu’il y a de banale, si ce n’est qu’elle est équipée d’un fusil mitrailleur. Au début du film Ben a une petite amie (vite consommée, vite oubliée, un peu vulgaire et pas très futée) tandis que Kara est un cœur solitaire : elle attend le grand amour, évidemment, et l’on sait même tout de suite de qui il s’agira. Résignée à la patience et à l’abstinence, elle attend juste que le beau lieutenant soit lassé de papillonner et vienne enfin la chercher.
Le film est discrètement sexiste, et sans surprise, discrètement raciste. Henry Purcell est un très bon camarade pour les deux autres pilotes, mais il est surtout le noir de service. Il ne survit pas au récit, et s’il avait survécu ça aurait été pour n’être que l’éternel sous-fifre de Ben. Pendant que Ben et Kara lisent en détail un rapport sur EDI, Henry danse sur du Sly and Family Stone (il a bon goût !) ou sur du Hip Hop, en prenant des poses de célébrité devant son miroir. Hum.

Venons-en maintenant à l’ordinateur.
EDI est inspiré de nombreux ordinateurs de fiction. Il lit fourbement sur les lèvres, comme Colossus (The Forbin Project) ou comme HAL 9000 dans 2001 l’Odyssée de l’espace. Il a d’ailleurs une voix calme et étrange tout comme celle de HAL 9000. Sa manière de réfléchir en clignotant rappelle tantôt une lampe électrostatique de bazar tantôt Kitt (la voiture bavarde de la série K2000). Sa manière de prendre vie après avoir reçu la foudre rappelle notamment l’ordinateur Edgar dans Electric Dreams. Quand à la discussion avec Henry, qui veut convaincre EDI de ne pas exécuter sa mission, elle rappelle furieusement l’amusant Dark Star de John Carpenter, où une bombe apocalyptique discute du sens de la vie avec l’équipage dont elle s’apprête à causer la mort.

EDI dispose en outre de gadgets étonnants : à plusieurs milliers de pieds de distance, il identifie les chefs terroristes que l’équipe doit exécuter grâce à la reconnaissance faciale, à la reconnaissance vocale et à la reconnaissance d’empreinte digitales, et tout cela de nuit. Une très bonne vue qui n’explique pas pourquoi plus tard il n’arrive pas à percevoir un militaire nord coréen hostile situé à quelques mètres seulement.
Par soif de connaissance, EDI télécharge des musiques sur Internet. Quand on demande au technicien qui s’en est aperçu quelles musiques il télécharge, ce dernier répond : « toutes ».
Muni de toute la connaissance musicale du monde, donc, EDI n’écoute pas du Mozart, ni du rag indien, ni de la musique électronique nord-européenne, ni du blues, ni du Jazz, ni de la pop anglaise. Il écoute du hard rock « FM » du plus mauvais goût et, pire, il n’écoute qu’un seul et même morceau. Cette musique banale et bruyante l’inspire lorsqu’il part bombarder l’ennemi, très Top Gun.
À la fin du film, EDI n’a plus de munitions et se sacrifie en fonçant droit sur un hélicoptère nord-coréen. Cela tombe bien car on n’aurait pas su quoi faire de cet embarrassant personnage mécanique et il vaut mieux le regretter pour son beau geste que de réfléchir posément à son bilan lamentable.

Lamentable, consternant, navrant, sont les adjectifs qui me viennent spontanément à l’esprit pour qualifier ce blockbuster néo-conservateur et impérialiste. Doté d’un budget pharaonesque (130 millions de dollars), Stealth n’a pas rencontré un succès proportionné, ce qui n’est que justice. Il faut dire qu’en plus de son imbécillité idéologique générale, ce n’est pas un film très palpitant et cela, finalement, ça reste le crime le plus impardonnable du point de vue du public. Le réalisateur, spécialisé dans les films commerciaux distrayants et à qui on doit par exemple le college-thriller Skulls, est habituellement capable de bien mieux.
Il y a derrière ce scénario indigent beaucoup d’angoisses inconscientes chez le héros qui se demande si son drapeau peut le protéger du chômage, des intelligences artificielles, des noirs, des femmes et, bien entendu, du reste du monde.

