Profitez-en, après celui là c'est fini

L’interactivité à vingt mois

juin 5th, 2010 Posted in Interactivité

Dans dix ans, dans quinze ans, les parents de Clémentine lui raconteront qu’elle a été pendant quelques jours la plus célèbre démonstratrice de l’iPad en France.
Est-ce que l’objet existera toujours, ou bien est-ce qu’il lui semblera un peu archaïque, avec cet écran qu’il faut toucher avec ses doigts et qu’on ne peut pas plier ? Nous verrons.
La vidéo publiée par Cnet qui montre la découverte de l’iPad par Clémentine est en tout cas assez réjouissante et rappellera à chacun le spectacle tout à la fois banal et extraordinaire de l’assurance sans faille dont font preuve les tout petits devant les gadgets numériques. Le mythe des « digital natives » naît de cette observation : quand un bébé s’empare d’une wiimote, d’une DS ou d’un iPhone, il semble instantanément à l’aise, tandis que ses grands parents ou ses parents craignent de casser quelque chose ou demandent « qu’est-ce qu’il faut faire ? ». Mais ce n’est pas le fait d’être né en 2009 qui est déterminant en la matière, c’est le fait de n’être âgé que de vingt mois.

Ce petit film contient plusieurs détails intéressants. Par exemple, la première chose que fait Clémentine sur l’iPad qu’on lui prête, c’est d’aller à la recherche de son album photo. En usagère aguerrie de l’iPhone, elle a tout de suite identifié l’iPad comme un gros iPhone (avec une différence : elle ne dit pas « allo papa ») et y cherche naturellement ses marques.
L’album photo semble donc être son « étoile du nord » : là où sont les images de ses proches, elle se sentira chez elle. À méditer.
Ses photos familières ne se trouvent évidemment pas sur l’iPad, mais ça ne l’angoisse pas particulièrement. Je me demande si elle se sentirait perturbée devant un téléphone identique à celui de ses parents mais qui ne contiendrait pas ses photographies.

En effet, dès qu’on lui prête un iPhone, en plus de l’iPad, elle s’empresse de vérifier que les images y sont bien présentes.
C’est sur le smartphone d’Apple que la dextérité de la jeune fille force l’admiration : elle retrouve les images, navigue entre les vidéos qu’elle démarre non pas pour les visionner mais, vraisemblablement, dans l’unique but de vérifier qu’elles sont bien présentes et qu’elles fonctionnent. Sitôt que la séquence démarre, elle en interrompt la lecture et passe à la séquence suivante.
Ce qui me réjouit, personnellement, c’est de voir ensuite Clémentine employer ses deux ordinateurs simultanément : elle utilise des instruments de musique (un clavier virtuel puis un séquenceur « intuitif ») sur iPad et tente en même temps d’utiliser l’iPhone comme enregistreur sonore à l’aide d’un logiciel dédié. Cela ne fonctionne pas complètement, du fait de la complexité du logiciel d’enregistrement, mais l’idée est là.

J’y vois un joli pied de nez envers Apple et sa nouvelle philosophie des terminaux numériques, principe qui enterre trente ans de micro-informatique en récréant la frontière (éminemment politique à mon sens) qui sépare les créateurs des utilisateurs, les fabricants des consommateurs. Une petite fille de vingt mois démontre à mon sens que jouer et créer n’ont jamais été des actions distinctes, et qu’il est assez naturel de vouloir utiliser des applications non comme leurs concepteurs ont prévu qu’on les utiliserait, mais comme on en a envie. Évidemment, en grandissant (au terme d’un patient dressage de la part de l’industrie), on finit parfois par accepter que l’invention doit être le fait des inventeurs et que l’interactivité consiste à cliquer où l’on nous dit de cliquer.

(photogrammes extraits de la vidéo de Cnet)

  1. 9 Responses to “L’interactivité à vingt mois”

  2. By jyrille on Juin 5, 2010

    Ta dernière remarque m’intéresse au plus haut point. J’ai souvent constaté que les besoins utilisateurs (dans le cadre du travail) sont souvent exigeants, mais en demandant un maximum de liberté. Au final, on se retrouve souvent avec des applications lourdes et complexes alors que les utilisateurs s’empresseront de casser tout carcan. Il y a une éducation à refaire, tant de la part des clients que du côté des développeurs.

