Profitez-en, après celui là c'est fini

Mission: Impossible – propagande cinématographique (1967)

novembre 24th, 2010 Posted in Écrans et pouvoir, Série

Action! (1967) est un épisode particulièrement intéressant de Mission: Impossible. L’ennemi à neutraliser est un dénommé Miklos Klaar (nom qui évoque la lumière dans plusieurs langues), cinéaste qui a produit un film qui représente les soldats américains en Asie comme des meurtriers sanguinaires : la manipulation consiste à profiter d’un premier plan sombre pour monter des images de fiction à la suite d’images documentaires tout en conservant l’apparence d’un plan continu — c’est la méthode employée par Alfred Hitchcock pour donner l’illusion d’un long plan-séquence dans le film La Corde (1948), malgré les changements de bobines toutes les douze minutes.

L’équipe de Dan Briggs (le prédécesseur de Jim Phelps) détruit le film afin d’imposer qu’il soit réalisé à nouveau, en studio, sous la surveillance clandestine d’un caméraman de l’Impossible Mission Force.
Le méchant producteur présente son film, qui indigne comme il se doit la communauté internationale, réunie à Genève. La scène est intéressante : on voit les diplomates mal à l’aise sur leurs sièges, suant à grosses gouttes, respirant péniblement… Mais le film est aussitôt ridiculisé par la projection d’un making-of, qui expose les conditions du tournage et prouve la manipulation.

On trouvera rapidement un autre niveau à cette histoire de manipulation par l’image : elle se déroule en pleine phase d’intensification de la guerre du Viêt Nam, donc la vraie propagande ne se trouve pas dans cette histoire abracadabrante de studio de cinéma communiste, la propagande, c’est l’épisode lui-même !

Si l’on se fie à Une histoire mondiale des cinémas de propagande, dirigé par Jean-Pierre Bertin-Maghit, la date de naissance de la propagande cinématographique pourrait être 1898. Cette année-là, un navire militaire américain, le Maine, avait été envoyé à La Havane pour protéger les intérêts des États-Unis. Sans que l’on ait pu dire exactement pourquoi et comment depuis, le bateau avait explosé avec deux-cent cinquante hommes à son bord. Les opérateurs de la compagnie Edison, entre autres, avaient été envoyés pour filmer l’épave et la recherche des survivants… et pour convaincre les américains de la nécessité d’une « ingérence humanitaire » et d’un soulèvement des cubains contre la domination des espagnols, accusés d’avoir torpillé le navire.
Les images documentaires avaient été diffusées en même temps que des « reconstitutions » — entendre des fictions — comme le film Cuban Ambush.

  1. One Response to “Mission: Impossible – propagande cinématographique (1967)”

  2. By jefaispeuralafoule on Nov 25, 2010

    Le support « médiatique » n’est pas tout jeune en effet, il a été institutionnalisé à travers les ministères de l’information/propagande, et se révèle toujours d’actualité.

    Qu’on n’oublie pas que les films tels que Top gun « incitent » à l’engagement de la jeunesse, que des séries telles que « 24 » arrivent à rendre « acceptable » l’assassinat et la torture et j’en passe. Dans l’absolu, une série télévisée, c’est avant tout raconter une histoire. si celle-ci se révèle être de notre temps (comme IMF à son époque de diffusion), force est de constater qu’il sera très difficile de sortir des clichés ou d’un aspect teinté de propagande, surtout si la thématique s’y prête.

    Après, IMF a « mal vieilli », car nous sommes plus exigeants concernant tant le fond que la forme… mais nous sommes toujours sensibles aux clichés qui nous impriment des images d’Epinal. Typiquement, le terroriste d’aujourd’hui est forcément un arabe, les magouilles viennent des forces occultes, et ainsi l’on entretient une atmosphère particulièrement malsaine.

    Mêmes outils, mêmes procédés, mais cibles différentes.

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