  1. Le meilleur exemple est, je crois, le film Speed. En effet le spectateur ressent un véritable soulagement quand le « gentil » zigouille le « méchant », mais si on y prête attention (enfin il faut que je revoie le film pour vérifier ce souvenir), le « méchant » cause une belle frousse à tout le monde mais ne commet aucun meutre, contrairement au « gentil ». Je pense que ce genre de film sert à libérer le fasciste qui est en chacun de nous.  []
  2. Notons au passage que la géographie telle que nous l’enseigne Furtif est très curieuse puisqu’il semble que la Corée du Nord soit à quelques minutes de l’Afghanistan, de la Birmanie ou de l’Alaska []
  1. 15 Responses to “Furtif en gros sabots”

  2. By Wood on Oct 18, 2008

    Il me semble que dans « Speed » le « méchant » a tué le coéquipier du « gentil »… Ou peut-être que je confonds avec un autre film.

    Tu as toute mon admiration pour avoir réussi a regarder « Stealth » jusqu’à la fin… Je ne crois pas que j’aurais tenu plus de 3 minutes.

  3. By Alex' on Oct 18, 2008

    Dans Speed, Dennis Hopper vaporise effectivement par explosifs interposés l’équipe de SWATs venus prendre d’assaut sa baraque (dans laquelle il n’est plus); équipe dans laquelle se trouve Jeff Daniels, le pote de Keanu.

    J’en garde le souvenir d’un film d’action très efficace – même si « gentils » comme « méchants » emploient des méthodes de cow-boys pour parvenir à leurs fins, qu’il s’agisse d’arrêter le « terroriste » (je ne crois pas que ce terme soit jamais utilisé pour le désigner, d’ailleurs – c’était le bon temps pré-9/11); ou d’obtenir la reconnaissance (et l’indemnité) qu’on n’a pas eu après avoir sauté sur une bombe en faisant son boulot de démineur…

  4. By Jean-no on Oct 18, 2008

    @Alex: Ah oui, ça commence par là, c’est ça ? Ai-je seulement vu le début ? (j’ai vu ce film à la télé c’est tout ce dont je suis sûr). En tout cas le méchant n’est pas jugé ou que sais-je mais juste exécuté. Il faut que je le revoie.
    J’ai trouvé Speed très efficace aussi, et très enjoyable d’ailleurs. C’est justement ce qui m’a angoissé : j’arrive à la fin du film heureux et soulagé de voir le méchant se faire exécuter. Plusieurs années plus tard je me suis dit : eh, mais c’est bizarre quand même !

  5. By Jean-no on Oct 18, 2008

    @Wood: oui il faut un peu de courage ou des motivations tordues pour regarder Stealth jusqu’au bout – c’est vraiment le film d’action le plus ennuyeux que j’aie vu.

  6. By Alex' on Oct 18, 2008

    :)
    Il est effectivement exécuté sans procès, mais cela intervient lors de l’affrontement sur le toit du métro avec Reeves (qui essayait de libérer Bullock, bardée d’explosifs, des griffes de Dennis Hopper).
    Bref, c’est un peu moins sommaire qu’il n’y paraît – ça tend même plus vers la légitime défense.

    Sinon, concernant l’explosion, tu as presque tout retrouvé (comme quoi, même en le regardant en dilettante…): il y a bien une explosion au début, dans laquelle Reeves et Daniels sont tous les deux blessés, dans un parking souterrain, alors qu’Hopper qui venait de relâcher Daniels (qu’il tenait en otage) en profite pour disparaître.
    Mais personne ne meurt.

    L’explosion dans laquelle disparaît définitivement le collègue de Keanu n’intervient que vers la fin du film, un peu avant la séquence du métro, et alors que Keanu Reeves et Sandra Bullock viennent d’échapper au piège du bus.

  7. By Jean-no on Oct 18, 2008

    Mais souvent la légitime défense est douteuse, elle sert d’excuse immédiate à un meurtre cathartique, mais il me semble surtout que ce qui compte, c’est de tuer le tueur, c’est à dire que le film ne peut pas être fini sans ça, on ne peut plus se contenter de livrer le méchant au shérif, il faut qu’il meure, de préférence après l’avoir mérité (comme le gamin dans Class of 1984 qui frappe celui qui est en train de l’empêcher de faire une chute mortelle).
    Mais dans la réalité, ça ne se passe pas comme ça, il faut prendre le criminel, l’écouter, le juger, comprendre tout ce qui s’est passé… Ou alors le « justicier » sera lui-même forcé de s’expliquer.

