Archives mensuelles : juillet 2017

Séquelles de la présidentielle

(un peu confus, je publie très vite cet article en vrac parce que je n’aurai bientôt plus accès à Internet pour une période indéterminée. En espérant que le lecteur se montre indulgent et y retrouve ses petits)

Ces temps-ci je me retrouve régulièrement amené à défendre Jean-Luc Mélenchon alors que je n’ai pas de passion pour le personnage et, même, que je porte un jugement assez négatif sur l’attitude du leader de la « France insoumise » depuis le soir du premier tour de l’élection présidentielle. Je ne parle pas spécialement ici de ses louvoiements lorsqu’il s’est agi d’appeler ou non à voter contre Marine Le Pen, qui semblaient animés par la joie mauvaise de soumettre l’insoumis, mais il ne semble pas s’être bien remis de cette campagne assez intense, et paraît peu à peu avoir perdu de vue les qualités qui l’ont rendu si populaire jusqu’à l’élection. Ne semblent lui rester qu’une forme de fierté bileuse un peu pitoyable. Mais cette perception des choses est probablement biaisée, car Mélenchon et les députés ou responsables de la France insoumise me semblent pâtir d’un « traitement de faveur » médiatique bien lourd, comme s’ils étaient devenus le dernier carré d’opposition à abattre. Une petite phrase, une expression, voire la manière de dire un mot (« matheux ») ou même de ne pas obéir à des injonctions absurdes (comme la jeune députée Danièle Obono sommée par un journaliste de prouver son patriotisme en disant, sur commande, « vive la France ! »), tout est prétexte à forger une image lamentable des « insoumis ». Si les journalistes n’inventent certes pas les faits qu’ils rapportent, ils sont responsables de ce qu’ils filtrent et qui oriente la perception générale que l’on a du tableau. Ils ont décidé que les insoumis avaient le « culte de la personnalité », que Mélenchon était l’homme au couteau entre les dents et était un démagogue, et ils écartent toute information qui contrarie cette vision des choses. Je me souviens par exemple qu’une chaîne d’information en continu posait une fois une question d’ordre général à Mélenchon, qui se tourne vers une militante du mouvement insoumis en disant que c’était cette femme qui allait répondre… Et aussi sec, l’image et le son sont chuintés, la femme est coupée et le journaliste qui reprend l’antenne commente : « Jean-Luc Mélenchon refuse de répondre… ». Alors que la vérité était que la chaîne avait décidé qu’elle ne voulait pas écouter quelqu’un d’autre que Mélenchon… L’accuser ensuite d’organiser un culte de la personnalité, c’est un peu le serpent qui se mange la queue dans un hôpital qui se moque de la charité.

Mélenchon a-t-il la fibre autocratique, hors sa propension à rouler des mécaniques ? Est-ce la motivation inconsciente de son souhait de supprimer la Ve république et son régime d’hyper-présidentialité ? On ne le saura jamais, sa chance vient de passer pour de bon.

Je ne m’attendais pas à ce genre d’attaques venant du camp Macron, qui n’est pas trop dans la traque aux petites phrases. J’imagine que c’est pour se démarquer des (rares) critiques subies par « La République en Marche » sur la question du voile et de la laïcité. Dommage, car j’avais apprécié que Macron parvienne à ce que ce ne soit pas un sujet dans sa campagne. Personnellement, je pense que les trois premières affirmations de la députée Danielle Obono sont défendables (et défendues par moult analystes politiques ou sociologues), sinon justes. Il est étonnant de les présenter comme « scandaleux ». J’ai bien aimé l’article que Claude Askolovitch a consacré à la question.

Personnellement, j’ai voté « France insoumise » pour le programme, parce que je ne pensais pas tellement avoir le choix (entre les verts absents et Hamon sabordé par son propre parti), mais je m’en fous un peu de Mélenchon, et je pense que je ne suis pas le seul à avoir voté pour son programme et non pour sa personne1. En fait la plupart des gens qui ont voté Mélenchon à la présidentielle m’ont dit à un moment ou un autre un truc du genre « j’ai des réserves sur le personnage mais c’est le programme qui correspond le plus à ce que je veux ». La cuisine politique semble épuiser beaucoup de gens, qui préfèrent quelqu’un qui propose assez évasivement un renouveau dans la continuité à son concurrent dont le programme se veut complet et cohérent.
Ceux qui se méfient d’un candidat pour son tempérament au point de rejeter son programme n’ont pas forcément tort dans l’absolu : la politique ne se joue pas seulement sur le papier, sur le contrat, elle est faite par des femmes et des hommes en lesquels on peut ne pas avoir confiance. Mais il est dommage de s’interdire de lire et de réfléchir les propositions malgré tout, ou de n’en retenir que ce que l’on en combat 2.

