Profitez-en, après celui là c'est fini

Logique difficile

mai 6th, 2008 Posted in Logique

Un amusement logique (merci Bérénice de m’avoir signalé ça) sur le blog du chercheur québécois Normand Baillargeon, qui consacre son œuvre à la pensée critique et à sa pédagogie. On lui doit notamment un très intéressant Petit cours d’autodéfense intellectuelle et une préface pour le Propaganda d’Edward Bernays – ce brave homme mort centenaire à qui l’on doit la moitié des cancers du poumon dans le monde puisque c’est lui qui a inventé le moyen de rendre les femmes tabagiques.

Le petit jeu qu’évoque Normand Baillargeon est le dilemme de Monty Hall, du nom d’un présentateur de jeu télévisé. Je pourrais vous renvoyer à l’article de Normand Baillargeon mais je vais tenter de le rédiger à ma manière.

Supposons tout d’abord que vous vous trouviez devant trois portes fermées. On vous informe que derrière l’une de ces trois portes se trouve un cadeau, et que derrière les deux autres se trouve une punition. Votre but est de trouver la porte derrière laquelle se trouve le cadeau, sans disposer de la moindre indication à son sujet. Jusqu’ici, rien de bien compliqué, nous avons une chance sur trois de trouver la bonne porte. D’accord ?

trois portes

Bon, vous choisissez une des trois portes. Mettons que c’est la première. Dans ce jeu, la porte que vous avez choisie n’est pas ouverte et on ne vous dit pas si vous l’aviez bien choisie ou pas, on vous ouvre en fait une autre des trois portes, derrière laquelle se trouve une punition. Donc vous connaissez une des deux portes « punition ».
On vous propose alors de refaire un choix entre les deux portes restantes.
Pensez-vous qu’il vaut mieux persister à vouloir ouvrir la porte que vous aviez choisi au départ ?
Pensez-vous au contraire qu’il est plus avantageux de choisir l’autre porte fermée ?
Pensez-vous que cela n’a strictement aucune importance et que, puisque vous ne savez pas quelle porte est la bonne et quelle porte est la mauvaise, vous avez une chance sur deux de trouver ?
Le résultat est tellement anti-intuitif qu’il a même dérouté Paul Erdös, un des plus grands mathématiciens de l’histoire : changer de porte est la meilleure idée et offre le plus grand nombre de chances de trouver la porte derrière laquelle se trouve le cadeau. Mais pour le comprendre, il faut écrire noir sur blanc tous les cas auxquels on est confronté :
Cadeau punition punition

Dans le premier cas, la porte qu’on avait choisi (porte 1) était celle derrière laquelle se trouvait le cadeau.
Si l’on décide de changer de choix, on ouvrira la porte derrière laquelle se trouve la punition.
Si l’on décide de rester sur son choix, on obtient le cadeau.
punition cadeau punition

Dans le second cas, une punition se trouve derrière la porte qu’on avait choisie.
Si l’on reste sur ce choix, on est puni.
Si l’on change d’avis, on est récompensé.

punition punition cadeau

Dans le dernier cas, une punition se trouvait derrière la porte qu’on avait choisie.
Comme dans le cas précédent, si l’on reste sur son premier choix, on perd, et sinon, on gagne.

Donc en changeant d’avis, on a deux chances sur trois d’obtenir le cadeau, tandis que si on reste sur sa première idée, on a deux chances sur trois d’obtenir la punition.
Si l’on a du mal à évaluer ce qu’il convient de faire ou pas face à un énoncé aussi simple (trois portes, deux chances sur trois de se tromper), imaginez à quel point il est difficile de réfléchir correctement face à des problèmes plus complexes ou chargés d’un poids affectif ou culturel certain (religion, politique,…). Il faudrait dans chaque cas être capable de poser les choses rationnellement de la même manière qu’avec nos trois portes.

  1. 7 Responses to “Logique difficile”

  2. By Mr Vandermeulen on Mai 7, 2008

    C’est votre Sardou qui tétanise ! Comment voulez-vous réfléchir sereinement dans ces conditions, enfin !

  3. By Jean-no on Mai 7, 2008

    Très cher monsieur Vandermeulen, si vous saviez à quel point, au fond de moi, je m’en veux !

  4. By igneus on Mai 9, 2008

    Non mais, c’est vrai ça, déjà qu’il y a ce journaliste qui a fait une entrevue célébrissime avec Nikolaï et dont ne cesse d’entendre parler partout; fallait pas en rajouter encore avec Sardou !!

  5. By Ninette on Oct 14, 2011

    Je ne comprends pas pourquoi dans l’explication proposée il y a 3 cas. Pour moi, il n’y en a plus que 2, une fois l’une des portes ouvertes… Mais bon, je suis pas mathématicienne, hein…
    C’est sur que de présenter ça comme s’il y avait 3 possibilités me parait anti-intuitif, là…

  6. By Margaux on Oct 14, 2011

    Il n’y a effectivement plus que deux cas à la fin. L’auteur a juste oublié de retirer la porte qui a été ouverte et dont on est sûr qu’elle ne contient pas de récompense.
    Ensuite, si on choisit de changer sa porte de départ, on a une chance sur deux de trouver la récompense.
    Et si on ne change pas, on a… une chance sur deux de la trouver !

  7. By Armel h on Juin 23, 2017

    (je ne sais pas si cela sert à quelque chose de commenter sous un ancien article…)

    Oui alors ce paradoxe-là, la première fois que j’ai lu un article qui l’expliquait, je n’ai pas compris. Et d’ailleurs Margaux, l’auteur du commentaire juste au-dessus, se trompe.

    Le point sur lequel il faut bien insister, c’est que le présentateur du jeu n’ouvre pas une porte au hasard : il ouvre une porte « perdante », que le joueur n’a pas choisie.

    Comme il y a, au départ, une porte gagnante et deux portes perdantes, quel que soit le choix du joueur au départ, il restera toujours au moins une porte perdante à ouvrir lors de l’étape intermédiaire.

    Autrement dit, ouvrir cette porte ne change absolument rien à la situation initiale, ni aux probabilités associées à chaque porte, et on a bien toujours 2 chances sur 3 de tomber sur la porte gagnante en modifiant son choix.

  8. By Jean-no on Juin 23, 2017

    @Armel : dans l’excellent Le Hasard, Ivar Ekeland propose la même chose avec cent portes et ça devient bien plus claire.

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