  8. By Alex' on Oct 18, 2008

    On est d’accord.

    Je dis juste que là, c’est amené un poil moins grossièrement que dans les films d’action des 80s, où la mise à mort du méchant est toujours une scène spectaculaire en soi, qui se doit d’être originale, et bien souvent marquante, voire choquante.

    Là, Reeves poursuit Dennis Hopper dans le métro, le sommant même de s’arrêter plusieurs fois (sans trop ouvrir le feu, je crois bien – il a sa copine en otage, tu me diras).
    Celui-ci refuse et condamne même toute issue pacifique (ou presque) en dessoudant au préalable le conducteur de la rame dans laquelle ils se trouvent, et en en détruisant le panneau de commande.
    Pratique, tu me diras – il n’y a plus qu’une seule issue.
    Ils se retrouvent ensuite entraînés, lui et Keanu, sur le toit de la rame, ou chacun essaie de survivre sans se faire dessouder par l’autre.

    On notera au passage que – sans pour autant qualifier ce blockbuster de film subversif – le méchant est lui-même un ancien héros de la brigade de Reeves et Daniels, qui n’a pas supporté de ne pas voir son sacrifice reconnu.
    Un peu comme le syndrôme « ancien combattant du Vietnam », repris par Bay pour son Rock.
    Bref, la frontière entre méchant et gentil est sensiblement plus mince que dans un film comme Furtif, où tout les oppose.
    Si on voulait se faire l’apôtre de Jan De Bont – et lui prêter des réflexions philosophiques – on pourrait même dire que le film effleure (sans pour autant jamais véritablement l’aborder) une question essentielle, particulièrement aux Etats-Unis.
    A savoir: quelle est la conséquence du décalage entre le discours ambiant sur la « mythification » des héros nationaux et la considération qui leur est réellement apportée dans la vie de tous les jours ?
    C’est pas si loin de la frustration générée par ce credo du self-made man et du rêve américain, dans un pays où, en réalité, les opportunités ne sont pas si légions que cela (tout du moins pour la partie de la population la plus sensible à ce genre de discours).

  9. By Jean-no on Oct 18, 2008

    Les films des années 1980 ont vraiment amené le meurtre comme aboutissement du film, mais je trouve le cinéma ultérieur comme plus pervers dans un sens, car le concept est intégré, mais c’est bien plus raffiné.
    Il faut que je revoie Speed !

  10. By Guillermito on Oct 18, 2008

    J’aime beaucoup les analyses sérieuses des gros navets, qui sont souvent très riches en non-dits, concepts sous-jacents et autres obsessions nationales enfouies (pas très profond aux US). Encore !

  11. By Alex' on Oct 18, 2008

    @Jean-no: comme ça, tu nous feras un petit article dessus :)

  12. By Jean-no on Oct 18, 2008

    @Guillermito: J’ai une espèce de théorie sur le cinéma grand public, et notamment le mauvais (moins bien contrôlé), c’est qu’il exprime finalement très bien l’inconscient collectif, mais qu’en même temps, il le modèle, il crée des clichés, des archétypes, une manière de voir ceci ou cela…

    @Alex’: Yup !

  13. By david t on Oct 20, 2008

    très bon papier jean-no. je viens régulièrement lire ton blogue et tes textes sont constamment de haut niveau, c’est un plaisir.

  14. By Jean-no on Oct 20, 2008

    merci de ce commentaire – je trouve tes textes très bien aussi et j’attends avec impatience ce que tu vas écrire au sujet de Macherot pour Du9 !

  15. By david t on Oct 21, 2008

    oui, faudrait que je m’y remette d’ailleurs, tiens.

  16. By Rams on Oct 25, 2008

    Félicitations pour ton blog que je ne lis (malheureusement) pas assez régulièrement. C’est un plaisir de voir des textes d’une telle qualité sur des nanards comme sur d’excellents films, bravo !

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