Reste que malgré tous ses défauts, Mélenchon a beaucoup de talent, il s’adresse (et c’est là la seule manière de respecter les électeurs, à mon sens) au cerveau des gens, c’est à dire que ses propositions sont « réfutables », au sens de Karl Popper : on peut les évaluer rationnellement, être d’accord ou non, mais elles reposent sur des informations et sur un raisonnement, et ce dernier est exposé de manière très pédagogique. Je suis toujours sidéré du décalage entre ces qualités que beaucoup perçoivent comme moi, et la réputation générale qui lui est plaquée et que le bonhomme semble avoir des difficultés à percevoir comme à conjurer.

 

N’ayons pas peur des mots… On qualifie Villani de « matheux », et hop, on est sous Pol Pot !

Étonnante, en tout cas, cette campagne qui nous a tous rendus fous : pour une fois, rien n’était joué d’avance si ce n’est la présence du Front National au second tour, seule certitude, martelée depuis des années, et l’assurance de la victoire finale de son compétiteur.
De manière temporaire, l’indécision est un état plaisant — c’est ce qui provoque l’addiction au jeux de hasard — mais à la longue, l’excitation s’avère nerveusement épuisante. Au fil des semaines, chacun de nous a, comme toujours, choisi son camp, son candidat, ou son non-camp, et en est venu à trouver difficilement supportables ceux qui ont fait d’autres choix. On n’avait jamais vu, me semble-t-il, tant de gens se lancer dans des menaces : « Je vais faire du ménage parmi mes amis Facebook, je vais éjecter de la liste ceux qui me disent de ne pas voter blanc/ceux qui votent blanc/ceux qui me contredisent/ceux qui votent machin ».
Et des semaines après, ce n’est pas fini, on sent beaucoup de haine de toutes parts, les camps se sédimentent, et le retour à la raison semble impossible, on continue à se renvoyer à l’alliance bolivarienne et à la banque Rotschild, comme si ces détails suffisaient à résumer les programmes des uns et des autres3.

Tout ça est dommage. J’ai tendance à douter des chances de succès de la politique « quantique » (à la fois de droite et de gauche, on ne connaîtra le résultat qu’en ouvrant la boite) de Macron, mais s’il parvient à  pulvériser les partis et les oppositions automatiques, ça sera déjà une chose de gagnée. Mais une fois que le vide sera fait, avec quoi le combler ? Dès qu’on est attentif à un sujet précis, on peut s’inquiéter de l’absence de propositions concrètes, il semble y avoir eu peu d’évolution de la « République en Marche » depuis son programme, qui ne contenait que des constats (« il faut une France qui soit plus… Il faut que…. »). Ségolène Royal avait tenté le coup de la politique de la page blanche en 2007, en proposant aux gens de participer collectivement à écrire la politique du pays… Mais personne n’a voulu de ça, chacun veut un « chef » qui sait ce qu’il veut (que ce soit pour le suivre ou pour le combattre, du reste), qui ait de l’assurance. Macron réussit l’équation : il ne dit pas grand chose mais il le fait avec une grande assurance. On se rappellera du « parce que c’est notre projet! » qui a tant fait rire mais qui est plus étonnant que drôle si on constate que pas une personne dans la foule apparemment galvanisée n’aurait pu décrire ledit projet. Je remarque de Macron fait depuis son élection plein d’efforts pour montrer qu’il est un chef, qu’il ne se laisse pas chier dans les bottes par son chef d’État-major, qu’il sait broyer les mains, etc. Espérons qu’il s’arrête vite, parce que ça devient lourd.
Confusément, le danger que je sens chez Macron, c’est  un 
certain aveuglement face aux problèmes structurels de la société française, il semble préférer se faire croire que tout le monde peut « y arriver », que tout le monde y arrivera… C’est une vision des choses qui a ses vertus, puisque rien ne désespère plus les classes populaires que de voir des sociologues leur expliquer qu’elles sont à jamais maudites : on a besoin d’espoir, après tout, et, quoiqu’on en dise, personne n’aime se voir comme une victime passive ! Mais c’est aussi le meilleur moyen pour ne rien changer.
Bref, je n’ai rien contre Macron, je m’en fous, je ne me sens pas opposé à tout ce qu’il représente comme j’ai pu l’être avec Nicolas Sarkozy en son temps. J’espère pour la France qu’il va réussir à apporter quelque chose au pays. Je n’arrive pas à y croire, mais si ça marche4, j’accepterai de le voir, pas de problème. 

