Que sont mes amis Facebook devenus ?

J’aime bien les débats, mais (ou bien précisément pour ça), j’accepte très bien de ne pas être d’accord avec mes interlocuteurs. Comme je ne suis ni excité ni malveillant, même quand les échanges sont vifs, les choses se terminent généralement bien. La semaine dernière, j’ai tout de même réussi à me faire bloquer sur Facebook1. J’avais publié un lien vers un communiqué de l’Agence Nationale de sécurité du Médicament qui parlait du soupçon d’effets secondaires psychiatriques liés à l’usage d’hydroxychloroquine pour traiter le Covid-19. Même si ce n’était ni mon but ni mon propos, mais sans que cela ne me surprenne outre mesure, la discussion a vite dévié sur le cas de Didier Raoult, et après quelques échanges, je me suis donc retrouvé bloqué.

À présent que je suis bloqué, je ne peux plus voir le « mur » de cet ancien ami, et lorsque son nom apparaît quelque part (par exemple dans des commentaires auxquels j’avais accès avant le blocage, ou lorsqu’il « like » une publication d’amis communs), son nom n’est plus cliquable.
En revanche, j’accède toujours aux conversations passées. Il est devenu un fantôme, non pas intangible, mais incliquable. J’imagine que je suis la même chose pour lui.

On passe vite du désaccord à la « désamification », et enfin au blocage. J’ai anonymisé mon interlocuteur. Peut-être m’abusè-je mais je ne me trouve pas spécialement violent dans cette conversation !
(cliquer sur l’image pour lire)

Le concept d’« ami Facebook » est assez particulier. Sur cette plate-forme je me suis donné pour règle empirique d’accepter surtout les invitations de gens que je connais dans le monde matériel, qu’ils appartiennent à mes cercles familiaux, amicaux ou professionnels (collègues, confrères, étudiants, anciens étudiants) — mélange que je trouve assez fertile. Il m’arrive souvent d’inviter quelqu’un que je viens tout juste de rencontrer et avec qui j’ai passé un moment plaisant (festival, dîner,…) à être mon « ami Facebook » : le lien est alors très superficiel, mais on s’est tout de même rencontrés « dans la vraie vie », on a passé un moment ensemble.
J’ai néanmoins aussi accepté les invitations de gens que je fréquente de manière purement virtuelle mais depuis si longtemps2 que j’ai l’impression de les avoir effectivement croisés ; de personnes dont la demande de contact me flatte (par exemple un auteur de bande dessinée idole de mon adolescence) ; et puis il m’arrive d’accepter de me lier à de gens qui évoluent dans un de mes cercles professionnels et avec qui j’ai tellement d’amis commun que si nous ne nous connaissons pas encore, il est bien probable que nous nous rencontrerons un jour. C’était le cas avec la personne ci-dessus.

Ce genre d’« amitié » est un peu fragile, car lorsqu’une discussion tourne à l’aigre, la pauvreté du lien apparaît : on n’a pas de souvenirs badins auxquels se raccrocher, pas de bière bue ensemble, pas d’expression du visage à imaginer, pas de son de la voix à plaquer sur les mots qu’on lit. Ce genre d’histoire montre à mon sens que les moments que l’on vit en ligne ou les lieux virtuels ne sont pas de même nature que les moments passés sous un même Soleil à respirer le même air. Mais si les « lieux virtuels » sont autre chose que les lieux physiques, tous les lieux virtuels ne fonctionnent pas de la même manière (et ne sont sans doute pas appréhendés et vécus pareil par tous). La qualité du lien semble différente sur chaque réseau social : mail-list, forum, linkedin, Instagram,…
Je suis fasciné par la différence avec Twitter, plate-forme apparemment plus insaisissable où les conversations s’entremêlent d’une manière qui semble terriblement confuse aux nouveaux arrivants, et où on ne se lie pas sous le nom très chargé d’«ami» . On « suit » et « on est suivi », sans obligation de réciprocité, sans que ce lien constitue un engagement et parfois sans avoir la moindre idée de l’identité réelle des personnes.

  1. Ce n’est que la seconde fois qu’on me bloque, à ma connaissance. []
  2. Par exemple depuis l’époque des forums Usenet. []

7 réflexions sur « Que sont mes amis Facebook devenus ? »

    1. Jean-no Auteur de l’article

      @Samuel : Parfois la famille, des contacts, des connaissances, des collègues, des confrères,… Très particulier, ce mot « ami », car il est souvent vrai, mais parfois il est un peu trop fort – et là encore ça dépend des personnes, puisque certains disent qu’ils n’ont eu que trois amis de toute leur vie, et d’autres des milliers ! 🙂

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      1. Samuel

        Oui, c’est vrai. Qu’est-ce qu' »un ami, un vrai » ? Et on prend parfois soin de dire « je ne dirais pas un ami, plutôt une connaissance… »

        Bon sinon, je n’ai pas trouvé la conversation agressive. On voit surtout une personne qui refuse de s’engager sur le terrain du débat et bloque ensuite.

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        1. Jean-no Auteur de l’article

          à vrai dire ça faisait suite à des semaines d’échanges divers sur le sujet, où je m’étais parfois montré taquin, mais certainement pas agressif.

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  1. Uthagey

    Étonnant la disposition de chacun à (se) donner des limites dans l’usage des RS. Personnellement, j’évite à tout prix d’accepter une demande de contact FB avec une personne que je connais réellement et plus encore si on se connaît depuis un certain temps. De fait, mon usage s’en rapproche plus de Twitter, qui m’apporte bien plus de satisfaction, du fait même de sa sérendipité … Très opposé en cela à FB.

    Pour faire référence au » mur » d’origine conçu par M. Zuckerberg, je n’utilise FB que comme un support d’annonces pour des organismes ou structures diverses. ce qui fonctionne finalement très bien. Et contrairement à Twitter, la quantité de mes abonnements y est faible… et même structurellement en baisse.

    Finalement, si je n’ai pas encore fermé ce compte, c’est peut-être bien que parce que j’y ai encore deux ou trois vrais amis (invitation acceptée par erreur… comme dirait la chanson, mais sans regret malgré tout) que je sais, ni ne veux forcément, retrouver ailleurs en ligne.

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  2. Dominique Gauthey

    Par ailleurs, il m’arrive de croiser certains de mes contacts en ligne dans la vraie vie… ou du moins dans les lieux que l’on peut fréquenter communément. Quai de gare ou enseigne culturelle…  A défaut d’avoir un ouvrage à faire dédicacer immédiatement sous la main, ou autre raison plus incertaine… je laisse l’ombre passer; et le charme ainsi continuer d’agir.

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