  3. By Troiscarres on Juin 5, 2010

    Merci Jn
    c est un brillant expose
    s

  4. By sf on Juin 5, 2010

    Je reste perplexe devant cette vidéo. Pas vraiment admirative. L’iPad est un gros iPhone. J’aurais préféré voir comment l’apprentissage de l’iPhone s’était effectué – à quel âge, dans quelles conditions ? Maman/Papa sont-ils Informaticiens, Photographes, Musiciens ? Quelle part de mimétisme dans cet apprentissage ?
    Sur cette vidéo, nous voyons une enfant déjà conditionnée – elle ne découvre rien, elle conforte ses acquis.
    S’il s’agit de démontrer que les déjà-utilisateurs Apple ne seront pas perdus avec ce nouvel appareil, c’est réussi; en revanche, s’il s’agit montrer de combien est « intuitive » l’interface de ce produit, c’est raté et cela ressemble presque à un gros mensonge.
    Je le reconnais, cependant, c’est très mimi.

  5. By sf on Juin 5, 2010

    Le terme « conditionnée » est peut-être un peu fort.

  6. By Jean-no on Juin 5, 2010

    Conditionnée, au sens strict (non péjoratif), bien sûr. Évidemment cette petite sait utiliser un iPhone, et je te dirais que j’ai vu des dizaines de gamins du même âge aussi à l’aise avec des iPhone. L’iPad a l’air un peu moins maniable pour des petits doigts d’ailleurs. Je trouve intéressant qu’elle trouve tout de suite un usage distinct aux deux appareils.
    Reste qu’il n’y a rien de scientifique dans cette vidéo bien sûr, la promesse d’une découverte de l’iPad est assez abusive.

  7. By Bonnie on Juin 6, 2010

    Ce qui est vraiment fascinant, au delà du fait que la petite sache déjà se servir des appareils, c’est la facilité avec laquelle elle les manie. Car même à 20 mois et avec un apprentissage, elle distingue déjà les applications entre elles sans aucun problème et les browse avec une aisance déconcertante.

    Le détail qui m’a vraiment filé un coup de vieux, c’est que dorénavant, les enfants n’ont pas besoin de l’apparence d’un appareil pour deviner sa fonction : un magnétophone, ce n’est plus ce gros appareil qui marche avec des cassettes. Non, c’est l’interface qui définit la fonction de l’objet !

    Waow.

  8. By Bonnie on Juin 6, 2010

    Et évidemment, pour rebondir sur ta conclusion et sur le fait que les utilisateurs remettent en question l’utilisation des interfaces des concepteurs, il n’y a qu’à voir l’évolution du web mobile, et les nombreuses « app » à dépasser leur maître sur le web. Un des exemples qui me vient à l’esprit est celui du site de la SNCF… L’application « ne sert qu’à » commander des billets de train, et c’est tout. L’app répond au premier besoin des utilisateurs du site.

    Oh et puis quoi qu’on en dise, moi je trouve qu’Apple a quand même mis un bon petit coup de pied dans la fourmilière des IHM avec ses petites applications… On se re-centre enfin sur l’utilisateur :)

  9. By Seuseu on Juin 8, 2010

    Extraordinaire tout de même: tout le monde trouve les concepts d’Apple à chier, mais tout le monde les copie. A sa sortie, tout le monde vomissait sur l’iPhone, et maintenant 90% des smarts lui ressemblent.
    Quand les premiers trains furent mis en service, le monde scientifique assurait que le corps humain ne résisterait pas au-delà de 50km/heure…

  10. By Jean-no on Juin 8, 2010

    @Seuseu : J’ai toujours dit (ex. ici : http://www.hyperbate.com/dernier/?p=9520) que la force d’Apple ce ne sont pas ses interfaces, ses concepts ou ses objets mais sa réflexion sur l’usage. C’est donc à l’usage que l’on voit si le concept était valide.
    Pour les trains, en fait le scientifique Arago a dit un discours devant l’assembler contre le percement d’un tunnel ferroviaire où il craignait que le public éprouve des problèmes de santé à cause du brusque changement de température et de pression (les trains n’étaient pas chauffés). Le propos a été caricaturé de manière assez injuste.

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