  1. Sur Twitter je viens de définir ma ligne politique comme : anarchiste chrétien athée écolo.  C’est à dire influencé par la pensée de quelqu’un comme Ivan Illitch, quoique sans mystique de l’ordre naturel des choses : quand j’ai mal à la tête, je veux bien une aspirine, et au fond je crois à la possibilité du progrès technique comme un progrès humain. []
  2. Je pense que la fatigue de la politique n’est pas neuve, c’est elle aussi qui a fait pencher la balance du côté du « non » au référendum sur le traité constitutionnel en 2005 : à l’époque, tout le monde voulait voir l’UE progresser et espérait un cadre constitutionnel plus philosophique qu’autre chose, mais en se renseignant, les gens sont tombés sur un obscur texte juridique bien plus inquiétant qu’autre chose. Une sacrée occasion ratée. L’idéologie — ça va avec — est elle aussi pas mal rejetée, et si je trouve ça bien pour esquiver la tentation de se cantonner à une pensée automatique, je trouve dommage d’ignorer que l’absence d’idéologie est souvent aussi une idéologie. []
  3. Au passage, j’ai trouvé que « extrême finance » lancé par Mélenchon pour décrire le projet de Macron sonnait terriblement creux. []
  4. Pour l’instant je remarque juste que le budget des universités risque de baisser lourdement, que mon salaire va nettement baisser lui aussi (car même si je ne suis pas fonctionnaire, mon salaire est calculé pareil), que les villes – dont je dépends – ont peur d’être ruinées par la suppression de la taxe d’habitation. Je dois avouer que le fait que tout ça serve à financer la fin de l’ISF et la recapitalisation d’Areva (victime d’une gestion castrophique dont je ne parviens pas à me sentir responsable) n’arrive pas à me consoler de manière satisfaisante. []

Les derniers jours de la politique

Je me souviens que ma grand-mère paternelle n’aimait pas beaucoup François Mitterrand, mais qu’après l’élection de ce dernier, elle m’avait dit quelque chose comme : « maintenant, c’est lui le président, il n’y a plus à en discuter, espérons qu’il travaillera bien ». À présent, Emmanuel Macron est le président, et il faut bien en prendre son parti et souhaiter que le destin de la France tourne au mieux. Promis, juré, donc j’ai envie de croire en Emmanuel Macron. Enfin j’avais envie d’y croire, je le dis au passé, car le début de son mandat ne prend pas un tour très rassurant.
Bien sûr, je n’ai pas voté pour lui, j’ai même parfois eu l’impression d’assister à un épisode d’hallucination collective en observant son ascension, alors bien sûr, j’attendais peu de son quinquennat, mais j’espérais au moins que les qualités que j’avais cru identifier chez le nouveau président s’exprimeraient. Il me semblait qu’un président qui invente sa majorité en piochant les personnes et les idées à droite, à gauche et au centre, aurait comme première vertu d’abandonner les automatismes propres à chaque culture politique et peut s’autoriser toutes les solutions aux problèmes qu’il doit régler, peut s’autoriser le dialogue avec tous les acteurs politiques et non-politiques du pays. On pouvait aussi espérer que sa majorité, du fait de la diversité des parcours et des idées de ses membres, permettraient des débats ouverts, non mécaniques, et au fond bien plus intéressants que les traditionnelles oppositions entre partis.
Enfin, puisqu’il avait brillamment réussi à empêcher la presse de l’amener sur le terrain de l’identité et de la religion, j’espérais que nous allions enfin vivre une présidence un peu reposante sur ces sujets qui pourrissent le pays et montent les gens les uns contre les autres.

Les promesses n’engagent que ceux qui y croient, comme chacun sait. Ces propositions, issues du programme d’Emmanuel Macron se trouvent encore sur son site mais sont contredites par la proposition de budget : 850 millions d’euros de coupes dans l’armée, 80 millions dans l’éducation nationale et 331 millions d’euros de coupes pour l’éducation et la recherche.

Mais où en sommes-nous exactement ? Pour financer la baisse de l’ISF et la recapitalisation d’AREVA (une question critique, effectivement, car notre sécurité nucléaire en dépend… Ce que nos gouvernants précédents auraient pu mieux mesurer), le gouvernement contredit toutes les promesses d’une campagne terminée depuis quelques mois seulement, en supprimant des crédits partout où il s’était engagé au progrès ou à la stabilité, y compris lorsque cela mène à un vrai péril. Pour exemple, les universités, depuis leur autonomisation, peuvent faire faillite, et leur finances sont déjà bien fragiles. Je ne suis pas spécialement attaché à l’idée de porter le budget de la Défense à 2% du PIB, mais il est incroyable d’avoir fait une telle promesse pour enlever ensuite près d’un milliard d’euros à l’armée… La semaine où on s’est engagé à réserver plus de six milliards pour les jeux olympiques de 2024 — et en sachant très bien qu’il n’est jamais arrivé que le budget prévisionnel des jeux soit tenu, et qu’un doublement ou un triplement de la somme n’est pas rare. Bien entendu, en 2024, le président aura peut-être changé, et c’est de toute façon lorsque les jeux seront passés depuis longtemps les jeux que la dette pèsera durablement.

Trois mois seulement pour ravaler ses promesses (en se disant surpris de la mauvaise gestion des gouvernements précédents dont l’actuel président a été ministre de l’Économie et par les problèmes d’Areva dont le premier ministre a été le lobbyiste), c’est rapide. C’est même fulgurant, comme tout ce que fait Macron. Tant qu’à trahir ses promesses, après tout, peut-être vaut-il mieux le faire d’un coup sec comme on arrache un sparadrap, qu’en y allant petit à petit comme l’a fait le précédent président : la première méthode laisse à peine le temps de comprendre que l’on souffre.

La fascination qu’exerce Emmanuel Macron sur les médias n’est pas forcément de l’amour, mais elle n’en est pas moins dérangeante. Comme les passereaux qui nourrissent l’oisillon du coucou au détriment de leur progéniture, ils voient ce qu’il se passe et ironisent même sur le sujet, mais n’en sont pas moins irrésistiblement attirés, comme hypnotisés.

S’il n’avait fait que revenir sur ses promesses financières, Macron ne ferait que suivre la tradition de ses prédécesseurs. Mais, fort de sa majorité absolue à l’Assemblée, il donne aussi quelques signes inquiétants d’autocratie et de mauvaise éducation bourgeoise. Sur la mauvaise éducation, on se rappellera de sa méprisante sortie sur le tee-shirt et le costume (« Vous n’allez pas me faire peur avec votre Tee-shirt. La meilleure façon de se payer un costard, c’est de travailler »), de son ironie sur les Comoriens qui tentent d’atteindre Mayotte (« Le kwassa-kwassa pêche peu, il amène du Comorien, c’est différent. »), de sa récente description des gares (« Une gare, c’est un lieu où l’on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien ») ou plus récemment encore, de son affirmation que le problème de développement de l’Afrique était civilisationnel, et s’expliquait notamment par le fait que les femmes y ont sept ou huit enfants… Même si l’ensemble du propos est moins choquant que les phrases qui en ont été extraites, il y a là une terrible ignorance de principes démographiques universels connus depuis deux siècles (la richesse fait la dénatalité, pas le contraire), et une essentialisation de la misère qui est aussi obscène que l’étaient nos aïeux réactionnaires lorsqu’ils affirmaient que les femmes ne pouvaient être ni scientifiques ni artistes, n’ayant pas le cerveau conformé pour cela.
Bien entendu, plus on parle devant des micros et plus on est amené à dire des choses rapides, imprécises, idiotes, parfois contre ses propres opinions… Peut-être ne faut-il voir là que des phrases malheureuses qu’on regrette sitôt après les avoir dites et auxquelles il faut éviter de donner de l’importance. Mais si ces petites phrases qui échappent à leur auteur et le rendent suspect d’une mentalité bien moins moderne que prévu persistent à s’accumuler, il faudra se poser des questions et se demander si le vernis n’est pas en train de craquer. Comme beaucoup l’ont remarqué, en tout cas, les mêmes phrases n’auraient jamais été pardonnées à Sarkozy ou Valls.

Président de la République à trente-neuf ans en ayant attendu d’avoir démarré sa campagne pour construire son programme – un programme avant tout composé d’affirmations tautoloqiques ou évidentes (du niveau « pour que la France retrouve sa grandeur il faut qu’elle retrouve sa grandeur ») et dont les seules promesses précises ont déjà été abandonnées…  Je ne vois qu’une explication au maraboutage général dont les Français ont été victimes : Emmanuel Macron est soutenu par le cabinet d’avocats démoniaques Wolfram & Hart (dans la série Angel, pour ceux qui ne connaissent pas).

Enfin, notre tout nouveau président montre quelques signes d’autoritarisme : il veut maîtriser la presse (qui s’en plaint), affirme avoir une pensée trop complexe pour s’abaisser à expliquer ses actions aux misérables vermisseaux que nous sommes : ce n’est pas de la mauvaise volonté, ce n’est pas qu’il refuse de répondre aux questions des journalistes, c’est juste que ces derniers ne pourraient pas appréhender la complexité de ses réponses. On imagine qu’il n’aurait pas osé leur dire une chose pareille avant d’être élu ! J’ai l’impression d’être dans un très mauvais remake du Schtroumpfissime (1964), par Peyo1.
Puisque c’était le point faible que certains craignaient de lui découvrir, Macron tente de s’imposer comme « leader » : il broie la main de Donald Trump (puis s’en vante pendant deux semaines), il dit à l’armée « Je suis votre chef », et il impose au groupe parlementaire La République en marche un règlement particulièrement autoritaire : interdiction de laver son linge sale en public, interdiction de co-signer des amendements ou des lois avec des membres d’autres groupes,… Quant aux statuts du parti, que vont bientôt voter ses adhérents, ils semblent être particulièrement peu démocratiques. C’était prévisible : le parti est né pour servir les ambitions d’un homme, et pas pour promouvoir des idées : les idées sont venues après, ce qui a déterminé le vote, c’est plutôt le renouveau que représente une personnalité presque sortie de nulle part, presque vierge en politique puisque son tout premier mandat électif aura été la présidence de la République.

J’imagine bien qu’il ne faut pas trop désespérer les électeurs d’Emmanuel Macron2, parce qu’on ne sait pas trop vers où ils se tourneront lorsqu’ils auront fait le deuil du renouveau et de la modernité qu’ils ont voulu qu’il représente. On dit souvent « après ça, c’est sûr, les gens voteront Le Pen ». Mais je n’y crois pas, les gens n’éliront jamais Le Pen, qui est à mon avis la plus grande perdante de l’élection qui vient d’avoir lieu. Je parie plutôt sur quelque chose d’encore plus grave : l’abandon de toute foi dans le débat politique pour organiser notre pays : nous serons mûrs pour confier nos destinées à des instances administratives technocratiques et à de grandes sociétés bienveillantes qui sauront ce qui est bien pour nous comme pour elles et qui se partageront les restes des grandes entreprises publiques (notre patrimoine commun) : santé, éducation, transports, énergie,… J’aimerais me tromper, mais j’ai peur qu’Emmanuel Macron, comme François Hollande, comme Nicolas Sarkozy, comme l’aurait pu faire François Fillon, eût-il été élu, travaille à une France dans laquelle les frais d’inscription annuels à l’université coûtent le prix d’une automobile, une France où les salariés ne peuvent pas porter de projet collectif, une France où les services vitaux sont à la merci de quelques multinationales. J’ai des enfants, je leur souhaite tout autre chose que ça3, J’aimerais me tromper. Sincèrement.

  1. Mise à jour du 16 juillet : en vacances chez mes parents, où se trouve l’album, je me suis décidé à relire le Schtroumpfissime, qui était conforme à mon souvenir, à un détail très savoureux près : j’avais complètement oublié que ceux qui résistent au despote se font appeler… « Les Insoumis ». À la fin de l’histoire, le pouvoir est repris par le grand schtroumpf, dont l’autorité ne sera pas contestée : la démocratie, décidément, c’est trop dangereux. []
  2. Ce qui me semble positif dans le Macronisme ce sont justement les électeurs, des gens qui veulent autre chose qu’une pathétique guerre de partis, qui veulent une France moderne, dans son siècle, mais aussi apaisée. J’ai peur qu’ils aient misé sur le mauvais cheval. []
  3. On me fait la remarque que cette phrase semble un peu égoïste. D’une part, peut-être, oui : au fond il est naturel de souhaiter que ses enfants aient une belle vie, parce que c’est à ça que servent les parents. Ensuite, bien sûr, je ne parle pas spécifiquement de mes enfants à moi, je veux dire par là que ce n’est pas pour moi-même que je m’inquiète, mais pour ceux qui me survivront, pour l’avenir, quoi. []